COLD CASE - La lieutenante-colonelle Marie-Laure Brunel-Dupin est l'invitée de Amandine Bégot

  • il y a 5 mois
Marie-Laure Brunel-Dupin est la patronne de Diane, la Division nationale des enquêtes non élucidées de la gendarmerie nationale.
Regardez L'invité de RTL du 16 avril 2024 avec Amandine Bégot.

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00:02 RTL matin
00:06 RTL 7h43, elle a été la toute première profileuse, même si elle n'aime pas le terme, de la gendarmerie et dirige aujourd'hui la Diane, la
00:14 division des affaires non élucidées. Amandine Bégaud, vous recevez ce matin le lieutenant-colonel Marie-Laure Brunel-Dupin.
00:19 Alors la Diane, on en parle très souvent au lieutenant-colonel, ici même, quand on évoque les fameux "cold case", ces affaires non élucidées.
00:27 On va le dire tout de suite, ça n'est pas que ça la Diane, expliquez-nous.
00:31 Oui, on entend souvent la Diane comme la division des "cold case" et en fait la Diane c'est la division des affaires non élucidées de 2h à 30 ans.
00:38 On est capable d'intervenir sur des affaires
00:41 actuelles et
00:44 contemporaines, des affaires anciennes, inactives, anciennes et actives. Notre champ est très large,
00:49 mais on n'est pas la division des "cold case", on a beaucoup d'autres affaires
00:53 chaudes. Au sein de cette division, il y a 23 personnes qui travaillent, dont vous, des enquêteurs, j'allais dire
00:59 classiques, même si leur travail n'est pas classique, puisqu'il s'agit de reconstituer notamment des parcours de criminels ou autres. Et puis il y a ces fameux
01:07 "profileurs", les "analystes comportementaux", c'est comme ça que vous souhaitez qu'on les appelle et c'est comme ça qu'on doit les appeler.
01:14 Qu'est-ce que c'est que ce métier ?
01:17 Alors c'est effectivement l'analyste comportemental, c'est le nom qu'on a trouvé parce qu'il est révélateur
01:23 du métier. On analyse des scènes de crime pour comprendre quelle est la personnalité de l'auteur capable
01:29 potentiellement d'avoir commis ce crime. C'est à dire, c'est pas ranger des suspects comme on le voit dans les séries,
01:35 c'est partir de la scène de crime, de ses éléments objectifs
01:38 pour arriver à en dresser le profil de l'auteur, son profil psychologique,
01:44 et pour orienter les investigations
01:48 et comprendre ce qui s'est passé sur cette scène de crime, c'est déjà commencer à le résoudre un peu. Donc ça oriente les enquêteurs,
01:55 ça leur donne des suggestions d'investigation,
01:57 et quand ils ont des suspects, ça permet de
01:59 regarder ces
02:02 suspects, on appelle ça à travers le filtre du profil,
02:05 pour voir s'il y en a qui matchent ou pas avec le profil.
02:08 Et comment à partir d'une scène de crime on peut déterminer un profil psychologique ?
02:11 Alors c'est à partir de ses éléments objectifs, donc c'est à dire la criminalistique, le mode opératoire, mais aussi le contexte,
02:18 et bien sûr toute la victimologie,
02:20 tout ce qui s'est passé, tout ce qui a été enlevé ou ajouté.
02:25 Par exemple, si on prend l'exemple d'un mégot de cigarette qui est retrouvé sur une scène de crime,
02:29 l'enquêteur classique, il va chercher une trace ADN pour essayer de faire matcher justement avec quelqu'un.
02:35 Vous, qu'est-ce que vous regardez sur ce mégot ?
02:37 Alors, en fonction des circonstances, parce que c'est pas un élément qui a une signification,
02:41 en fonction des circonstances, un mégot de cigarette sur une scène d'enlèvement où on sait par un témoin que c'est l'auteur
02:46 qui l'a enlevé, ce qui va nous intéresser, ça peut être s'il y en a un, s'il y en a plusieurs, combien de temps,
02:51 à savoir s'il a fumé longtemps avant d'enlever cette personne.
02:56 La façon dont la cigarette a été fumée aussi ?
02:58 Alors pas forcément, parce que là, après ça va faire mentaliste et on va se retrouver dans une autre série télé.
03:04 Mais de savoir, oui, s'il a pris son temps ou si c'est très impulsif.
03:09 Vous disiez, la Diane ne traîne pas que des vieilles affaires, elle traîne des affaires qu'elle ait 30 ans ou quelques heures.
03:15 Ça veut dire que, par exemple, vous avez pu être sollicité sur la disparition du petit Émile ?
03:20 Ça veut dire qu'on travaille sur les affaires complexes d'atteinte aux personnes et sur les affaires actuelles, on ne peut pas en parler.
03:25 Vous ne pouvez pas nous confirmer si vous travaillez ou pas sur cette affaire ou si vous y avez travaillé,
03:30 mais sur une affaire comme celle-ci, une disparition d'enfant concrètement, quel peut être votre rôle ?
03:36 Alors sur des disparitions, ce qui est notre plus-value, c'est finalement d'utiliser nos 20 ans d'expérience sur ces affaires non élucidées
03:45 pour ne pas risquer de faire avec les affaires actuelles les "call case" de demain.
03:50 Donc le principe, c'est d'apporter notre expérience, on appelle ça dans le jargon militaire la fonction "retex".
03:56 C'est prendre en compte tout ce qui n'a pas marché sur des affaires qui aujourd'hui sont non élucidées
04:01 pour pouvoir donner des conseils aux enquêteurs, de précautions à prendre, pas des précautions techniques,
04:08 mais plutôt en termes d'audition, en termes de temps et d'espace.
04:13 Une scène d'enlèvement, c'est déjà une scène.
04:16 C'est pas une scène de crime, mais c'est une scène.
04:18 C'est déjà une scène, il y a déjà des informations, des choses à comprendre.
04:21 Quelles informations sur une scène de disparition ?
04:23 Alors ça peut être les moyens d'accès de cette scène, donc moyens d'entrée, moyens de partir, les vis-à-vis.
04:33 La scène est déjà une scène de prise de risque ou pas, si c'est un enlèvement.
04:37 Donc est-ce que c'est un endroit tranquille, sur un parking de supermarché ou dans un champ ?
04:43 On est sur une scène d'enlèvement ou de disparition et c'est déjà pas le même contexte.
04:51 Donc on a comme ça plein de choses à analyser pour pouvoir aider les enquêteurs.
04:56 Les analystes comportementaux, vous le disiez, peuvent intervenir sur une scène de crime.
05:00 Ils peuvent aussi être rappelés une fois qu'un suspect est interpellé.
05:03 C'est ce qui s'est passé par exemple avec Jacques Rançon, qu'on a appelé le tueur de la gare de Perpignan,
05:08 condamné, je le rappelle, à la réclusion, à criminel à perpétuité pour plusieurs meurtres et viols.
05:13 C'est vous, en tout cas c'est cette méthode qui a permis d'obtenir ces aveux ?
05:17 Alors c'est un travail d'équipe, je n'aime pas...
05:19 Oui, mais ce n'est pas vous !
05:20 Non, moi je n'ai résolu aucune affaire et vous pouvez revenir dans dix ans, ce sera toujours zéro.
05:25 En revanche, j'ai participé à beaucoup d'affaires qui ont été élucidées.
05:29 Donc ça c'est ça la particularité.
05:32 Effectivement, l'aides comportementales ça démarre de la scène de crime.
05:35 Quand on a bien compris cette scène, on investigue mieux.
05:37 Et quand on a bien compris et la scène et le suspect qui va être en garde à vue, on pose mieux les questions.
05:42 Donc on s'est préparé pour Jacques Rançon avec toute l'équipe de la section de recherche d'Amiens.
05:47 Parce qu'il faut savoir que la Diane, ce n'est pas elle qui reprend toutes les affaires toute seule.
05:50 C'est bien une association de toutes les sections de recherche de France.
05:53 Vous êtes dépêchée sur place aux côtés des enquêteurs selon les besoins.
05:57 On est d'appui et donc on est venu au profit de cette section de recherche pour préparer cette garde à vue.
06:03 Et pour les assister en direct pour essayer de dégager la vérité.
06:07 Puisqu'il ne s'agit pas de faire avouer les innocents mais bien d'obtenir la vérité.
06:11 Mais comment on fait concrètement ? On observe les faits, les gestes ? On travaille sur son passé ?
06:17 On travaille sur son passé, sur la façon dont il a été interrogé, sur la façon dont il s'est comporté sur ses précédentes gardes à vue.
06:24 On travaille sur la scène, on travaille sur sa personnalité.
06:28 Si on a des informations sur sa personnalité, si on a des expertises.
06:31 En l'occurrence pour Jacques Rensault, on en avait.
06:33 Donc on s'est préparé à cette personnalité pour bien orienter les questions et pour faciliter le dialogue et la conversation avec lui.
06:42 L'idée, ce n'est pas comme dans les films où on est la lampe braquée sur lui.
06:48 Et comme on dit dans le jargon, on lui parle très près de la bouche pour l'intimider.
06:52 On n'est pas sur ça, on n'est pas non plus en train de prendre le thé.
06:57 On est sur une garde à vue neutre, propre, carré, qui respecte la personne.
07:03 Sauf qu'il faut trouver le point de détail pour faire parler.
07:05 C'est ça, il faut le trouver.
07:07 Et il faut trouver quelle est la faille psychologique, si elle existe, pour qu'il ait envie de nous dire la vérité.
07:15 Et en l'occurrence pour Jacques Rensault, ce qu'il avait fait réellement.
07:18 Et c'est ce qu'il a fait à la 47e heure de garde à vue.
07:21 Lieutenant-colonel Marie-Laure Brunel-Dupin, vous avez été la première profileuse de la gendarmerie il y a 23 ans.
07:29 C'est assez récent. Je raconte juste l'histoire pour les auditeurs, parce que je trouve que c'est incroyable.
07:33 Vous êtes étudiante et vous écrivez au patron de la gendarmerie de l'époque en lui disant
07:37 "Vous avez besoin de moi, mais vous ne le savez pas encore".
07:40 Ce qui est quand même stupéfiant.
07:42 Il vous répond à votre lettre en disant "Venez me voir, ce passe en plus en 24 décembre".
07:46 Bref, c'est digne d'un film.
07:49 Et ce qui est étonnant, c'est que c'est très récent finalement ces techniques-là au sein de la gendarmerie.
07:53 Très récent, ça a 20 ans quand même.
07:56 Aujourd'hui, on a rattrapé le retard par rapport aux autres pays.
07:59 On était très en retard.
08:00 Aux autres pays, on avait une vingtaine d'années de retard.
08:02 Et 20 ans plus tard, on a rattrapé les 20 ans de départ.
08:07 Pour tous ceux que ça passionne, vous publiez ce livre, ça s'appelle "Serrez les dents".
08:12 C'est aux éditions Black Lab.
08:14 C'est un roman, c'est l'histoire de la gendarme Mina Lacan et de son équipe d'analystes comportementaux.
08:20 Livre que vous avez co-écrit avec Valérie Perroné.
08:24 C'est vous, Mina Lacan, ou pas ?
08:25 Non, ce n'est pas moi, mais elle est très inspirée de moi et de certaines de mes particularités.
08:31 Il y a un moment au début du livre où vous racontez cette scène
08:35 où les autres gendarmes ne comprennent pas tout à fait votre métier.
08:39 Ils imaginent un truc un peu ésotérique, voire carrément magique.
08:42 Un genre super intuition de la mort qui va faire apparaître le coupable comme par enchantement.
08:48 Ça vous est arrivé qu'on vous prenne comme ça pour magicienne, sorcière ?
08:52 On nous a pris pour des médiums.
08:54 Il y avait même une époque où on disait "moi j'y crois" à l'analyste comportemental.
08:58 On expliquait que ce n'est pas une religion, c'est un outil.
09:01 C'est scientifique.
09:02 On ne croit pas à un marteau, on l'utilise si on en a besoin pour enfoncer un clou.
09:06 Si on a besoin de l'analyste comportemental pour comprendre un crime complexe,
09:09 parce que ça ne s'applique pas à tous les hommicides de France, heureusement,
09:13 mais on l'utilise comme un outil.
09:16 Ça a été un vrai combat pendant quelques années et aujourd'hui ce n'est plus un sujet.
09:20 C'est pour ça que vous vouliez au départ intégrer la gendarmerie pour pouvoir développer ça ?
09:26 Vous n'auriez pas pu le faire si vous n'étiez pas en bleu ?
09:28 Oui, je pense que c'était une étape indispensable.
09:32 C'est ce qu'on raconte aussi dans les romans,
09:34 de pouvoir parler à un enquêteur en étant déjà habillé comme lui
09:40 et pouvoir s'associer à lui dans l'enquête, au plus près de l'enquête.
09:46 Pour ça, il fallait devenir gendarme.
09:48 Un choix qui me semblait évident pour la pratique et qui aujourd'hui est parfaitement dans mon ADN.
09:55 Un grand merci.
09:57 Je rappelle ces deux livres, "Serrez les dents" coécrit avec Valérie Perronay,
10:01 qui est sorti il y a quelques jours.
10:02 Et puis il y avait le tome 1, "Avant que ça commence",
10:05 qui est sorti en édition de Poche il y a quelques jours.
10:09 Ce n'est pas tout à fait la réalité, mais on lit ça comme un vrai polar.
10:13 C'est assez fantastique.
10:15 Et il y aura une suite, je crois.
10:17 Oui, c'est inspiré d'affaires réelles qui sont maquées et transformées.
10:20 La partie carrière et gendarmerie est réelle.
10:23 C'est prévu pour ne pas être des épisodes, mais raconter une carrière complète.
10:26 Aujourd'hui, j'ai 24 ans de carrière.
10:30 Je précise.
10:32 Et donc, il y aura normalement une suite.
10:35 - Bien, merci. - Merci à vous.

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