"La protection de notre liberté et de la paix ne tolère aucun retard." Voilà l’une des premières phrases du pré-accord que viennent de signer le deux grands partis allemands, conservateurs de la CDU et sociaux-démocrates du SPD, moins de deux semaines après les législatives.
Retrouvez « L'édito politique de Patrick Cohen » sur France Inter et sur : https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/l-edito-politique
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00:00L'éditopolitique Patrick Cohen, l'Allemagne à nouveau nous donne une leçon de compromis et de lucidité politique.
00:08« La protection de notre liberté et de la paix ne tolère aucun retard ».
00:12Voilà l'une des premières phrases du pré-accord que viennent de signer les deux grands partis allemands,
00:16conservateurs de la CDU et sociodémocrates du SPD, moins de deux semaines après les législatives.
00:21Négociations expresses pour un double changement de cap, doublement historique,
00:26une rupture avec des décennies de rigueur budgétaire et un divorce après 80 ans de confiance transatlantique.
00:33En 2022, après l'invasion de l'Ukraine, le chancelier Shultz avait annoncé un changement d'air,
00:38« Zeit und Wende », trois ans avant qu'Emmanuel Macron ne reprenne l'expression.
00:41Mais c'est maintenant que l'Allemagne, traumatisée par l'abandon de Trump et le soutien de Musk aux néo-nazis de la FD,
00:48s'apprête à faire le grand saut.
00:50Dès jeudi, sous condition d'un accord avec les Verts, qui reste à trouver,
00:54le Bundestag engagera une modification de la Constitution pour assouplir le frein à la dette,
00:59cette règle inscrite dans la loi fondamentale allemande qui limite le recours au déficit,
01:04objectif de la nouvelle coalition dirigée par Friedrich Merz,
01:07engager 1000 milliards d'euros sur 10 ans, moitié pour la défense,
01:13moitié pour les infrastructures, routes, rails, éducation numérique, énergie, santé.
01:18Et c'est la menace russe, Patrick, qui pousse l'Allemagne à se réarmer ?
01:22Ah mais ça ne fait même pas débat, il n'y a qu'en France où cette menace est minimisée ou ridiculisée
01:27des heures durant par des propagandistes qui reprochent au Président de faire peur pour faire la guerre,
01:31ou de faire peur pour se donner un rôle, ou pour reprendre la main, ou pour se maintenir au pouvoir,
01:36sans jamais se demander si c'est le discours qui fait peur ou la réalité.
01:40En Allemagne, mardi dernier, le futur chancelier Merz n'a pas tourné autour du pot en s'avançant devant les caméras.
01:46« Compte tenu des menaces qui pèsent sur notre liberté et notre paix sur notre continent,
01:52le mot d'ordre pour notre défense doit être « whatever it takes, quoi qu'il en coûte ».
01:57Une phrase que la France ne peut plus prononcer, hélas, donc elles sont vides.
02:00Personne en tout cas n'a accusé Merz de faire son intéressant ou de précipiter son Airbus sur une montagne.
02:06Et sa déclaration donne la mesure de l'effondrement ressenti par les Allemands
02:11et de la vigueur de la réaction après la trahison américaine.
02:14Et puis vous parliez aussi d'un compromis de gouvernement.
02:17« Les conservateurs imposent une politique plus stricte pour les chômeurs,
02:20un tour de vis sur l'immigration illégale, contrôle aux frontières renforcées, expulsion systématique,
02:26restriction au regroupement familial, mais pas de réforme des conditions d'obtention de la nationalité,
02:32c'est une concession à la gauche.
02:33Les sociodémocrates obtiennent aussi un plan d'investissement massif, on vient d'en parler,
02:38et une hausse du salaire minimum à 15 euros bruts de l'heure l'an prochain.
02:42En France, aujourd'hui, c'est moins de 12 euros.
02:44Alors c'est un compromis, avec des mesures qui y cifraient horreur à l'un ou l'autre camp,
02:49mais qui, outre-rein, sont assumées par l'un et l'autre camp au nom du compromis,
02:55de l'intérêt général, du refus du tout ou rien.
02:58Concept qui, vu de notre Assemblée Nationale, paraissent toujours aussi exotiques.