Ballon chinois : "Il s’agissait de préparer une attaque contre les États-Unis" selon Emmanuel Lincot

Sud Radio

l’année dernière

Avec Emmanuel Lincot, professeur à l’Institut Catholique de Paris, sinologue et chercheur associé à l’Iris

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##SUD_RADIO_VOUS_EXPLIQUE-2023-02-06##

Transcript

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00:00 - Il est 7h46 sur Sud Radio. On va essayer de comprendre ce qui s'est passé avec ce ballon chinois battu par les Etats-Unis, au-dessus du territoire américain.

00:10 Nous sommes avec Emmanuel Lincot, qui est professeur à l'Institut catholique de Paris, sinologue et chercheur associé à l'IRIS.

00:17 Bonjour Emmanuel Lincot. - Bonjour.

00:19 - Est-ce que vous donnez du crédit à l'explication de Pékin selon laquelle le ballon était utilisé à des fins de recherche, principalement pour la météo ?

00:27 - Non, certainement pas. Il était manifestement téléguidé et il a survolé des bases américaines qui sont connues pour leur site de missiles balistiques.

00:42 Donc de toute évidence, il s'agissait pour les Chinois de cartographier une région militaire précise, et par la même, peut-être, élase de préparer une attaque à terme contre les Etats-Unis.

00:57 - C'est quand même assez étonnant, parce qu'ils se doutaient que ce ballon, gros comme trois autocars, dit-on, donc était forcément détectable par les Américains,

01:08 donc les Chinois le savaient. C'était un test, une provocation, en quelque sorte, ou pas ?

01:14 - Oui, je pense que les Chinois, de ce point de vue-là, sont fidèles à eux-mêmes, c'est-à-dire qu'ils utilisent toutes les faiblesses de l'adversaire et la moindre faille est exploitée.

01:24 On sait qu'au-delà de 18 km d'altitude, il y a un flou juridique pour savoir si l'on est dans l'espace aérien d'autrui,

01:35 et donc ils ont très largement profité de la situation, sachant que le ballon a été envoyé au moment même où Anthony Blinken, secrétaire d'Etat aux Affaires étrangères, devait se rendre à Pékin.

01:48 Donc c'est un double échec pour les Chinois, parce que non seulement le ballon a été détruit, mais aussi parce que Anthony Blinken n'est pas venu à Pékin.

01:58 - Oui, c'est ça. Mais en même temps, les Américains se sont sentis un peu humiliés aussi, non ? Avec ce ballon au-dessus de leur territoire.

02:07 - Je pense qu'ils ont compris leur vulnérabilité, et surtout ils ont compris qu'une guerre contre eux-mêmes et contre Taïwan était de moins en moins inéluctable.

02:22 Ça me paraît tout à fait évident, parce que le fait de repérer justement dans le Montana ces silos à missiles, c'est une façon de préparer justement des frappes de missiles chinois dans le contexte d'une attaque a priori contre Taïwan.

02:41 - Oui. Mais est-ce que les Chinois ont intérêt à déclencher un conflit avec les Américains ?

02:47 - En tout cas, il s'agit très certainement de souscrire à la politique de Vladimir Poutine. On a à un moment donné pensé que si Xi Jinping prendrait ses distances par rapport à Vladimir Poutine, en fait il n'en est rien.

03:04 D'ailleurs, ce dernier a annoncé qu'il se rendrait au printemps prochain à Moscou, ce qui montre bien qu'il y a quand même un duopole Pékin-Moscou qui se forme contre les Occidentaux.

03:16 Et il s'agit surtout très certainement pour Xi Jinping de tout mettre en œuvre pour que les Occidentaux, et en particulier les Américains, soient retenus sur le front ukrainien pour qu'à un moment donné, au moment opportun, les Chinois puissent passer à l'action, c'est-à-dire attaquer Taïwan.

03:35 - Oui, donc c'est ça, menace d'un conflit. Et pourtant, les Chinois commercent énormément avec les Américains. On dit que pour eux, ils se mettraient un petit peu en péril s'ils faisaient cela, non ?

03:47 - Oui, c'est évident, mais ce n'est pas la première fois dans l'histoire. On sait bien, par exemple, en 1913, jamais il n'y a eu autant d'échanges économiques entre la France, l'Allemagne et la Grande-Bretagne.

03:57 Et pourtant, quelques mois plus tard, il y a eu la guerre. Donc, effectivement, on peut penser que ce serait une décision complètement irrationnelle, mais il faut bien imaginer que dans une dictature, la preuve par Vladimir Poutine, l'irrationnel préside au destiné d'un pays, précisément.

04:16 Et donc, l'attaque de Taïwan nous paraîtrait, effectivement, encore une fois, complètement incongrue. Et en réalité, cela peut être un exutoire politique pour Xi Jinping, qui, on le sait, a été fragilisé sur ses bases au mois de novembre dernier, lors des manifestations qui ont eu lieu à Pékin et qui demandaient sa destitution.

04:38 — Merci pour ces explications, pas très rassurantes quand même, Emmanuel Linco. Donc, merci sur ce ballon chinois abattu par les États-Unis en fin de semaine dernière.