Mardi 6 mai 2025, retrouvez Marc Lefevre (Président Place des Investisseurs & Directeur pour l’Europe de l’Ouest, Scope Group) dans SMART BOURSE, une émission présentée par Grégoire Favet.
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00:00Générique
00:00Le dernier quart d'heure de Smart Bourse, chaque soir, c'est le quart d'heure thématique.
00:13Le thème ce soir, c'est celui de l'autonomie stratégique et financière de l'Europe.
00:18Nous en parlons avec Marc Lefebvre, directeur Europe de l'Ouest de Scope Rating.
00:22Bonsoir Marc.
00:23Merci beaucoup d'être avec nous.
00:25Vous êtes également président de place des investisseurs.
00:27Double casquette, mais c'est quand même la casquette Scope Rating qui nous intéresse ce soir.
00:32Agence de notation pan-européenne, on en a régulièrement parlé avec vous à cette antenne, Marc.
00:38C'est même plus que ça.
00:39Vous êtes aujourd'hui au cœur du système européen des marchés de capitaux.
00:44Vous aviez déjà des mandats pour notation de la part de la Banque centrale européenne, du mécanisme européen de stabilité.
00:50Et dernière en date, c'est la Banque européenne d'investissement qui vous a attribué ce mandat pour notation en Europe.
00:57Tout à fait.
00:58Et ça, c'est une victoire très importante parce qu'on sait très bien que la BUI est présente dans beaucoup, beaucoup de projets sur tout le territoire européen, dans sa grande capacité.
01:07Donc c'est effectivement quelque chose que l'on poursuivait depuis des années, qui maintenant arrive.
01:12Il y a un véritable momentum, soyons francs, depuis le début d'année.
01:16Cette autonomie stratégique et cette souveraineté renforcée, souhaitée par l'Europe face au contexte géopolitique que l'on connaît, se renforce.
01:25Et donc aujourd'hui, beaucoup d'instances européennes et nationales souhaitent nous mandater pour ne pas dépendre justement des acteurs américains.
01:36N'oublions pas que Scope est la seule alternative véritablement crédible au niveau européen.
01:41Il y a d'autres agences européennes, mais beaucoup plus petites et sur seulement certains secteurs.
01:45Nous sommes sur tous les secteurs et toutes les classes d'actifs, que ce soit les corporettes, les souverains, les sub-souverains, donc les régions,
01:53mais également les financements structurés, les financements de projets.
01:56Et cette diversité fait notre richesse.
01:58Et aujourd'hui, effectivement, les instances européennes se dépêchent de nous mandater.
02:04Personne ne veut être la dernière.
02:05Quel a été le moment de Christian ?
02:06Parce que dès le départ, on en a parlé avec vous, Marc, et vous nous avez très bien expliqué pourquoi c'était important d'avoir une agence de notation européenne et pan-européenne
02:18qui prenne en compte des caractéristiques, des spécificités européennes, qu'on ne soit pas uniquement noté par trois grandes ou quatre grandes agences de notation
02:28qui appartiennent au monde anglo-saxon, que ce n'est pas la même façon de noter, de regarder les entreprises, etc.
02:35Mais cet argumentaire a été valable il y a déjà cinq, six ans.
02:39Marc, qu'est-ce qui a cristallisé les choses, là ?
02:41Alors, c'est exactement. Le prisme que l'on donne est la diversité sur le risque de crédit.
02:47C'est une diversité qui va prendre en compte les écosystèmes européens.
02:50Donc ça va être l'aspect culturel, l'aspect financier.
02:53Et donc c'est tous ces éléments qui font qu'on intéresse les deux parties de l'équation, émetteurs-investisseurs,
02:58puisqu'on regarde ces objets que sont par exemple les entreprises ou les instances européennes avec une perspective différente.
03:05Donc ça, c'est très important.
03:06Maintenant, qu'est-ce qui a fait que ça s'accélère ?
03:09C'est tout d'abord l'obtention du statut ICAF, Eurosystem Quality Assessment Framework,
03:14que la BCE nous a attribué après, je le rappelle, près de cinq à huit ans de travaux
03:19et près de 60 millions d'investissements pour l'obtenir.
03:24Donc c'est pour ça qu'on l'a dit sans arrogance aucune que la barrière à l'entrée est colossale.
03:31Et on ne voit pas d'autres agences européennes avoir ce statut.
03:34On est les seuls. On en est très fiers.
03:36Donc vous avez quatre drapeaux américains et enfin un drapeau européen.
03:40Et ça, je dirais que c'était le graal que nous attendions.
03:43Donc ça nous a pris un certain nombre d'années.
03:45Nous l'avons eu en novembre 2023.
03:48Et ça a encore pris 13 mois complémentaires jusqu'à décembre 2024
03:51pour que les notes de scope, les notations de rating de scope,
03:57soient véhiculées dans les systèmes de la BCE.
03:59C'est maintenant chose faite.
04:00Et ça a été effectivement un game changer.
04:03Donc ça, c'est l'acte 1.
04:05L'acte 2, ce sont les troubles géopolitiques croissants.
04:08Cette nouvelle régionalisation face effectivement aux Etats-Unis
04:12qui sont en train de quitter l'Europe.
04:14Eh bien, on voit une phase d'autodétermination qui se renforce
04:19avec probablement une défense commune,
04:22une coordination budgétaire renforcée.
04:25Évidemment, une amélioration extrêmement importante du capital pour les entreprises et les ménages.
04:32Donc cette fameuse union des marchés de capitaux redénommée
04:35l'union de l'épargne et de l'investissement
04:38qui doit maintenant enfin trouver naissance.
04:42Parce que tout ça, ça fait un moment, ça fait 10 ans.
04:43Donc on a en tête les rapports l'Etat, les rapports noyés, drahis.
04:49Donc tout ça, ça avance.
04:51Draghi, pardon.
04:52Oui, oui.
04:53Tout ça avance.
04:54Mais maintenant, il faut effectivement concrètement y arriver.
04:56Oui.
04:57Donc nous, on s'inscrit totalement dans cette désintermédiation du financement.
05:00Vous qui connaissez bien ces arcanes européennes institutionnelles, Marc,
05:05parce qu'encore une fois, l'union des marchés de capitaux,
05:07alors il change le nom au moment où on a tous appris ce que c'était que l'union des marchés de capitaux.
05:11Mais entre nous, ça fait 10 ans, 15 ans qu'on en parle de l'union des marchés de capitaux.
05:16Le rapport des cinq présidents, il existe, je crois, depuis 2015 au moins.
05:22Qu'est-ce qui vous donne cet espoir que ça y est, cette fois, c'est le moment où on va pouvoir compléter enfin
05:28cet étage important de la construction européenne ?
05:32Le terrain politique est favorable aujourd'hui à une nouvelle avancée en la matière ?
05:39Parce que le fait d'en parler, ça ne fait pas forcément avancer les choses.
05:41Je ne dis pas que ça fait reculer les choses, mais ça ne fait pas avancer concrètement beaucoup plus le dossier aujourd'hui.
05:46Très clairement, la situation géopolitique qu'on vient de rappeler, ça va être l'accélérateur.
05:50Aujourd'hui, on n'a plus le choix.
05:51On ne peut plus, sur le sujet financier, laisser des sociétés américaines décider du coup,
05:58du financement.
05:59Et donc là, il y a une prise de conscience réelle à tout niveau qui fait que la situation va changer.
06:07Donc on va pouvoir accélérer cette délivrance de l'union de l'épargne et de l'investissement,
06:13mais également toute cette notion de désintermédiation du financement,
06:15dont on a parlé plusieurs fois dans votre émission, sur laquelle les sociétés et les États,
06:20mais également les régions, on le voit, aujourd'hui très endettées,
06:23vont devoir, d'une façon ou d'une autre, faire appel davantage au marché pour se financer,
06:27puisque l'État sera moins présent.
06:29Et on reparle de la titrisation, des marchés de titrisation, etc.,
06:32pour apporter effectivement une fluidité dans ces mécanismes de financement.
06:37À la clé de tout ça, c'est un coût de financement global qui peut baisser,
06:41franchement, pour les entreprises européennes, c'est ça ?
06:43Un coût de financement qui peut baisser, et je dirais un juste coût.
06:46Aujourd'hui, le fait d'avoir des acteurs américains qui peuvent moins bien appréhender
06:50le risque des sociétés ou des États...
06:53Ça implique un surcoût ?
06:54Ça implique un surcoût.
06:55Après, on a des différences méthodologiques.
06:57Pour mémoire, on n'a pas de capte automatique souverain.
07:00C'est-à-dire que si la France venait à être dégradée, ou prenons plutôt du Sud,
07:05donc on peut très bien noter une corporette italienne mieux que l'État italien.
07:10Et donc ça pourrait arriver en France également.
07:13Donc ça, je dirais que c'est des spécificités qui font que le juste coût,
07:16mais vous pouvez le trouver avec nous.
07:18Et c'est ce vers quoi les sociétés de plus en plus,
07:21ou les instances qui font appel à nous, s'orientent.
07:24Parce que si on revient sur le rôle crucial que nous jouons,
07:29avec cette perspective européenne différente,
07:31c'est qu'on va contribuer à une plus grande diversité.
07:34Et ça, tout le monde l'appelle de ses voeux.
07:37Mais c'est également améliorer la gestion des risques pour les investisseurs.
07:41Ça, c'est au cœur de leur stratégie et de leur raison d'être.
07:44Et puis, c'est contribuer à un système financier plus stable.
07:48Cette stabilité, à titre illustratif, pendant la crise du Covid,
07:53on ne s'est pas précipité pour dégrader, contrairement aux Américains,
07:57tel secteur et l'intégralité du secteur parce qu'il y avait des doutes.
08:02On va avoir une analyse beaucoup plus fine au cas par cas.
08:06Et ça, c'est une grande différence.
08:07Ça ne veut pas dire qu'on n'a pas dégradé des sociétés pendant le Covid.
08:09Mais en tout cas, pas de façon massive.
08:12Rappelons les chiffres.
08:13S&P et Moody's, c'était près de 40 à 50 % dans les premiers jours.
08:18Donc, alors que, là aussi, on prend un illustratif.
08:21On ne fait pas dans le détail.
08:22On ne fait pas dans le détail.
08:23Si vous prenez Air France ou Lufthansa,
08:25on sait très bien que ces sociétés seront toujours supportées par l'État.
08:28C'est peut-être ce qui manquait dans l'analyse américaine.
08:31Oui, j'entends.
08:32Intéressant.
08:32Au moment où on se pose des questions sur le statut du dollar en tant que monnaie de réserve,
08:36alors le dollar restera une monnaie de réserve tant qu'il n'y aura pas d'alternative.
08:40Mais l'euro peut grignoter des parts de marché, j'imagine, là aussi,
08:44au sein du système monétaire mondial.
08:47Tout à fait.
08:47L'ambition de Scope, évidemment, on commence par l'Europe puisque nous ne sommes pas européens.
08:51Mais à terme, c'est d'aller vers les vastes frontières
08:53et d'être l'une des grandes agences mondiales,
08:55l'une des deux, trois plus grandes agences mondiales.
08:57Donc n'oublions pas que nous n'avons qu'une douzaine d'années d'ancienneté,
09:01ce qui est encore un jeune enfant.
09:03Franco-allemand à l'origine ?
09:05Franco-allemand, plutôt allemand.
09:06Plutôt allemand.
09:07Très franco-allemand.
09:08Merci de le rappeler.
09:10Pourquoi ?
09:11Parce qu'en fait, des très très gros clients sont maintenant plutôt sur la France.
09:15On a également des actionnaires,
09:18les derniers actionnaires à avoir rejoint Scope,
09:20ce sont AXA, BPCE, Crédit Agricole.
09:23Je vais vous assurer qu'il y en a d'autres qui arrivent.
09:25Il y a un équilibre franco-allemand qui s'est créé.
09:29Il y a un équilibre réel qui s'est fait.
09:31On a également une présidente qui est française,
09:33on a le patron de l'agence que vous connaissez, Guillaume Jolivet, qui est français.
09:36Donc tous ces éléments font qu'effectivement,
09:39cette stratégie franco-allemande, aujourd'hui, est très payante.
09:43D'ailleurs, quand on voit les côtes sur l'accord de coalition,
09:47puisque c'est d'actualité aujourd'hui,
09:49une petite côte, nous exploiterons toutes les possibilités
09:52pour renforcer la capacité d'action et la souveraineté stratégique de l'Union européenne.
09:56Pour nous, c'est du...
09:57Tu peux un béni.
09:58C'est du petit lait.
10:00Si on reprend Emmanuel Macron et le chancelier Scholl,
10:04donc là, c'est plus de l'ère précédente, mais c'est important.
10:08Ensemble, nous plaiderons en faveur du renforcement de la souveraineté de l'UE
10:11et de la réduction de nos dépendances critiques.
10:14Donc voilà, c'est sûr que le financement est au cœur de tout.
10:17Et il y a une dépendance, effectivement, de ce point de vue-là, dont il faut se libérer.
10:21Mais c'est bien, c'est...
10:21Le chiffre, c'est que plus de 92% sont aux mains, des notes en tout cas, sont aux mains des Américains.
10:29Donc heureusement qu'il y a un champion européen qui s'appelle Scope,
10:31qui est là pour lutter contre cette oligopole.
10:35L'Airbus de la notation financière.
10:37Tout à fait.
10:38Une construction européenne par nature.
10:40Merci beaucoup, Marc.
10:41Merci d'être venu évoquer ces sujets d'autonomie stratégique.
10:44Il y a toute la partie industrielle.
10:46La finance est aussi une industrie.
10:47L'autonomie financière, c'est aussi un pilier de l'autonomie stratégique dans son ensemble.
10:52Marc Lefebvre, directeur Europe de l'Ouest de Scope Rating
10:55et président de Place des investisseurs,
10:57a été l'invité de ce dernier quart d'heure de Smart Bourse ce soir.