• il y a 6 mois
Écoutez l'interview du ministre de la Justice.
Regardez L'invité de RTL avec Amandine Bégot du 19 avril 2024

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Transcription
00:00 *Générique*
00:03 RTL 7h43, Amandine Végo vous recevez donc ce matin le garde des Sceaux.
00:07 Ministre de la Justice, Éric Dupond-Moretti.
00:09 - Bonjour monsieur le ministre et bienvenue sur RTL.
00:13 Merci d'être avec nous ce matin, vous avez une carrière d'avocat exceptionnelle, 36 ans de barreau,
00:19 145 acquittements où vous avez passé votre vie à expliquer, à comprendre, à défendre des délinquants
00:26 ou des criminels présumés, quand vous avez entendu hier le premier ministre dire "la culture de l'excuse c'est terminé".
00:32 Vous approuvez, vous dites banco ?
00:34 - J'ai défendu beaucoup de victimes aussi madame.
00:37 - Oui.
00:38 - Tant qu'à retracer une carrière, autant le faire complètement.
00:43 Mais la culture de l'excuse, ça signifie quoi ?
00:47 Ça signifie pas qu'on oublie qu'un gamin est un gamin,
00:51 ça ne signifie pas qu'on oublie que certains sont privilégiés par rapport à d'autres,
00:57 ça ne signifie pas que l'on oublie des différences sociologiques que l'on retrouve dans une traduction judiciaire.
01:06 Le gamin qui a été en général aimé, qui vient d'un milieu culturel favorisé,
01:12 il a moins de risque d'être délinquant qu'un autre.
01:15 Ça ne signifie pas cela dans la bouche du premier ministre.
01:18 Mais ça signifie en revanche qu'il faut regarder les choses avec lucidité.
01:22 Que la délinquance des mineurs a évolué, qu'elle est plus violente qu'autrefois,
01:28 qu'il y a un certain nombre de facteurs auxquels nous n'avions pas été confrontés.
01:32 Les réseaux sociaux peuvent expliquer un certain nombre de choses,
01:35 le malaise psychologique psychiatrique des adolescents qui est un vrai problème.
01:39 Donc il y a un certain nombre de facteurs nouveaux
01:42 qui nous conduisent vers une délinquance nouvelle et on ne peut pas rester les bras ballants.
01:46 - Il faut de nouveaux instruments et parmi les pistes évoquées hier,
01:50 il y a la question d'abord des parents.
01:52 On va reprendre chacune des pistes et des mesures annoncées par le premier ministre
01:55 et les détailler, les expliquer.
01:57 Réprimer les parents démissionnaires.
01:58 Éric Dupond-Moretti, ça fait des mois qu'on en parle.
02:01 Vous notamment, ici même, après les émeutes,
02:04 l'été dernier on avait parlé de sanctions de travaux d'intérêt général pour les parents démissionnaires.
02:09 Ça existe, on est d'accord.
02:11 Vous souhaitez que ce soit systématique aujourd'hui ?
02:13 - Non, non, on ne peut pas le résumer comme ça.
02:16 Pardonnez-moi de vous le dire.
02:17 C'est pas trop manichéen et un peu caricatural si vous me permettez cela comme réponse.
02:23 Bien sûr qu'on a déjà travaillé, évidemment, et on ne part pas de rien.
02:26 Et s'agissant des mineurs, je veux rappeler qu'on a fait voter et qu'on a porté
02:29 le code de justice pénale des mineurs
02:31 qui a pour premier effet de juger beaucoup plus vite.
02:34 Et le taux de réponse pénale, s'agissant des mineurs, il est de 99%.
02:39 Donc ça n'est pas rien.
02:40 On a déjà travaillé.
02:41 Il y a un certain nombre de mesures, vous avez raison de le dire, qui existent.
02:44 Il faut qu'on en mette d'autres en place.
02:46 Et moi je suis tout à fait favorable à cette idée du président de la République
02:50 qui est d'insérer cette réflexion dans un cadre.
02:53 Pourquoi dans un cadre ?
02:55 D'abord parce que nous sommes en majorité, et vous le savez aujourd'hui, relative.
02:59 Et qu'il faut qu'un certain nombre de ces mesures soient évidemment consensuelles.
03:05 Pour avoir une chance de passer, je parle bien sûr, des mesures législatives.
03:10 Et enfin parce que la délinquance des mineurs
03:13 et les phénomènes auxquels nous assistons, ça concerne tout le monde.
03:16 Donc nous distinguons en réalité les parents défaillants.
03:20 Et il faut rappeler que tout commence dans la famille.
03:24 Dans la famille, puis dans l'école, puis dans la société, le travail, etc.
03:28 Donc il faut que l'on sanctionne davantage les parents défaillants
03:32 et que l'on aide davantage les parents dépassés
03:36 en faisant un vrai distinguo entre les deux.
03:39 - Les parents dépassés, on les aide notamment avec cet internat.
03:42 C'est ça l'une des solutions ?
03:44 Vous serez à Nice lundi aux côtés du Premier ministre pour visiter l'un de ces établissements.
03:47 On a bien compris le principe, l'idée c'est d'extraire un jeune
03:50 avant qu'il ne tombe dans la délinquance,
03:53 de soulager des mamans qui sont souvent seules à éduquer leurs enfants.
03:57 Mais comment ça va se passer ? Qui va décider de ce placement ?
04:00 Et surtout, ce sont des internats dédiés,
04:02 où il n'y aura que des adolescents dans cette situation-là,
04:04 ou ça peut être des places un peu partout en France ?
04:07 - Vous avez résumé en quelques mots l'idée,
04:11 mais cette idée, elle nous est venue à la suite d'une vraie réflexion.
04:17 Le Président de la République m'avait interpellé un jour,
04:21 et c'était bien légitime, en me disant
04:23 "Mais comment on appréhende aujourd'hui un gamin de 12 ans,
04:27 qui n'a pas encore commis d'infraction,
04:29 ça c'est très important, parce que s'il commis une infraction...
04:33 - Il est pris en charge judiciaire.
04:34 - Il est pris en charge par la protection judiciaire de la jeunesse.
04:36 D'abord.
04:37 Ou qui n'est pas totalement en danger.
04:39 Et c'était une vraie question.
04:41 Et la réponse que nous apportons à cette question, c'est l'autorité parentale.
04:46 Parce que, vous élevez votre gamin, vous êtes seul par exemple.
04:51 Et d'ailleurs on a vu que 60% des émeutiers étaient élevés par une maman solo.
04:57 Qui peut avoir besoin d'aide.
04:59 Ça c'est le volet social des mesures.
05:01 Donc on va voir cette maman, et on lui dit
05:03 "Madame, est-ce que vous souhaitez que l'on vous aide ?
05:05 Si, la réponse est oui.
05:07 Et si on a au bas d'une page une signature de délégation de l'autorité parentale,
05:13 on peut prendre ce gamin, et puis le placer dans un internat.
05:17 On a 50 000 places qui sont disponibles.
05:20 - Mais ce sont les internats dédiés ?
05:21 - Attendez, attendez, non.
05:22 Non madame, on a 50 000 places qui sont disponibles.
05:25 Le Premier ministre l'a dit depuis longtemps dans sa déclaration de politique générale.
05:29 Et ce gamin, qu'est-ce qu'on lui donne au fond ?
05:32 D'abord on l'extrait d'un milieu qui peut être criminogène.
05:35 Et on le fait avant qu'il entre en délinquance.
05:38 Et puis on lui rappelle quelques valeurs de la République.
05:41 C'est une autorité, que je veux à cet âge-là, évidemment, bienveillante.
05:45 On aura des militaires, on aura des policiers, on aura des gendarmes, on aura de l'éducatif.
05:50 On aura bien sûr, et c'est un rôle important, de la protection judiciaire de la jeunesse.
05:55 Mais c'est un autre encadrement.
05:57 Et on dit à cette femme "Madame, est-ce que vous voulez un coup de main ?"
06:00 Et les moments, elles disent oui.
06:01 Et c'est ça qu'avec le Premier ministre, on va aller voir à Nice,
06:05 parce que c'est d'ores et déjà mis en place.
06:07 Mais on est pour le moment, j'allais dire, à titre expérimental.
06:11 Donc moi j'ai l'honneur lundi de descendre avec le Premier ministre.
06:14 On va aller voir ce qu'on a mis en place.
06:16 - Qui est déjà en fonctionnement aujourd'hui.
06:18 - Oui, mais à Nice pour le moment.
06:21 Et on va l'étendre partout en France.
06:23 Et on va dire aux parents, et je profite de ma présence à ce micro pour dire,
06:28 aux mamans qui sont dépassées, on est à vos côtés,
06:31 et on va vous donner un coup de main.
06:32 Parce qu'on a des mamans qui nous disent "Mais moi j'y arrive plus".
06:35 Et en général, ce sont des femmes modestes,
06:37 ce sont des femmes qui peuvent travailler la nuit dans les bureaux,
06:41 pendant que nous, nous dormons, pardon de le dire,
06:43 mais les femmes de ménage en particulier,
06:45 qui ont du mal, et on vient en aide.
06:47 Et puis, il y a un volet répressif, responsabilisation des parents,
06:52 qui ont démissionné.
06:54 - Sur le principe, vous l'avez déjà dit,
06:56 un enfant de 12 ou de 13 ans n'a rien à faire dans la rue
06:58 à 21h ou 22h sans un adulte.
07:00 On est d'accord.
07:01 Pourquoi pas décréter un couvre-feu partout, tout le temps ?
07:04 C'est ce que réclament beaucoup d'élus.
07:06 - Non mais, on envisage un placement de nuit pour les mineurs,
07:10 ça n'existe pas, ça fait partie des mesures.
07:12 - Mais pour ceux qui ont déjà un problème.
07:14 Mais pourquoi on ne dirait pas, un enfant n'a pas à être dans la rue à 22h seul ?
07:17 - Madame, le juge des enfants pourra décider
07:20 qu'il intervienne dans le cadre civil,
07:23 ou dans le cadre pénal,
07:25 un placement de nuit, ça n'existait pas.
07:27 Et les émeutes, pardon de le rappeler,
07:29 les auditeurs le savent, elles se sont déroulées la nuit.
07:32 On ne va pas fracasser des magasins en plein jour.
07:35 Donc ça, c'est une mesure nouvelle, elle est importante.
07:37 Je pense que c'est bien plus efficace que le couvre-feu.
07:41 Même si le couvre-feu est un outil dont on peut se servir,
07:45 - Dont Jacques Baer peut se servir.
07:47 - Mais pas de façon systématique.
07:49 - Le Premier ministre s'est dit prêt à ouvrir par ailleurs
07:52 le débat sur l'excuse de minorité,
07:54 et ça c'est l'autre gros volet qui va concerner votre ministère.
07:58 Face à la délinquance de masse, nos règles pénales doivent s'adapter.
08:01 Tout ça dans le respect de la Constitution.
08:03 Est-ce que c'est vraiment possible ?
08:04 Est-ce que c'est souhaitable, surtout ?
08:06 - Alors, Madame, on va dire ce qu'est l'excuse de minorité
08:09 d'abord pour les auditeurs qui nous écoutent.
08:11 - On divise la peine par deux.
08:13 Je simplifie avec un petit raccourci,
08:15 mais on divise la peine par deux.
08:16 Mais effectivement, les mineurs délinquants aujourd'hui
08:18 sont punis quand il faut qu'ils le soient.
08:20 - Il faut que j'y ajoute une autre nuance, pardon.
08:23 On ne peut pas déroger à cette excuse de minorité
08:26 pour les mineurs entre 13 et 16 ans.
08:30 D'accord ? On ne touche pas.
08:32 Pour les mineurs de 16 à 18, il y a cette règle,
08:35 on divise la peine par deux, sauf si le juge...
08:38 - Le décide.
08:39 - Décide, non. Sauf si le juge décide de ne pas accorder.
08:43 Alors, il y a eu par le passé...
08:44 - C'est très rare que le...
08:46 - C'est très rare, mais ça arrive.
08:47 Ça prend en considération à la fois la gravité des faits
08:50 et la personnalité de l'auteur.
08:51 Savoir s'il a déjà été condamné, etc.
08:53 Ça existe.
08:54 - Mais vous y êtes favorable à ce qu'on évolue sur ça ?
08:56 - Attendez, deux minutes, c'est pas tout à fait fini,
08:58 puisqu'il faut être clair, il faut être précis.
09:00 J'imagine que tous les auditeurs qui sont là,
09:03 qui vont au boulot, ne savent pas ce que c'est que l'excuse de minorité.
09:06 Bon.
09:07 On a déjà dérogé à ce principe, en 2007 notamment.
09:11 En disant quoi ? En disant,
09:12 désormais, il n'y a plus d'excuse de minorité
09:15 pour les 16-18,
09:17 mais le juge peut l'accorder.
09:19 On a inversé le principe, vous voyez ?
09:22 Et la Constitution n'a pas été, comment dirais-je, violée.
09:27 On a une décision du Conseil constitutionnel
09:30 qui est très claire à ce propos.
09:31 Bon.
09:32 Tout ça, ça s'examine.
09:33 Tout ça, ça se regarde.
09:34 - Mais vous, votre conviction à vous ?
09:35 - Ma conviction à moi, Madame.
09:36 Moi, je rentre dans un processus auquel j'adhère totalement.
09:40 Le Président de la République a rappelé
09:42 la concertation indispensable,
09:44 mon avis, pour le moment, a peu d'importance.
09:47 Parce que si je vous dis, voilà, toutes les mesures qui ont été arrêtées,
09:50 vous allez me dire, et vous aurez raison,
09:51 mais enfin, Monsieur le Ministre,
09:53 vos concertations, c'est du pipeau.
09:55 Donc, c'est pas du pipeau que l'on veut faire.
09:56 On veut faire de vraies concertations.
09:58 On veut discuter de l'ensemble des sujets.
10:01 Rien n'est exclu.
10:02 Tout est sur la table.
10:03 Ce que l'on veut, Madame,
10:04 huit semaines, a dit le Premier ministre,
10:06 c'est avoir un panel de mesures
10:08 efficientes, efficaces et applicables.
10:11 - Et d'un mot, parmi les mesures qui seront prises avant ces huit semaines,
10:13 il y a celle qui concerne la lutte contre les séparatismes.
10:15 Quand on agresse quelqu'un en raison du non-respect de principes religieux,
10:18 ce doit être retenu comme une circonstance aggravante.
10:21 Le Premier ministre l'a dit.
10:22 Vous allez prendre une circulaire, en ce sens, c'est pour quand ?
10:25 Ces prochains jours ?
10:26 Aujourd'hui ? Demain ?
10:28 - C'est en train d'être préparé.
10:29 Ce sera à la signature dans quelques jours, oui.
10:31 - Ça veut dire que ça peut concerner des cas, des affaires récentes ?
10:33 Je pense aux jeunes chez M.Sedin, par exemple,
10:35 à Vierrich-Atillon ?
10:36 - Oui, très clairement.
10:38 On agresse quelqu'un parce qu'il est juif.
10:41 Cette discrimination est une circonstance aggravante.
10:44 Mais on agresse quelqu'un parce qu'il n'a pas fait le ramadan, par exemple.
10:50 - Ou pas porté le voile.
10:51 - Ça peut être retenu, mais ça ne l'est pas toujours.
10:53 Et c'est ce que je vais rappeler au procureur,
10:55 dans cette circulaire qui va sortir dans les heures qui viennent.
11:00 Elle est en préparation.
11:01 On a déjà évoqué ces questions.
11:03 - Charia en trisme, vous aurez...
11:04 - Dans les nombreuses réunions qu'on a eues sur cette question fondamentale
11:07 d'une meilleure prise en charge de la délinquance des mineurs.
11:10 - Merci beaucoup, Éric Dupond-Moret.
11:11 - La délinquance des mineurs est plus violente qu'autrefois.
11:13 contrefois on ne peut pas rester les bras ballants.

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