• avant-hier
Retrouvez les émissions en intégralité sur https://www.france.tv/france-2/telematin/toutes-les-videos/
Dans « le grand témoin », Télématin reçoit Pascal Rousseau, ancien footballeur professionnel.

Catégorie

📺
TV
Transcription
00:00On va vous raconter maintenant, on ressemble probablement à votre pire cauchemar,
00:03elle est à peine croyable, devenir amnésique du jour au lendemain, c'est possible,
00:08et c'est ce qui est arrivé au grand témoin de Télématin.
00:10Alors est-ce que c'est un cauchemar ? On va lui demander justement.
00:12Bonjour Pascal Rousseau.
00:13Bonjour.
00:14Merci d'être avec nous ce matin, vous êtes un ancien gardien de but,
00:17vous êtes passé par plusieurs clubs comme Laval, comme l'OM, comme Rennes.
00:21Je voudrais qu'on regarde quelques images de vous et que vous nous disiez justement,
00:26quand vous voyez ça, cette vidéo, qu'est-ce que vous voyez, qui voyez-vous ?
00:32Est-ce que vous le reconnaissez ?
00:34Par la force des choses, je le reconnais, mais oui, ça me fait marrer moi.
00:39Je trouve ça chouette, en plus j'avais des tenues, on m'a expliqué après,
00:43assez rigolotes pour la période.
00:46À l'époque c'était la mode.
00:47À l'époque ça n'existait pas.
00:48Il était un petit peu pointu, il était avant-gardiste en fait, Pascal Rousseau.
00:51J'avais créé une marque de fringues parce que je voulais être coordonné.
00:56Mais vous vous voyez là comme un étranger, parce que c'est vous que l'on voit,
01:00mais vous, vous êtes quelque part oublié.
01:03Quand vous regardez ça, il y a quelque chose de familier ou vous vous voyez comme... ?
01:06Non.
01:06Non.
01:07Rien ?
01:07Absolument rien.
01:08Rien.
01:09La seule chose qui reste, c'est quand on m'a dit que j'étais ancien gardien de but
01:12et puis que je me suis retrouvé aller jouer au foot,
01:15que je me suis aperçu que j'avais des aptitudes.
01:17Et le monsieur qui est à côté de vous là, vous voyez qui c'est ?
01:19Oui, Jean-Pierre Papin, on me l'a expliqué.
01:21Parce que Jean-Pierre Papin, vous ne saviez pas qui c'était
01:23quand vous vous êtes réveillé le 10 mars 2019.
01:262019, non.
01:28Vous avez quel âge aujourd'hui ?
01:29Je vais avoir 63 ans au mois de mars.
01:31Et en termes de mémoire, vous avez quel âge ?
01:32J'ai 6 ans.
01:35Qu'est-ce qui s'est passé ce jour-là en fait ?
01:37Je discutais avec mon ex-épouse et puis elle m'a retrouvé allongé par terre,
01:43donc elle a pensé que j'avais fait un AVC ou une crise cardiaque.
01:47Et puis voilà, je me suis retrouvé à 6h30 du matin dans un lit d'hôpital,
01:51avec la capacité d'analyse, c'est très bizarre, je pouvais tout analyser.
01:55Je parlais, j'ai vu une sonnette, j'ai sonné,
01:57je savais que j'étais dans une chambre d'hôpital.
02:00Et puis quelqu'un est rentré, m'a appelé par mon surnom.
02:04Larousse ?
02:05Larousse, puisque tout le monde m'appelle Larousse.
02:07Et...
02:08Ah, t'es enfin réveillé.
02:09Et puis je lui ai dit, mais madame, je ne vous connais pas.
02:11Et puis très, très vite, elle s'est aperçue que je ne plaisantais pas.
02:14Et qui était cette femme ?
02:15C'était une amie depuis presque 15 ans, infirmière,
02:20qui travaillait dans l'hôpital où j'étais.
02:22Et comment est-ce que vous avez su que vous vous appeliez Pascal Rousseau ?
02:25Parce que c'était écrit au bout de mon lit.
02:27Il y avait marqué Pascal Rousseau 4362.
02:30Donc, j'étais toujours en rigolant.
02:31J'espère qu'ils ne se sont pas trompés et qu'ils n'ont pas laissé l'étiquette du patient d'avant.
02:36Et en fait, on va le voir et on va le constater pendant tout cet entretien,
02:39c'est que vous avez beaucoup d'humour sur cette situation,
02:42dont Samuel disait que c'est l'un des pires cauchemars.
02:46Est-ce que vous savez ce qui vous est arrivé en réalité, ce jour-là ?
02:49On a diagnostiqué assez rapidement que j'étais dissociatif.
02:54Donc, j'ai fait ce qu'on appelle techniquement une amnésie dissociative rétrograde.
02:59Très complexe.
03:00C'est quelque chose de très complexe et mon cas est particulier
03:03puisque des dissociatifs, il y en a plein.
03:05Et ça, c'est un combat que je veux mener pour qu'on connaisse un petit peu cette forme de trouble.
03:11Dissociatif, ça veut dire quoi ?
03:12Il y a certaines choses que vous avez oubliées, d'autres pas, c'est ça ?
03:14Ça veut dire que c'est un réflexe de votre cerveau qui,
03:18devant des, on va dire, des traumas, des forts traumas, se met en sécurité,
03:22vous met en sécurité, donc vous êtes là sans être là, on va dire ça comme ça.
03:27Et puis après, il y a tellement de formes dissociatives.
03:31Et moi, ma particularité, c'est que dans ma dissociation rétrograde,
03:35normalement, ce qu'on met sous le tapis, ce sont nos traumas.
03:39Moi, mes traumas, je ne les ai pas mis sous le tapis du tout.
03:41C'est les seules choses que je peux décrire de manière...
03:44Mais des traumas qui étaient anciens, ce n'est pas les traumas qui datent de 2019.
03:47Est-ce que c'est courant, ce genre de choses, Gérald Kirzak ?
03:50Là, il y a plein de causes d'amnésie.
03:52Il y a l'hitus amnésique, c'est une amnésie lacunaire,
03:55et puis vous allez récupérer.
03:56Il y a l'amnésie rétrograde, on oublie tout le passé.
03:58Il y a l'amnésie entérograde aussi, mais souvent, il y a une cause.
04:01On trouve une cause comme un AVC, une infection, un traumatisme crânien.
04:05Et là, apparemment, et d'ailleurs, le premier réflexe,
04:07c'est de consulter et de faire tous les examens, ce qui a dû être fait.
04:09On a dû faire tous les IRM, les électroencéphalogrammes.
04:13Et là, manifestement, la cause, elle est psychique.
04:15C'est-à-dire que c'est le cerveau, dans son fonctionnement,
04:17qui se met effectivement, vous le dites bien, en sécurité.
04:19En sécurité, effectivement.
04:20Vous ne vous souvenez pas de vos 57 premières années.
04:23Ça veut dire que ce jour-là, vous avez fait connaissance,
04:25grosso modo, de votre femme, de l'un de vos fils.
04:29Vous avez redécouvert tout le monde.
04:30Il n'y avait rien qui vous semblait familier, en fait ?
04:32Alors, j'ai beaucoup d'émotions et de ressentis, si vous voulez.
04:36C'est-à-dire que quand je vois rentrer mon ex-femme et mon fils aînés,
04:40je leur dis bonjour, madame, bonjour, monsieur.
04:42Mais par contre, quand je les prends dans mes bras,
04:46il y a quelque chose qui se passe, mais je suis incapable.
04:48J'ai beaucoup de flashs, on dit.
04:50C'est-à-dire, on va parler entre nous, avec vous,
04:53et je vais vous dire...
04:56Mon amie, aujourd'hui, me dit, la première fois que tu m'as vue,
04:58tu m'as dit pourquoi je pense à vélo, puis elle m'a expliqué.
05:01Mais je n'ai aucun repère.
05:03Oui, vous avez des réminiscences,
05:04mais dont, finalement, vous ne connaissez pas réellement l'origine.
05:08En revanche, alors, vous étiez donc gardien de but.
05:11Vous vous êtes retrouvé avec des gants, un ballon dans une cage.
05:14Ça, vous l'aviez oublié ou vous serez toujours...
05:16Non, j'ai tous mes acquis.
05:18C'est ça qui est incroyable.
05:19Je ne sais pas comment je fais.
05:21J'ai tous mes acquis.
05:22Donc, le foot était une partie.
05:24On m'a dit que je jouais beaucoup de musique.
05:26Donc, on m'a redonné une guitare.
05:27J'ai joué trois heures.
05:29J'ai chanté.
05:30J'avais des gens en face de moi qui prenaient leur iPad pour voir les paroles.
05:33Et moi, je chantais les paroles et je jouais à la guitare.
05:36Est-ce que vous aimeriez, un jour, Pascal Rousseau,
05:39recouvrer la mémoire ?
05:42Je ne me pose pas cette question.
05:44Vous avancez ?
05:44J'avance.
05:45Honnêtement, oui.
05:46Dès qu'on me rappelle quelque chose d'avant, je le prends avec plaisir.
05:51Parce que les gens sont quand même très, très bienveillants.
05:53J'ai été très surpris de ça.
05:56Mais honnêtement, ce n'est pas ma priorité.
05:58Et ma priorité, c'est devant.
06:00Adrien ?
06:01J'ai une question un peu intime à vous poser, monsieur.
06:03Est-ce que quand votre femme arrive, vous ne la reconnaissez pas ?
06:08Vous ne la reconnaissez pas physiquement.
06:09Mais est-ce que pour autant, l'amour, lui, il subsiste ?
06:12On aime quelqu'un pour ce qu'il a été, pour ce qu'il est, pour ce qu'il sera.
06:14Est-ce que quand vous voyez cette personne que vous aimez, vous l'aimez toujours ?
06:18C'était très compliqué comme sentiment.
06:21C'est-à-dire qu'on ressent quelque chose qu'on ne peut pas enlever.
06:26Parce qu'on était depuis 23 ans ensemble.
06:29Mais d'un autre côté, on est étrangers.
06:34Et moi, je suis admiratif.
06:37Parce que de se retrouver avec quelqu'un qui ne se souvient plus, c'est compliqué.
06:41C'est très, très compliqué.
06:43Moi, aujourd'hui, les gens me posent souvent cette question.
06:45« Mais Pascal, ça ne te choque pas ? Tu n'as pas peur ? »
06:48Mais non, je n'ai peur de rien.
06:49Parce que moi, je suis comme ça depuis tout le temps.
06:51J'ai cette sensation-là.
06:52Alors que ce n'est pas la réalité, mais ce n'est pas grave.
06:55Mais ce n'est pas angoissant. Ce n'est pas une angoisse.
06:57Non, je n'ai jamais été angoissé.
06:58Quelque chose que vous prenez avec beaucoup de philosophie.
07:00Et vous êtes actuellement, et vous reviendrez, j'espère, nous en parler,
07:03à l'écriture d'un seul en scène, justement.
07:04Parce que vous voulez sensibiliser ceux qui viennent vous voir dans les salles
07:08à ce que vous avez vécu. Merci beaucoup.
07:10Merci infiniment, Pascal Rousseau, d'avoir accepté d'être avec nous ce matin.
07:13Pascal, vous me faites une passe difficile à contrôler, là.
07:15Parce que vous m'enchaînez derrière.
07:17C'est fascinant, le cerveau.

Recommandations