Le Belge Denis Van Weynbergh est le dernier skipper à avoir franchi la ligne d'arrivée du Vendée Globe 2025. Il était l'invité de France Inter lundi 10 mars.
Retrouvez « L'invité de 7h50 » de Sonia Devillers sur France Inter et sur : https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/l-invite-de-7h50
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00:00Le tout dernier Nicolas, mais il a eu droit à une fête d'enfer samedi organisée par la Fédération Française de la Lousse, ça ne s'invente pas.
00:09Il a franchi la ligne après 117 jours de mer, ça fait presque deux mois, un mois et demi que les vainqueurs sont arrivés.
00:16Alors je vous présente le premier Belge à boucler le tour du monde en solitaire, il en rêvait plus que tout.
00:22Bonjour Denis von Weinberg, bonjour à vous.
00:26Bonjour à tous, merci de m'accueillir sur France Inter.
00:29Et vous, merci de nous accueillir sur le bateau d'Iteren Group, vous êtes assis sur le winch et moi je suis assise sur un pantalon de ciré juste devant la barre.
00:39Il a pas mal souffert le navire, vous aussi, vous allez nous raconter.
00:43Mais d'abord, deux nuits à terre après quatre mois et demi en mer, on dort comment quand on remet le pied sur terre ?
00:51Il y a parfois des nuits à terre qui sont plus agitées que pendant le Vendée Globe, surtout la première parce qu'on a fait beaucoup la fête.
00:58Donc c'est là que j'ai très bien dormi.
01:00Vous aviez beaucoup bu ?
01:02Oui, comme il faut en tout cas.
01:05Et quand on remet le pied à terre, on roule, on tangue ?
01:09Ça bouge en fait, comme on est habitué à être sur un bateau qui bouge tout le temps, quand on est à terre, au début j'avais du mal à marcher droit, sans avoir bu, pour une fois.
01:20Donc oui, c'est un peu bizarre parce que c'est vrai que le corps s'habitue à tout à fait autre chose.
01:24Donc il faut reprendre des sensations et entre autres, par exemple, conduire.
01:28Je reviens de reconduire la première fois là ce matin pour venir vous voir et c'est vrai que c'est compliqué.
01:32Alors je précise que ça fait des mois et des mois que vous avez quitté Bruxelles, votre port d'attache habituel,
01:39et vous avez un accord avec un camping du coin, des Sables d'Olonne.
01:43Donc en fait, ça fait deux nuits que vous êtes reparti dormir au camping, dans le bungalow.
01:48Exactement, c'est tout confort pour moi, comparé à quatre mois en mer, c'est le plaisir.
01:52Alors Denis, votre incroyable épopée maritime ne sera pas enregistrée par les organisateurs de la course,
01:58qui ont clôturé cette course, c'est quoi, 24, 25 heures avant votre arrivée, c'est ça quelque chose comme ça ?
02:04Oui, alors c'était officiellement 24 heures avant, mais c'est vrai que j'ai ralenti en mer,
02:08donc j'aurais pu arriver genre à 5 heures du matin, donc ça aurait même pas été 24 heures.
02:11J'avais fait le calcul, je pense que c'est 1,2% du temps en plus, maximum.
02:16C'est une grande injustice, il y a eu des milliers de réactions sur les réseaux sociaux,
02:21de gens qui suppliaient les organisateurs de la course d'enregistrer votre performance.
02:27Alors je ne sais pas si on peut parler d'injustice, après il y a un règlement,
02:30et dans le sport l'arbitre a toujours raison même quand il a tort, donc c'est comme ça.
02:35Mais c'est vrai que nous on a fait le boulot en tout cas, dans l'esprit, je pense qu'il y a la règle,
02:39l'esprit de la règle, nous on a tout respecté, j'ai pas enlevé les scellés de mon moteur avant de passer la ligne d'arrivée,
02:45j'ai fait le parcours, je suis passé devant la ligne d'arrivée, donc tout a été fait dans l'ordre en tout cas.
02:50Et puis qui retiendra le 24ème arrivant du Vendée Globe ou le 32ème ou le 38ème ?
02:56Vous en tout cas, on ne parle que de vous depuis le début du week-end.
03:00La fin a été extrêmement dure, qu'est-ce qui s'est passé avec les voiles ?
03:04Au niveau des assorts, grosso modo à 3000km d'ici, j'ai perdu la corde qui tient ma grand voile.
03:10La drisse ?
03:11La drisse, pour la monter et la descendre, j'ai fait 4 jours sans grand voile et juste avec une voile d'avant.
03:17Et puis j'ai fait un premier bricolage où je suis monté au mât pour mettre une nouvelle poulie.
03:22Je suis au pied du mât, 28m, c'est très impressionnant.
03:27J'ai installé une poulie, la poulie malheureusement elle a explosé, après on a fait un autre système avec une autre drisse,
03:33la dernière qui me restait mais elle passait mal, ça mettait de la tension sur le mât et ça pouvait faire cisailler ce qui tient le mât.
03:41Et dans les derniers mètres, c'est pas les derniers mètres, c'est les dernières semaines de navigation,
03:47il y a eu cette pétole cauchemardesque, c'était fin janvier c'est ça ?
03:51Alors il y en a eu quelques-unes.
03:53Une pétole, mais la dernière elle a été très cruelle quand même.
03:56La pétole c'est un moment où il n'y a plus de vent, la mer est d'huile et le bateau…
04:00Il n'avance pas. Et surtout tout le monde me dit « mais repose-toi, tu n'as qu'à lire »
04:04mais en fait non parce que quand il n'y a pas de vent, c'est là qu'on doit bosser le plus
04:07parce que si on veut gagner des mètres et des mètres, il faut régler le bateau, il faut le barrer.
04:10Moi j'ai beaucoup barré à ce moment-là, mais vous pouvez imaginer qu'après 105 jours par exemple de mer
04:16pour tenir la barre pendant une dizaine d'heures ou une douzaine d'heures et puis aller se reposer un peu, c'est rare.
04:21On est mort de fatigue, c'est le pire pour le marin, la pétole.
04:24Oui c'est le pire pour le marin.
04:25Pire que la tempête.
04:26Parce qu'en plus nerveusement c'est compliqué parce que les voiles font du bruit, on n'avance pas,
04:29on fait des crises de nerfs, moi j'ai fait des crises de nerfs pendant ces périodes-là.
04:33Alors vous aviez embarqué le Manneken Pis, c'est le petit bonhomme qui fait pipi dans la fontaine de Bruxelles,
04:39vous en avez embarqué une copie avec vous.
04:41D'ailleurs ce Manneken Pis va repartir à Bruxelles, c'est ça ?
04:47Il va repartir à Bruxelles et j'espère faire la donation au musée du Manneken Pis à Bruxelles.
04:52Donc il a fait le tour du monde quand même, je ne pense pas qu'il y en ait beaucoup qui font le tour du monde.
04:55Il a morflé un peu ?
04:56Oui, comme moi il s'est fait mal au coude.
05:00C'était une manière de garder le sens de l'humour ?
05:04Oui, le sens de l'humour, la Belgitude, la Belgique qui fait le tour du monde.
05:09Je dis ça parce que Jean Le Cam, qui est un très grand navigateur français,
05:12dit que le Vendée Globe c'est au moins une merde par jour à gérer tout seul dans l'océan.
05:17Quand on multiplie par 117 jours de traversée, vous avez failli abandonner ?
05:24Oui, c'est clair que quand j'ai perdu ma grande voile, j'étais à 5-6 heures d'un abri aux Açores.
05:30On s'est posé la question et on s'est dit non, on va continuer, on va traverser vers le Portugal
05:35et peut-être on va s'arrêter au Portugal.
05:37Finalement on a vu qu'au Portugal je pouvais continuer et on s'est dit ok,
05:41il y a encore 3-4 endroits en sécurité parce qu'il y a un moment où il faut quand même penser à la sécurité.
05:46Donc je me suis dit que chaque fois on continuait un petit peu et chaque fois ça passait.
05:50Dans la douleur et un peu les larmes quand même, il faut avouer.
05:53Dans la douleur et dans les larmes, c'est aussi une expérience de solitude absolument hors norme le Vendée Globe.
05:59Oui, même si on a des contacts via les réseaux, via les téléphones satellites,
06:06c'est vrai que ça ne remplacera jamais les vraies relations sociales qu'on peut avoir.
06:10Et de ça on souffre ?
06:11Alors moi oui, je ne sais pas si d'autres en souffrent, mais moi c'est vrai qu'à un moment c'était un vrai manque.
06:16Et surtout quand c'est compliqué de ne pas pouvoir partager.
06:19En fait il n'y a que les skippers qui font le Vendée Globe qui peuvent se rendre compte de ce qu'on vit,
06:24de la dureté de la chose, de l'apprêtité des choses.
06:27Denis Van… Ah et voilà ! Et voilà la française qui s'en met dans le nom belge !
06:34Van Weinberg.
06:37Vous avez trouvé un sponsor, vous êtes parti avec 10 fois moins d'argent que ceux qui ont fait la course en tête.
06:45Vous avez une exceptionnelle équipe d'amateurs.
06:49Parmi eux il y a un retraité qui vous a aidé à monter cette course, une secrétaire médicale,
06:54une salariée de chez Leclerc, un tatoueur qui a aidé à décorer le bateau,
06:58qui vous a fait ce magnifique logo que vous portez dans le dos et qui est à l'avant du bateau.
07:04Ce logo il dit quoi ?
07:06Alors ce logo c'est important parce qu'avec l'équipe on avait défini des valeurs qu'on voulait défendre
07:10et qu'on voulait partager à travers le projet.
07:14Il nous a traduit ces mots, il y a la confiance, il y a la tradition familiale, il y a la force,
07:19il y a l'humilité, des tas de choses comme ça qui étaient chères à nous.
07:23Il a traduit ça en langage polynésien.
07:26Oui parce que le tatoueur est polynésien.
07:28Oui c'est important.
07:29Donc il ne nous a pas fait un petit colibri sur le bras comme François Lambrouille dans la séquence culte.
07:35Et vous, vous étiez patron de PME, vous aviez une petite boîte de livraison de colis, c'est ça ?
07:39Oui exactement.
07:40Que vous avez vendu.
07:42Vous êtes venu vous installer ici au Sape d'Olonne depuis des mois et des mois.
07:46Il fallait quitter la Belgique pour faire une course autour du monde à la voile.
07:51C'est ici qu'on a les compétences et c'est ici que ça se passe.
07:54Après il fallait quitter la Belgique d'une certaine manière,
07:56mais il fallait quand même y rester pour travailler son réseau et trouver des partenaires.
07:59Parce que mon réseau professionnel il est quand même en Belgique.
08:02On était entre les deux.
08:04C'est vrai que j'habite régulièrement ici et que je suis entre 6 et 8 mois par an finalement au Sape d'Olonne.
08:09Sur le camping.
08:10Merci beaucoup Denis, merci beaucoup.
08:13Le D-Terrain Group, c'est votre bateau.
08:15Merci d'avoir accueilli France Inter sur le bateau ce matin.
08:17Et bravo !
08:18Merci à vous en tout cas et bonne journée à tout le monde.
08:21Bravo pour cette performance absolument incroyable.
08:23117 jours seul en mer.