À 9h20, Adrien Bosc, romancier et éditeur, pour son roman "L’invention de Tristan", aux éditions Stock. Plus d'info : https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/l-interview-de-9h20/l-itw-de-9h20-du-jeudi-08-mai-2025-8699561
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00:00Et Mathilde Serrel, vous recevez un romancier et éditeur sur les traces d'un auteur culte.
00:05Adrien Bosque, bonjour !
00:07Bonjour Mathilde Serrel.
00:08Le plus grand suspense de la littérature, c'est de savoir si un livre peut tuer.
00:13Peut-être, en tout cas c'est un cas limite dans l'histoire de la littérature,
00:16ou peut-être spécifique à la littérature américaine.
00:20Un livre, est-ce qu'un livre peut tuer ?
00:22Est-ce qu'un destin peut nous ensombrir à ce point ?
00:28Est-ce que c'est la vie qui dévore ? Est-ce que c'est la littérature qui dévore ?
00:32Pour votre quatrième roman, en tant qu'écrivain, vous publiez un thriller littéraire, on peut le dire.
00:37L'invention de Tristan, chez Stock, une enquête sur cet auteur culte,
00:40Tristan et Golfe, qui a publié à la lisière du XXIe siècle,
00:44un roman furieux et baroque, Le Seigneur des porcheries.
00:48L'histoire de ce livre est dingue, on va y revenir.
00:50Et quelque part, elle prendra le pas, c'est vrai, sur son auteur.
00:53En 2005, il se tue à 33 ans, comme son héros.
00:56Au fond, est-ce que vous posez cette question très cluedo, Adrien Bosque ?
01:00Qui a commis le meurtre d'un auteur qui se suicide ?
01:04En tout cas, c'est la question que se pose mon narrateur qui enquête sur cette histoire,
01:09parce que ce qui lui apparaît d'emblée, peut-être comme un mobile,
01:13c'est la littérature et c'est la question du grand roman.
01:16Est-ce qu'écrire son plus grand roman, est-ce qu'écrire son roman cardinal,
01:19dès le premier, n'est pas d'emblée avoir gravi la plus haute montagne
01:25et savoir d'emblée qu'on ne reverra jamais la même perspective ?
01:29Le Seigneur des porcheries, pour vous, c'est aussi un grand roman ?
01:32Vous l'avez lu et relu, après, je crois, le premier flash de l'adolescence,
01:35quand vous l'avez découvert ?
01:36Oui, et tous ceux qui l'ont croisé, tous ceux qui l'ont croisé en tant que lecteur
01:39ont eu cette espèce de déflagration de la première lecture, qui a été la mienne.
01:43C'est une première lecture en arrivant, voilà, au sortir de l'adolescence,
01:48et puis une espèce de, comme ça, de déflagration, de choc littéraire,
01:53et puis d'y revenir à ce livre en se demandant s'il tient la route,
01:56et se dire que oui, il tient la route, et que c'est peut-être un de ces grands romans américains,
02:00et avec cette particularité très spécifique à ce livre,
02:03qui, s'il est un de ces grands romans américains, n'est pas connu de ses compatriotes,
02:07et n'existe pas dans ce pays.
02:09Il est culte en France, mais pas aux Etats-Unis.
02:11En parlant de cet auteur devenu culte, donc pour nous, Tristan et Golfe,
02:15d'abord, il y a cette histoire qui est en soi un roman,
02:17ce conte moderne, comme vous l'appelez.
02:19Il était une fois un écrivain américain, sans le sou, trimballant un manuscrit,
02:22refusé par tout ce que la côte S compte d'éditeurs, qui trouvent attache à Paris.
02:26Il rencontre une jeune femme dont il tombe amoureux,
02:28elle est la fille d'un écrivain français dont il ne connaît ni les livres, ni l'importance.
02:32Un jour, le père tombe sur le manuscrit du jeune homme,
02:34le transmet à son propre éditeur,
02:36et contre toute attente, l'évidence littéraire écarte les doutes.
02:40Le livre est traduit, ironie du sort,
02:42seul par ceux-là même qui l'avaient refusé,
02:44dans son pays vont se l'arracher.
02:46L'histoire est folle, et si on précise qui est la jeune fille,
02:49et qui est le papa encore plus,
02:51il s'agit de Marie Modiano et son père, Patrick Modiano.
02:54Comment est-ce que vous avez fait, vous,
02:56pour ne pas raconter que cette histoire d'un gadry abrosque ?
02:59Parce que ce n'était pas seulement cette histoire qui me passionnait,
03:02aussi peut-être parce que d'emblée,
03:03ce qui m'a mu et ce qui m'a passionné,
03:05c'était la littérature, c'était ce texte-là.
03:08Alors, elle a tout à voir, la légende, avec la littérature,
03:11comme vous le dites,
03:11puisque c'est un autre écrivain qui se fait passeur d'un livre,
03:14passeur d'un livre qui n'a rien à voir avec sa propre littérature,
03:17là où Patrick Modiano se situerait sur cette ligne claire,
03:19on est dans le baroque le plus absolu déchaîné chez Tristan et Golfe,
03:23mais il sait y reconnaître le génie,
03:24et il a cette générosité d'amener ce livre jusqu'à la publication.
03:29Mais cette légende, cette légende française, finalement,
03:32cette légende presque dorée, cette légende cadenassée,
03:35elle pouvait aussi être élargie,
03:37elle pouvait être ramenée à ses frontières
03:40et raconter ce qu'était sa spécificité américaine,
03:42ce qu'était l'histoire de sa famille,
03:44l'histoire de son père, l'histoire de son grand-père,
03:47et effectivement, de passer par l'intermédiaire d'un narrateur
03:50qui ne soit pas moi, mais qui soit un narrateur américain,
03:53qui s'étonnerait de découvrir qu'un de ses grands romanciers,
03:57il n'en a jamais entendu parler,
03:58et que peut-être il peut se mettre en quête
04:00et d'essayer de comprendre ce qu'il est devenu,
04:03pourquoi il a disparu,
04:04et donc d'élargir la légende,
04:06pour essayer d'en trouver,
04:08non pas un ou deux mobiles,
04:10mais d'essayer de donner le faisceau de raisons
04:14qui vont amener à ce drame.
04:15On l'apprend en effet dans votre livre,
04:17vous êtes dans la peau d'un journaliste fact-chaker du New Yorker,
04:20un vérificateur de faits,
04:21c'est quand même intéressant dans une structure romanesque,
04:24et même si Patrick Modiano et Marie Modiano
04:27n'ont pas voulu vous parler au fil de cette enquête,
04:30vous le faites parler,
04:32avec évidemment des coupures de presse,
04:34c'est un montage,
04:35vous faites de la non-fiction,
04:36on va y revenir,
04:37c'est un montage de choses bien réelles,
04:38et Modiano,
04:39on l'apprend dans votre livre,
04:40il est séduit d'abord par l'écriture,
04:42mais la graphie,
04:43en fait,
04:43de Tristan et Golfe,
04:45parce que c'est serré,
04:47raturé,
04:47écrit tout petit.
04:48Ça ramène à votre question la première sur
04:51« Est-ce qu'un livre peut tuer ? »
04:52Il y a presque une matérialité de cette arme,
04:55on pourrait dire,
04:56puisque effectivement,
04:57c'est un bloc de feuilles écrit serré,
04:59et qui, il le dit,
05:01ressemble à l'écriture de Robert Walzer,
05:04et lui a cet espace d'intuition,
05:05comme s'il y avait une vibration de ce bloc de feuilles,
05:09qu'il y a là quelque chose d'ingénique,
05:10qu'il y a là quelque chose...
05:11Alors, ça paraît aberrant,
05:13absurde.
05:13S'il avait écrit plus gros,
05:14Patrick Modiano ne l'aurait peut-être pas lu.
05:16Ou peut-être,
05:16mais en tout cas,
05:17je peux comprendre
05:18cette espèce d'intuition,
05:21quand bien même
05:22elle serait erronée
05:24après par la suite.
05:25Je comprends qu'on ait
05:26cette espèce de pulsion,
05:27et en tout cas ce désir,
05:28et le livre
05:28est une affaire de matérialité.
05:30Et quant à leur participation ou non,
05:33le livre n'est pas là,
05:34le livre ne raconte pas
05:35et ne cherche pas
05:36à faire la biographie exhaustive
05:37de cet homme,
05:37et c'est pour ça que
05:39le truchement de ce narrateur
05:42est surtout de montrer
05:43l'échafaudage d'une enquête
05:44et que c'est aussi intéressant
05:46une conjuration du silence
05:47qu'une communauté autour d'un livre
05:49parce que c'est comme ça
05:50qu'on peut raconter
05:52la déflagration
05:53dans le cœur des vivants
05:55d'un disparu.
05:56Ce qu'il a provoqué
05:57chez les autres
05:57est compris de replis
05:59ou d'expansions.
06:01Et le récit qu'en font chacun
06:03va différer,
06:04évidemment construire une vision
06:05elle aussi à faisceau
06:07de l'être qu'était Tristan et Golf
06:08mais ce qu'en dit Modiano
06:10en tout cas c'est que
06:10c'est un grand écrivain
06:11de l'Amérique profonde.
06:13Il le compare à Faulkner,
06:14McCullers, Hemingway,
06:15Fitzgerald, pas moins.
06:17Vous êtes d'accord
06:17et surtout quelle vision
06:18de l'Amérique il incarne
06:19ou il incarnait Tristan et Golf ?
06:21Alors, oui je suis entièrement d'accord.
06:23Les comparaisons,
06:24j'ai toujours un tout petit peu de mal.
06:26Je pense qu'il est très à part
06:27mais je pense qu'il a effectivement
06:29écrit un grand roman.
06:30Alors quand je répète
06:31un grand roman américain
06:32parce que c'est une spécificité
06:33très américaine
06:35où on a une espèce d'obsession
06:36qu'une oeuvre s'écrit
06:37par accumulation de livres
06:39en tant que telles
06:40et que de l'ensemble
06:41formera une oeuvre.
06:42Chez eux, ils ont vraiment
06:43cette idée de ce qu'ils appellent
06:44le Great American Novel,
06:45c'est-à-dire le grand édifice
06:46et presque leur obsession
06:47architecturale de
06:48voilà, il faut faire son grand pont,
06:49il faut faire son grand building
06:51et il se trouve
06:52que tous ceux qui l'ont fait,
06:54tous ceux qui l'ont accompli,
06:55je ne dirais pas presque
06:56systématiquement
06:57mais presque en sont morts.
06:59C'est l'histoire de Fitzgerald,
07:00c'est l'histoire de Truman Capote
07:02qui après 200 froids
07:03tombe en dépression
07:04et c'est l'histoire de Foster Wallace
07:05et je pense que c'est l'histoire
07:07de E. Golf
07:08donc oui, il y a quelque chose de...
07:11Donc il est dans la tradition
07:12des écrivains monumentaux
07:13qui ont été tués par leur produit.
07:15En tout cas, il a créé
07:17cette rareté
07:18du grand roman américain
07:21et dont on pourrait expliquer,
07:24le définir par le fait
07:25de relier toute cette population,
07:27d'arriver à faire le pont
07:30entre l'Amérique profonde
07:31et de l'Amérique des villes
07:33et c'est ce qu'arrive
07:34à faire profondément E. Golf
07:35avec une invention verbale,
07:37une invention stylistique.
07:38Donc oui, je le mettrai
07:40d'une manière...
07:41Alors, il est très particulier
07:42dans l'histoire,
07:42c'est qu'il est anachronique.
07:44Il arrive trop tard
07:45ou il arrive trop tôt
07:45mais il ne s'inscrit pas
07:47dans ce qu'est le post-modernisme
07:48de la fin des années 90,
07:49c'est-à-dire Pynchon, Foster,
07:51voilà, c'est pas du tout ça
07:51et il ne s'inscrit pas non plus
07:53dans le roman à la Franzen.
07:55Il est presque du côté
07:56d'Edouard Abdel.
07:56Jonathan.
07:57Voilà.
07:57On n'a pas dit les prénoms
07:59mais on l'imagine bien.
08:00Et il est du côté
08:01d'Edouard Abdel, presque.
08:03Oui, mais il y a cette idée
08:04en fait qu'il n'est peut-être
08:05pas né ou arrivé
08:06dans le bon siècle.
08:08D'ailleurs, à propos
08:09de son histoire à lui,
08:11le narrateur écrit
08:12« On le sait,
08:12la littérature ne suffit plus ».
08:14C'est l'éditeur aussi
08:15qui parle, Adrien Bosque ?
08:16Ah oui ?
08:17Je pense que la littérature
08:19ne suffit plus
08:21et l'histoire
08:23qui se raconte autour
08:25est nécessaire.
08:25mais comme le dit aussi
08:27mon narrateur,
08:28on ne fait pas
08:29d'un âne boiteux
08:29un cheval de course.
08:31Et je pense que,
08:33heureusement,
08:34et j'espère que ça ne changera pas,
08:36l'histoire ne viendra pas
08:37supplanter un défaut
08:39d'écriture.
08:40On va l'écouter justement,
08:41Tristan et Golfe,
08:42en 1998,
08:43sur France Inter.
08:44Mon livre est
08:45un livre
08:46de la milieu de nulle part.
08:48Et c'est très intéressant
08:50visuel,
08:51visuellement.
08:51Visuellement, oui.
08:52et les gens sont
08:54complètement fous
08:55et
08:56ils travaillent
08:59trop
08:59et
09:00boivent trop
09:01etc.
09:02C'est un pays
09:04des extrêmes.
09:07Il n'y a pas
09:08un
09:08gris.
09:10Il n'y a pas
09:12de zone grise.
09:13C'est noir ou blanc.
09:15Noir et blanc.
09:16Il est avec Jean-Luc
09:18à son interview
09:19sur France Inter.
09:20Tristan et Golfe
09:20pour son roman
09:21Le Seigneur des Porcheries
09:22qui à ce moment-là
09:22devient ce grand roman
09:24pour la France.
09:26Comment vous l'entendez
09:27aujourd'hui ?
09:28Et puis cet interview,
09:29je crois qu'elle se passe mal.
09:30Il me semble que vous vous y faites
09:30à l'usion dans l'Ivy.
09:31Il y a une interview
09:32qui se passe mal.
09:33Oui, c'est celle-là.
09:33Il s'agit de celle-là ?
09:34Je ne sais pas
09:34si elle se passe mal profondément.
09:36En tout cas,
09:36je montre pour le narrateur
09:38et qui l'écoute
09:39pour la première fois
09:40à quel point
09:41il y a quelque chose
09:42de la façon
09:43dont on malmène
09:44parfois un écrivain sur...
09:45Alors, je ne le dis pas maintenant.
09:47Mais en tout cas,
09:48comment on peut être là ?
09:50Il est jeté un petit peu.
09:51On entend que...
09:52Peut-être qu'il a été présenté
09:53comme parfaitement francophile
09:55mais il cherche ses mots.
09:56Il les traduit en même temps.
09:57Parfois, il les traduit à côté.
09:59Et ça commence...
10:01Il y a une phrase un peu
10:01que je trouve désinvolte
10:03dans le début de l'interview.
10:04Il dit
10:04« Et qu'il la raconte, l'histoire.
10:06Elle est vraie.
10:07Et il y a quelque chose, moi,
10:08qui m'avait heurté
10:09et que je trouvais assez violent.
10:11Alors qu'il la raconte, l'écrivain. »
10:12Et je trouve que c'est...
10:14Il y avait quelque chose
10:15d'assez vulgaire, en fait,
10:16dans la manière de lui dire
10:16« Bon, c'est ça la bonne histoire, alors ? »
10:18Et je pense qu'il veut d'emblée
10:20s'en échapper.
10:21Il en est à la fois heureux
10:22et il veut d'emblée s'en échapper.
10:24Et on lui parle de comparaison
10:26pour revenir à votre question précédente.
10:28Et on lui dit
10:28« Alors Faulkner ?
10:29Alors Steinbeck ? »
10:30Et il dit
10:31« Je ne me sens pas tellement proche de ça. »
10:32Et il dit
10:33« Peut-être plus de Charlie Chaplin. »
10:34Et à ce moment-là,
10:37la littérature ne suffit plus aussi.
10:39Ça fait vraiment écho.
10:40C'est-à-dire que d'emblée,
10:41il voit que
10:44pourrait être publié.
10:45Le livre est là.
10:46Mais la littérature ne suffit pas.
10:48Il n'est pas entièrement lu
10:49pour les qualités de son livre.
10:51Il y a cette espèce de...
10:53C'est auréolé de ses comparaisons.
10:55C'est ce qui fait la vibration générale
10:57et le devenir d'une postérité
10:59qu'on suppose, etc.
11:01Mais on la ramène à l'histoire
11:02des conditions de sa publication.
11:05Et c'est d'emblée aussi éloigné
11:07la question centrale de la littérature.
11:09Pourquoi ce livre est un grand livre ?
11:11Il y a donc
11:12cette tragédie qui se joue
11:15par un écrivain
11:16qui est enfermé
11:17par sa propre oeuvre,
11:18en tout cas l'ombre
11:19de l'oeuvre
11:20dans le récit médiatique.
11:22C'est une des pistes
11:23peut-être de ce meurtre
11:24qu'on essaye d'élucider,
11:25ce suicide de Tristan et Golfe.
11:27Mais il y en a beaucoup.
11:27En fait, il y a l'échec
11:28du troisième livre
11:29qui fait suite
11:31à l'échec du deuxième.
11:33Et puis il y a cette phrase
11:34de son éditrice,
11:35Christine Jordis.
11:36Il était asséché
11:37et son succès
11:38après des années
11:39de malheur et d'échec
11:40a été dur à porter.
11:41Mais même avant ce livre,
11:42c'était quelqu'un
11:43qui était mal fait pour la vie.
11:46C'était donc ça
11:47son drame à Tristan et Golfe ?
11:48Je pense que c'est multiple
11:49et je pense qu'on n'a jamais
11:50la vérité d'un homme
11:50et que je ne prétends pas l'avoir.
11:52Et pour revenir
11:52au récit médiatique,
11:54je ne voudrais pas non plus
11:55donner l'impression
11:56que l'espèce de conte de fées
11:57a été d'emblée
11:58sa malédiction.
11:59Je pense que c'est
12:00la plus formidable chose
12:01et la générosité des gens
12:03qui ont entouré
12:03cette publication
12:04est assez merveilleuse.
12:06Simplement,
12:06ce qui s'ajoute aussi
12:08effectivement à son drame,
12:09c'est ce qu'elle dit
12:10à propos d'asséché.
12:11Et une de ces femmes
12:12le dira,
12:13il se sentait comme
12:14un puits de pétrole en feu
12:15dont les réserves
12:16étaient taries.
12:17Et je pense que
12:18c'est profondément
12:19ce que je donnais
12:20comme piste au départ
12:21de l'idée de faire
12:23sa grande œuvre trop tôt,
12:24c'est d'avoir gravi
12:25cette montagne
12:26et de certains
12:26ne pas pouvoir y retourner.
12:28Et ça, je vois
12:28ce qu'est l'immense solitude
12:29d'un écrivain,
12:30de tout écrivain,
12:31de savoir peut-être
12:32qu'on ne réitérera pas
12:35et que donc
12:35ce qu'on a aimé,
12:36ce qui a été notre but,
12:38c'est fini.
12:40Et vous, Adrien Bosque,
12:40qui avez été si précoce ?
12:42Vous êtes avignonné,
12:43vous avez grandi
12:44dans le sud,
12:45entouré de livres,
12:45vous avez quatre frères,
12:46une sœur,
12:46votre grand frère David Bosque,
12:48traducteur, romancier, éditeur
12:49qui aurait pu être
12:50un modèle écrasant
12:50mais qui vous a encouragé.
12:52Vous, à 28 ans,
12:53vous l'avez pour votre premier roman
12:54carrément le Grand Prix
12:55de l'Académie française.
12:57Ça vous écrase ?
12:58Je ne sais pas
12:59parce que tout ça
13:00était un peu absurde.
13:01Tout ça est arrivé
13:02un peu de façon...
13:04Oui, il y a eu une sorte
13:06de gentil concours
13:09de circonstances,
13:10de gentil hasard
13:10qui s'est mis
13:11autour de ce livre
13:12et qui m'a débarrassé
13:13en tout cas
13:14d'une obsession
13:16très française
13:16qui est celle des prix.
13:17Là où les Américains
13:18ont une obsession
13:18très américaine
13:20du grand livre
13:20et qui les dévorent.
13:22Nous, tant qu'on n'a pas
13:24atteint quelque chose
13:25comme le Grand Prix,
13:26tout est vérolé par ça.
13:28Vous avez commencé par ça ?
13:30Non mais au moins,
13:31j'ai été débarrassé de ça.
13:32C'est-à-dire que ça a été
13:33à la fois formidable
13:34et débarrassé de cet horizon.
13:37Et oui, j'ai eu la chance
13:40de rencontrer mon éditeur
13:41sur ce texte-là
13:42et qu'il le défende
13:43de cette manière-là.
13:45Et pour être...
13:47Oui, c'est une grande chance.
13:49Vous êtes aussi
13:51un éditeur précoce.
13:53Vous avez...
13:54Un papa précoce aussi,
13:55j'ai vu ça à 23 ans.
13:56Vous avez lancé deux revues
13:57à 24 ans,
13:58Feuilleton et Desports.
13:59Et puis à 25 ans,
14:00vous fondez
14:01les éditions du Sous-Sol
14:02dont on va reparler
14:04parce que le phénomène
14:05Adelion que vous éditez
14:06vient de là.
14:08Ça a été aussi
14:09une trajectoire fulgurante.
14:10À 30 ans,
14:10vous êtes premier directeur
14:11adjoint des éditions du Seuil.
14:13Là aussi,
14:13vous avez eu
14:14un petit moment de vertige ?
14:15Oui, parce que
14:18j'ai un profond
14:19sentiment d'imposture
14:21bien chevillé au corps
14:23et je pense que d'ailleurs
14:23c'est quelque chose
14:24d'assez sain.
14:24Il faut le garder
14:25le plus longtemps
14:25et c'est quand il nous quitte
14:26qu'on devient
14:27déraisonnablement bête.
14:29Mais oui,
14:31j'ai eu ces choses
14:32qui se sont passées
14:33mais à chaque fois
14:33je dirais de façon
14:34en tout cas heureuse
14:35parce que c'est
14:36ce que le livre
14:38et ce que l'invention
14:39de Tristan raconte aussi
14:39c'est les communautés
14:40à l'intérieur
14:41des maisons d'édition
14:42et comment à l'intérieur
14:42de ces grands ensembles
14:43on peut créer
14:44des communautés
14:45qui sont des choses fluides
14:46qui sont des choses
14:47en tout cas portées
14:50par un amour profond
14:51d'un texte
14:52et ça j'ai pu le recréer
14:53et le créer au seuil
14:55ou le créer au sous-sol
14:57et quand ça disparaîtra
14:58je pense que j'arrêterai
14:59parce que c'est pas ça
15:00qui m'intéresse
15:01c'est pas le temps
15:01les fonctions
15:02ou l'édition
15:03c'est ce qu'on peut créer
15:03avec un texte.
15:04Et le chemin
15:05d'éditeur et d'auteur
15:06en même temps
15:07vous le menez
15:08grâce à la non-fiction
15:09au fond
15:10ce genre particulier
15:11qui vous permet
15:12de vous en donner
15:12de la définition
15:13dans le livre
15:14écrire de la non-fiction
15:15c'est comme sculpter
15:15on part d'un bloc
15:16tout un matériau réel
15:18qu'on rassemble
15:18puis on modèle
15:19une nouvelle forme
15:20c'est en étant justement
15:22dans cette discipline
15:24qu'est la non-fiction
15:25toute américaine aussi
15:26que vous arrivez
15:27à mener
15:28les deux de front.
15:32Désormais
15:32y compris les éditions
15:34du sol
15:34ne publient plus
15:35uniquement
15:35ce qu'on appelle
15:36la narrative non-fiction
15:37ou la littérature durelle
15:38mais c'est arrivé
15:39à un moment
15:40où j'avais
15:41une certaine obsession
15:42pour cette forme
15:43de littérature
15:44je pense qu'on était
15:45aussi à un moment
15:45de bascule
15:46dans la compréhension
15:47dans l'histoire littérature
15:48dans le non-mépris
15:49désormais
15:50pour cette littérature
15:51c'était la fin
15:53de l'homme rouge
15:53d'Alexeyevitch
15:54c'était d'autres textes
15:55importants
15:55de Carrère
15:56d'Aubnard
15:56et arrivé
15:58et en tout cas
15:58j'avais le désir
16:00de voir publier
16:00les textes américains
16:01que je pouvais lire
16:02dans le New Yorker
16:03que ce soit
16:04William Finnegan
16:05que ce soit
16:06David Samuels
16:07que ce soit
16:07John Didion
16:08à qui vous empruntez
16:10aussi
16:10beaucoup
16:11et peut-être
16:12que c'est le livre
16:12qui paye le plus
16:14sa dette
16:14à cette histoire
16:16littéraire
16:17qui me passionne
16:18parce qu'elle est
16:18sur cette ligne de crête
16:20du fait
16:20et de la fiction
16:21et comment on ménage
16:23cet espace
16:24parlez-moi
16:25en tant qu'éditeur
16:25du succès
16:26d'Adèle Lyon
16:27puisqu'elle a été
16:28notre nouvelle tête
16:29aujourd'hui
16:29elle est toujours
16:30en tête des ventes
16:31c'est un succès
16:32grandissant
16:32elle a 40 000 exemplaires
16:33elle ne cesse
16:34avec ce premier roman
16:36qui est aussi
16:36une forme de non-fiction
16:37un livre hybride
16:38comment vous le recevez
16:40et comment vous l'accompagnez
16:41Adèle Lyon
16:42c'est formidable
16:43c'est vraiment
16:43on parlait du seigneur
16:45des porcheries
16:46la façon dont un manuscrit
16:47les gens vont
16:47se rassembler autour d'un livre
16:49pour le faire
16:50pour le faire entendre
16:52c'est exactement
16:53et toute proportion gardée
16:55les livres n'ont absolument
16:56rien à voir
16:56mais là
16:56ce que m'a provoqué
16:57la première lecture
16:58du livre d'Adèle
17:00mon vrai nom est Elisabeth
17:02voilà
17:02la forme hybride
17:03le montage
17:04puisque c'est un livre
17:05à mon avis
17:05qui emprunte beaucoup
17:06aux études
17:08sématographiques
17:09et à l'idée aussi
17:09de ce qu'on peut faire
17:10en termes de montage
17:11de verbatim
17:12de formes différentes
17:12d'hybridation
17:13et ce que j'ai vu de beau
17:15c'est effectivement
17:15à l'intérieur de ma maison
17:16la façon dont le livre
17:17s'est autonomisé
17:19autour des gens
17:19qui voulaient le défendre
17:20au-delà de mon propre
17:22de ma propre
17:24de mon propre désir
17:25pour ce livre
17:25j'aime beaucoup
17:27la citation
17:27que vous mettez
17:27en exergue
17:28au début
17:28de l'invention
17:29de Tristan
17:29c'est Jursonard
17:30qui explique
17:31que la vie d'un homme
17:31en fait
17:32c'est l'entremêlement
17:33de trois lignes
17:34ce que l'homme a cru être
17:35ce qu'il a voulu être
17:36et ce qu'il fut
17:37alors on va faire
17:38un petit peu le point
17:39avec les impromptus
17:39Adrien Bosque
17:40aujourd'hui
17:41vous diriez
17:42la France
17:43ou les Etats-Unis ?
17:45Bizarrement
17:46les Etats-Unis
17:46Fiction
17:48ou réalité ?
17:49Fiction
17:50Citizen Kane
17:51ou Shining ?
17:53Citizen Kane
17:54Vous dites que
17:55vous aimez regarder
17:56le foot
17:56vous avez regardé
17:57la demi-finale
17:57de la Ligue des Champions
17:58hier soir ?
17:59Oui mais je le regarde
17:59d'une manière
18:00très étrange maintenant
18:01c'est que je regarde
18:01l'équipe TV
18:02où il y a des gens
18:03qui commentent
18:04sans les images
18:04voilà
18:05je ne sais pas pourquoi
18:07je me mets à regarder
18:07comme ça maintenant
18:08ça ne veut rien dire
18:09PSG ou Arsenal ?
18:10PSG hier soir
18:12Ah hier soir
18:13d'accord
18:13c'est de l'opportunisme
18:14alcool, tabac, drogue
18:16quelle est votre vice ?
18:17Euh
18:17alcool
18:19Bien
18:20et Dieu dans tout ça ?
18:22Eh bien
18:23j'espère qu'il est là
18:27pour que je puisse
18:28retrouver certains des miens
18:29L'invention de Tristan
18:32un roman d'Adrien Bosse
18:33qui est aussi éditeur
18:34paru aux éditions Stock
18:36bravo à vous
18:37je signale que vous serez
18:38dans ce merveilleux festival
18:39qui s'appelle
18:40Oh les beaux jours
18:41à Marseille
18:41le 30 mai
18:42tout est roman
18:43ce sera le sujet
18:44et ce sera suivi
18:45d'une nuit
18:46Mylène Farmer
18:47Parfait
18:47Sous-titres par Jérémy Diaz
18:50Sous-titres par Jérémy Diaz