Anne Fulda reçoit Philippe Le Guillou pour son livre «Brest, de brume et de feu» dans #HDLivres
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00:00 -Bienvenue à l'Heure des livres, Philippe Leguillou, nous sommes ravis de vous recevoir.
00:03 Alors ça fait plus de 40 ans sans parler que vous écrivez des romans,
00:07 "Les marées du Faou", "Le testament breton" et là vous venez d'écrire "Brest, de brume et de feu",
00:11 un livre qui est paru aux éditions Gallimard.
00:14 Un très beau livre écrit dans une belle langue pure et qui mêle récit autobiographique et réalité.
00:23 Vous écrivez d'ailleurs, il y a quelque chose d'élément autobiographique,
00:27 vous dites que c'est un livre qui se déploie sous l'égide d'une sorte de mentir vrai,
00:33 avec quelques figures marquantes, notamment celle de votre grand-père maternel, Gabriel,
00:39 un enfant naturel qui est né au début du XXe siècle et qui s'est élevé par l'école.
00:44 Et ça c'est un fil que l'on voit dans tout le livre.
00:47 -Oui, il était né en 1902 et il va donc faire des études tout à fait banales dans l'école communale.
00:54 Il est né à un petit village du Finistère qui s'appelle Cisun et il va donc entrer dans la marine,
00:59 à l'école des Mousses et il entre en avril 1918, juste avant la fin de la guerre,
01:07 et il gagne donc Brest, où est cette école des Mousses, à pied, depuis son village de Cisun.
01:14 Et c'est le début du livre, en quelque sorte, je me mets dans ses pas
01:17 et je vais après finalement dérouler, déployer l'histoire de Brest en évoquant cette figure
01:23 de mon grand-père maternel, de mon grand-père paternel ensuite,
01:26 et puis aussi de ma propre histoire, parce que j'ai moi-même commencé ma carrière de professeur
01:31 il y a plus de 40 ans à Brest.
01:33 -Vous venez de le dire justement, vous avez été professeur, d'ailleurs vous parlez du mot enseigner.
01:38 Enfin on voit en tout cas que ce fait d'enseigner, de transmettre, d'être un passeur,
01:43 c'est quelque chose de fondamental, ça l'a été pour votre grand-père, ça l'est pour vous.
01:48 Vous évoquez très joliment, lorsqu'il est dans cette salle de classe, d'abord ses relations avec son instituteur,
01:54 qui a été plus qu'un instituteur, presque un tuteur.
01:57 Vous évoquez le dictionnaire, la fameuse importance du dictionnaire,
02:03 la France hydrographique qu'il connaît par cœur.
02:06 Et puis évidemment il y a un personnage qui est toujours là, qui est la Bretagne, et Brest,
02:10 quelle drôle de ville, une ville vraiment singulière, vous la décrivez très bien.
02:14 C'est vrai qu'elle est singulière.
02:18 -Elle est d'autant plus singulière si vous voulez qu'on ne voit rien,
02:21 le promeneur qui va à Brest aujourd'hui ne voit rien de cette ville ancienne qu'ont connue mes grands-pères,
02:26 parce qu'elle a été copieusement bombardée, plus de 2000 bateaux ont été coulés dans le port,
02:32 et c'est une ville totalement détruite, qui va être donc rebâtie, reconstruite après la guerre.
02:39 Mais le promeneur qui s'aventure à Brest aujourd'hui voit une ville un peu minérale, bétonnée,
02:44 pour ne pas dire soviétique, des rues rectilignes dans lesquelles s'engouffrent
02:49 les vents, les courants d'air et les oiseaux marins,
02:52 et quelque chose qui peut même passer aux yeux d'un certain nombre de personnes comme inhospitalier,
02:56 ce n'est pas du tout la ville pittoresque que peint Macorland ou que peint Genet,
03:00 et que j'évoque aussi évidemment dans ce livre,
03:04 c'est la ville qu'ont vue mes grands-pères avant la destruction des années 40.
03:09 - Et vous le citez aussi, Julien Gracq, une ville de Max Ernst, tragique et sacrificielle.
03:14 - Julien Gracq qui regarde la ville depuis la pointe des Espagnols, c'est-à-dire la presqu'île de Crozon en face,
03:18 et c'est là d'ailleurs un des points de vue les plus beaux que l'on ait sur cette ville,
03:21 qui a une situation tout à fait exceptionnelle, parce qu'on a l'impression que la ville est au bout des terres,
03:26 c'est la dernière ville finalement avant les vagues, avant l'Atlantique, avant l'Amérique,
03:30 et on a l'impression aussi que la ville glisse vers la rade, que la ville descend vers la mer,
03:35 les rues descendent progressivement vers le port.
03:39 - Et pourtant, malgré cette austérité apparente, vous dites à un moment qu'il y avait de la poésie,
03:45 est-ce qu'il y a encore de la poésie dans le reste de l'histoire ?
03:47 - Alors vous savez, les gens sont toujours très divisés quand il est question de Brest,
03:50 certains disent "oh là là, c'est une ville épouvantable, il pleut tout le temps, c'est très gris, c'est très mélancolique",
03:54 moi je suis un fervent amateur de Brest, donc je ne tiendrai pas ce discours.
03:59 Il y a une poésie pour qui sait la voir, pour qui sait la découvrir, ça ne se donne pas, ça ne se livre pas.
04:05 Et en particulier, et ça ce qui était très beau, c'est d'ailleurs Jeunet, il avait dit, je le cite,
04:09 dans "Querelle de Brest", ce qui est particulier aussi à Brest, c'est la lumière, la beauté de la lumière,
04:14 la lumière qui est toujours un peu mouillée puisque le grain, la pluie menace,
04:18 et donc cette vibratilité de la lumière, et Jeunet allait jusqu'à dire que la lumière brestoise
04:23 avait quelque chose d'une lumière vénitienne, et donc j'établis aussi dans le livre
04:27 une sorte de parallèle de typétique entre Venise et Brest, mais évidemment,
04:31 le roman se focalise essentiellement sur Brest.
04:34 - Alors c'est difficile de résumer un livre qui est très divers, tout fut, mais sans qu'on s'y perde,
04:41 qui vraiment se lit très facilement, c'est écrit d'une belle plume.
04:45 Il y a des évocations littéraires, vous venez de parler de Jeunet, Robbrié,
04:50 et puis il y a aussi des rencontres littéraires, parce que vous entrevenez des éléments autobiographiques,
04:54 on terminera là-dessus, notamment la figure de Simone Gallimard, qui a été votre éditrice.
04:59 Quel personnage !
05:01 - Parce que je suis à Brest, jeune professeur, lorsqu'un lundi après-midi d'avril 1983,
05:06 Simone Gallimard, que je n'ai encore jamais rencontrée, m'appelle pour me dire
05:09 qu'elle va publier mon premier livre, "Au mercure de France",
05:13 donc vous imaginez effectivement mon émotion, donc évoquant effectivement cette ville,
05:16 c'est aussi une ville de la littérature, évidemment, à travers les figures illustres
05:21 que vous avez citées, mais aussi dans ma vie personnelle, puisque c'est là que j'ai commencé à écrire,
05:25 et puis j'étais très sensible d'ailleurs à ce que vous parliez aussi de passeurs,
05:27 c'est là que j'ai commencé mon métier de professeur, j'en avais d'ailleurs une approche assez traditionnelle,
05:31 pour moi c'est le passeur qui compte, et mes grands-pères d'ailleurs ont été ces passeurs,
05:34 parce que c'est par leur récit que j'ai découvert aussi la magie, la beauté, la richesse de l'histoire de Brest.
05:40 - Il y a aussi des rencontres plus personnelles, des personnages, je ne sais pas, fictifs ou réels, avec Hélène.
05:46 - C'est pour ça que c'est un... alors Hélène est tout à fait, hélas, un personnage de ma vie que j'ai perdu,
05:50 foudroyé par une affreuse maladie il y a plus de 15 ans, c'est pour ça qu'on parlait aussi de mentir vrai,
05:55 c'est un roman, c'est-à-dire qu'il se glisse aussi dans ce livre une part de fiction,
05:59 tout n'est pas, si vous voulez, un simple compte-rendu biographique ou autobiographique.
06:03 - En tout cas c'est un très beau livre, donc ça s'appelle "Brest, de brume et de feu",
06:07 c'est paru aux éditions Gallimard, merci beaucoup Philippe Leguillou.
06:10 - Merci à vous.
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