Mort de Louise : comment la Police Judiciaire enquête dans l'urgence sur ce type d'affaire ? Écoutez l'interview du commissaire Jean-Paul Megret, secrétaire national du syndicat indépendant des commissaires de police.
Regardez L'invité d'Amandine Bégot du 12 février 2025.
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00:00RTL Matin
00:02Avec Amandine Bégaud et Thomas Sautaud
00:05Il est 8h17, l'interview d'Amandine Bégaud alors que l'enquête sur le meurtre de Louise semble proche de son dénouement.
00:10Amandine, vous avez eu envie de savoir comment travaillent les policiers sur de telles affaires.
00:14Alors vous avez choisi de recevoir ce matin le commissaire Jean-Paul Maigret.
00:17Il est à la fois le patron d'un des plus gros services de police judiciaire du pays,
00:20mais également le secrétaire national du syndicat indépendant des commissaires de police.
00:24Bonjour et bienvenue à vous.
00:25Bonjour et merci d'être là.
00:27Je précise que vous n'êtes pas en charge de l'enquête, mais vous connaissez parfaitement ces méthodes de police judiciaire
00:32puisque vous êtes à la tête du service départemental de police judiciaire de Seine-Saint-Denis.
00:36Vous avez donc l'habitude de ce genre d'enquête.
00:39Le principal suspect, on le rappelait dans le journal il y a quelques minutes, est toujours en garde à vue ce matin.
00:45Son ADN, le procureur de la République l'a confirmé, a bien été retrouvé sur le corps de Louise.
00:50Pourquoi continuer à l'interroger ? Pourquoi prolonger sa garde à vue et celle de trois autres membres de sa famille d'ailleurs ?
00:57Alors, le principe c'est que nous sommes là pour avoir un certain nombre de preuves.
01:01Il ne s'agit pas d'en avoir une seule, mais d'en accumuler un certain nombre.
01:04Et surtout derrière tout ça, de connaître les motivations, les explications de celui qui est suspecté d'avoir commis un acte aussi grave.
01:12Donc on va continuer à l'auditionner.
01:14On va lui demander pourquoi on trouve son ADN, pourquoi il a donc eu un contact physique avec la victime.
01:21Comment il peut expliquer que la victime, d'après ce qui est dit, ait des traces d'ADN sous les ongles.
01:27Essayer d'avoir une version la plus évidente possible et la plus complète.
01:34Pour qu'après, dans le cadre de l'instruction, on continue le profil psychologique de la personne qui sera certainement mise en examen.
01:42Et pour arriver à un procès pénal où on puisse expliquer, et c'est bien le moins aux familles des victimes,
01:48comment s'est passé ce drame et les motivations de la personne.
01:53Parce que ça interroge tout le monde.
01:54On est d'accord que l'ADN, c'est une preuve irréfutable de l'ADN.
01:58Sous les ongles de Louise, ça laisse peu de doute.
02:00Alors, l'ADN sous les ongles d'une victime, c'est vrai que ça fait plus qu'interroger et c'est un élément majeur.
02:07Mais quand vous regardez les enquêtes, il ne suffit pas de ça.
02:11Il va y avoir la vidéosurveillance qui va vous permettre d'attester que c'est bien la même personne qui était là
02:17et que ce n'est pas un précédent transfert d'ADN au cours d'un contact qui aurait eu lieu quelques heures avant.
02:24Il va y avoir tout le travail éventuellement sur de la téléphonie qui nous permet de savoir si les gens étaient présents sur la zone où ont eu lieu l'effet.
02:33Et tout ce travail de fourmi est mené par plein d'enquêteurs en même temps pour pouvoir arriver à avoir un puzzle complet.
02:42Et c'est une véritable course contre la montre parce qu'on a une garde à vue qui dure 48 heures.
02:47Avant la garde à vue, on est arrivé sur un dispositif qui était un dispositif de scène de crime évidemment absolument atroce.
02:55Ce n'est pas à faire au meurtre d'une jeune fille mais de toute façon toute scène de crime est nécessairement atroce.
03:03C'est le professionnalisme des fonctionnaires de police qui sont spécialisés qui vont immédiatement se répartir les tâches selon leur spécialité
03:10parce que c'est les premières heures qui permettent de collecter le plus d'éléments de preuves, preuves techniques, traces biologiques, traces technologiques.
03:20Tout est important dans une enquête et pour qu'on comprenne bien, ce n'est pas parce qu'il y a des gardes à vue,
03:26il n'y a pas que les enquêteurs qui auditionnent un suspect ou un gardé à vue qui travaillent.
03:32Il y a toute une équipe autour qui continue les investigations.
03:36Vous avez ceux qui vont être dédiés à faire l'audition, qui parce qu'ils ont un profil qui va pouvoir
03:42matcher avec le gardé à vue vont pouvoir tisser un lien qui va permettre de le faire parler.
03:50Et puis il y a tous ceux autour qui font à la fois les actes formels et on est quand même avec des gardes à vue qui ont beaucoup d'actes formels,
03:58d'appels, de mentions de droits et de l'autre ceux qui continuent à mener l'enquête dans des dispositifs techniques
04:04et parfois aussi à travailler en même temps sur d'autres pistes.
04:08On l'a vu dans cette enquête, il s'agit de ne négliger absolument aucun élément.
04:12Il y a eu deux séries de gardes à vue avant celles qui sont en cours en ce moment effectivement dans cette affaire,
04:17un couple d'abord très vite alors même qu'on n'avait d'ailleurs pas retrouvé le corps de Louise et puis un jeune homme et sa mère.
04:24Ça ne veut pas dire que les enquêteurs, et vous me pardonnerez l'expression, ont patouillé à ce moment-là, au contraire ?
04:30Non, dès qu'on a une piste, on va au bout de cette piste. Pourquoi ?
04:35Parce que sinon quand on arrive au procès pénal, tout peut être reproché puisque la partie accusée a des avocats
04:43qui vont contester le plus de choses possibles, même des évidences, des vidéos peuvent être contestées
04:50et donc l'objectif c'est de ne pas avoir une seule preuve ou une seule piste
04:54pour qu'on nous reproche d'avoir été uniquement à charge dans un sens et pas dans tous les sens possibles.
05:01Ce qui veut dire que tout ce qu'on a comme piste, on a pensé à ce qui a été dit avec cette carte d'identité trouvée,
05:06la carte d'identité retrouvée, il faut convoquer, il faut le placer en garde à vue parce que ça crée des droits
05:13et qu'il nous explique pourquoi on a trouvé sa carte et après on continue à travailler autrement.
05:17Je reviens à la garde à vue qui est toujours en cours.
05:20Quand on dit au suspect, et est-ce que ça se passe comme ça d'ailleurs, on dit au suspect on a retrouvé votre trace ADN ?
05:26On ne le dit pas comme ça. D'abord, quand on auditionne un suspect dorénavant, il a son avocat avec lui.
05:33Pour des faits criminels, c'est filmé, en plus d'être retranscrit, ce qui d'ailleurs est quelque chose qui nous gêne en termes de lourdeur
05:41parce qu'étant donné que c'est filmé, on aimerait bien que ce soit juste filmé et pas effilmé et tapé sur le clavier de l'ordinateur,
05:48ce qui ralentit les échanges. Et on va petit à petit, c'est ce qu'on appelle la technique de l'entonnoir,
05:53essayer d'amener l'individu à nous expliquer ce qu'il faisait là, s'il a rencontré la victime, pourquoi il l'a rencontrée, comment ça s'est passé.
06:02Et à un moment donné, face à des éventuelles contradictions, on va lui dire, mais attendez, vous dites que vous ne l'avez pas vu, vous dites ça,
06:09et pourtant on a ces éléments-là. Alors là, vous parlez d'ADN, mais ça peut être sur d'autres éléments.
06:13Des gens qui vous disent, mais non, je n'étais pas là, ce n'est pas moi, et vous leur montrez que sur les vidéos, vous les voyez.
06:19Alors des fois, ces gens-là contestent même leur propre existence.
06:22Et l'objectif, c'est quoi, d'avoir des aveux, c'est ça l'essentiel ?
06:24Non, il s'agit d'avoir une explication la plus complète possible. Si vous avez des aveux qui sont circonstanciés, c'est un plus parce que vous comprenez mieux les faits.
06:32Mais l'important, c'est d'avoir l'ensemble des preuves pour que vous ayez un dossier complet, pour que le magistrat instructeur continue.
06:39Commissaire Jean-Paul Maigret, ce qui est sûr en tout cas, c'est que dans cette affaire, la vidéosurveillance a joué un rôle visiblement capital.
06:45Les policiers ont fait une enquête de voisinage à partir de cette image qui a été diffusée, où on voit un homme avec une doudoune noire,
06:52qui est en train de suivre Louise, peu après la sortie du collège. Il y a eu une capture d'écran de cette vidéo, qui a été montrée dans le voisinage,
07:00et c'est à ce moment-là qu'un certain nombre de personnes ont reconnu ce jeune homme de 23 ans qui est en garde à vue.
07:06Sans la vidéosurveillance, on ne serait pas remonté à lui, en tout cas pas si vite, c'est votre conviction ?
07:10On ne serait certainement pas remonté si vite, voire pas remonté. Et ce qui fait qu'aujourd'hui, la vidéosurveillance est tellement un élément fondamental
07:17que c'est un élément qui est aujourd'hui extrêmement contesté par les avocats de la Défense. Je vous donne un exemple.
07:23On a aujourd'hui des avocats qui contestent même la légalité de la pose d'une caméra de protection,
07:32de vidéo protection dans une commune, pour essayer de sauver leur client, parce que leur client est vu en train de mettre un coup de couteau
07:39et qu'il est très clairement identifié comme étant l'auteur. Donc on est sur des éléments qui, aujourd'hui, aident l'enquête,
07:46perturbent les gens qui font des atteintes aux biens comme des atteintes aux personnes, et qui vont insécuriser,
07:53et qui vont en même temps nous permettre de tirer des fils et de voir un peu le cheminement, aider à faire ce qui est les classiques,
07:59c'est-à-dire aller taper à toutes les portes, aller voir un peu si quelqu'un a entendu, vu quelque chose les jours précédents,
08:06et faire ce gros travail qui fait que les gens qui ont été sur ce dossier, ils sont partis dans le week-end et ils ne sont pas rentrés chez eux.
08:12Il y a combien de personnes mobilisées sur cette enquête ?
08:14On a eu déjà la fameuse battue dans la forêt qui a amené plus de 100 personnes, où là on a demandé à des unités de CRS,
08:23on a demandé à tout le monde, et sur un dossier comme celui-là, on a plusieurs dizaines de personnes, mais il ne faut pas être trop nombreux non plus.
08:30Il faut avoir des gens qui connaissent bien le dossier, qui sont spécialisés, et que chacun sache ce qu'il a à faire en matière de téléphonie,
08:37en matière de travail avec les techniciens PTS. Il faut être nombreux, mais pas trop nombreux.
08:42Merci beaucoup, commissaire Jean-Paul Maigret, secrétaire national du syndicat indépendant des commissaires de police.
08:48Merci de nous avoir expliqué et on a réussi un peu à comprendre, comme si on était en coulisses de ce qui se passait autour d'une telle affaire.