Thomas Cadène, rédacteur en chef de la revue Topo, qui explique l'actualité en bande dessinée aux jeunes (et aux moins jeunes), est notre invité à 6h20, en cette journée consacrée au "nouveau désordre mondial". Plus d'info : https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/l-invite-de-6h20/l-invite-de-6h20-du-jeudi-13-mars-2025-1127801
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00:00Il est 6h21, comme un chien dans un jeu de qui Donald Trump avait prévenu qu'il bousculerait
00:04les choses s'il revenait à la Maison-Blanche, et il le fait sur la scène internationale.
00:09Il y a même de sacrés secousses, d'où notre journée spéciale consacrée à ce nouveau
00:13désordre mondial.
00:14Mais comment l'expliquer aux plus jeunes ? Comment les éclairer sur ce monde complexe
00:18alors que même nous, adultes, en perdons parfois notre latin ? C'est ce que fait
00:21la revue jeunesse Topo, une revue d'actu dessinée qui sort tous les deux mois.
00:25Bonjour Thomas Caden.
00:26Bonjour.
00:27Vous êtes le réalisateur, scénariste, rédacteur en chef de ce magazine Topo, qui
00:29a donc été créé pour raconter, expliquer l'actu aux jeunes.
00:33Votre cible, c'est des enfants de quel âge ? Des grands ados ?
00:36Oui, des grands ados, des jeunes, et puis finalement leurs parents et leurs petits frères
00:41ou sœurs.
00:42Qui les lisent aussi ?
00:43Qui les lisent aussi, oui.
00:44Alors pour les auditeurs qui ne connaissent pas Topo, comment vous traitez l'actu par
00:47le biais de fiction ou de reportage dessiné ?
00:49Du reportage.
00:50Du reportage dessiné.
00:51Donc ça veut dire qu'il y a une collaboration entre des journalistes et des dessinateurs
00:53?
00:54C'est ça.
00:55Et ensuite, c'est un dessinateur qu'on va suivre pour vérifier qu'il n'y a pas de
01:00confusion.
01:01Justement, on est bien dans le journalisme et pas dans la fiction.
01:06Et pour rebondir sur notre journée spéciale Nouveau Désordre Mondial, est-ce que ça
01:09vous inspire ? Est-ce que vous êtes en train de réfléchir justement à comment traiter
01:13ce qui se passe actuellement sur la scène internationale ?
01:15Alors, on y réfléchit évidemment, comme tout le monde, c'est un peu colossal ce qui
01:21arrive.
01:22Et en même temps, on est un peu bloqué par le fait que faire une bande dessinée,
01:27ça prend énormément de temps.
01:28Donc, chez nous, il y a toujours le temps du reportage ou du sujet et le temps de la
01:33bande dessinée, du dessin.
01:34Ce qui nous oblige à prendre du recul en fait.
01:35Donc, vous ne pouvez pas travailler l'actualité brûlante, mais si ça peut être bien aussi
01:40c'est de votre intérêt.
01:41Exactement.
01:42Donc, c'est un peu la limite, on va dire, en tout cas éventuellement notre frustration.
01:46Mais c'est aussi, je pense, notre force parce que c'est là qu'on va se retrouver,
01:50c'est-à-dire qu'on prend plus de temps et on est obligé de prendre un peu de recul,
01:54on est obligé de prendre un peu de hauteur et comme de toute façon notre but, un petit
01:58peu, c'est de décrypter, de donner des clés, de donner des outils intellectuels à nos
02:03lecteurs pour mieux comprendre ce qui se passe, finalement, c'est une position qui est plutôt
02:09pas mal.
02:10Est-ce que votre équipe vous a déjà fait des propositions sur ce thème-là ?
02:12Sur le monde ?
02:13Oui, le monde qui ne va pas super bien.
02:15Oui, oui, c'est un petit peu déjà…
02:17Qu'est-ce qui les inspire ?
02:18C'est Elon Musk, c'est les droits de douane, c'est le revirement des alliances diplomatiques
02:21qu'on pourrait expliquer, finalement, presque comme un jeu de société, un risque géant.
02:25Alors, le problème de ça, c'est qu'à chaque fois, c'est les premières choses
02:28auxquelles on pense parce que c'est l'actualité et après c'est les premières choses auxquelles
02:31on renonce parce qu'on se dit dans six mois ou maintenant on se dit dans deux jours ou
02:36dans une semaine, ça sera obsolète, on sera passé à autre chose, il y aura une autre
02:40catastrophe ou une autre surprise.
02:42Donc, on va essayer plutôt, justement, de chercher ce qui se passe, les grands courants.
02:49Et notamment, par exemple, là on parle de Trump, de Musk, ce qui n'est pas mal, c'est
02:57que quand Trump est revenu, on a pu ressortir justement un vieux sujet qu'on avait fait
03:01parce qu'on analysait un petit peu la mécanique Trump et le fait de l'avoir fait dans le
03:07temps long, dans l'actualité froide, ça nous permettait de… ça laisse, ça donne
03:12à nos sujets une forme de… pas d'intemporalité parce qu'elles finissent toujours par changer
03:16mais en tout cas, ils sont durables, on va dire.
03:18Et pourquoi la bande dessinée, c'est une bonne porte d'entrée pour expliquer la
03:22complexité du monde aux enfants, aux adolescents ?
03:24Déjà, c'est une formidable incarnation.
03:27Ensuite, le style du dessin va permettre de mettre plus ou moins de distance avec le
03:35sujet.
03:36Donc selon le type de sujet…
03:37C'est moins violent qu'une photo, par exemple ?
03:39C'est beaucoup moins violent qu'une photo.
03:40Ça permet de raconter autre chose qu'une photo, ça permet de schématiser, c'est
03:45une photo prétend… c'est ce qu'elle fait, elle montre la réalité, c'est un
03:51regard sur quelque chose qui est de réel.
03:54Le dessin ne peut pas prétendre montrer la réalité, c'est une convention avec le lecteur,
03:59le lecteur sait qu'il est face à un dessin, donc il est face à une traduction, un petit
04:03peu comme… il y a vraiment cette co-écriture entre le travail du journaliste et le travail
04:09du dessinateur.
04:10Donc ça va permettre d'incarner tout en laissant à distance, tout en permettant
04:14donc d'avoir un regard un peu plus réfléchi, on va dire, ou au contraire un peu plus emballé
04:19quand on est sur des sujets soit plus légers, soit plus de témoignages, en donnant un petit
04:24peu de la vie à nos histoires.
04:28Et pour revenir à notre journée sur le désordre mondial, c'est vraiment pas facile à faire
04:31mais je vois que vous vous attaquez à des sujets qui ne sont pas évidents, qui sont
04:35sensibles, qui sont violents, qui sont tristes, vous l'avez fait notamment pour la guerre
04:38civile au Darfour, comment on fait dans le dessin, dans le choix du vocabulaire justement
04:43pour aborder ce genre de sujets très durs ?
04:45Alors le choix du vocabulaire c'est très important parce que justement, le choix du
04:50vocabulaire et des références, on considère que nos lecteurs sont en général nés après,
04:56souvent autour de 2010 on va dire, donc il y a beaucoup de références, d'actualités,
05:03d'événements qui relèvent pour eux de l'histoire et qui relèvent pour moi du souvenir.
05:09Et donc c'est toujours important de garder ça à l'esprit, qu'il faut contextualiser
05:14au maximum, qu'il faut expliquer tout ce qui est complexe comme concept, ne pas le
05:18fuir mais au moins là aussi l'expliquer, le mettre un petit peu en relation avec tout
05:25ce dont on parle et là justement le dessin va permettre de trouver des fils, de faire
05:33des cartes, de faire vivre un petit peu ce dont on parle.
05:36Et donc il n'y a pas de sujets tabous et il n'y a pas de sujets intraitables ?
05:39Non, et même le dessin je pense nous permet de traiter des choses, par exemple quand on
05:44traite du corps, parce qu'après tout on s'adresse à des adolescents, quand on traite
05:46du corps de l'adolescence ou de sexualité ou d'enjeux comme ça, le dessin permet de
05:52mettre complètement à distance, d'ajouter de l'humour et surtout d'éviter tout ce
05:56qui pourrait être problématique, gênant ou graveleux ou pornographique ou je ne sais quoi.