• l’année dernière
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00:00 Le 20 février 2022 a considérablement changé l'Europe, changé la France aussi.
00:07 L'attaque, l'invasion de la Russie sur l'Ukraine a poussé l'Europe de l'Ouest à regarder
00:11 l'Europe centrale et l'Ukraine, à écouter ses habitants, à découvrir aussi leur culture
00:17 et leur histoire.
00:18 Il y a un auteur ukrainien qui s'est ainsi retrouvé à nouveau, mais ça faisait bien
00:22 longtemps, entre les mains des lecteurs français.
00:25 Un poète du 19ème siècle dont l'histoire est romanesque, dont les écrits sont toujours
00:29 aussi puissants, ils servent aujourd'hui à l'unité de la nation ukrainienne.
00:34 Le Book Club s'intéresse ce vendredi à Taras Shevchenko, comment le traduire, que
00:39 racontent ses poèmes, on en parle jusqu'à 13h30 avec nos invités et avec Pierre Croce,
00:45 bonjour Pierre, de notre partenaire Babelio.com et avec, vous avez l'habitude, la communauté
00:50 du Book Club.
00:51 « Cocase, un massif montagneux entouré de nuages, tout couvert de chagrin, tout arrosé
00:57 de sang.
00:58 Depuis les temps immémoriaux, un aigle échattit prometté.
01:02 Chaque jour lui frappe les côtes, chaque jour lui brise le cœur.
01:06 Il le brise mais ne peut boire le sang vivant.
01:09 Le cœur revit et de nouveau se met à rire.
01:12 Notre âme ne peut pas mourir, la liberté ne meurt jamais.
01:16 Même l'insatiable ne peut pas labourer le fond des mers, pas enchaîner l'âme
01:20 vivante, non plus la parole vivante, diffamer la gloire de Dieu, du Dieu très grand. »
01:25 La lecture de Stéphanie, membre du Book Club, donc, de ce poème de Taras Shevchenko.
01:50 Bonjour Irina Dmitrychine.
01:51 Vous êtes historienne, traductrice, maître de conférences à l'INALCO et spécialiste
01:56 de l'Ukraine, bien sûr.
01:57 Vous dirigez, vous avez dirigé, le volume 45-46 de la revue Slovo, qui veut dire « mot
02:02 » en ukrainien, publié sous le titre « Taras Shevchenko, hommage au peuple, au poète
02:07 ukrainien à l'occasion du bicentenaire de sa naissance ». On le rappelle qu'il
02:11 est né en mars 1814.
02:14 Irina Dmitrychine, on lit dans cette revue qu'on ne peut pas séparer la vie de l'œuvre
02:19 de Taras Shevchenko.
02:20 Toutes les deux sont intimement liées au destin de sa patrie.
02:24 C'est d'abord lui qui l'a proclamé en disant que « ma vie est une partie de l'histoire
02:29 de mon peuple ». C'est une identification propre à tous les romantiques qui se voient
02:34 et qui sont vus comme une partie intégrante de leur peuple.
02:39 Et effectivement, Shevchenko est une figure centrale à la fois de la littérature mais
02:42 aussi de l'histoire ukrainienne et qui est un des marqueurs de l'identité ukrainienne
02:46 depuis le 19ème siècle et des son vivant.
02:49 C'est-à-dire qu'aussi bien lui que ses contemporains en étaient persuadés.
02:52 - Et on va évidemment voir comment il est arrivé jusqu'à nous encore aujourd'hui
02:55 en 2023 pour parler de sa vie, de son œuvre.
02:58 On a aussi convié André Markowitz.
03:00 Bonjour ! - Bonjour !
03:01 - Vous êtes à distance avec nous, merci beaucoup d'être là.
03:04 Traducteur passionné, traducteur de toutes les œuvres de fiction de Dostoyevsky, de
03:09 Gogol aussi et de l'œuvre théâtrale de Tchaikov, vous êtes un grand connaisseur
03:13 de l'art.
03:14 - Je me revends.
03:15 - Évidemment, c'est important de le citer.
03:16 Vous êtes un grand connaisseur de la culture russe.
03:18 Vous avez publié aux éditions du Seuil il y a quelques mois un brûlot intitulé
03:22 "Et si l'Ukraine libérait la Russie ?" tout en présentant pour les éditions Segers
03:27 "Notre âme ne peut pas mourir" de Taras Shevchenko, le poète héros de l'Ukraine.
03:33 Commençons peut-être par son histoire à lui, André Markowitz.
03:37 Taras Shevchenko est né en esclavage, dites-vous, en 1814 donc.
03:40 Et sa poésie s'explique selon vous par ses origines paysannes ?
03:44 - Oh non, pas simplement par ses origines paysannes.
03:49 - En partie.
03:50 - Mais de fait, il est né esclave et il a été racheté par en fait deux grands intellectuels
04:02 russes.
04:03 Non, racheté, c'est-à-dire on lui a racheté sa liberté à son maître qui était très
04:09 réticent à le libérer parce qu'il faut se souvenir que dans l'Empire russe le servage,
04:16 donc l'esclavage, était de règle jusqu'en 1861.
04:23 Et donc c'est Karl Brlov, donc un des grands peintres russes, et Vassily Zhukovski, un
04:33 des plus grands poètes russes, qui se sont en quelque sorte cotisés pour le libérer.
04:38 Mais Irina Dmitriechine pourrait parler de ça beaucoup mieux que moi.
04:42 - Alors on va lui poser la question, Irina Dmitriechine.
04:44 On peut lire dans la revue Slovo un texte intitulé « Taraf Tchepchenko parle lui-même
04:50 » où le poète raconte justement sa famille, ses parents qu'il perd très jeune à l'âge
04:55 de 8 ans, l'écolier qui est réduit en esclavage et aussi le fait qu'il a voulu être peintre
05:01 très vite même s'il a perdu cet espoir.
05:03 Le prix de son rachat dont vient de parler Andrei Markovitch, à quel moment il commence
05:09 vraiment à écrire ?
05:10 - Eh bien il commence à écrire à peu près à cette période pétersbourgeoise lorsque
05:15 esclave de son maître, il est obligé de le suivre dans la capitale.
05:19 Nous sommes effectivement à l'époque du Servage et c'est son maître le surprenant
05:24 en train de copier les œuvres, les peintures, qui décident de l'envoyer pour qu'il apprenne
05:32 la peinture et pour en avoir un peintre de cours en quelque sorte.
05:37 Et effectivement Tchepchenko aurait pu avoir une carrière brillante en tant que peintre
05:44 de l'époque, aisée, facile, etc.
05:46 L'intérêt pour l'écriture vient de, d'abord sans doute il l'a eu déjà dès son enfance
05:55 puisqu'il récopiait les poèmes, il raconte très bien, il récopiait le grand philosophe
05:59 ukrainien Skovoroda et c'est lorsqu'il rencontre la communauté ukrainienne à Saint-Pétersbourg,
06:05 cette communauté ukrainienne qui était à l'origine de son achat, qui a effectivement
06:08 fait appel à Brullov et ensuite a eu l'idée de faire le portrait de Joukowsky qui était
06:13 le précepteur de la famille tsariste.
06:19 Donc c'est ce contact avec la communauté ukrainienne de Saint-Pétersbourg et les poètes
06:26 de cet entourage qui l'incite d'abord à suivre les rencontres hebdomadaires et des
06:34 discussions autour de la littérature et où il commence à s'exercer.
06:38 On l'encourage à écrire ses poèmes et effectivement son premier recueil comme tsar
06:43 paraît à peu près au même moment où il recouvre la liberté en 1840.
06:47 - Alors il ne recouvre pas la liberté pendant très longtemps, on est quand même dans un
06:52 club de lecture.
06:53 Je vous propose de prendre le livre, on vous a demandé Irina Dmitrievichine de lire quelques
06:58 vers en ukrainien et on va vous laisser faire.
07:02 - "Moi, je ne me souviendrai pas, je vais vivre en Ukraine ou non, ou quelqu'un m'en souviendra, ou l'on m'oubliera, je vais vivre dans la neige, dans l'étranger, je ne me souviendrai pas, je vais vivre en prison avec des autres et je vais mourir en prison, en pleurant, en mourant, et je vais tout prendre avec moi, je ne quitterai pas ma petite trace, dans notre grande Ukraine, dans notre propre terre. "
07:24 "Que je vive en Ukraine ou non, après tout ça m'est bien égal, que l'on se souvienne de moi, que l'on oublie mon existence, moi dans la neige, à l'étranger, après tout ça m'est bien égal.
07:34 J'ai grandi dans la servitude et c'était chez des étrangers, en esclavage je mourrai, sans voir les larmes de mes proches, de ma vie ne restera pas la moindre trace, pas de signe, dans notre valeureuse Ukraine, dont la terre n'est pas à nous. "
07:49 Il y a déjà, Irina Dmitriechine, l'idée du territoire, de la terre qui nous appartient et qui ne nous appartient plus.
07:56 Tout à fait, ce poème vient du cycle Okazmat, donc il est arrêté, il est emprisonné à la forteresse Pierre et Paul à Saint-Pétersbourg et il écrit une demi-dizaine de poèmes dont certains parlent de l'Ukraine, de ce paradis perdu, de cette patrie.
08:12 Et ce poème-là est déjà un poème de programme, puisque dans la deuxième partie qu'ils n'avont pas lu, il dit bien que ça lui est égal, son propre sort lui est égal.
08:22 Mais ce qui ne l'est pas égal, c'est le sort de l'Ukraine et que ce pays puisse être engloué dans ce servage, dans ce manque de liberté et qu'il ne s'assorte pas.
08:32 Ça, ça lui tient à cœur d'éveiller ce pays et qu'il retrouve sa liberté, la pleine jouissance de son territoire.
08:40 - André Markovitch, on avait à cœur évidemment de lire des extraits de l'œuvre de Shevchenko, œuvre que vous qualifiez de titanesque dans les gens les plus divers.
08:51 Il y a énormément de choses, depuis la chanson populaire, dites-vous, jusqu'à l'épopée, le poème lyrique, la satire la plus mordante, c'est très varié.
09:00 - C'est ça qui est absolument extraordinaire avec lui, c'est qu'il n'a pas un style, il n'a pas une langue, mais une vingtaine de styles, une vingtaine de langues.
09:12 Et il est extraordinaire dans chaque genre.
09:20 - Alors, cette œuvre, évidemment, elle est titanesque, vous l'avez dit, on va le dire dans un instant, elle n'est pas très connue, pas très bien connue en France.
09:27 En tout cas, notre lectrice, on va en parler dans un instant.
09:33 Avant André Markovitch, je voudrais qu'on écoute Stéphanie qui justement, l'une de nos lectrices, a découvert l'œuvre de Shevchenko il y a quasiment un an.
09:41 - J'ai découvert la poésie de Taras Shevchenko au moment de la guerre en Ukraine, donc il y a quasiment un an.
09:50 J'ai aimé trouver chez lui la force d'un héros, c'est-à-dire un personnage capable de s'engager entièrement de toute son âme, de tout son esprit, de tous ses mots, pour son pays et pour la cause qu'il défend, c'est-à-dire la liberté avant tout et la lutte contre la barbarie.
10:12 C'est un personnage tout à fait étonnant parce qu'il fut d'abord révolutionnaire et puis romancier et poète et peintre également.
10:21 Il a fait de la prison, il a eu des périodes d'exil et chaque fois, il trempe sa plume dans une époque trouble et tragique et ses textes se teintent d'un certain registre épique, ce qui fait que sa poésie est un flambeau dans la noire nuit.
10:40 "Notre âme ne peut pas mourir, la liberté ne meurt jamais", ce sont vraiment des mots très forts et qui incarnent le combat de l'Ukraine pour la liberté.
10:49 "Notre âme ne peut pas mourir", André Markovitch, c'est le titre de l'anthologie des plus beaux textes de Shevchenko qui est paru en 2022, que vous avez fait paraître en 2022 aux éditions Segers.
11:02 - C'est pas moi qui l'ai fait paraître. - En tout cas, vous avez écrit la préface. - Non, c'est pas moi. Moi, j'ai fait la préface.
11:09 En fait, c'est une édition, c'est une anthologie qui est parue en 1964, qui avait été publiée à l'époque chez Segers, dans la collection Poète d'aujourd'hui.
11:22 Et à ma grande stupeur, quand les éditions Segers m'ont demandé d'écrire une préface à une réédition de ce livre, après l'agression russe,
11:36 je me suis rendu compte qu'en fait, c'était quasiment le seul livre, pas disponible, il était épuisé depuis longtemps, mais existant sur l'œuvre de Shevchenko.
11:50 C'est-à-dire que c'est un continent englouti complètement. Parce que ce petit livre, il ne donne que des extraits, il ne peut pas donner autre chose.
12:01 Et les traductions, c'est les traductions de Giyvik, faites au début des années 1960. Et le choix, essentiellement, a été fait par des écrivains ukrainiens soviétiques,
12:18 Maxime Rilsk et en particulier. Et en fait, le livre était subventionné, je ne sais pas si vraiment subventionné, mais enfin publié,
12:27 sous l'égide du parti communiste français et, en fait, du parti communiste de l'Union soviétique. Voilà.
12:35 - On va parler de la traduction dans un instant, parce que c'est aussi très important.
12:39 Avant, un saut sur le site babelio.com, notre partenaire avec vous, Pierre Croz, on parle de "Notre âme ne peut pas mourir".
12:45 - Oui, alors évidemment, sur Babelio.com, en France, en général, il était assez peu connu avant la guerre et la publication de certains de ses poèmes.
12:52 On a de nombreuses critiques sur le recueil "Notre âme ne peut pas mourir". Toutes positives, même si, évidemment, l'actualité colore la lecture de ses poèmes.
12:59 C'est une découverte merveilleuse et inspirante pour quelques-uns. Et à la lecture des poèmes, certains ont fait des parallèles avec Victor Hugo.
13:05 Cette écriture sert un combat politique clair, à la manière d'un Hugo dans "Les Châtiments". Et c'est là que réside l'intérêt de cette lecture.
13:11 Il évoque ainsi tout le passé, toute l'histoire d'un peuple, celui de l'Ukraine. Même si certains lecteurs ont confié préférer les poèmes les plus personnels.
13:19 Parce que, vous avez évoqué, l'oeuvre est titanesque, il y a une grande diversité. Et bien, c'est parfois les textes les plus personnels qui ont été préférés des lecteurs.
13:27 J'ai pour ma part préféré les poèmes sur la prison, sur l'exil. On sent une telle ferveur pour l'Ukraine, son pays, qu'il ne peut retrouver qu'épisodiquement.
13:34 Évidemment, impossible de lire ces textes aujourd'hui sans penser à la situation actuelle. Si Taras Tchatchenko savait que la démocratie durement acquise de son pays est menacée, il en serait ravagé.
13:43 Alors, je ne sais pas si vous, c'est une question que je peux poser peut-être aux deux invités, est-ce que vous aimez tout de ces textes ?
13:48 Est-ce que vous avez aussi une préférence, peut-être, pour un aspect ou un autre de son oeuvre ?
13:52 Iréna Ditrichine.
13:54 C'est effectivement un poète romantique et on trouve chez lui cette verve. Peut-être les lecteurs français manquent de quelques clés pour comprendre la puissance et l'importance de ces poèmes,
14:08 réplacés dans leur contexte. Et la façon dont ces textes sont vécus et perçus est toujours d'actualité dans l'Ukraine d'aujourd'hui.
14:18 Bien évidemment, Tchatchenko a une oeuvre multiple, il y a des poèmes lyriques, il y a des textes bibliques, il y a ces textes de combat.
14:28 Ce qui les réunit, c'est quand même cet impératif éthique, ce refus absolu de l'injustice, quelle qu'elle soit, cette soif de liberté et de justice.
14:38 Et j'avoue que je peux ouvrir le volume de Kobzar à n'importe quelle page et trouver à chaque fois quelque chose qui m'interpelle et qui me plaît.
14:48 Donc je ne peux pas dire que j'ai des préférences, mais effectivement il y a des poèmes d'amour, des poèmes sur l'amour de la patrie, du village, de la mer,
14:59 puisque c'est un orphelin qui a manqué de cet amour maternel et qui a fait tout un cycle sur la femme ukrainienne, la mer, etc.
15:09 Donc Tchatchenko parle aux Ukrainiens dans toutes ses dimensions et à toutes les époques.
15:15 - Vos oeuvres préférées, Andrii Markovitch ?
15:17 - Je ne pourrais pas dire, parce qu'en fait je dois le dire, moi je le connais assez mal, je le connais pas tellement par les traductions françaises, mais par les traductions russes.
15:27 Parce que Tchatchenko était un des poètes ukrainiens les plus traduits, disons un des rares poètes ukrainiens toujours traduits et toujours lus.
15:40 Et moi, comment dire, je ne lis pas ou peu l'ukrainien, je le lis par les traductions et de fait les poèmes lyriques me semblent absolument extraordinaires.
15:54 Avec cette chose en plus, c'est que quand Nicolas 1er a fait enfermer Taras Shevchenko et puis qu'il l'a fait enrôler de force dans l'armée,
16:12 il interdisait qu'il écrive et qu'il dessine et il y avait un ordre, je crois, personnel de Nicolas 1er, ce qui est finalement quand on y réfléchit assez incroyable.
16:27 Mais ce qui dit aussi l'importance de Shevchenko déjà à l'époque, un ordre de Nicolas 1er pour qu'on le surveille et qu'on lui interdise d'écrire et de dessiner.
16:39 Shevchenko a toujours écrit et dessiné en même temps et d'ailleurs il n'a pas écrit que en ukrainien, son journal il l'a écrit en russe.
16:48 Mais ce qui est extraordinaire c'est la façon dont Shevchenko écrivait, trouvait le moyen quand même d'écrire essentiellement par cœur sur des petits bouts de papier
16:59 et comment il gardait tous les textes. C'est-à-dire que c'est une espèce de lutte au quotidien contre la tyrannie.
17:08 - Un mot André Markovitch sur ce rapport de la France à ses poésies. Irine Admetrichine disait il y a un instant "il nous manque peut-être des clés pour comprendre ce qui est raconté"
17:22 et ça explique peut-être ces 40, 60 années où il ne s'est rien produit, où rien n'a été publié en France sur ce poète-là ?
17:30 C'est un manque de curiosité de notre part ?
17:32 - C'est un manque de curiosité pas simplement sur Shevchenko et pas simplement sur la littérature ukrainienne
17:40 qui était et je dois dire est encore malheureusement quasiment inconnue en France.
17:49 Mais c'est sur l'absence de curiosité en général sur toutes les littératures moins connues, je ne peux pas dire moins importantes, mais moins connues de l'Europe et du monde.
18:08 - Et la langue n'est pas une barrière d'ailleurs puisque vous dites André Markovitch que Giliwik a traduit Shevchenko sans connaître sa langue.
18:14 Alors racontez-nous comment il a fait, expliquez-nous.
18:16 - Oh mais ça c'est très simple, c'est-à-dire qu'il a travaillé avec des linguistes, des spécialistes.
18:23 Ça c'est une chose que Giliwik faisait d'une façon régulière et que plein d'autres poètes ont fait.
18:33 L'essentiel ce n'est pas tellement de connaître la langue, c'est de travailler avec quelqu'un qui non seulement connaît la langue
18:43 mais qui est capable d'expliquer les arrières fonds, qui est capable d'expliquer le jeu des sonorités, la forme.
18:49 Sachant qu'à ce moment-là en 1964, Giliwik avait pris la décision de ne pas respecter entièrement la forme.
18:59 Taras Shevchenko dans la plupart de ses textes rime.
19:04 Et quand Irina Dmitrichine a lu quelques extraits, on a entendu la beauté formelle de cet extrait finalement tout simple.
19:15 Et Giliwik qui par la suite dans ses autres traductions allait toujours essayer de respecter la structure sonore des textes qu'il traduisait.
19:27 C'est un extraordinaire traducteur qui a décidé de sacrifier la rime, c'est-à-dire en gros le chant.
19:38 - Avant de rentrer dans Kobzar, ce premier recueil, un mot Irina Dmitrichine puisqu'on parle de la langue.
19:44 Shevchenko écrit en ukrainien, en russe aussi, il a joué un rôle très important dans l'unification de la langue ukrainienne.
19:51 Il a d'ailleurs même créé un alphabet ukrainien, c'est ça ?
19:54 - Alors il a effectivement parachevé la jonction entre la langue parlée et la langue littéraire.
20:00 Il a démontré, un des premiers a démontré que la langue ukrainienne était propre à exprimer des hauts sentiments,
20:08 que ce n'était pas juste une langue paysanne.
20:10 Et par la suite lorsqu'il revient de son exil, lorsqu'il lui est interdit d'aller en Ukraine, lorsqu'il n'a pas vraiment la possibilité d'écrire,
20:20 il se met en tête d'éduquer le peuple, de diffuser la parole.
20:26 Et donc il se signifie à l'ère de la gravure, de Lefort, qui permettait de diffuser en série, en grande échelle.
20:35 Et il a créé cet alphabet, mais à l'époque on écrivait plutôt à la phonétique, donc la codification de la langue va se poursuivre.
20:44 Donc la référence tchèque-tchèque est importante dans la codification de la langue ukrainienne.
20:50 - Alors le premier recueil s'appelle "Kobzar", ce qui fait référence aux chanteurs populaires ukrainiens,
20:59 qui justement diffusaient ces récits et ces chants quasiment.
21:05 On va en parler parce que c'est intéressant, sur le site babelio.com il y a une remarque sur l'accès à ces textes, Pierre Crozat.
21:14 - Oui, on a une critique qui date de quelque temps avant la guerre de "Kobzar".
21:18 Le plus grand problème, alors c'est une critique qui est très positive, je le précise,
21:21 mais elle indique une raison peut-être pour l'absence de reconnaissance de l'auteur dans le monde.
21:27 Le plus grand problème avec "Kosbar" est que Chevchenko écrivait uniquement sur l'Ukraine et pour les Ukrainiens.
21:31 L'opinion générale est qu'il n'existe aucun lien entre l'oeuvre de Chevchenko et la littérature mondiale.
21:36 Les éditeurs ne prétendent pas toujours le contraire.
21:38 Peut-être, quel est votre avis sur la question, sur le lien, la place de Chevchenko dans la littérature mondiale ?
21:43 Est-ce que ça a évolué depuis peut-être la guerre, justement ?
21:46 - Bien, c'est l'avantage et le problème des poètes nationaux, c'est qu'ils expriment l'âme du peuple.
21:52 Et à l'époque où Chevchenko écrivait, au XIXe siècle, ce qu'il préoccupait, c'est le sort de ce peuple et le sort de ce pays.
21:59 Donc, il écrivait en ukrainien pour le peuple ukrainien.
22:03 Il a beaucoup œuvré, puisque c'était son rêve, à l'unité slave, à l'unité slave dans l'égalité,
22:09 c'est-à-dire que l'Ukraine soit dans la grande famille à égalité avec les Polonais, les Tchèques, etc.
22:16 Donc, il est difficilement traduisible, puisque la poésie est difficile à traduire.
22:22 Mais je pense que lorsqu'on regarde l'histoire ukrainienne et la téléologie ukrainienne,
22:29 l'identité ukrainienne qui est en pleine formation à l'époque,
22:35 on doit pouvoir lire Chevchenko, l'analyser et le voir au même titre que Mickiewicz en Pologne, par exemple.
22:42 Donc, c'est un auteur qui exprime pleinement ce que représentent l'Ukraine et l'âme ukrainienne.
22:47 - André Markovitch, il utilise dans ce premier recueil de poèmes des récits historiques, des contes populaires, des légendes,
22:55 qui sont transmis par tradition orale, et il va les mettre sur écrit, et il va rencontrer un franc succès à ce moment-là.
23:04 - C'est un mouvement qui existe dans toute l'Europe, qui définit le mouvement romantique.
23:14 C'est de retrouver ce qu'on appelle justement à l'époque l'âme des peuples, l'expression naturelle, originelle, etc.
23:30 Je doute qu'il existe une âme des peuples, mais bon, en même temps en Hongrie, il y avait des poètes comme Chandeur, Péthou, Fille, enfin...
23:48 Partout, c'était ça. Et je ne pense pas du tout que ce soit un obstacle à faire connaître Chevchenko.
23:58 Il faut le traduire. Par exemple, il est traduit en russe, et je pense que chaque lecteur russe connaît et apprécie Chevchenko.
24:11 Il faut le traduire.
24:17 - Irina Dmitriechen.
24:18 - Je voudrais juste préciser que Kobzar est ce barde itinérant, et donc l'Ukraine qui n'avait plus d'existence étatique,
24:26 c'est justement cette tradition orale qui remplaçait à la fois la mémoire historique,
24:32 qui permettait à l'Ukraine de traverser ces siècles et de ne pas se perdre dans l'ensemble dominateur russe.
24:45 Donc, c'est cette identification avec ce chanteur populaire, ce barde populaire, qui était importante pour Chevchenko,
24:52 puisqu'il s'identifiait à cet anonyme issu du peuple qui va transmettre l'histoire et chanter le futur du pays rêvé,
25:02 et qui est comme une façon de le faire advenir.
25:06 Le soleil s'en va, les monts s'obscurcissent, l'oiseau se tait, le champ devient muet, le proche repos réjouit les gens,
25:18 et moi je regarde et mon cœur s'envole vers un jardinet sombre dans l'Ukraine.
25:24 Et je m'envole et je m'envole et rêve, pendant ce temps, mon cœur trouve la paix, le champ devient noir,
25:32 noir les bois, les monts, la première étoile apparaît au ciel, l'étoile, l'étoile, et les larmes tombent.
25:40 Oh, t'es-tu levée en Ukraine aussi ? Là-bas les yeux bruns te recherchent-ils aussi dans le ciel ?
25:46 Ou bien ils oublient ? S'ils ont oublié, qu'ils s'endorment donc, et sur mon destin qu'ils ne sachent rien.
25:59 - Et on se plonge toujours dans l'oeuvre de Taras Shevchenko, ce poète ukrainien, avec Irina Dmitriechine, traductrice historienne, et avec André Markovitch.
26:08 André Markovitch, vous vouliez réagir évidemment sur cette idée du patriotisme ukrainien aussi de...
26:13 - Non, non, c'est pas simplement sur ça, c'est le fait que c'est une tradition très ancienne de l'Europe toute entière, en fait.
26:21 Le barde populaire aveugle, si vous voulez, ça remonte à Homer.
26:27 Et dans le romantisme, c'est quelque chose qui est très très connu dans l'Europe entière, depuis haussiant.
26:34 La différence, c'est que par exemple, comment dire, il y a à peu près au même moment que le Kobzar en Ukraine,
26:43 il y a par exemple en Bretagne, la ville marquée, qui est un noble légitimiste, écrit un "Barsas Brace",
26:52 un chant de Bretagne qu'il réinvente complètement, qui est une supercherie totale, au nom de valeurs idéologiques,
27:02 comment dire, conservatrices, voilà, antirévolutionnaires.
27:06 Alors que Shevchenko écrit réellement dans le mode populaire.
27:15 Et très souvent, j'ai l'impression, on ne sait pas si c'est des chansons populaires qu'il a entendues,
27:22 ou des chansons populaires qu'il a écrites, et il mélange toujours les deux.
27:27 C'est-à-dire qu'il y a une espèce d'expression naturelle de la littérature, du folklore,
27:39 et des procédés de la littérature littéraire, folklorique.
27:47 - Folklorique. Alors c'est un conteur... - C'est une union qu'il y a d'une écriture savante et d'une écriture populaire.
27:58 - Alors c'est un conteur, on l'a dit, mais c'est aussi évidemment presque un homme politique,
28:03 on a envie de dire Irina Dmitriechine, parce que c'est lui évidemment qui va faire se sentir certains Ukrainiens ukrainiens,
28:10 et ça depuis qu'il a commencé à écrire, en fait, et jusqu'à tous les épisodes récents, évidemment.
28:18 Alors 1917, la révolution en Russie, bien sûr, il est déjà un symbole qui fédère les peuples,
28:25 et puis plus récemment, 2004, la révolution orange, 2013-2014, la révolution sur la place Maïden à Kiev,
28:32 et puis aujourd'hui, l'invasion de la Russie en Ukraine, il est encore un symbole, un visage de ces moments politiques très forts.
28:42 - Tout à fait, parce que sa poésie, en fait, ça plaît qu'on trouve toujours dans ses poèmes des lignes qui correspondent au moment de la vie politique ukrainienne,
28:54 et il a été effectivement en 1917, au moment des révolutions ukrainiennes, a été récupéré par tous les camps,
29:01 c'est-à-dire aussi bien les rouges que les pro-ukrainiens l'ont porté sur leur drapeau.
29:07 L'époque soviétique, ne pouvant pas le faire exclure, s'est emparé de son œuvre,
29:13 et il faut dire qu'il convenait parfaitement à l'idéologie soviétique, parce qu'il était issu du peuple,
29:19 parce qu'il était contre le tsarisme, etc.
29:24 Donc, toutes les parties pouvaient trouver quelque chose à récupérer chez Shevchenko,
29:29 et son écriture, qui était essentiellement anti-tsariste, anti-colonialiste pour la liberté des peuples,
29:37 dans les moments révolutionnaires de l'Ukraine, tels que 2004 ou 2014, trouvait les échos.
29:42 Et donc en 2014, c'est surtout les quatre lignes du poème "Kokaz", qui est un poème écrit au moment où la Russie conquiert le Kokaz,
29:54 et Shevchenko, à la différence de beaucoup d'autres poètes, notamment russes, s'est révolté contre cette conquête,
30:01 et a exprimé sa solidarité, justement, avec ces peuples qu'on est en train de conquérir,
30:06 tout en leur faisant croire qu'on leur apporte la civilisation dont ils auraient eu besoin.
30:12 Et les quatre lignes qui ont été portées sur tous les drapeaux en 2013-2014, c'était "Lutter, vous vaincrez",
30:20 "Dieu vous vient en aide", "Avec vous, la gloire, la vérité et la sainte liberté".
30:25 Et à cette époque-là, où les forces ukrainiennes, enfin, le mouvement ukrainien n'avait pas de force,
30:30 mais il avait avec lui la vérité et la liberté.
30:34 Et c'est en cela que les paroles de Shevchenko trouvent à chaque fois un écho.
30:38 Alors qu'on est en train de s'interroger, évidemment, en Ukraine en ce moment,
30:41 et d'ailleurs on ne s'interroge pas, puisqu'on a retiré quasiment tous les auteurs russes des bibliothèques,
30:46 aussi pour montrer, enfin, en tout cas, on essaie de les mettre en avant,
30:51 pour mettre en avant la littérature ukrainienne.
30:53 Alors dites-moi si je me trompe, mais la question c'était plus, est-ce qu'aujourd'hui, on continue de le lire ?
30:58 Est-ce qu'aujourd'hui, il est utilisé comme un ciment fort de l'identité ukrainienne ?
31:05 Il est toujours présent, il y a une récupération visuelle, si vous voulez,
31:09 parce que de toutes les manières, tout le monde connaît Shevchenko, on l'apprend à l'école,
31:13 tout le monde a son Kobzar, donc c'est quelque chose qu'on n'a pas besoin de souligner, puisque ça fait partie de nous.
31:20 En revanche, on a vu cette utilisation iconographique de Shevchenko,
31:24 depuis le Maïdan, lorsqu'il était sur les barricades,
31:27 lorsqu'aujourd'hui on le voit entrayé avec l'arme à la main,
31:33 lorsqu'on l'a vu habillé un léopard il y a quelques semaines,
31:36 au moment où on attendait la livraison des chars léopard, etc.
31:40 Donc Shevchenko est cette icône, véritablement, puisque tout le monde connaît ce visage,
31:45 on n'a pas besoin de l'expliquer, en quelques traits, on sait très bien à quoi on fait référence.
31:50 En ce qui concerne la littérature russe, ce qui se passe en Ukraine,
31:54 c'est une façon de se réapproprier l'espace,
31:57 de se demander, non pas d'attaquer la littérature russe,
32:01 mais de se demander pour quelles raisons en Ukraine, il y a,
32:04 par exemple dans la ville de Kyiv, il y avait six monuments Pouchkine.
32:07 Ce n'était pas Pouchkine qui était célébré, c'était la présence impériale,
32:12 donc la supériorité culturelle imposée par le centre, par Moscou,
32:17 à l'époque tsariste et à l'époque soviétique, qui est questionnée.
32:20 Donc on est à l'époque de la rélecture de ce rapport Ukraine-Russe,
32:24 à la lumière, bien sûr, de cette agression.
32:26 - Et ce serait évidemment intéressant de continuer à retraduire Shevchenko,
32:30 j'imagine Andriy Markovitch, en un mot, vraiment, est-ce que vous êtes d'accord avec ça ?
32:33 Est-ce qu'il faut une nouvelle traduction de ces romans pour les faire découvrir aux Français ?
32:38 - Il faut tout traduire.
32:41 Après, sur ce qu'Irina vient de dire sur la littérature russe
32:47 et le rapport de la littérature russe en Ukraine, il faudrait parler pendant des heures.
32:53 Mais bon, c'est comme ça.
32:56 On enlève les statues, on enlève les statues, c'est pas ça qui changera quoi que ce soit.
33:04 - Merci beaucoup Andriy Markovitch d'avoir été avec nous à distance.
33:08 Je rappelle votre essai "Et si l'Ukraine libérait la Russie ?" aux éditions du Seuil.
33:12 Vous avez préfacé ces éditions Segers qui ont publié ce recueil de poèmes de Tarashevchenko,
33:19 ça s'appelle "Notre âme ne peut pas mourir".
33:21 Merci à vous, Irina Dmitriechine, d'être venue dans ce studio.
33:25 Je rappelle que vous avez co-dirigé "Hommage à l'Ukraine" aux éditions Stock.
33:30 On retrouvera d'ailleurs sur la page Instagram du Book Club la note de Karola qui nous a parlé de ce livre.
33:37 Je rappelle aussi que vous avez dirigé la revue Slovo consacrée à Tarashevchenko, "Hommage aux poètes ukrainiens".
33:44 Merci à Pierre Kraus de nous avoir accompagné en ce vendredi de notre partenaire Babeliou.com.
33:49 Dans un instant, on écoutera ensemble l'épilogue de ce Book Club.
33:56 Mais avant, à 13h24, sur France Culture, on accueille Mathias Senard pour ses Inquiet Peat
34:01 qui s'interroge comment raconter sa propre histoire.
34:04 Comment commencer ses mémoires ?
34:07 Cette question hante, je le sais, non seulement les grandes et grands de ce monde,
34:11 mais aussi tout un chacun ou toute une chacune.
34:14 Comment débuter donc nos mémoires ?
34:16 Avec la noblesse qui convient à ce genre, sans doute un des plus prestigieux de la langue française.
34:21 Posons la question au mémorialiste en chef, au grand siècle en perruque et dans la pléiade.
34:26 J'ai nommé Louis de Rouvroy, duc de Saint-Simon, né en 1675 à Paris et décédé au même endroit en 1755.
34:34 Les mémoires de Saint-Simon, on le sait, sont un des chefs-d'œuvre de la langue française,
34:39 l'apexe du XVIIIe siècle, le siècle des mémoires.
34:43 Comment commencer donc ces mémoires lorsqu'on est le duc de Saint-Simon ?
34:47 Comme ceci.
34:49 « Je suis né la nuit du 15 au 16 janvier 1675, de Claude, duc de Saint-Simon, père de France,
34:56 et de sa seconde femme Charlotte de l'Aubepine, unique de ce lit.
35:00 De Diane de Budos, première femme de mon père, il avait eu une seule fille et point de garçon.
35:06 Il l'avait mariée au duc de Brissac, père de France, frère unique de la duchesse de Villeroy.
35:12 Elle était morte en 1684, sans enfant, depuis longtemps séparée d'un mari qui ne la méritait pas,
35:18 et par son testament m'avait fait son légataire universel.
35:21 Je portais le nom de Vidame de Chartres, et je fus élevé avec un grand soin et une grande application.
35:28 Ma mère, qui avait beaucoup de vertu et infiniment d'esprit, de suite et de sens,
35:33 se donna des soins continuels à me former le corps et l'esprit. »
35:38 Ne cherchons pas midi à 14h.
35:40 Le duc de Saint-Simon commence simplement par le commencement, c'est-à-dire par sa naissance et son éducation.
35:47 Il convient d'établir sa haute noblesse, ce titre de Vidame de Chartres qu'il porte
35:51 et la formation qu'il a reçue de sa mère, Mens sana, incorpore sano, le corps, l'esprit.
35:57 Mais ses mémoires, si elles commencent bien par les lignes que je viens de lire,
36:01 n'en comportent pas moins un préambule, une introduction, qui, elle, débute ainsi.
36:06 « L'histoire a été dans tous les siècles une étude si recommandée
36:10 qu'on croirait perdre son temps dans recueillir les suffrages,
36:13 aussi importants par le poids de leurs auteurs que par leur nombre. »
36:18 Le prologue, et pensez-y avant de vous lancer dans l'écriture de vos mémoires,
36:22 est le lieu où Saint-Simon se confronte au pourquoi de l'écriture mémorielle, l'histoire.
36:28 « Être utile à l'histoire, explique Saint-Simon, c'est savoir mettre de l'ordre dans le chaos des événements,
36:33 c'est expliquer les causes et les conséquences des actions des personnages.
36:37 C'est ce qui rend nécessaire, nous dit-il, de découvrir les intérêts, les vices, les vertus,
36:42 les passions, les haines, les amitiés et tous les autres ressorts en principaux qu'incident des intrigues,
36:47 des cabales et des actions publiques et particulières qui ont part aux événements qu'on décrit.
36:53 Et toutes les divisions, les branches, les cascades, qui deviennent les sources et les causes d'autres intrigues
36:59 et qui forment d'autres événements. »
37:01 Le mémorialiste est donc un historien, un peintre du bien comme du mal qui l'entoure.
37:07 À votre tour de prendre la plume.
37:09 Avec grand plaisir, merci beaucoup Mathias Henart, les Inquipites, à réécouter sur franceculture.fr
37:14 et sur l'application Radio France en cette dernière émission de la semaine.
37:18 J'en profite pour remercier toute l'équipe qui organise, prépare le Book Club Orient de la Croix.
37:23 Zora Vignet, Jeannette Grappard, Didier Pinault et Alexandre Alaï-Bégovitch.
37:27 C'est Thomas Beau qui réalise l'émission et la prise de son ce midi.
37:31 Etienne Rouch, on se retrouve tout le week-end sur le compte Instagram du Book Club,
37:35 Book Club Culture et sur notre page internet également franceculture.fr.
37:40 On attend évidemment toutes vos impressions, vos avis, vos commentaires
37:44 sur la programmation de la semaine prochaine que vous retrouverez dans quelques instants
37:48 sur le compte Instagram du Book Club.
37:51 Et comme c'est vendredi et comme c'est la fin de l'émission surtout,
37:54 on va se quitter avec l'épilogue du jour monté comme tous les jours par Thomas Beau.
37:58 Je ne sais pas si je vais vivre en Ukraine ou non,
38:01 si quelqu'un m'en souviendra ou si je m'en oublie dans la neige à l'étranger,
38:04 mais je ne sais pas.
38:06 En prison, nous sommes élevés avec les autres et, ne pleurant que pour nous,
38:09 en prison, je pleure et je meurs.
38:11 Et je vais tout prendre avec moi, je ne quitterai pas le petit tracé
38:14 de notre grande Ukraine, de notre propre terre.

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