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Emmanuel Macron doit dévoiler le nom du successeur de Laurent Fabius à la tête du Conseil constitutionnel. Richard Ferrand, proche du Président de la République, semble être le favori du chef de l'Etat. Pourquoi la nomination du nouveau président des Sages est si importante dans le contexte politique actuel ? Écoutez Jean-Philippe Derosier, constitutionnaliste.
Regardez L'invité pour tout comprendre avec Yves Calvi du 10 février 2025.

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Transcription
00:00Yves Calvi, Vincent Derosier, RTL Soir.
00:04Bonsoir Jean-Philippe Derosier.
00:06Vous êtes constitutionnaliste, professeur de droit public à l'Université de Lille.
00:09Merci beaucoup de nous rejoindre sur RTL.
00:11La possible nomination de Richard Ferrand à la tête du Conseil Constitutionnel
00:15provoque d'ores et déjà une polémique avant même d'être officielle.
00:18Je précise qu'on parle d'un proche, d'Emmanuel Macron.
00:20Y a-t-il de quoi vraiment se fusquer selon vous ?
00:24Déjà, effectivement, on peut être surpris par des nominations qui apparaissent de connivence.
00:32Le Conseil Constitutionnel mérite mieux qu'une nomination pour bons et loyaux services rendus
00:39et il s'agit d'une institution garante de notre état de droit, de notre démocratie
00:44et pour laquelle il faut accomplir une mission exemplaire.
00:49Maintenant, le fait que ce soit un proche qui accède au Conseil Constitutionnel,
00:53cela s'est déjà fait par le passé et cela n'a pas engendré des dysfonctionnements majeurs.
00:59Robert Badinter était proche de François Mitterrand.
01:02Laurent Fabius était proche de François Hollande dont il a été le ministre pendant quatre ans.
01:07Et l'un comme l'autre, pour ne citer que ces exemples très célèbres pour le premier
01:12et président sortant pour le second, ont montré un Conseil Constitutionnel
01:16qui a très bien fonctionné et s'est même renforcé.
01:19Ce que vous nous dites, en fait, c'est que toutes ces nominations et toutes les nominations
01:22au Conseil Constitutionnel, elles sont politiques par définition.
01:26Elles ne sont pas forcément toujours politiques et je ne suis pas certain que…
01:31Ce n'est pas un gros mot, hein ?
01:33Je n'ai pas dit le contraire. Non, non, non, non, mais la politique a ses vertus.
01:36En revanche, il n'y a pas de politique au Conseil Constitutionnel et il ne doit pas y en avoir.
01:40Et les nominations ne sont pas toujours politiques.
01:42Je pense que lorsque François Mitterrand nomme Robert Badinter,
01:45il nomme quelqu'un qui incarne une cause, qui incarne une image,
01:51celle de la justice, celle de l'exemplarité.
01:54Il nomme aussi effectivement un proche et Robert Badinter a été ministre de François Mitterrand.
02:00Donc il y a une proximité politique.
02:03Mais je crois que le choix était d'abord dicté par une volonté
02:08liée au Conseil Constitutionnel et à l'institution
02:11et c'était sans doute également le cas de François Hollande lorsqu'il choisit Laurent Fabius
02:16et non pas par un choix éminemment politique.
02:19Nous sommes à deux ans d'une élection présidentielle.
02:21On ne peut pas ne pas y penser, vous comprenez ?
02:24Absolument, mais je pense qu'ils y pensent.
02:27Je n'ai pas dit que la nomination de Richard Ferrand n'était pas politique.
02:30J'ai cité d'autres exemples.
02:33Emmanuel Macron est le premier à nommer des copains ?
02:36On est bien d'accord que non ?
02:38Non, non, bien sûr que non.
02:40Il y a des nominations de proximité qui ont lieu assez régulièrement
02:46et cela vaut temps pour la présidence,
02:49pour les nominations opérées par un président de l'Assemblée Nationale
02:52ou président du Sénat.
02:54Mais parmi ces copains, il y a parfois des personnalités qui sont précisément exemplaires
03:00et qui vont incarner quelque chose au sein de l'institution où ils atterrissent
03:06et notamment au sein du Conseil Constitutionnel.
03:08Je ne sais pas encore ce qu'il en sera de Richard Ferrand,
03:11parce qu'il n'y est pas encore d'ailleurs.
03:13Ce n'est pas confirmé, sauf erreur de ma part, à cette heure-ci,
03:18alors même qu'on nous avait promis une annonce le 10 février.
03:22Le 10 février, on est plus proche de la fin que du début.
03:25Nous verrons ce qu'il en sera d'ici minuit,
03:27mais à mesure que la soirée avance, on peut pressentir que ce sera plutôt le 11.
03:33Et si cela tarde, c'est peut-être que les choses ne sont pas aussi faciles que cela.
03:37Il y a eu plusieurs prises de position qui ont montré que ce ne serait pas aussi facile que cela.
03:42Là, on va parler du poste. C'est un poste clé quand même de la Ve République.
03:45Quelles sont les missions exactes du Président du Conseil Constitutionnel ?
03:49Le Président du Conseil Constitutionnel, cinquième personnage de l'État,
03:53a des missions constitutionnelles.
03:56Il doit être consulté dans certains cas.
04:00Par exemple, lorsqu'il y a engagement de l'article 16, il…
04:06Vous nous rappelez ce qu'est l'article 16 exactement ?
04:09L'article 16, c'est ce qu'on appelle parfois la dictature républicaine,
04:13ou les pouvoirs exceptionnels.
04:15C'est-à-dire que si des conditions sont réunies,
04:18notamment l'interruption du fonctionnement régulier des pouvoirs publics
04:21et des menaces graves sur la France,
04:24le Président de la République peut décider d'activer cet article
04:28et peut ensuite prendre toutes décisions qui sont justifiées par les circonstances.
04:32Ça ne s'est produit qu'une fois dans l'histoire de la Ve République, en 1961.
04:36Nous espérons tous que ce ne sera plus le cas,
04:40mais étant donné que nous avons un Président de la République
04:43qui s'amuse à essayer de tester tous les articles de la Constitution,
04:46peut-être serait-il tenté d'activer celui-ci aussi.
04:49Je ne l'espère pas, parce que ça voudrait dire quand même
04:52que les conditions et les circonstances sont particulièrement graves.
04:55Et en tout cas, lorsque il y a activation de l'article 16,
04:59le Président du Conseil constitutionnel doit être consulté.
05:03Il a également un rôle, non pas qu'il décide seul,
05:06mais dans l'hypothèse de l'intérim de la Présidence de la République,
05:12lorsque le Président de la République démissionne,
05:15ou pire encore, mais là encore je n'espère pas que ce soit le cas,
05:19s'il décède dans l'exercice de ses fonctions s'il était destitué,
05:22mais notamment en cas de démission ou d'empêchement du Président de la République,
05:28le Président du Conseil constitutionnel convoque le Collège
05:31pour prendre un certain nombre de décisions de la part du Conseil constitutionnel.
05:35On peut être peut-être un peu plus curieux ou déplaisant, je ne sais pas.
05:39En revanche, on peut quand même s'interroger sur la trajectoire de l'homme.
05:42C'est un pur politique, c'est un ancien socialiste ayant rallié la Macronie,
05:46ex-président de l'Assemblée nationale, ça ne fait pas de lui non plus un spécialiste du droit ?
05:51Non, ça ne fait pas de lui un spécialiste du droit.
05:54D'autres avant lui n'étaient pas non plus forcément des spécialistes du droit,
05:58mais je pense à Laurent Fabius qui ne s'est pas distingué par une connaissance fine
06:04de tous les argusies juridiques que notre régime peut offrir.
06:08Mais il était issu du Conseil d'État, ce qui traduit quand même une formation de juriste.
06:13Il avait une très longue expérience dans les institutions,
06:16puisqu'il a accédé à Matignon très jeune, il était Premier ministre entre 1984 et 1986.
06:21Lui aussi a été Président de l'Assemblée nationale dans les années 1990 et ensuite.
06:31Son expérience était particulièrement longue.
06:34Celle de Richard Ferrand, effectivement, le distingue aussi.
06:38Tout le monde n'a pas l'expérience qu'il a, mais en comparaison à d'autres présidents avant lui,
06:44je viens de citer Laurent Fabius, j'ai cité tout à l'heure Robert Ballinter,
06:47on peut citer Jean-Louis Debré ou encore Pierre Mazot.
06:52Il faut confesser que ce n'est pas forcément celui qui se distingue par la carrière la plus exemplaire,
06:57par la connaissance la plus profonde des institutions et du fonctionnement de notre régime.
07:05Alors d'un mot, l'eurodéputé Marion Maréchal était l'invité de RTL ce matin.
07:09Elle explique, je cite, « Richard Ferrand aura comme mandat premier de mettre des croches-pattes
07:14à celui qui accédera demain à l'Elysée.
07:16Est-ce que c'est un procès d'intention ou elle a raison de se poser ce genre de questions ? »
07:19Vous avez 30 secondes.
07:21Je pense que c'est un procès d'intention parce qu'elle imagine, elle espère,
07:26que celui ou celle qui succédera à Emmanuel Macron porte le même patronyme qu'elle.
07:31Mais le président du Conseil constitutionnel et le collège qui l'entoure
07:36est là pour veiller sur la Constitution, que ça plaise ou déplaise à ceux qui sont au pouvoir,
07:42à commencer par le président de la République.
07:44Et d'ailleurs, Emmanuel Macron en sait quelque chose,
07:46lui-même qui s'est confronté à plusieurs reprises à cette institution.
07:49Merci de cette excellente leçon de droit, Jean-Philippe de Rosier,
07:52constitutionnaliste, professeur de droit public à l'université de Lille.
07:56Dans un instant, un homme qui fait consensus.
07:58Bien entendu, il est extrêmement sage.
08:00Marc-Antoine Lebray pour son Breaking News.

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