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Le réalisateur et scénariste Éric Rochant fête les 10 ans de la série "Le bureau des légendes", dont il était le show-runner. Un événement est organisé à cette occasion lors du festival Cannes Séries, le 24 avril.

Retrouvez « L'interview de 9h20 par Léa Salamé » L'interview de 9h20 avec Léa Salamé sur France Inter et sur : https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/l-interview-de-9h20

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Transcription
00:00Et Léa, ce matin, vous recevez, comme on dit en français, un showrunner !
00:03Voilà, un showrunner ! Il va nous expliquer ce que c'est qu'un showrunner, le showrunner français.
00:08Éric Rochand, bonjour !
00:09Bonjour !
00:10Bienvenue sur Inter, on est très heureux de vous recevoir,
00:13parce que votre parole publique est rare, vous donnez très très peu d'interviews.
00:17Vous fûtes, Éric Rochand, il y a 30 ans, jeune prodige du cinéma français,
00:21avec votre film générationnel Un monde sans pitié, réalisé à seulement 28 ans.
00:26Puis il y eut, entre autres, Les Patriotes, autre film qui devint culte.
00:30Mais depuis 10 ans, vous êtes le pape des séries françaises,
00:34après avoir créé l'une des séries les plus intelligentes, les plus réalistes de l'histoire,
00:38classée 3e meilleure série de la décennie par le New York Times.
00:41Succès audiovisuel français le plus important de ces dernières années pour le CNC.
00:45Je parle évidemment de ça.
00:46Le 27 avril 2015, c'est-à-dire il y a 10 ans, presque jour pour jour,
01:03paraissait le premier épisode du Bureau des Légendes, création originale de Canal+,
01:08qui racontait les coulisses de la DGSE, les services secrets français,
01:11sur fond d'attentats et de guerres contre le terrorisme.
01:14Vous souvenez-vous de ce qui vous a traversé la tête ce 27 avril 2015,
01:20il y a 10 ans donc, quand la série diffuse le premier épisode sur Canal ?
01:24Oui, j'étais très ému, parce qu'en fait, faire une série, c'est un travail de titan.
01:30C'est énormément de travail, c'est une écriture, c'est un an, deux ans d'écriture,
01:34c'est six mois de tournage, et on perd l'idée de ce qu'on fait en fait.
01:41On ne sait plus ce qu'on fait, on est né dans le guidon, on ne voit plus rien,
01:45on essaye de suivre la constitution qui est notre scénario,
01:52et on ne sait plus vraiment ce qu'on fait, et quand ça sort,
01:55et quand les premières réactions arrivent,
01:57et que, par chance, c'est à peu près ce qu'on a voulu faire,
02:02du coup, on est ému, on est carrément ému.
02:06Et ce jour-là, vous auriez pu imaginer que la série aurait l'impact qu'elle a eu,
02:11que ça durerait cinq saisons, qu'elle serait l'une des séries les plus vues,
02:16qu'elle serait vendue dans 100 pays,
02:17classée dans le top 3 du New York Times avec Game of Thrones,
02:21et je ne sais pas quoi, des meilleures séries de tous les temps ?
02:23Non, non, ça c'est absolument impossible, jamais de la vie.
02:27En plus, quand la première saison est arrivée,
02:30bon, elle était bien accueillie, mais ce n'était pas non plus une dinguerie.
02:34Avec Canal, on s'était dit que si ça marchait plutôt pas mal,
02:37on pouvait penser à trois saisons, parce que moi, je leur avais demandé,
02:39on n'écrit pas pareil si on n'a qu'une seule saison,
02:42et si on a plusieurs saisons devant nous.
02:44Donc, comment on écrit ?
02:45Et ils m'ont dit, on va écrire en pensant à trois.
02:48Si ça marche bien, on fera trois.
02:51Donc, du coup, voilà.
02:53Au fur et à mesure, d'ailleurs, quand c'est sorti comme ça,
02:55quand ça sort la première fois, on ne sait pas du tout
02:57si on va en faire une deuxième saison, on ne sait pas.
02:59Canal, même n'importe quel diffuseur,
03:02commande la deuxième saison vachement plus tard.
03:04Donc, on écrit un peu à l'aveugle, en disant,
03:06on va écrire et puis...
03:08On verra.
03:08Et on verra, voilà.
03:09Et on verra, et ça a marché.
03:11Je précise que ce samedi, le Festival Cannes Série
03:13fêtera les dix ans du Bureau des Légendes,
03:15et vous y serez.
03:16Cette série a occupé six ans de votre vie,
03:182014-2020,
03:20cinq saisons, donc, sorties en l'espace de cinq années,
03:22dix épisodes par an.
03:24Des épisodes que vous supervisiez via ce rôle de showrunner,
03:28comme vous a présenté Nicolas.
03:29C'est un rôle que vous avez apporté des Etats-Unis,
03:32qui n'existait pas en France.
03:34Et en fait, c'est le chef d'orchestre.
03:36C'est-à-dire que vous êtes à la fois producteur,
03:38auteur, à la tête d'une équipe d'un pool de scénaristes
03:41que vous dirigez,
03:42réalisateur de la plupart des épisodes.
03:45Et c'est ça, le job de showrunner.
03:47C'est quelqu'un qui prend du début à la fin la série,
03:49qui s'occupe de tout, en fait.
03:50C'est ça, le chef.
03:51Voilà, oui, c'est ça, c'est l'ayatollah.
03:54Le showrunner, c'est en fait,
03:55moi je dirais que c'est un auteur-producteur.
03:58On n'est pas showrunner si on n'a pas créé ni écrit,
04:02en tout cas avec d'autres, la série.
04:05Et on n'est pas showrunner si on ne la produit pas.
04:08Donc en fait, on est auteur-producteur,
04:09c'est-à-dire créateur.
04:11On écrit avec un atelier d'écriture, disons,
04:15avec une équipe.
04:17Et ensuite, effectivement,
04:18la grande différence avec les autres séries,
04:21enfin les autres, je ne sais pas,
04:22les autres émissions ou même les autres films,
04:24c'est qu'en fait, on ne lâche pas le bébé.
04:27Une fois qu'on a écrit,
04:28on continue à superviser la fabrication
04:30pour que ça corresponde à ce qu'on a écrit.
04:33Et est-ce que ça, que vous avez importé en France,
04:36ça a permis justement de rattraper le retard français
04:38par rapport aux anglo-saxons ?
04:39De comprendre, en fait, vous avez vraiment clairement pris
04:41les méthodes américaines appliquées à la France.
04:43Ça nous a permis un peu d'aller plus vite,
04:45parce qu'on était très à la bourre, non ?
04:46Ça permet une chose qui, à l'époque, n'existait pas,
04:50c'est que ça permettait de diffuser une saison par an.
04:54Or, le rythme des séries américaines, à l'époque,
04:57c'était une saison par an.
04:58C'est-à-dire qu'il y avait un rendez-vous régulier,
05:00les gens n'oubliaient pas,
05:03ne partaient pas sur autre chose.
05:04Une saison par an, c'était assez important.
05:05Maintenant, c'est entre 14 et 18 mois.
05:07Et pour faire une saison par an,
05:10c'est-à-dire quand même 5 heures de fiction,
05:12chaque année,
05:14il faut déléguer.
05:15Il faut déléguer toutes les tâches.
05:17Il faut déléguer un peu l'écriture,
05:18il faut déléguer la réalisation,
05:19mais déléguer sans diluer, disons, le style,
05:25et même l'intention.
05:26Surtout pour un type comme vous,
05:27qui est obsédé par la maîtrise,
05:29c'est-à-dire vous ne lâchez rien.
05:30C'est ça qui est intéressant.
05:32Il y a à la fois le côté chef,
05:34vous aimez le pouvoir,
05:35parce qu'il y a une école Rochamp
05:36qui a été créée de gens
05:39que vous avez formés à l'écriture,
05:41qui aujourd'hui se revendiquent de vous.
05:43Et en même temps,
05:43vous maîtrisiez tout,
05:44vous ne lâchiez rien.
05:45C'est-à-dire que le pouvoir,
05:46non, le pouvoir corrompt,
05:48comme vous le savez.
05:49Et donc, non, le pouvoir,
05:51en fait, ce n'est pas une question de pouvoir,
05:54c'est une question de ne pas travailler pour rien.
05:56Donc, de ne pas avoir écrit pour rien,
05:58c'est-à-dire que ce soit ensuite
05:59dilué dans un autre style,
06:03et continuer à avoir, justement,
06:04la maîtrise de ce qu'on a envie de proposer.
06:08Et il faut qu'on puisse s'en vouloir qu'à soi-même,
06:10pas à quelqu'un d'autre
06:11qui aurait fait autre chose
06:13que ce que vous avez prévu.
06:14D'autant que vous êtes une brute absolue de travail,
06:16ça tout le monde le dit,
06:17et que vous êtes sorti
06:18de ces cinq années de Bureau des Légendes,
06:20exsangue, il y avait un article,
06:21toute une série d'articles dans Télérama
06:22sur le Bureau des Légendes,
06:24il y a cinq ans,
06:25qui dit que vous étiez cassé en deux.
06:27Vous aviez même perdu le désir.
06:29C'est pour ça que j'ai arrêté.
06:30Je n'ai pas perdu le désir,
06:31j'ai perdu, je pense,
06:32l'imagination,
06:34je ne savais pas trop comment me renouveler.
06:38Donc, effectivement,
06:39j'ai décidé d'arrêter au bout de cinq saisons.
06:41Et je pense que cinq saisons,
06:43c'est bien pour une série.
06:44Il n'y a pas de honte.
06:45Il ne faut pas pousser.
06:46Au commencement de la série,
06:47il y a le titre.
06:48Vous dites que l'origine de l'origine de la série,
06:50son point de départ, c'est ce titre.
06:51Avant même de savoir de quoi vous alliez parler,
06:54vous aviez trouvé le Bureau des Légendes
06:55en vous disant
06:55que ça serait un bon titre de série.
06:58Oui, exact.
06:58Je crois qu'en fait,
06:59ça allie les deux ingrédients
07:01qui sont les bons ingrédients
07:03des films d'espionnage.
07:06C'est-à-dire qu'il y a le quotidien,
07:07c'est-à-dire le bureau.
07:08Et c'est vrai que les agents du renseignement
07:10sont des gens qui vivent vraiment
07:12un quotidien tout à fait normal.
07:14Et puis, il y a la légende,
07:16c'est-à-dire le mythe.
07:18Moi, je me souviens que quand j'étais petit,
07:20c'est peut-être pour ça que d'ailleurs
07:21je me suis intéressé à l'espionnage,
07:22quand j'étais petit,
07:22on m'avait offert une panoplie d'espions.
07:25Et la panoplie d'espions,
07:26c'était très simple.
07:27Qu'est-ce que c'est que la panoplie d'espions ?
07:28C'était juste des objets du quotidien,
07:30genre briquets, stylos,
07:32des choses comme ça,
07:33qui avaient une double fonction.
07:34Donc les briquets pouvaient faire des photos,
07:36les stylos pouvaient tuer.
07:38Et c'est ça qui est assez fascinant.
07:41Et c'est ça que vous avez toujours aimé.
07:42C'est-à-dire qu'il y a eu la lecture
07:43de John le Carré aussi,
07:44mais la matrice de votre travail en général
07:48et qui va continuer dans les projets
07:49dont on va parler
07:49parce que vous avez deux grosses séries à venir,
07:52c'est l'idée du rapport à la vérité,
07:53du rapport au mensonge,
07:54à la dissimulation,
07:55au double personnage.
07:57C'est ça qui vous excite ?
07:57Oui, c'est le moteur du romanesque.
07:59C'est-à-dire qu'en fait,
08:00le mensonge, la dissimulation,
08:02le leurre,
08:03c'est le moteur du romanesque
08:04puisque d'abord,
08:04un, c'est le moteur du quiproquo,
08:06du malentendu.
08:08On joue avec deux identités,
08:10on peut devenir fou
08:12et en même temps,
08:13c'est la double lecture.
08:14Donc ça, c'est sûr
08:16que c'est un bon moteur dramatique.
08:17Vous vous souvenez
08:18de la première fois
08:18que vous êtes entré à la DGSE ?
08:20Oui, je m'en souviens très bien.
08:22C'était à l'occasion
08:24du Bureau des Légendes.
08:25Je voulais les prévenir
08:27de ce qu'on faisait.
08:29Je ne pouvais pas faire
08:29une série sur la DGSE
08:31sans leur dire
08:31« Les gars,
08:32je fais une série sur vous ».
08:33Je ne savais pas du tout
08:34qui ils étaient,
08:35comment ils étaient.
08:36C'était vraiment
08:37l'inconnu.
08:39On est passé par la DICOT,
08:40c'est-à-dire le service
08:40de communication des armées,
08:42qui nous a fait rencontrer.
08:43Donc on a été à la DGSE,
08:45on les a rencontrés.
08:46J'ai vu des gens
08:47totalement normaux,
08:48très sympathiques.
08:49Ils faisaient de leur jogging ?
08:50Oui, dans la cour,
08:51il y en a qui faisaient leur jogging.
08:53Mais même si j'ai vu
08:54un peu les patrons,
08:55les directeurs,
08:57qui me regardaient
08:58un peu d'un drôle d'air,
08:59mais pas tant que ça,
09:01parce qu'en fait,
09:01ils me connaissaient.
09:02Comme j'avais fait
09:03« Les Patriotes »
09:03et que c'est un film
09:04d'espionnage, déjà,
09:05qu'ils avaient apprécié
09:07pour son réalisme.
09:08Disons qu'ils m'ont reçu
09:11avec bienveillance,
09:12mais moi,
09:12j'étais en face
09:13de gens normaux.
09:14Mais est-ce que vous savez,
09:15Nicolas,
09:15je vous le dis,
09:16parce que le grand fan de série,
09:18il est à ma gauche,
09:19que ça a fait exploser
09:21le nombre de vocations
09:22à la DGSE,
09:23votre série,
09:24multipliée par 10,
09:24c'est-à-dire le nombre
09:25de gens de candidature
09:26à la DGSE,
09:27et qu'aujourd'hui,
09:28encore,
09:28quand on rentre à la DGSE,
09:30le débutant doit se taper
09:31les cinq saisons
09:32du Bureau des Légendes.
09:34En tout cas,
09:34je sais que la DGSE,
09:35ils disent « Attention,
09:36quand ils recrutent les gens,
09:37ils disent « Attention,
09:37c'est pas le Bureau des Légendes. »
09:39Parce qu'il ne faut pas
09:40non plus exagérer.
09:41Mais cela dit,
09:43quand la série est sortie
09:44en 2015,
09:45il y a eu des attentats,
09:46et je pense que les attentats
09:47ont beaucoup envoyé
09:48les gens aussi
09:49s'engager dans la DGSE.
09:51On a appris, nous,
09:52ce qu'était vraiment
09:53le job d'agent
09:53des services secrets,
09:54avec notamment
09:55le test du restaurant
09:56que Mathieu Kassovitz,
09:57la star,
09:58le héros,
09:59en tout cas,
09:59des premières saisons,
10:01impose à Sarah Girodo,
10:03débutante,
10:03le fameux test du restaurant.
10:06On écoute.
10:06J'avais vu une photo de vous,
10:08mais je n'étais pas sûre.
10:08Bonjour.
10:10Je suis Marina Loiseau.
10:11C'est un honneur,
10:12vraiment.
10:13C'est une chance.
10:15Deux hommes en comptoir,
10:16verbes.
10:19Costard bleu ?
10:20Non,
10:20un peu plus à gauche.
10:23Un grand en veste,
10:24chemise rose,
10:25et un type
10:26en blouson de jean,
10:2730 ans à peu près.
10:28Parfait.
10:29Je voudrais leur nom,
10:30prénom, profession,
10:31numéro de portable.
10:32Je vous donne un quart d'heure.
10:33Le test du restaurant,
10:37qu'on fait passer aux débutants,
10:38c'est un des exercices de base,
10:40des fondamentaux d'agents de la DGSE.
10:44Alors en fait,
10:44je n'en sais rien.
10:45Si,
10:45dise ça.
10:45Je vous le dis.
10:46C'est inventé.
10:48Ah bah non,
10:49ça ne peut pas être inventé.
10:50Non,
10:51mais c'est logique.
10:51C'est logique.
10:53Essayer de soutirer les informations
10:54de quelqu'un qu'on ne connaît pas.
10:55Mais ce qui est fascinant aussi,
10:57dix ans après,
10:57c'est de voir à quel point
10:58la série était prémonitoire.
10:59Le 27 avril 2015,
11:01quand le premier épisode sort,
11:03il n'y avait pas encore eu
11:04les attentats du 13 novembre.
11:05Il n'y avait pas encore eu
11:05l'élection de Trump,
11:07le Brexit,
11:07la guerre en Ukraine,
11:08le 7 octobre.
11:09tous ces événements
11:10qui ont fait basculer
11:11notre monde
11:11dans un monde chaotique,
11:12illisible,
11:13dans un monde de rapports
11:14de force et de guerre
11:14informationnelle,
11:16ils étaient pressentis
11:19dans votre série.
11:20Et c'est ça qui,
11:21à mon sens,
11:21fait vraiment l'impact
11:23de cette série
11:24dans notre inconscient
11:26et même la force
11:27au niveau mondial,
11:28au niveau international.
11:29C'est qu'il y avait tout,
11:30en fait.
11:31Alors ça,
11:31je ne sais pas.
11:32Je dois vous avouer
11:33que depuis que...
11:35Nous,
11:35on a toujours essayé
11:35de coller un peu
11:36à l'actualité.
11:37Mais c'est vrai que
11:38dans l'actualité,
11:39il y a toujours eu
11:39des invariants,
11:40des choses,
11:41des rapports de force
11:43qui courent
11:45pendant plusieurs années.
11:46Par exemple,
11:47le conflit israélo-palestinien,
11:48le terrorisme,
11:50la Russie,
11:50le cyber,
11:52ce sont des réalités
11:54qui sont assez longues
11:55et sur lesquelles
11:56on peut compter,
11:57en tous les cas,
11:57pour créer des fictions
11:59sur plusieurs années.
12:01Mais depuis le Covid,
12:03la réalité change
12:05quasiment tous les ans.
12:06Et donc là,
12:07non seulement la réalité,
12:08mais le monde,
12:09la planète,
12:10change tous les ans.
12:11Et donc ça devient
12:12de plus en plus difficile,
12:13à mon avis,
12:13de coller à la réalité
12:14car on est en révolution
12:16géopolitique permanente.
12:18C'est ce que disait
12:18Giuliano D'Ampoli
12:19à ce micro il y a dix jours.
12:21Il disait parfois
12:22la réalité a plus d'imagination
12:23que la fiction.
12:24La fiction,
12:24il faut qu'elle soit
12:25d'une certaine manière logique.
12:26La réalité,
12:27depuis quelques années,
12:29bascule dans l'absurde.
12:30Et quand on voit,
12:31par exemple,
12:31la scène de ce qui s'est passé
12:32dans le bureau Oval
12:34de Trump
12:35qui humilie Zelensky
12:36et qui termine
12:37ces 40 minutes
12:39terribles à regarder
12:41par « ça fera
12:41de la très bonne télévision ».
12:43Est-ce que le showrunner
12:44que vous êtes
12:45est dépassé
12:45par la situation-là ?
12:46Est dépassé
12:47par le réel ?
12:48On est dépassé.
12:50Non,
12:50ça courait.
12:52Enfin,
12:52c'était pas prévisible.
12:54En tout cas,
12:54ça sentait le pâté,
12:56comme on dit,
12:56depuis longtemps.
12:58Je pense que c'est lié
13:00aux réseaux sociaux.
13:00C'est-à-dire que c'est
13:01l'esprit des réseaux sociaux
13:02qui était dans le bureau Oval.
13:04C'est la philosophie,
13:05l'esprit,
13:06l'émotionnel
13:08et aussi la cruauté
13:12et la fureur
13:12des réseaux sociaux
13:13qui ont été incarnés
13:14dans ce bureau Oval.
13:16Et alors,
13:16ce qui est intéressant
13:17de voir,
13:18c'est qu'en fait,
13:19il y avait deux figures
13:21face à face.
13:22Il y avait la figure du réel
13:23qui est celle de Zelensky
13:24puisque,
13:25quand je dis la figure du réel,
13:26c'est-à-dire qu'en fait,
13:27c'est la figure d'un pays
13:28qui est attaqué
13:29et donc qui est en guerre
13:31et la guerre,
13:32c'est le réel.
13:33Les corps,
13:34les gens qui meurent,
13:35c'est le réel,
13:36c'est pas de la fiction.
13:37Et de l'autre côté ?
13:37Et de l'autre côté,
13:38on avait les réseaux sociaux,
13:39c'est-à-dire
13:40l'esprit des réseaux sociaux,
13:42c'est-à-dire une sorte
13:43de fantasme,
13:45de colère,
13:46de fureur,
13:48d'une certaine légèreté aussi
13:50et surtout,
13:53et surtout,
13:53un manque absolu
13:55de retenue
13:56et de surmoi,
13:58je dirais.
13:59Et donc voilà,
14:00on avait ça ensemble
14:02dans le même bureau.
14:03Vous avez déclaré
14:03il y a quelques années,
14:04Éric Rochand,
14:05les politiques n'utilisent pas
14:06les réseaux sociaux,
14:07ils sont aliénés
14:08par les réseaux sociaux.
14:09La montée du populisme
14:11est synchrone
14:11avec la montée des réseaux sociaux
14:13parce qu'ils savent parler
14:14la langue des réseaux sociaux
14:15mieux que les autres,
14:16mieux que les pas populistes.
14:17Je pense que
14:18si Trump a été élu,
14:20c'est d'abord
14:21pour des raisons
14:21probablement économiques,
14:23mais aussi parce qu'il parle
14:24la langue des réseaux sociaux,
14:25c'est-à-dire qu'il parle
14:25la langue que les gens
14:27veulent entendre.
14:28Il y a la langue,
14:29par exemple,
14:29la langue de la radio,
14:30c'est terminé.
14:32Même la télé,
14:33même la télévision
14:34qui,
14:34il y a 15 ans
14:35ou 20 ans,
14:36on pouvait l'accuser
14:38d'être
14:38de l'entertainment,
14:40c'est-à-dire
14:40du divertissement,
14:41même les émissions politiques,
14:43même ça,
14:43c'est terminé.
14:44C'est-à-dire que maintenant,
14:44c'est les réseaux sociaux
14:45qui nous dépassent tous,
14:46parce qu'en fait,
14:46les réseaux sociaux,
14:48c'est pas les uns
14:49et les autres,
14:50c'est pas chacun
14:50qui écrit
14:51sur son petit Twitter
14:52ou son petit Facebook,
14:53c'est une sorte d'entité,
14:56moi je dis acéphale,
14:57parce qu'en fait,
14:57qui n'a pas de volonté,
14:59c'est une volonté automatique.
15:01En fait,
15:01c'est un algorithme,
15:02les réseaux sociaux,
15:03c'est un algorithme humain,
15:05donc on sait pas
15:06où ça va,
15:06mais en fait,
15:07c'est la subjectivité
15:09de la meute.
15:10Ça va
15:10où ça doit aller
15:11avec la fureur
15:13qui lui est attachée.
15:15Une fureur
15:15que vous avez décidé,
15:16vous qui avez beaucoup
15:17tweeté dans votre vie,
15:18vous avez beaucoup
15:18utilisé Twitter,
15:20X,
15:20vous avez quitté X
15:22pour Blue Sky,
15:23on peut vous retrouver
15:23sur le nouveau réseau social,
15:25là,
15:26vous avez décidé
15:27de quitter X quand ?
15:29J'ai décidé
15:30de quitter X
15:30au moment
15:31de l'élection américaine,
15:33j'ai plus envie
15:34d'être sur le
15:35sur le réseau social
15:37qui est
15:37qui est dirigé
15:40par Elon Musk,
15:41mais au-delà de ça,
15:42j'ai plus envie
15:42d'être sur les réseaux sociaux,
15:43parce qu'en fait,
15:44il y a la première
15:46forme de résistance
15:47à tout ce qui est
15:48en train de se passer,
15:49je pense que c'est
15:50de ne plus être
15:50sur les réseaux sociaux.
15:52C'est de ne plus épouser
15:53cette rhétorique,
15:55cette pensée
15:57rapide,
15:59facile
15:59et mensongère,
16:01et c'est de ne plus
16:02participer à ce monde
16:03sans vérité
16:05que sont les réseaux sociaux.
16:06C'est un vaste programme
16:09de quitter les réseaux sociaux
16:10aujourd'hui,
16:11mais c'est vrai
16:11que ça se pose
16:11comme question.
16:12Ce qui est fou aussi,
16:13c'est que ce que vous dites
16:15et on va parler
16:16de vos projets,
16:17mais c'est vrai
16:18qu'en bossant
16:19sur votre cas,
16:20vous parlez
16:21du retour
16:22des idéologies,
16:23on pensait
16:24que c'était
16:24la fin des idéologies
16:25et évidemment,
16:26on pense
16:26au Monde sans pitié,
16:27à un Monde sans pitié,
16:28votre grand film générationnel
16:30qui sort
16:31la semaine
16:32de la chute
16:32du mur de Berlin
16:33en 89
16:34avec Hippolyte Gérardot
16:35qui était
16:36au moment
16:36où on pensait
16:37que c'était
16:37la fin de l'histoire,
16:38que c'était
16:38la fin des idéologies
16:39juste pour le plaisir,
16:41je voudrais qu'on entende
16:41Hippolyte Gérardot.
16:42Si au moins
16:43on pouvait en vouloir
16:44à quelqu'un,
16:47si même
16:47on pouvait croire
16:48qu'on sert à quelque chose,
16:51qu'on va quelque part,
16:53mais qu'est-ce
16:54qu'on nous a laissé ?
16:56Les lendemains
16:56qui chantent ?
16:58Le grand marché européen ?
17:00On n'a que dalle,
17:02on n'a plus qu'à être amoureux
17:03comme des cons,
17:04et ça c'est pire que tout.
17:14Ça c'était
17:14Un monde sans pitié,
17:15c'est le film phare
17:17de toute une génération
17:18comme on dit aujourd'hui.
17:20Eh bien aujourd'hui
17:21ce qu'on vit
17:21c'est la fin
17:22du monde sans pitié,
17:23c'est la fin
17:24de la fin des idéologies
17:25comme vous le dites vous-même
17:26dans l'Express
17:26il y a quelques années.
17:27Oui absolument,
17:28mais la fin des idéologies
17:29ça a commencé
17:29avec le terrorisme islamiste
17:31parce que là c'était
17:32la nouvelle idéologie
17:33qui a marqué son temps
17:35et c'est vrai que
17:36je pense que l'élection
17:38de Trump
17:38est un événement
17:40au moins
17:40aussi important
17:41que la chute
17:42du mur de Berlin.
17:43C'est-à-dire
17:44je pense qu'on entre
17:46dans une nouvelle ère
17:47là c'était une nouvelle ère
17:48qui commençait
17:50l'essor du capitalisme
17:52dans les pays de l'Est
17:53en Russie
17:53etc.
17:54Mais là je pense
17:55qu'on entre
17:57dans une nouvelle ère
17:58et c'est difficile
18:00d'être contemporain
18:01de ce qui nous arrive
18:02parce qu'en fait
18:02on ne sait pas vraiment
18:03ce qui est en train
18:03de nous arriver.
18:04Ce qu'on sait
18:04ce que moi je pense
18:07c'est qu'effectivement
18:08c'est radical
18:08et que le monde
18:10va changer radicalement
18:11et que toutes nos idées
18:13tous nos désirs
18:16tous nos souhaits
18:16politiques et géopolitiques
18:18sont obsolètes.
18:18Et je pense que
18:19la politique française
18:21par exemple
18:21prenons la politique française
18:22elle est absolument obsolète.
18:23Obsolète !
18:24C'est-à-dire que
18:24ça n'a plus de sens
18:25de parler
18:27de discuter
18:27même de ce dont on parlait
18:30il y a un an
18:31ou six mois
18:32c'est obsolète.
18:33C'est-à-dire que là
18:34on entre dans une nouvelle ère
18:35où il faut absolument
18:37nous rassembler
18:38je dirais
18:39et essayer de comprendre
18:40ce qui nous arrive.
18:41mais ce qui nous arrive
18:42était inscrit
18:43dans une histoire
18:44qui courait
18:46depuis une quinzaine
18:47d'années
18:47mais maintenant
18:48il faut nous mettre à jour.
18:50Et du coup
18:51c'est très difficile
18:51de faire des séries
18:52d'espionnage
18:54des séries liées
18:55au réel
18:55comme vous le faites
18:56du coup
18:57on en arrive
18:57à vos deux grands projets
18:58il y en a un
19:00pour Netflix
19:00il y en a un pour Canal
19:01il y a Bandi d'abord
19:02pour Netflix
19:03qui est en cours
19:04de tournage en ce moment
19:05en Martinique
19:05que vous avez créé
19:07avec votre fille
19:08d'ailleurs
19:08Capucine Rochand
19:09et Capucine Rochand
19:10absolument
19:10et Secret People
19:12qui doit être tourné
19:13l'année prochaine
19:14pour arriver en 2027
19:15pour Canal
19:16qu'est-ce que vous pouvez nous dire
19:17en un mot
19:17de ces deux projets ?
19:18Bandi
19:19c'est l'histoire
19:19d'une famille
19:20martiniquaise
19:21c'est une famille
19:22nombreuse
19:23de onze enfants
19:23et c'est la naissance
19:24d'un gang familial
19:25et donc on est inscrit
19:26dans la réalité
19:28martiniquaise
19:28c'est une série
19:29qui est tournée
19:30uniquement avec des acteurs
19:30non professionnels
19:31qui sont absolument
19:33extraordinaires
19:34et je dirais
19:35que ça va faire entrer
19:36la Martinique dans le monde
19:36c'est le parrain
19:38en Martinique
19:38oui en gros
19:39c'est Shameless
19:40et Top Boy
19:41en Martinique
19:42disons
19:42et puis
19:44Secret People
19:45c'est une série
19:46d'esplénage international
19:47ça serait l'idée
19:48de suivre
19:50des agents
19:51du renseignement
19:52des grandes agences
19:53du monde entier
19:54et voir un peu
19:55comment
19:55ce monde parallèle
19:57des agences
19:58de renseignement
19:59en fait épouse
20:00et suit le rythme
20:01de l'histoire
20:02on n'est pas sorti
20:03de l'auberge
20:04parce qu'en fait
20:04ça change tout le temps
20:05arriverez-vous
20:07à la faire
20:08c'est ça la question
20:09on termine par
20:09les impromptues questions
20:10très rapides
20:10vous répondez rapidement
20:11baron noir
20:12ou parlement
20:13baron noir
20:17ou parlement
20:18je dirais
20:19alors c'est
20:21l'Europe
20:22ou la France
20:22en fait
20:22c'est ça
20:23que vous me posez
20:23comme question
20:24aujourd'hui
20:25je dirais plutôt
20:26l'Europe
20:27parce qu'en fait
20:27c'est notre seule réponse
20:29possible au monde
20:29qui est en train de changer
20:30succession
20:31ou soprano
20:31ah non
20:33mais là c'est
20:33c'est la fraise
20:35ou la framboise
20:36c'est ça
20:36c'est pas possible
20:37Jacques Audiard
20:38ou Arnaud Desplechins
20:39bah c'est
20:41c'est deux amis
20:42disons que
20:43c'est compliqué
20:44disons que
20:44le dernier film
20:45de Jacques Audiard
20:46que oui
20:46j'ai beaucoup aimé
20:47Emilia Pérez
20:47vous mentez beaucoup
20:49Eric Rochand
20:50comme un arracheur de dents
20:53on pourrait dire
20:53vous êtes parano
20:55non
20:57mais par contre
20:57j'ai beaucoup d'imagination
20:58ce qui
20:59ce qui
20:59ce qui favorise
21:01la paranoïa
21:01vous votez
21:03je vote
21:04oui tout le temps
21:05et puis alors
21:06on connaît le producteur
21:06le réalisateur
21:07l'auteur
21:08et puis vous êtes
21:08désormais directeur
21:09de collection
21:10chez Gallimard
21:11oui une nouvelle collection
21:13chez Gallimard
21:14va sortir
21:15qui s'appelle
21:15en attendant le réel
21:16c'est à dire
21:17en attendant
21:18qu'il nous frappe
21:18et le premier opus
21:22de cette collection
21:23c'est un livre
21:24de Maya Candel
21:25qui était une grande spécialiste
21:26des Etats-Unis
21:26qui s'appelle
21:27une première histoire
21:28du trumpisme
21:28merci infiniment
21:30d'avoir été avec nous
21:31ce matin
21:31vous parlez très rarement
21:32on était très content
21:33de vous entendre
21:34très heureux
21:34on aurait pu continuer
21:35encore une heure
21:36on avait mille questions
21:37merci Eric Rochand
21:38et bon anniversaire
21:39pour les 10 ans du Bureau des Légendes
21:40que vous fêterez
21:42à Cannes
21:42samedi
21:43au festival
21:44Cannes Série
21:47merci
21:47merci beaucoup

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