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Sécurité européenne : la France réunit les principaux pays d'Europe à Paris. Regardez l'analyse de Cyrille Bret, géopoliticien, chercheur associé à l'institut Jacques Delors .
Regardez Les trois questions de RTL Petit Matin avec Jérôme Florin du 17 février 2025.

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Transcription
00:006h13 sur RTL, comment se défendre sans les Américains face à l'appétit russe ?
00:10C'est la grande question qui sera sur la table aujourd'hui à l'Elysée.
00:13Réunion d'urgence autour d'Emmanuel Macron, plusieurs dirigeants européens seront là,
00:17allemands, polonais et même britanniques.
00:20Bonjour Cyril Brett.
00:21Bonjour.
00:22Vous êtes géopoliticien, maître de conférence à Sciences Po Paris et chercheur associé
00:26à l'Institut Jacques Delors, merci d'être avec nous ce matin.
00:29Qu'est-ce qui peut se décider aujourd'hui ? C'est d'abord un message, l'Europe pèse
00:33ou il y aura plus que ça ?
00:34Je pense qu'il y aura deux messages.
00:36D'abord une protestation et ensuite une proposition, une protestation.
00:40Les Européens ont été exclus de la table des adultes dans la grande négociation qui
00:46va s'ouvrir entre les Etats-Unis et la Russie et donc il faut que les Européens protestent.
00:50Ils ne peuvent pas être acteurs de la crise et ensuite ne pas être consultés et ne pas
00:55être associés à l'élaboration de la solution.
00:58Sinon les Etats-Unis vont tout simplement décider de ce que feront les Européens à
01:05leur place.
01:06Vous avez entendu Keith Kellogg, l'émissaire spécial américain, sur la question ukrainienne.
01:09Il a dit qu'une présence européenne à la table des débats ne se produira pas.
01:13Oui, dans ce cas-là.
01:14Finito, on ne sera pas là.
01:15Les Européens n'auront pas à payer l'addition et les Européens devront, et c'est ça le
01:20deuxième volet, faire une proposition.
01:22Ils doivent faire leur propre proposition de plan de paix, ils doivent faire leur propre
01:26proposition de reconstruction de l'Ukraine et de garantie pour sécurité de l'Ukraine.
01:30Il n'y a aucune raison que un conflit qui se déroule sur le sol européen et qui met
01:34en jeu la sécurité des Européens soit résolu autant que possible sans que les Européens
01:39soient des acteurs prépondérants.
01:41Nous ne sommes pas des enfants de la géopolitique, nous devons être à la table des adultes.
01:45C'est ce que nous disons, mais est-ce que nous avons des cartes dans notre jeu pour
01:48nous faire entendre ? Est-ce qu'on a des moyens de pression ou de chantage sur les
01:52Etats-Unis ?
01:54Oui, l'Europe est la plus grande économie, l'Europe est le principal bailleur de toutes
01:58les reconstructions à travers le monde, l'Europe est dotée de trois grandes puissances militaires
02:03qui n'hésitent pas à utiliser cette force, la Pologne, le Royaume-Uni et la France, et
02:07l'Europe est également le frontalier de l'Ukraine.
02:11Sans l'Europe, l'Ukraine ne peut pas être alimentée.
02:14Oui, nous avons tous les leviers d'action sur les Etats-Unis, il ne faut pas hésiter
02:18à les actionner, ce n'est pas au nom de l'Occident et des valeurs partagées que
02:24les Etats-Unis peuvent nous tordre le bras et nous traiter en enfants.
02:28Et il faut dire qu'on est prêt à envoyer nos soldats, comme le fait ce matin le Premier
02:31ministre britannique, Kirsten Ermer ?
02:33Si nous ne sommes pas prêts à payer le prix du sang pour défendre nos propres intérêts,
02:38ça n'est pas la peine de vouloir peser sur notre propre destinée, autant se faire
02:42directement diriger par un gouvernement étranger.
02:45Mais avec quelle armée, Cyril Braide ? Parce qu'aujourd'hui, on est un peu nu, excusez-moi,
02:50mais la Pologne a un budget défense conséquent, c'est 4% de son PIB, bientôt 5%, en France
02:56on est à 2%.
02:57Et on a du mal à boucler déjà notre budget qui ne change pas grand-chose, alors si on
03:01va demander, on ne va pas demander aux gens de payer plus pour leur armée.
03:04Aujourd'hui, c'est inenvisageable, vous êtes d'accord avec ça, non ?
03:07Il y a deux volets, il y a le nombre de soldats.
03:10Si on compare le nombre de soldats disponibles en Europe aguerris aux soldats américains
03:15qui sont stationnés en Europe, évidemment la superpuissance militaire, c'est l'Europe,
03:19ce n'est pas les Etats-Unis.
03:20Et en ce qui concerne les dépenses, c'est un choix collectif.
03:23Si nous souhaitons ne pas subir et ne pas être condamnés au déclin comme les Etats-Unis
03:31manifestement le souhaitent, sans parler de l'archipel, il faut en payer le prix,
03:35nous avons les moyens d'emprunter collectivement à des taux qui sont extrêmement avantageux,
03:40les moyens également technologiques de relancer notre effort de défense, c'est une affaire
03:46de volonté.
03:47Oui, c'est une affaire de volonté, mais on voit bien que personne n'est d'accord.
03:50Il faut quand même rappeler qu'en 2024, les dépenses russes de défense ont été
03:54supérieures à toutes les dépenses de défense en Europe et en Grande-Bretagne.
03:59On est des nains.
04:00Ah non, ce chiffre est faux, c'est 6% du PIB, c'est 6% de la richesse nationale russe
04:06qui est consacrée à la défense, la richesse nationale russe.
04:09C'est celle de l'Espagne, c'est un nain économique.
04:12Non, si on additionne les grands budgets de défense, Pologne, Royaume-Uni, Allemagne,
04:17France, le rapport est en faveur des Européens.
04:20Et puis comparons ce qui est comparable, la Russie est en guerre de haute intensité,
04:25l'Europe, les Européens ne sont pas encore passés en économie de guerre.
04:28Donc nous avons des marges de progression qui sont extrêmement importantes et là encore,
04:31vous avez raison de le souligner, c'est un choix collectif.
04:34Ce que nous dépenserons pour notre défense, nous ne le dépenserons pas pour nos écoles,
04:38pour nos hôpitaux, etc.
04:39Question précise, Cyril Bret, est-ce que les Etats-Unis sont encore nos alliés ?
04:42Idéologiquement, ce sont nos rivaux.
04:46Traditionnellement, historiquement et stratégiquement, ce sont encore nos alliés.
04:52Mais s'ils nous excluent de notre propre destin, ils deviendront également nos rivaux.
04:56Et si Poutine s'en prend à un état balte demain, un état balte sous le commandement
05:00de l'OTAN, l'Estonie, la Lituanie, la Lettonie, est-ce que l'OTAN interviendra avec l'appui
05:05des Etats-Unis ?
05:07L'OTAN, je ne sais pas, l'Union Européenne, oui, c'est certain, la solidarité entre
05:12les membres de l'Union Européenne est très importante, doit être très importante.
05:16Si les Etats baltes sont attaqués et que les Européens ne réagissent pas, c'est
05:20la construction européenne qui se défera en quelques mois.
05:23Donc l'Union Européenne, oui, mais pas l'OTAN ?
05:25L'OTAN est dans l'incertitude sur ce point-là et c'est d'ailleurs tout l'objet
05:30de l'administration américaine de placer tous les alliés, en Asie aussi, dans le doute
05:35et dans l'interrogation.
05:36Donc comptons sur nos propres forces.
05:38Et quand on réécoute le discours de Vladimir Poutine avant l'invasion de l'Ukraine,
05:41les objectifs sont très simples, sont très clairs surtout, détruire l'Europe et détruire
05:45l'OTAN.
05:46C'est un discours qui tient encore aujourd'hui ? Ou il a changé ses objectifs depuis Vladimir
05:52Poutine ?
05:53Oui, détruire l'Ukraine, détruire l'Europe, détruire l'OTAN, bien sûr, il le maintiendra
05:58jusqu'au bout.
05:59En a-t-il les moyens ? Sûrement pas, je l'ai encore rappelé, la taille économique
06:04et la taille démographique de la Russie ne lui permettent même pas d'envahir, de conquérir
06:08et d'annexer tout un pays affaibli de 40 millions d'habitants.
06:12L'Union Européenne est forte, elle doit montrer sa force.
06:16Donc Cyril Brait, pour résumer aujourd'hui, qu'est-ce qui devra se décider à l'Élysée,
06:20qu'est-ce qu'il faudra annoncer ?
06:21Il faudra répéter inlassablement que les Européens doivent être écoutés, consultés
06:26et associés et il faudra également être déterminé à avoir une position de rapport
06:30de force avec les États-Unis pour obtenir ce résultat.
06:35Et on a les moyens de le faire ?
06:37Naturellement, naturellement.
06:38Les Européens sont indispensables à l'économie américaine.
06:42Merci beaucoup Cyril Brait, géopoliticien, maître de conférences à Sciences Po Paris
06:46et chercheur associé à l'Institut Jacques Delors, merci d'avoir été avec nous sur
06:50RTL.
06:51Bonne journée.
06:52Il est 6h20.

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