Regardez L'invité de RTL avec Thomas Sotto du 28 avril 2025.
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00:00RTL Matin
00:02Et tout de suite l'invité de RTL Matin, Thomas, vous recevez aujourd'hui le gouverneur de la Banque de France, François Villeroy de Gallo.
00:10Bonjour et bienvenue sur RTL, François Villeroy de Gallo, monsieur le gouverneur de la Banque de France.
00:14Je ne crois pas beaucoup me tromper en disant que nous sommes, nous les non-experts qui vous écoutons ce matin, à la fois inquiets et perdus.
00:20On nous dit que c'est la crise, qu'économiquement le pire est à venir, qu'il va falloir faire des dizaines de milliards d'économies,
00:25trouver encore 2 milliards pour la défense, faire et refaire des efforts.
00:29Alors, monsieur le gouverneur, est-on dans la panade ou la maison est-elle à peu près tenue ?
00:33Quel est votre sentiment global sur la situation économique du pays ?
00:37Alors, je ne crois pas que nous sommes dans la panade, mais nous sommes dans une grande incertitude, exceptionnellement élevée.
00:43Et au fond, notre économie, comme l'économie européenne et mondiale, est menacée de ce que j'appellerais la tétanie.
00:50C'est-à-dire qu'il y a une sidération face au basculement américain qui ralentit, qui engourdit, et que nous devons dépasser.
00:59Je crois qu'il y a un certain nombre, il y a un certain nombre de solutions.
01:01On met tout sur le dos de Donald Trump ?
01:03Je rentre là des Etats-Unis, puisqu'il y avait la semaine dernière les grandes réunions internationales à Washington autour du FMI.
01:11On a partagé les prévisions économiques.
01:14Je suis très frappé par cette imprévisibilité, aussi par une forme de désillusion américaine.
01:19Les politiques de M. Trump ne marchent pas.
01:23J'ai rencontré pas mal de dirigeants économiques ou d'acteurs financiers.
01:28Ça veut dire que l'Amérique doute déjà de son nouveau président ?
01:31Ah oui.
01:31Oui.
01:32Et l'économie américaine, surtout, est malheureusement en voie de retournement négatif.
01:37Vous savez, c'était une des meilleures économies du monde.
01:39On attendait, au mois de janvier, quand M. Trump a été installé comme président,
01:44une croissance américaine autour de 2,5%, c'est-à-dire beaucoup plus que l'Europe.
01:49Aujourd'hui, la plupart des prévisionnistes que j'ai rencontrés sont entre 0 et 1% de croissance attendue à la fin de l'année.
01:56Donc, un freinage incroyable.
01:58Il y en a même qui attendent la récession américaine.
02:01Pourquoi ? Parce que le protectionnisme, ça ne marche pas.
02:03Ça veut dire moins de croissance et ça veut dire plus d'inflation.
02:06Ça veut dire, ça fera 100 jours demain qu'il est revenu à la Maison Blanche.
02:09Donald Trump, il est déjà en train de plomber l'économie américaine ?
02:12Je crois qu'en tout cas, les politiques de cette administration Trump jouent contre l'économie américaine.
02:19Et malheureusement, Paris Cochet joue aussi contre l'économie mondiale.
02:22Alors, l'Europe est moins frappée.
02:25En particulier chez nous, il n'y aura pas d'inflation supplémentaire.
02:29Ça, je crois que c'est une garantie forte que je peux donner ce matin.
02:33Ni cette année, ni l'année prochaine.
02:34Ni cette année, ni l'année prochaine.
02:35Donc, on va rester à combien à peu près ?
02:37L'inflation, notre objectif européen avec la Banque Centrale Européenne, c'est autour de 2% d'inflation.
02:44Nous y sommes presque.
02:45Nous sommes à 2,2.
02:47Nous devrions atteindre cet objectif.
02:48Et ça, ça veut dire une chose importante.
02:50C'est que nous avons encore une marge progressive de baisse des taux d'intérêt.
02:55Mais ça veut dire un ralentissement de la croissance.
02:58Alors, en plus positif...
02:59Vous êtes toujours sur 0,7% pour cette année ou pas ?
03:01Alors, nous avons prévu 0,7%.
03:03C'était nos prévisions du mois de mars.
03:05Nous actualiserons au mois de juin, tous les trimestres.
03:09Pourquoi est-ce qu'on ne fait pas d'actualisation aujourd'hui avec ces menaces protectionnistes ?
03:12Parce que c'est très difficile d'isoler un élément de tous les autres.
03:16Il y a beaucoup d'incertitudes.
03:18Il y a certains éléments qui peuvent jouer positivement, comme la relance en Allemagne.
03:22Il va y avoir un nouveau gouvernement allemand qui a annoncé des investissements pour les infrastructures et la défense.
03:26Là, je reprends votre mot d'imprévisibilité que vous avez beaucoup entendu aux Etats-Unis.
03:29Ça veut dire qu'aujourd'hui, il est impossible de faire des prévisions.
03:32Ces 0,7% aujourd'hui sera peut-être 0,8% ou 0,5% dans deux mois, c'est ça ?
03:35Nous verrons l'actualisation que nous ferons.
03:38C'est probablement une tendance au ralentissement.
03:41Mais, Thomas Soto, je peux dire ce matin que nous ne voyons pas de récession pour la France et pour l'Europe.
03:47Le scénario central de la Banque de France, ça reste une sortie de l'inflation sans récession.
03:52Si je peux ajouter un élément sur ces réunions de Washington,
03:55moi, j'ai senti pour la première fois, je participe depuis une dizaine d'années,
03:59j'ai senti pour la première fois une forte attente d'Europe de la part des partenaires internationaux hors Etats-Unis.
04:06Pourquoi ? Parce que l'Europe, c'est une puissance d'équilibre dans ce monde instable.
04:10C'est un modèle attractif sur le plan social et environnemental.
04:14Donc, l'Europe n'est pas seule.
04:15Mais l'Europe ne doit pas être passive.
04:17C'est très important d'avoir une mobilisation générale.
04:20Moi, je le dirais comme ça.
04:22Je crois que les années Trump aux Etats-Unis doivent être les années de la souveraineté économique et financière en Europe.
04:28Dans ce contexte, quel est votre degré d'inquiétude pour notre budget en 2026 ?
04:33On sait que François Bayrou a convoqué une grande conférence il y a une quinzaine de jours
04:36pour dire, je vous dirai bientôt ce que je vais faire.
04:38Qu'est-ce que vous lui donnez comme conseil ?
04:40Qu'est-ce qu'il faut faire ?
04:41Je crois que sur cette année, il faut tenir les dépenses comme elles ont été votées.
04:46C'est un début de freinage de l'augmentation des dépenses publiques.
04:50Ce n'est pas une baisse des dépenses, c'est une moindre augmentation.
04:52Je crois que c'est...
04:53Là, je vais renvoyer à la lettre qu'a publiée la Banque de France il y a 15 jours,
04:58ce qu'on appelle notre lettre annuelle au Président de la République.
05:01Ce que nous plaidons, c'est la stabilisation de l'ensemble des dépenses publiques en volume.
05:06En volume, Thomas Soto, ça veut dire après prise en compte de l'inflation.
05:10Donc, effectivement, ce n'est pas un retour arrière,
05:12mais on arrête d'augmenter le total des dépenses en termes réels.
05:16Alors, ça a commencé sur le budget de l'État, qui fait un bel effort.
05:20Simplement, l'État, ça représente un gros tiers des dépenses.
05:24Il faut aussi arriver à stabiliser les dépenses locales et les dépenses sociales.
05:29En tout cas, à freiner leur augmentation.
05:31Je crois qu'il faut un effort de tous, un effort juste et partagé.
05:36Soyons concrets, M. le gouvernement.
05:37Non, non, mais je vais être très concrets.
05:38On se met autour d'une table et on raisonne sur plusieurs années.
05:43Parce que, regardez, dans ce basculement mondial,
05:46à la fois cette menace américaine, cette opportunité européenne,
05:50il faut qu'on monte un peu notre niveau de jeu et qu'on élargisse le champ.
05:55C'est-à-dire qu'on réfléchit sur plusieurs années.
05:58Et moi, j'appelle à une mobilisation générale.
06:01C'est-à-dire une mobilisation de tous les acteurs publics dont nous parlons.
06:04Et des entreprises aussi.
06:05Et des particuliers.
06:06Il faut augmenter les impôts ou pas ?
06:08Ça, ça sera une décision à prendre par les autorités politiques.
06:13Si nous arrivons à stabiliser ces dépenses en volume,
06:16il n'y a pas besoin d'augmenter les impôts pour revenir...
06:19Alors ça, c'est un cap à plusieurs années, un cap à 3% de déficit.
06:23Vous y croyez vraiment ?
06:24Vous savez que nous sommes à plus de 5% aujourd'hui.
06:25Oui, j'y crois, si nous le faisons.
06:27C'est un peu comme l'horizon, c'est le cap qu'on fixe toujours
06:29et qui s'éloigne à chaque fois qu'on en approche.
06:31Thomas Soto, si vous me permettez un mot important.
06:35J'ai dit que cette menace de tétanie appelle vraiment à une mobilisation générale.
06:41Nous, Français, nous, Européens, nous avons les moyens de cette mobilisation
06:45si nous en avons la volonté.
06:47Aujourd'hui, il faut fixer une date pour cette souveraineté économique et financière européenne.
06:56On se souvient peut-être du marché unique de Jacques Delors
07:01qui a été un grand progrès de l'Europe.
07:02Ça a marché parce que Jacques Delors avait fixé la date du 1er janvier 1993.
07:06Je crois que cette date, je ne sais pas si c'est 2027, 2028.
07:09Mais vous voyez, on se donne 2-3 ans pendant les années Trump
07:13pour réaliser la souveraineté économique et financière européenne
07:16qui va nous aider, nous, à croître, nous aider aussi à redresser nos finances publiques.
07:20Même chose, on se donne une date, 2029, pour revenir à 3% de déficit en France.
07:26Ne partons pas battus.
07:27Nous avons les moyens s'il y a cette mobilisation générale.
07:32On entend qu'il faut donc graver cette date de 2029 dans le marbre.
07:35C'est une journée spéciale consacrée au travail sur RTL, M. le Gouverneur.
07:38Déjà, faites-vous partie de ceux qui pensent que la France a un problème avec le travail.
07:41Et puis, quelles sont vos prévisions sur le chômage ?
07:43Est-ce qu'il va continuer à augmenter ?
07:44Parce que c'est facile de dire qu'il faut bosser.
07:45Mais déjà, il faut trouver un boulot.
07:47Alors, sur le travail et l'emploi, la France a fait des progrès depuis 10 ans.
07:51Voyez, on peut aussi partager des bonnes nouvelles.
07:53C'est très important de ne pas s'arrêter au milieu du chemin.
07:56Il n'y a jamais eu autant de Français au travail qu'aujourd'hui.
07:58Plus de 30 millions.
07:59Jamais eu autant d'heures travaillées.
08:01Et quitte à vous surprendre, depuis 10 ans,
08:03la France a créé plus de 2 millions d'emplois en net.
08:07Alors, pour autant, on l'entendait tout à l'heure avec François Langlais,
08:11nous ne sommes pas au bout.
08:11Nous avons encore un taux de chômage qui est trop élevé.
08:14Il va continuer à augmenter ?
08:15Alors, il va augmenter dans nos prévisions un petit peu,
08:18entre 7,5 et 8%.
08:20Nous sommes aujourd'hui à 7,3.
08:22Alors, au passage, ça mesure nos progrès.
08:25C'est beaucoup moins qu'il y a 10 ans,
08:26lors du précédent ralentissement économique.
08:28On était à plus de 10%.
08:29Mais on ne peut pas se contenter d'un taux de chômage
08:32qui soit entre 7,5 et 8.
08:35Les Français sont productifs.
08:37J'entendais tout à l'heure qu'il faut deux Français pour faire un Polonais pour produire des champignons.
08:45Alors, ça n'est pas vrai sur l'ensemble de l'économie.
08:47Mais la lettre de la Banque de France dont je parlais,
08:50elle nous appelle collectivement à travailler plus.
08:54Je ne parle pas du travail individuel,
08:56mais nous n'avons pas assez de travail des jeunes et des seniors.
09:00Et à travailler mieux, c'est-à-dire à faire ce qu'on appelle des gains de productivité.
09:03Bon, il faut travailler plus, il faut travailler mieux.
09:05Collectivement.
09:07Pourquoi ? Parce que nous avons un retard de taux d'emploi d'à peu près 15% par rapport à l'Allemagne
09:11sur les jeunes comme sur les seniors.
09:13Donc, c'est la question de l'apprentissage, puis c'est la question des retraites.
09:16Votre impression, rapidement, pour terminer,
09:17quand on en arrive à faire tout un pataquès autour de ceux qui ont le droit de travailler ou pas,
09:21des commerces qui ont le droit d'ouvrir ou pas,
09:23le 1er mai, ça vous inspire quoi ?
09:26Le Banque de France n'est pas en charge de savoir qui travaille le 1er mai.
09:30Je crois que le principe du repos fait aussi partie des acquis sociaux.
09:34Il me semble qu'on a réussi à détendre un peu cette question,
09:37à avoir des autorisations locales là où il fallait.
09:40Mais je reviens sur cette idée de mobilisation générale
09:44et d'élargir le champ de notre débat.
09:46Il faut peut-être dépasser cette seule question du 1er mai,
09:49mais mettons-nous ensemble, nous, Français et Européens, pour relever le drapeau.
09:55Vous savez, les années Trump, c'est un basculement très difficile.
09:59C'est une inquiétude légitime pour tout le monde.
10:01Mais c'est aussi, si nous le voulons, si nous saisissons cette opportunité,
10:06c'est le moment, c'est le moment, Thomas Soto, de la France et de l'Europe.
10:11Ne ratons pas cette occasion historique.
10:14Voilà donc l'appel au conclave européen, lancé cette fois-ci par François Videroy de Gallo.
10:18Merci.