Le chef de l'État prend la parole mardi soir avec l'intention d'annoncer une consultation des Français "après l'été". Mais que peut-il demander et sous quelle forme ? Anne-Charlène Bezzina, constitutionnaliste est l'invitée pour tout comprendre dans RTL Soir.
Regardez L'invité pour tout comprendre avec Yves Calvi du 12 mai 2025.
Regardez L'invité pour tout comprendre avec Yves Calvi du 12 mai 2025.
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00:00Yves Calvi et Agnès Bonfillon, RTL Soir.
00:03Il est 18h43, bonsoir Anne-Charlène Bézina.
00:06Bonsoir Yves.
00:07Vous êtes spécialiste de notre constitution et de notre vie politique.
00:10Emmanuel Macron participera demain soir à une grande émission intitulée
00:14Les défis de la France sur TF1.
00:16Le président doit annoncer notamment son intention de consulter les français
00:18sur des grands thèmes de société.
00:20Écoutez ce que nous disait ce matin la porte-parole du gouvernement,
00:23Sophie Prima sur RTL.
00:25Pourquoi pas la fin de vie ? Pourquoi pas les écrans ?
00:27Pourquoi pas la réforme territoriale ?
00:29Il y a beaucoup de sujets qui sont sur la table, dans l'air.
00:32Mais est-ce que ça sera vraiment des référendums ?
00:35Est-ce que ça sera des consultations citoyennes ?
00:36Est-ce que ça sera des sortes de votations ?
00:38Je ne sais pas et je ne sais pas non plus sur les thèmes.
00:41Alors référendum, consultation, votation,
00:43tous ces mots ne sont pas de synonymes.
00:44Expliquez-nous Anne-Charlène Bézina.
00:46Alors moi je pense qu'on peut aider le débat en se disant
00:49que de toute façon il n'y a qu'une seule possibilité
00:52qui est le référendum.
00:53Notre constitution est très claire, c'est l'article 11.
00:56Le référendum c'est la seule voie et c'est normal
00:58parce que si vous voulez c'est la seule
01:00qui va permettre aux Français de trancher.
01:02Et j'utilise ce terme parce que c'est celui
01:04qui a utilisé le Président de la République
01:05le 31 décembre lors de ses voeux.
01:07Trancher ça signifie que les Français
01:09une fois qu'ils se sont décidés ont voté la loi.
01:12Ils ont adopté une loi
01:14un peu à la manière de leur Parlement.
01:16Donc aujourd'hui on ne peut pas faire de la votation,
01:18on ne peut pas faire de la consultation
01:19parce que ça, ça signifierait
01:21que vous déconnectez la phase délibérative
01:23de la phase de décision et ce n'est pas possible
01:26au niveau national en France.
01:28Parce que justement on a cette idée
01:30du respect de la parole donnée.
01:31Une fois que les Français se prononcent,
01:33ils tranchent, c'est-à-dire qu'ils votent la loi.
01:36Donc il y a évidemment des innovations possibles
01:38dans le cadre de ce référendum.
01:40On peut par exemple soumettre deux projets de loi,
01:42trois projets de loi le même jour aux Français
01:44sur des thèmes différents.
01:46À partir du moment, c'est le Conseil constitutionnel
01:48qui le dit, à partir du moment
01:50où il y a une question non équivoque
01:52sur laquelle les Français sont appelés à trancher.
01:54Donc encore une fois, je rappelle vraiment
01:56ce cadre existant.
01:58Consulter les Français, ce n'est pas possible.
02:00Les conventions citoyennes, elles existent.
02:02Mais encore une fois, le référendum,
02:04c'est la seule voie qui permettra de décider
02:06pour les Français.
02:07Donc c'est celle qu'il faut utiliser.
02:08Parce qu'un référendum, c'est constitutionnel,
02:11c'est prévu par la Constitution.
02:13Et oui, les référendums sont prévus par la Constitution.
02:15C'est l'article 11 de notre Constitution
02:17qui nous dit bien un projet de loi
02:19doit être soumis aux Français.
02:21Donc si vous voulez, l'idée de solliciter
02:23leur opinion, c'est un sondage.
02:25Ce n'est pas un référendum.
02:26Et l'article 11 le dit très clairement.
02:28Projet de loi avec en plus des domaines déterminés.
02:31Alors j'entends souvent que ces domaines
02:32sont restrictifs.
02:33Ce n'est pas complètement réel.
02:35En réalité, c'est toute réforme économique,
02:38sociale, environnementale,
02:40les services publics qui y concourent
02:42ainsi que les traités internationaux
02:43qui les influencent.
02:44Donc je pense qu'on peut se dire quand même
02:46que dans le social,
02:47il peut y avoir l'éducatif.
02:48Dans le social, il y a la santé.
02:50Dans les services publics,
02:52il y a évidemment une myriade de possibilités.
02:54Donc ce n'est pas des domaines
02:55si fermés que ça.
02:56Mais ce qui est très ferme
02:57et très important,
02:57c'est l'idée que ce soit
02:58un projet de loi sur lequel
02:59les Français votent par oui ou par non.
03:02Donc si on vous suit bien,
03:03la réponse à un référendum
03:04ne peut être que oui ou non.
03:07Oui au projet doit proposer
03:08ou non à ce texte.
03:09C'est bien cela ?
03:09Exactement.
03:11Et ça exclut aussi l'idée
03:12de petits QCM,
03:14de grilles à cocher.
03:15Si on veut faire plusieurs thèmes,
03:18il faut que ce soit plusieurs projets de loi
03:20que les Français,
03:21une fois qu'ils ont dit oui ou non,
03:23adoptent.
03:24Et ça sera bien que cette fois-ci,
03:25en plus, quand ça soit oui,
03:26ça soit oui.
03:27Et quand c'est non,
03:28c'est non.
03:30Est-ce qu'un référendum
03:31peut porter sur plusieurs sujets
03:33en même temps,
03:34plusieurs propositions de loi ?
03:36Non, un référendum
03:37ne porte que sur un projet de loi.
03:39Alors, on a eu une exception
03:40dans notre histoire,
03:42mais c'était avant justement
03:43l'article 11 de notre Constitution,
03:44puisque c'était avant notre Constitution.
03:46C'est quand on a eu à trancher
03:47sur la fin de la Troisième République.
03:49On a eu une espèce de référendum
03:50à choix multiples,
03:51puisque le général de Gaulle
03:52nous a demandé
03:53voulez-vous en terminer
03:54avec les institutions
03:55de la Troisième République ?
03:57Oui ou non ?
03:57Et si oui,
03:58souhaitez-vous que l'Assemblée
04:00telle qu'elle est composée
04:01se prononce sur un nouveau projet
04:03de Constitution ?
04:04Donc, à la rigueur,
04:04j'imagine qu'on pourrait peut-être
04:06imaginer une forme de référendum
04:08où les deux questions,
04:08vous voyez,
04:09se tiennent pour l'adoption
04:10du projet de loi.
04:11Mais non,
04:12on ne peut pas avoir
04:13plusieurs questions
04:14sur un même projet.
04:15Il faut une question par projet,
04:17quitte à poser plusieurs questions
04:18sur plusieurs projets
04:19le même jour.
04:20Et ce,
04:21quel que soit le pouvoir,
04:22j'allais vous dire,
04:23du Président de la République,
04:24il ne peut consulter hors champ,
04:25en quelque sorte.
04:26Exactement,
04:27il ne peut consulter hors champ.
04:28Et s'il ne le faisait,
04:29qu'est-ce qui se passerait,
04:30pardonnez-moi ?
04:31Écoutez,
04:31je crois que ce serait
04:32un très mauvais message
04:33pour la démocratie,
04:34parce que vous savez,
04:35on utilise les médicaments
04:36par rapport à la notice.
04:37Eh bien,
04:38on utilise les pouvoirs
04:39des grandes institutions
04:40par rapport aux textes
04:42attributifs de compétences.
04:44C'est assez pernicieux
04:46de considérer
04:47qu'on puisse ajouter
04:48des procédures
04:49qui ne sont pas prévues
04:50par le texte,
04:51parce que le Président
04:52de la République
04:52n'a pas plus de pouvoir
04:54que ce que la Constitution
04:54veut lui en accorder.
04:55C'est simple et c'est clair.
04:57Anne-Charlène Bézina,
04:58on parle souvent
04:58de nos voisins suisses
05:00qui sont très régulièrement
05:01consultés sur les sujets
05:02de société.
05:03Est-ce que ça a déjà existé
05:05en France
05:06au niveau national ?
05:07Oui,
05:08le référendum
05:09a déjà existé
05:09plusieurs fois
05:10en France
05:11au niveau national.
05:11Alors,
05:12on l'a utilisé
05:12quasiment systématiquement
05:14pour les grands traités
05:14européens.
05:15Le général de Gaulle
05:16en avait un usage
05:17qui était assez particulier,
05:18qui était presque social.
05:19Il l'a utilisé en 1962,
05:20il l'a utilisé en 1969,
05:23il l'a utilisé
05:24pour les accords déviants.
05:25On l'a utilisé aussi
05:26sur des questions territoriales
05:27comme le statut
05:28de la Calédonie,
05:29justement,
05:30le statut de l'Algérie aussi.
05:31J'ai l'impression
05:32que le référendum
05:33n'a pas encore donné
05:34véritablement
05:35toutes ses possibilités,
05:37toutes ses potentialités.
05:38Est-ce qu'on est resté bloqué,
05:39excusez-moi,
05:40sur des aspects institutionnels,
05:41justement ?
05:42Oui,
05:42sur des aspects
05:43un peu secondaires,
05:44finalement.
05:44Je crois qu'il faut oser le mot,
05:45c'est-à-dire qu'on n'a pas eu
05:46de référendum
05:46qui soit particulièrement
05:47marquant
05:48et qui soit vraiment
05:49sur des réformes
05:50sociales, économiques
05:51et environnementales
05:52telles que le texte le permet.
05:54Donc oui,
05:54on a aussi été,
05:55je rajoute quand même
05:56que ça fait 20 ans
05:57qu'on n'a pas utilisé
05:58le référendum.
05:58Je crois qu'on a été
05:59focalisés sur l'idée
06:00de la responsabilité
06:01personnelle du président.
06:02On a un peu eu le sentiment
06:03que c'était une boîte
06:04de Pandore
06:05et qu'utiliser le référendum,
06:06ça signifiait
06:07devoir quitter l'Elysée.
06:09Moi, je crois
06:09qu'il y a deux choses
06:10qu'il faut oublier.
06:11Le référendum de 69
06:12et le référendum de 2005,
06:13c'est-à-dire que
06:14le président n'est pas obligé
06:15de partir si c'est non.
06:17Et une fois que c'est non,
06:18c'est non.
06:19Quel serait, selon vous,
06:20un bon sujet
06:21de référendum aujourd'hui,
06:22en 2025 ?
06:24Écoutez...
06:25Merci, Yves Calvi,
06:28je vais l'utiliser.
06:29Je crois que les sujets
06:30sont nombreux.
06:31Il peut y avoir, évidemment,
06:32des questions
06:32de réforme territoriale,
06:33mais notamment,
06:34pas uniquement la question
06:35très démagogique de l'échelon.
06:37Le guichet unique
06:38à qui je vais m'adresser
06:39quand j'ai besoin
06:41d'une aide sociale, etc.
06:42Je crois que cette question,
06:43elle est vraiment importante.
06:44La question aussi
06:45de la scolarité,
06:46la question du programme éducatif,
06:48la question du service public
06:49de l'éducation,
06:50peut-être même la question
06:51de l'organisation
06:51des services publics de santé,
06:53la question des compétences régionales,
06:55des arts, etc.,
06:56tout ça,
06:56ça pourrait faire l'objet
06:57d'un projet.
06:58Et puis,
06:58la redistribution.
06:59Est-ce qu'il faut une part
07:00de capitalisation
07:01pour nos retraites ?
07:02Est-ce qu'il faut une règle d'or
07:03des finances publiques ?
07:04Est-ce qu'il faut moins de déficit ?
07:06Est-ce qu'il faut un usage
07:07contrôlé de la dette ?
07:08Vous voyez,
07:09vraiment,
07:09je me limite
07:10parce qu'il y en aurait encore
07:11beaucoup d'autres.
07:12Il y a beaucoup de projets de loi,
07:13les plateformes,
07:15il y a beaucoup de choses
07:16qui sont dans l'air du temps
07:17national, international.
07:18Et je rajoute aussi
07:19que le référendum,
07:21c'est une forme de partage
07:22de la charge des mauvaises nouvelles.
07:23En ce moment,
07:24on est vraiment
07:25dans une période politique
07:26un peu apathique.
07:27On se rend compte
07:28qu'on nous parle
07:29de surendettement,
07:30de défense nationale.
07:32Et tous ces éléments-là
07:33sont des éléments d'avenir
07:33sur 30 ans pour les Français.
07:35Donc, je pense qu'il est capital
07:37qu'il puisse se prononcer
07:38sur cet avenir-là.
07:39Le président de la République
07:40vous a consulté
07:41sur toutes ces questions ?
07:43Pas directement, non.
07:45Mais bon,
07:46peut-être qu'il nous écoute
07:46ce soir, je l'espère.
07:48Je ne sais pas,
07:48j'ai senti comme une hésitation.
07:52Moi, je serais lui,
07:52je vous consulterais.
07:53Je vous le dis tout de suite.
07:54Je pense que c'est important
07:55que cet outil sorte
07:55de ses bois dormants.
07:56Et puis voilà,
07:57quand on peut le faire
07:58hors du champ des contes de fées,
07:59autant l'utiliser.
08:00Merci beaucoup Anne-Charlène Bézina,
08:02spécialiste de notre constitution
08:03et de notre vie politique.
08:05Dans un instant,
08:06c'est Marc-Antoine Lebray
08:06que nous consultons
08:07pour son Breaking News.
08:08A tout de suite.