• l’année dernière
Transcription
00:00 *Musique*
00:19 Nous ne sommes pas le premier lundi du mois d'avril 1625 mais ça tombe bien le premier
00:25 vendredi du mois d'avril 2023. Près de 400 ans nous séparent du récit retraçant
00:31 les aventures d'un jeune gascon des Argentées du nom de d'Artagnan monté à Paris pour
00:36 devenir mousquetaire du roi Louis XIII. Mais ces mousquetaires au final combien sont-ils?
00:41 3, 4, 5 en réalité? Ça va dépendre des adaptations car depuis le milieu du 19ème
00:47 siècle leurs aventures ont été portées au cinéma une quarantaine de fois, à la
00:51 télévision une vingtaine de séries et même en dessin animé et sur les plianches bien
00:56 sûr. L'actualité nous y fait également référence puisque le film "Les trois mousquetaires"
01:01 de Martin Bourboulon vient de sortir en salle. Alors comment expliquer toutes ces adaptations?
01:06 Ce texte est-il intemporel? Toujours d'actualité? On en parle avec nos invités bien sûr et
01:12 avec Pierre Croce. Bonjour Pierre.
01:14 Bonjour Nicolas, bonjour à tous.
01:15 Notre partenaire du site babelio.com comme tous les vendredis. On en parle aussi avec
01:20 la communauté du book club. Si je devais être un mousquetaire je serais
01:22 Portos. Quel mousquetaire êtes-vous d'Artagnan?
01:25 Et à y réfléchir un peu, Athos et Aramis. Athos parce qu'il est le plus rigolo.
01:31 France Culture, le book club, Nicolas Herbeau.
01:38 * Extrait de "Les trois mousquetaires" de Martin Bourboulon *
01:54 Vous avez été très nombreux à nous parler des trois mousquetaires et on va vous entendre
01:58 évidemment tout au long de cette émission jusqu'à 13h30. Bonjour Claude Schaap.
02:02 Bonjour. Vous êtes l'un des plus grands spécialistes
02:04 d'Alexandre Dumas. J'ose le dire ainsi. Vous avez publié une biographie de l'auteur
02:09 et des dizaines d'ouvrages sur lui. Le dernier en date s'intitule "Vie mêlée,
02:13 le géorgien d'Alexandre Dumas aux éditions Équateur". Vous êtes aussi l'un des directeurs
02:17 des cahiers Dumas. Les trois mousquetaires sont publiés en 1844.
02:21 Vous allez nous raconter sous quelle forme et comment cela a pu modeler ou non le texte.
02:26 Mais d'abord, quelle est la place de cette œuvre dans la vie de Dumas et dans sa bibliographie?
02:31 C'est un des premiers romans de Dumas. Il a commencé par le théâtre et il est arrivé
02:39 au roman à la suite du succès du feuilleton. Ce feuilleton a eu un succès extraordinaire
02:47 avec "Les mystères de Paris". Et donc c'est pour rejoindre en quelque sorte son
02:52 ami su dans la réussite qu'il a essayé d'écrire un roman. Quel roman ? Il n'avait
03:00 pas une idée très précise. En fait, il aurait pu être aussi un roman sentimental,
03:06 etc. Mais que s'est-il passé parmi tous les romans qu'il lui offrait à ce moment-là?
03:11 Le seul qui a eu beaucoup de succès, c'était "Les trois mousquetaires". Il a dit c'est
03:17 la direction qu'il faut que j'emprunte. Et il a emprunté cette direction, inventant
03:21 un genre qui est le roman historique français. Il a été lui-même surpris par le succès
03:27 dès les publications ? Oui et non. Vous savez, les écrivains pensent toujours qu'ils
03:32 vont faire un succès. Alors, Dumas, qui était profondément optimiste, a dit non,
03:38 on n'a pas été plus surpris que ça. Ça lui était dû parce qu'il s'estimait
03:43 avoir du talent. Alors, on va parler de l'histoire. Bien sûr, on va parler des adaptations.
03:49 On va réfléchir ensemble sur cette idée des mousquetaires d'hier et d'aujourd'hui.
03:53 Et pour cela, nous avons convié Clara Edouin. Bonjour. Bonjour. Merci d'être avec nous,
03:57 médiène, metteuse en scène, autrice, scénariste, avec Jade Urbolo notamment. Vous avez lancé
04:02 un projet intitulé "Les trois mousquetaires", la série, un collectif qui s'appelle 49 701.
04:07 Et votre projet, c'est en résumé une adaptation des trois mousquetaires pour le théâtre.
04:13 On va en dire un peu plus, bien sûr. Mais d'abord, votre rencontre avec ce texte, avec
04:17 ce roman, comment ça s'est passé pour vous ? En fait, ce roman est arrivé presque pour
04:25 aligner des désirs de théâtre qui étaient présents avant lui. Un désir déjà de collaboration
04:31 avec Jade Urbolo, du coup, avec laquelle j'étais amie, avec laquelle je commençais à travailler
04:35 dans le cadre du studio Théâtre Danière et puis un petit peu avant à l'ENS Lyon.
04:39 Et aussi une promotion qui est ma promotion du studio Théâtre Danière, donc une flopée
04:46 d'acteurs extrêmement talentueux. Beaucoup de garçons, ce qui est rare dans les promotions
04:50 de théâtre. Donc, il y avait déjà un désir de collectif à l'origine de ce projet.
04:54 Et puis, il y avait un désir de fabriquer une aventure au long cours. Donc, non pas un
05:00 seul spectacle qu'on jouerait peut-être quelques dates et puis on n'en parlerait plus, mais
05:04 plutôt se lancer dans un projet qui allait tous, qui allait possiblement nous transformer.
05:11 Évidemment, on ne se le disait pas comme ça, mais un projet au long cours qui allait se
05:16 fabriquer épisode par épisode, chapitre par chapitre. Et donc, en discutant de ce
05:21 désir-là, moi que j'avais avec Jade, on commence à évoquer ensemble les grands romans
05:26 du XIXe. Peut-être c'était notre formation très littéraire qui nous a d'abord appelés,
05:32 mais donc on a pensé à Flaubert, à l'éducation sentimentale, à Stendhal. Et puis, moi, j'avais
05:38 aussi une autre inspiration qui était l'inspiration d'un metteur en scène sur lequel j'avais
05:42 travaillé en tant qu'étudiante et avec lequel j'ai un peu travaillé en tant que comédienne
05:45 qui s'appelle Gwenaëlle Morin et qui fait du théâtre relativement pauvre, avec peu
05:51 de choses, un théâtre très brut, très frontal avec des grands textes, mais qui
05:55 parfois voyage hors des salles de théâtre, hors des boîtes noires, pour se fabriquer
06:00 à vue sur le parvis, sur une place, sur un parking. Et ça, ça m'intéressait beaucoup,
06:05 le trouble que crée l'action théâtrale quand elle se fait hors de la boîte noire.
06:10 Donc, j'avais aussi ce désir-là, qui était un désir de sortir du décor habituel ou
06:14 des lieux dédiés au théâtre pour aller faire du théâtre ailleurs, dans des espaces
06:19 un peu incongrus et dont le contexte allait se mélanger à l'action. Et bref, à force
06:26 de circuler dans Paris et de rêver à toutes sortes de lieux possibles, notamment de passer
06:31 devant le Louvre et de se dire pourquoi on ne fait pas du théâtre dans ces endroits-là,
06:35 pourquoi ces lieux-là ne sont voués qu'à la contemplation patrimoniale, pourquoi on
06:39 ne peut pas inventer autre chose d'un peu plus ludique et qui désordonnerait un peu
06:45 les habitudes des corps dans ces endroits. Et là, tout d'un coup, je pense que c'est
06:48 peut-être le Louvre. Je ne sais plus exactement ce qui s'est passé, mais je repense au Mousquetaire.
06:53 L'idée me traverse. À peine rentrée chez moi, je refeuillette le début du roman que
06:58 j'avais lu un an ou deux avant, un roman que j'ai lu assez tard. Et tout d'un coup,
07:03 en lisant le premier lundi du mois d'avril 1625, etc., et en tombant dans l'auberge de
07:08 Main-sur-Loire, qui est le premier décor du roman, je me dis immédiatement « mais
07:14 en fait, il y a déjà du théâtre dans ce roman et tout est là, tout est possible.
07:19 C'est déjà jubilatoire et c'est déjà de l'action théâtrale. C'est évident
07:25 aussi que les personnages sont aussi bien des archétypes de théâtre que des personnages
07:29 romanesques. Bref, je rappelle Jade et je lui demande si elle a lu Les Trois Mousquetaires.
07:33 Elle me dit non. Je lui dis « lis-le ! » et nous voilà embarqués dans cette aventure.
07:38 En fait, il y a un chef d'une armée de méchants qui s'appelle le cardinal. En fait,
07:48 la reine est amoureuse de quelqu'un d'autre que le roi. Du coup, elle donne des bijoux
07:54 à son autre amoureux, le duc de Buckingham. Et après, le cardinal, ils l'ont vu. Et
08:03 du coup, parce qu'en fait, lui est reparté autre part. Il n'allait plus jamais voir
08:10 la reine. Et du coup, ils l'ont vu. Et du coup, ils veulent qu'il aille au bal, que
08:16 le roi fasse un bal pour que le roi lui dise de prendre ses bijoux. Et après, le roi,
08:25 comme ça, dès qu'il va arriver, il n'y aura pas les colliers. Du coup, il va penser
08:32 qu'elle est amoureuse de quelqu'un d'autre. Voilà.
08:35 - Cléo Chappes, c'est un jeu d'enfant, comme vient de le faire Constant, de résumer
08:40 l'intrigue des trois mousquetaires.
08:41 - Oui, c'était très complexe. Moi, j'admire cet enfant. Je n'emploie pas l'expression
08:47 « du coup, du coup », parce que c'est assez nouveau. Mais sans ça, c'est parfait, en fait.
08:51 - Quels sont les ingrédients de ce roman ? Là, on a eu une histoire résumée. Mais
08:55 qu'est-ce qui fait qu'on est dans l'action en permanence ?
08:59 - Parce que Dumas l'a décidé. Tout son théâtre était fondé sur cette notion d'entrée
09:06 immédiate. Dans l'immédiateté, il fallait entrer. Donc bon, ça, c'est... Ça va.
09:12 Ensuite, que me demandez-vous ?
09:14 - Quels sont les ingrédients de ce roman ? Pourquoi ça fonctionne ?
09:18 - À vrai dire, il me semble que le succès du roman, son succès universel, est très
09:25 difficile à organiser. Mais on peut supposer que « Les trois mousquetaires », c'est beaucoup
09:33 plus qu'un roman. C'est un mythe, vraiment. C'est un mythe, c'est-à-dire un mythe plastique
09:38 d'où la possibilité d'avoir toutes sortes d'adaptations qui sont... qu'on ne juge pas,
09:45 en fait. Ce sont des adaptations. Mais tout est possible avec ce roman, puisque ça parle
09:50 essentiellement d'un thème fort, l'amitié. L'amitié virile, en définitive, c'est grosso
09:54 modo ça. Bon, maintenant, ce sera certainement une amitié plus féministe, naturellement.
10:01 Mais donc, j'avoue que tout travail sur « Les mousquetaires » passe par ce mythe de l'amitié,
10:11 en fait. - Clara, vous êtes d'accord ?
10:13 - Absolument. Comme je vous l'ai dit, nous, c'est d'abord l'amitié, en fait, qui était
10:17 à l'origine de la formation de notre collectif et puis de notre désir de travailler ensemble.
10:22 Et c'est parce que ce roman, d'une certaine manière, parlait d'amitié que, tout d'un
10:27 coup, il a semblé parfaitement nous convenir. Aussi, peut-être parce que quand on a commencé,
10:30 on avait l'âge des héros. Après, est-ce que c'est simplement une amitié virile ? Moi,
10:35 j'en suis pas sûre du tout. D'ailleurs, je suis une femme et j'ai été attrapée
10:39 par ce roman de façon absolue. Et je crois qu'il s'agit surtout... Et ce qui est assez
10:44 rare, en fait, j'ai pas tant d'autres exemples, à part « Le Club des Cinq » ou des romans
10:49 de jeunesse très populaires, j'ai pas trop d'autres exemples de mythes de la bande, en
10:55 fait. Parce que l'amitié, on l'a dans des grands textes fondateurs, par exemple, Gilgamesh,
11:00 avec Gilgamesh et Nkidu et tout ça. Mais c'est quoi l'amitié à plus de deux ? À
11:05 partir de trois, de quatre, faire bande, être une bande, qu'est-ce que c'est ? Et en fait,
11:10 c'est quelque chose d'assez fort. Et je pense qu'il nous attrape aussi à un certain âge
11:13 de la vie. C'est peut-être pour ça que « Les Trois Mousquetaires » sont considérés
11:16 comme un roman jeunesse. Moi, j'avoue que c'est pas non plus totalement étranger au
11:22 fait que je sois fille unique et que j'ai eu toujours très envie d'avoir une bande
11:25 d'amis autour de moi. En tout cas, il y a quelque chose de très fort, en effet, qui
11:30 se joue à cet endroit-là et qui est assez exceptionnel, finalement, dans l'histoire
11:33 de la littérature.
11:34 Pierre Croce, chez leslecteursdebabylio.com
11:35 Oui, c'est intéressant, on retrouve exactement cette idée sur l'amitié. Pour certains,
11:40 c'est l'un des grands livres sur l'amitié. « Les Trois Mousquetaires », c'est plus
11:42 qu'un simple roman, c'est juste un des plus épatants récits sur l'amitié qui
11:46 n'a jamais été écrit. Amant, volage et inconstant, du mafieux en revanche, un excellent
11:51 ami et s'il n'a jamais été à l'aise avec la romance, il a toujours su parler
11:54 avec talent de camaraderie et de fraternité et surtout faire partager ses sentiments à
11:58 ses lecteurs. Et certains lecteurs ont utilisé le terme de loyauté pour parler de ce roman.
12:03 « Les Trois Mousquetaires » est une lecture presque d'utilité publique. Comment apprendre
12:06 la loyauté envers ses amis ou le sens de l'honneur quand on n'a jamais lu ce roman ?
12:10 Wow ! On va écouter justement Anaïs qui poursuit un petit peu cette idée et qui nous parle
12:14 des valeurs qui sont véhiculées dans ce roman d'Alexandre Dumas.
12:18 Salut le book club ! À la question « Quels mousquetaires êtes-vous ? », j'ai répondu
12:23 d'Artagnan et à y réfléchir un peu à Tos et à Ramis. Alors pourquoi d'Artagnan ?
12:28 Parce qu'il est ambitieux, courageux et loyal. Il ne marche sur personne pour réussir
12:35 et il est respectueux envers ses pairs. Il est aussi rusé. Il essaye toujours de retomber
12:40 sur ses pattes, un peu comme un chat. Il a bon cœur et surtout il aime sincèrement.
12:45 C'est un cœur tout moins en amour. Et je suis un peu comme ça.
12:48 Claude Schaap, c'est un héros mythologique, vous dites, d'Artagnan et les Mousquetaires.
12:54 Ce sont ces valeurs, ces idées-là qui font qu'on est attrapé, on est alpagué par
12:59 l'histoire et par leurs aventures ?
13:00 Oui, bien sûr. Mais disons que « Les Trois Mousquetaires » avait d'autres vertus.
13:06 Des vertus beaucoup plus historiques, au fond. Parce qu'en creux, c'est un contre
13:13 Louis-Philippe, à vrai dire. C'est-à-dire l'arrivée du panache dans une période
13:21 dépourvue de panache. Donc il y a ça aussi qui sous-tend l'espèce de vigueur absolue
13:27 du texte. Ce n'est pas la bourgeoisie peu intéressante pour un artiste. Ce sont les
13:41 artistes qui comptent d'abord. Donc je crois que chez Dumas, il y a ça. Il y a la condamnation
13:46 de… En fait, le bonacieux. Bonacieux, c'est le type même du… Mais malheureusement,
13:55 on s'aperçoit aussi qu'il y a la tentation, non pas chez les maîtres, mais chez les
14:00 valets, la tentation de la bourgeoisie et du commerce. Et donc, on peut aussi lire de
14:07 façon différente. C'est vraiment un roman très, très riche, en définitive. D'où
14:13 l'humour, on peut expliquer cela comme ça.
14:16 Clara Edouin, sur les personnages ?
14:18 Oui, je réagis à la dimension sociologique du roman dont vient de parler Claude Schopp.
14:23 Parce que nous, ce que vient d'expliquer Claude au regard de la question de la bourgeoisie
14:31 versus l'aristocratie dans le roman, en fait, c'est assez éclairant, même pour…
14:35 Ça a été éclairant pour nous pour savoir quels allaient être nos choix d'adaptation
14:39 et même nos choix esthétiques. Parce que pour ne pas tomber finalement dans une adaptation
14:44 qui glorifie l'attachement royal ou juste le type d'héroïsme des mousquetaires en
14:55 tant qu'ils sont attachés à défendre la France, la patrie. Ça, c'est un peu compliqué
14:59 pour nous aujourd'hui de défendre ça. En revanche, si on se dit non, attendre, dans
15:02 le roman, les mousquetaires sont simplement l'inverse d'une bourgeoisie un peu médiocre
15:09 attachée à ses intérêts. En effet, incarnée par Jacques-Michel Bonacieux, le mari de
15:13 Constance Bonacieux dont va tomber amoureux d'Artagnan. Si c'est ça l'épaule, s'il
15:17 y a d'un côté l'intérêt un peu mesquin, le petit couple bourgeois, la sécurité, le
15:26 contrôle de ses biens, etc. Et bien là, c'est facile d'inventer un héroïsme qui
15:30 va contre ça. Et nous, c'est aussi comme ça qu'on a pu, à un moment donné, se
15:34 dire, les mousquetaires, ça va être l'inverse de ces figures-là que vont défendre les
15:39 gardes du cardinal puisqu'il fallait dessiner ces deux grandes forces. Et donc les gardes
15:42 du cardinal sont devenus des avatars de la police nationale dans notre adaptation. Et
15:47 du coup, là, tout d'un coup, on était sauvés un peu idéologiquement puisque les mousquetaires,
15:52 c'est ceux qui se battent contre un état de contrôle et un état sécuritaire. Et
15:57 donc les mousquetaires deviennent force de désordre et une force, en effet, dotée de
16:02 panache. Et ça devient une force épique qu'on peut défendre, ça devient des héros
16:06 qu'on peut défendre. - Est-ce qu'on peut dire un mot, Cloutchop,
16:09 justement, de cette compagnie des mousquetaires ? Qu'est-ce qu'elle représente à cette
16:13 époque-là, au XVIIe siècle ? Et comment elle est vue au moment où Alexandre Dumas
16:17 écrit ? - Je crois que les mousquetaires, c'est une
16:25 sorte de police royale, en fait. On en fait quelque chose d'admirable. On voit les capes
16:34 qui volent, etc. Mais non, c'était véritablement, tout simplement, des gardes rapprochés pour
16:44 préserver la vie du roi, en fait. C'est des agents de protection, c'est tout.
16:51 - Mais du coup, puisqu'il ne faut pas le dire, c'est grâce à Alexandre Dumas qu'on en
16:58 a une image un petit peu idéalisée. - Ah, très idéalisée.
17:02 - Que la figure du mousquetaire est arrivée jusqu'à nous avec cette idée de...
17:06 - Cette aura, oui. - Cette aura de héros, presque.
17:10 - Ah oui, ce sont... Oui, oui, non. Non, il y a eu une transformation héroïque des
17:15 personnages médiocres, en fait. Et à vrai dire, quand on parle de bourgeoisie, d'Artagnan,
17:24 au fond, son cœur balance entre... Il est là pas par idéalisme, il y a un moment...
17:30 Il est là, disons, dans les trois mousquetaires, oui, mais après, il sombre dans une...
17:35 - Il est tenté par la bourgeoisie, lui aussi. - Il est tenté par la bourgeoisie et par
17:39 les sucreries de planchers. - Alors, on a parlé de l'écriture, on en
17:45 a dit un mot tout à l'heure. C'est d'abord publié comme feuilleton dans la presse, en
17:50 1840. C'est le moment où, la presse, il y a un essor très important. Et pour vendre
17:55 des journaux, on instaure, on met en place ce feuilleton qui permet donc au public et
18:02 aux Français de s'abonner à la presse et donc de leur donner de l'argent. Et donc,
18:07 il faut absolument quelque chose pour faire revenir les lecteurs. On invente ce feuilleton
18:12 et ça va donc permettre à Alexandre Dumas d'écrire les trois mousquetaires. Comment
18:20 est-ce que ça se ressent dans le texte précisément ? On sait ensuite que lui va l'adapter lui-même
18:25 pour le théâtre, mais ça donne quasiment une série en tant que telle.
18:30 - Oui, mais là, il y a une vision un peu fausse de la plupart d'entre les commentateurs
18:38 des trois mousquetaires. C'est-à-dire qu'on dit que c'est écrivait au jour le jour, ce
18:43 qui est une absurdité totale parce que c'est impossible. Enfin, ce qui se passait, c'est
18:49 qu'il y avait l'entrée très simplement, disons que quand...
18:58 - Il y avait en tout cas une écriture particulière. Cette publication dans le feuilleton, c'est
19:11 une écriture collaborative. Donc, il écrit de façon particulière.
19:14 - Il écrit de façon particulière. Non, mais ce qui est évident, c'est que ce n'est
19:22 pas une écriture au jour le jour. Ils viennent vers les directeurs de journaux avec un volume,
19:29 deux volumes, tout dépend. Et à ce moment-là, véritablement, cela fonctionne. Mais l'écriture
19:36 au jour le jour, c'est une légende totalement absurde. On ne voit pas comment surtout Dumas,
19:41 habitant Saint-Germain-en-Laye, et d'autres, son collaborateur, Maquet, habitant à Paris,
19:52 ce serait impossible. Donc, c'est vers la fin, lorsque la machine est bien engrenée,
19:59 qu'on commence à écrire au jour le jour, on se permet. Et puis, ce qu'il faut dire,
20:03 c'est qu'il écrit quatre feuilletons en même temps. C'est-à-dire qu'il faut qu'il
20:08 se fournisse avec son ami Maquet. Ils sont au four et au moulin. Ils n'ont pas le temps
20:14 de respirer. C'est une écriture de jour et de nuit. Absolument.
20:18 - Claire et Edouard, les trois mosquetaires ont donc été aussi portés sur scène par
20:22 Alexandre Dumas. D'abord, qu'est-ce qui vous donne envie de le remettre sur scène ? À
20:29 votre façon, il y a quelque chose, une matière romanesque qui est très importante. Il faut
20:34 faire des choix quand on décide de le transformer en pièce de théâtre et de le porter comme
20:39 ça et de le mettre en scène. - Absolument. Il faut faire des choix. Il
20:43 faut accepter de couper des choses. Après, on s'est offert le luxe d'aller assez loin
20:49 dans la fidélité au texte. Et ça, c'était permis par le format, puisque nous aussi,
20:53 on a adopté le format, non pas du feuilleton littéraire, mais on pourrait dire du feuilleton
20:58 théâtral, de la série théâtrale. Ce qui a permis de garder aussi énormément de choses,
21:04 énormément d'intrigues secondaires et de personnages de second plan. Et c'est drôle
21:08 parce qu'en écoutant Claude Schopp, je me disais aussi bien pour Dumas, c'est sans doute
21:13 une légende l'écriture au jour le jour, pour nous. Donc, on s'est rapidement retrouvé
21:17 à trois avec Romain Debecque de Lièvre, Jad Abelot et moi. Et on s'est mis à écrire
21:21 année après année, saison après saison. Je dis saison puisque c'est le nom qu'on a
21:25 donné à chaque spectacle, chaque spectacle recouvrant un certain nombre de chapitres.
21:30 Donc, on a avancé comme ça par groupe de dizaines de chapitres et année après année
21:35 entre 2012 et 2018. Et on se retrouvait comme une petite cellule d'écriture dans un appartement
21:42 de Paris. Alors pour le coup, à l'inverse de Dumas qui habitait à Saint-Germain-en-Laye.
21:46 Nous, c'était possible, on habitait à quelques rues les uns des autres. Donc, on se retrouvait,
21:50 on buvait beaucoup de café et on passait des week-ends comme ça à écrire en relisant
21:55 à haute voix le roman. En disant ça, on garde, ça on ne garde pas. Ça, ça va être
21:59 très facile, regarde, on va mettre un journaliste qui va décrire cette situation et du coup,
22:03 ça va nous permettre de le raconter plus vite, mais de le garder. Et tous les choix
22:08 se sont faits un peu dans ce cadre-là, dans cette cellule d'écriture à trois qui a
22:13 été extrêmement jubilatoire, extrêmement joyeuse. Et voilà.
22:16 - Qu'est-ce que vous vous dites quand vous... Claude Charpentier, je voulais surtout assister
22:20 en disant, la jubilation était aussi pour le spectateur. J'ai eu la chance, il y a
22:27 trois, quatre ans, je ne sais plus, de voir deux des séries à l'Hôtel de Sens et à
22:33 la Bibliothèque historique de la ville de Paris. C'était véritablement un merveille,
22:37 une merveille de fraîcheur pour moi qui avait perdu en fait ce sens, ma fraîcheur vis-à-vis
22:43 du Trombe-Aux-Cotterres. Je le connaissais trop et là, je le redécouvre, vrai, avec
22:49 vraiment délice, vraiment.
22:50 - Merci beaucoup.
22:52 * Extrait de « La Bouteille de Noël » de Nicolas Herbeau *
23:11 - Nous parlons donc des trois Mousquetaires, d'Alexandre Dumas, de ses adaptations, de
23:16 ses nombreuses adaptations depuis le milieu du 19e siècle. Nous sommes avec Claude Schoepp,
23:20 l'un des plus grands spécialistes d'Alexandre Dumas et avec Clara Audouin, Edouin, pardonnez-moi.
23:25 Je vais recommencer avec Clara Edouin, comédienne, metteuse en scène, autrice. Et vous avez
23:30 notamment adapté « Les trois Mousquetaires » au théâtre et en série télé. On va
23:34 en parler dans un instant. D'abord, Pierre Croce, c'est une œuvre qui est connue, tout
23:38 le monde connaît « Les trois Mousquetaires », mais pas si connue que ça en fait, quand
23:42 on parle du texte en lui-même.
23:44 - Beaucoup de gens sont revenus évidemment au roman après avoir vu des adaptations au
23:47 cinéma ou au théâtre. Ils sont toujours un peu surpris de voir que les réalisateurs
23:51 ont souvent pris des libertés avec le texte. Je suis surpris de constater à quel point
23:56 on croit connaître les personnages des plus grands classiques de la littérature sans
23:59 en avoir lu l'œuvre mère. L'image véhiculée ne correspond pas vraiment aux personnages
24:04 de Dumas, en parlant évidemment des trois Mousquetaires. Je connaissais évidemment
24:07 « Les trois Mousquetaires » pour avoir vu des films ou autres, mais lire l'original
24:11 donne une toute autre version de cette histoire. Alors que je voyais Athos, Portos et Aramis
24:15 comme des gaillards courageux, toujours prêts à en découdre, je les ai découverts pieux,
24:19 sombres, drôles. Je me suis aussi rendu compte que c'est D'Artagnan qui mène la danse,
24:23 lui le petit nouveau. Alors peut-être une question pour tous les deux, comment est-ce
24:26 que vous voyez, vous, les différentes adaptations qui ont été portées au cinéma ou à la
24:32 télévision ou au théâtre ? Est-ce que vous espérez vous-même, il y a un film qui
24:36 sort là cette semaine, est-ce que vous espérez des œuvres les plus fidèles possibles ou
24:40 pas forcément ?
24:41 Pour ma part, je suis contre la fidélité en matière d'adaptation. La seule chose
24:47 qui vaille, c'est véritablement lorsque, prenant le texte d'Uma, le metteur en scène
24:54 ou le cinéaste s'approprie l'œuvre et en fait autre chose. Je pense que pour moi
25:01 l'idéal c'est un petit peu « La Reine Margot » avec Adjani dans la mesure où la
25:08 trahison de Chéraud était évidente d'un bout à l'autre, mais c'était à devenir
25:13 une œuvre de Chéraud à part entière. Donc ça c'était intéressant. Donc je crois
25:18 là le nouveau film, la trahison est aussi permanente mais acceptable et bon, le résultat
25:26 n'est pas totalement convaincant mais relativement intéressant.
25:30 Clairement vous avez accepté de trahir le texte d'origine vous aussi ?
25:33 Absolument, oui, oui, j'adhère complètement au point de vue de Claude Schrepp là-dessus.
25:39 Il n'y a pas de fidélité qui vaille. L'important quand on crée une œuvre, quelle qu'elle
25:42 soit, c'est de la réussir, je ne sais pas si ça a un sens, mais de la rendre la plus
25:47 généreuse possible, la plus importante, au sens qu'est-ce qu'elle va pouvoir faire
25:52 pour transformer la vie de ceux qui vont la regarder. Donc la plus bouleversante, la plus
25:57 étonnante, la plus porteuse de réflexion pour le monde d'aujourd'hui. Et ça évidemment
26:03 que pour ça il faut prendre des libertés avec un texte, surtout quand ce texte date
26:06 du 19ème, lui-même, Dumas, en fait, prend des libertés avec, comme le disait Claude
26:10 tout à l'heure, avec l'univers des Mousquetaires, avec la réalité historique à laquelle il
26:14 se réfère. Donc si on essaye de parler à des lecteurs ou des spectateurs, qu'ils
26:19 soient de théâtre ou de cinéma aujourd'hui, oui, il faut trahir absolument.
26:22 Et pourtant Claude Schrepp, vous dites que l'écriture de Dumas n'a pas vieilli, qu'il
26:27 a créé quelque chose au milieu du 19ème siècle, quelque chose quasiment de révolutionnaire
26:32 vous dites.
26:33 C'est-à-dire, je pense que c'est le théâtre, homme de théâtre, il est resté homme de
26:39 théâtre en écrivant son roman. Et par là même, je pense qu'il y a une écriture
26:46 qui est... Tout repose sur la rapidité. Chez Dumas, tout est rapide. Et donc la rapidité
26:54 d'écriture, qui est la sienne, va correspondre à une rapidité de lecture qui est la nôtre.
27:01 C'est-à-dire, là, il y a quelque chose qui est très proche. Et je crois que...
27:05 Bon voilà, donc c'est... J'ai du plaisir. Et puis, ce qu'on oublie trop souvent, c'est
27:11 l'humour. Dumas est drôle. Il est drôle avec esprit, avec intelligence. C'est véritablement
27:16 le contraire de ce brave homme un peu pâteau qu'on a tendance à présenter. C'est véritablement
27:22 l'homme de l'esprit 19ème. Alors, on n'a plus toujours le même esprit, mais c'est
27:30 quelqu'un qui aime les Maximes. Le texte de La Rochefoucauld est souvent cité, justement,
27:38 comme l'homme des Maximes. C'est l'homme de l'esprit.
27:42 - De l'esprit, de la conversation aussi. Vous dites que son écriture a la saveur d'une
27:48 conversation. Il y a des dialogues en permanence. Il n'y a quasiment aucune longue description,
27:52 comme on peut les imaginer dans les romans du 19ème siècle. C'est ça aussi qui fait
27:56 sa fraîcheur, sa rapidité et peut-être aussi son côté très actuel avec la Raidouin.
28:01 - C'est vrai que tout va très vite chez Dumas et que ce n'est que de l'action quasiment
28:05 tout le temps. Ça rend possible, en effet, pour nous, ça a rendu possible une adaptation.
28:09 Quand bien même on n'était pas du tout aguerri, nous trois, Romain, Jad et moi, à cet exercice.
28:15 Et pourtant, ça a été assez rapidement. Ça a été facile au début de se dire on
28:20 coupe, on enlève un peu le gras. Et en fait, l'ossature du roman devient très vite un
28:24 texte de théâtre. Mais parce qu'il y a de l'action tout le temps. Et en effet, cette
28:29 vélocité des événements, ce caractère perpétuellement rebondissant de l'action,
28:35 nous chez nous, se traduit par des courses des acteurs d'un bout à l'autre des espaces
28:42 qu'on occupe, qui ne sont jamais des espaces de théâtre, comme vous le disiez tout à
28:45 l'heure, mais des lieux, des contextes, des cours d'immeubles, etc. Et ça, ça nous
28:51 a donné un langage théâtral, en fait. Ça nous a donné la possibilité d'inventer
28:56 une sorte de théâtre épique, un théâtre d'action, comme on parle de cinéma d'action,
29:01 mais dans la rue, dans l'espace public. Et effectivement, je dirais que, pour revenir
29:06 aussi sur ce qu'on disait juste avant, il y a quelque chose d'extrêmement jubilatoire
29:10 à la lecture. Il y a un principe de plaisir qui, nous, nous a permis de durer dans le
29:15 temps. C'est parce qu'on avait toujours extrêmement beaucoup, parce qu'on avait
29:19 de la joie et du plaisir à se retrouver, qu'on était guidés par les retrouvailles
29:22 avec le roman, par les retrouvailles entre nous et par les retrouvailles avec le public,
29:27 qu'on a pu durer six ans et adapter sur le long terme ce roman-là.
29:33 - Alors, puisqu'on s'interroge sur est-ce que les trois mousquetaires sont toujours
29:36 actuels ? Est-ce qu'ils nous parlent toujours ? On a demandé à nos lecteurs et lectrices
29:41 du Book Club sur notre page Instagram qui sont les mousquetaires d'aujourd'hui. Réponse
29:46 des Léonaras, Adrien et Anaïs.
29:49 - Je retrouve la figure d'Aramis, en tout cas quelque chose de la figure d'Aramis
29:55 dans certains personnages de Tarantino, par exemple, chez Goliarda Sapienza, avec cette
30:01 liberté, cet individualisme et cet altruisme également. Et puis aussi plus récemment
30:07 dans le roman et dans l'auteur que je suis en train de lire, c'est-à-dire Les Éclats
30:11 de Brett Histonellis. Voilà, cette liberté de penser, cette fulgurance.
30:17 - À la question de Challenge, qui incarne la figure de D'Artagnan aujourd'hui ? À
30:22 mon sens, je dirais un jeune diplômé qui arrive dans le monde du travail, prêt à
30:27 se battre, à en découdre, courageux, ambitieux.
30:30 - Portos, c'est aussi un exemple projeté à notre époque. La confiance, la fidélité
30:34 et la candeur de Portos ne sont pas des faiblesses. Au contraire, selon moi, elles sont la preuve
30:38 d'une immense grandeur d'âme.
30:40 - Et vous retrouverez évidemment en détail Adrien, Anaïs et Léonara sur notre page
30:44 internet, page de franceculture.fr et sur notre page Instagram. Il y a des choses qui
30:50 vous parlent, j'imagine. Clara Edouin, notamment Tarantino, c'est l'une de vos références,
30:55 de vos influences aussi.
30:56 - Oui, oui. Oui, oui, parce que c'est vrai que des films comme Kill Bill, comme Inglourious
31:03 Bastard, même Django, ont cohabité avec nous pendant toutes ces longues années d'écriture
31:10 et de réflexion sur ce roman. Et que là aussi, dans les références, il y avait quelque
31:16 chose de… qu'est-ce qu'on aimait, en fait, nous ? Donc c'était toujours le principe
31:19 de plaisir et l'humour et la joie des références qui guidaient un peu nos choix. Donc Tarantino,
31:28 Jacques Tati, Almodovar. En fait, quand j'y pense et quand je les cite là, on ne parle
31:33 que de réalisateurs avec beaucoup, beaucoup, beaucoup d'humour. Et c'est le point commun
31:38 avec Dumas. Sur ce que disaient à l'instant les trois personnes interrogées, c'est drôle
31:45 que Goliarda, Sapienza sortent. Je ne m'attendais pas du tout à cette référence. Et pourtant,
31:49 on parle de l'art de la joie. Donc ce n'est pas non plus complètement anodin. Je ne sais
31:54 pas s'il y a tant… si pour autant, la liberté de penser, c'est quelque chose qui fait
31:58 partie de l'œuvre. J'ai l'impression qu'il y a la possibilité de la déviation,
32:05 la ruse de l'interdit chez d'Artagnan. Mais chez Aramis, Portos et Athos, ce qui
32:10 prévaut, c'est quand même la fidélité à un code d'honneur, à la Reine de France.
32:15 Donc on est dans une logique presque d'amour courtois revisité. Donc il y a tout un code
32:21 chevaleresque qui préside à leur conduite et dont il ne dévie pas tant que ça en réalité.
32:25 Après, dans les replis du roman, ce qui est là raconté dès l'opus, le premier opus
32:33 du film, c'est l'histoire d'Athos. L'histoire d'Athos, elle est très sulfureuse, très
32:39 problématique et elle est rarement racontée dans les adaptations du roman. Là, c'est
32:46 intéressant qu'elle soit là présente tout de suite dans le film de Bourboulon.
32:50 Et donc oui, Athos, lui, n'est pas tout à fait fidèle au code auquel il est assigné.
32:58 Mais pour autant, je ne crois pas que la liberté de penser soit vraiment ce qu'on peut attacher
33:03 aux Mousquetaires, même si ce sont des êtres audacieux, courageux et plein de malice.
33:09 Mais c'est autre chose.
33:10 Claude Chabot, pour conclure, pourquoi est-ce qu'il faut relire ou lire, découvrir les
33:13 trois Mousquetaires aujourd'hui ?
33:14 Oui, c'est la particularité des Mousquetaires. En fait, à mon sens, c'était le genre de
33:20 livre que l'on connaît sans l'avoir lu. Et on voit là, on peut entendre qu'il a
33:26 fallu un déclencheur relativement récent. Ce n'est pas une littérature de jeunesse,
33:32 c'est une littérature d'adultes. Et malheureusement, les adultes qui croient que c'est une littérature
33:37 de jeunesse ne le lisent pas, pas suffisamment. Et je crois que là, le déficit de lecture
33:45 chez Dubin, bon, ça s'impose. Il faut croire que le film et autres choses vont permettre
33:53 une nouvelle lecture du roman.
33:55 Et ça, c'est une bonne chose, évidemment, de donner envie de lire. C'est aussi le but
33:59 du book club. Merci beaucoup, Claude Chabot, d'être venu nous parler des trois Mousquetaires.
34:03 On met toutes les références de vos ouvrages sur notre site internet. Et le dernier livre
34:07 que vous avez publié à l'automne dernier, c'est « Vimelet, le géorgien » d'Alexandre
34:11 Dumas aux éditions Équateur. Merci beaucoup, Clara Edouin, votre pièce « Les trois Mousquetaires
34:16 », adaptée en série télé avec Jade Herbulot et Romain Debec-Delieff, notre camarade producteur
34:21 à France Culture, disponible depuis janvier sur France.tv. Et comme la programmation
34:26 vient d'être dévoilée du 17 au 24 juillet, on vous retrouvera au Festival d'Avignon
34:31 avec une nouvelle épopée romanesque à l'air libre avec « Que ma joie demeure » de Jean
34:35 Gionnaud. Merci d'être venu dans le book club. Merci à Pierre Croce également, notre
34:39 partenaire de babayou.com. Et si vous voulez prolonger la réflexion sur les trois Mousquetaires,
34:43 rendez-vous sur l'appli Radio France. Vous retrouvez ma camarade Géraldine Mosnassava
34:46 qui a consacré un numéro de « Sans oser le demander » aux trois Mousquetaires en
34:50 réécoute sur franceculture.fr.
34:52 * Extrait de « Le book club » de France Culture *
34:58 L'épilogue dans un instant, mais de qui nous parle Mathias Senard cette semaine dans
35:01 ses Inquipit ?
35:02 Poursuivons l'exploration de mes obsessions débutantes par une question. Comment est-ce
35:08 que le plus grand romancier de tous les temps, ou pour le dire de façon plus nuancée, celui
35:12 dont les romans dégoulinent le plus de « romanesque », à qui le terme « romanesque » s'adapte
35:17 le mieux, à tel point que vous êtes en train de deviner, chères auditrices et auditeurs,
35:22 de qui je parle ? Il porte moustache, chevelure frisée, et c'est du moins ainsi qu'on
35:27 nous le décrit, un certain en bon point. Comment est-ce que le plus grand romancier de tous
35:31 les temps, j'ai nommé donc, vous l'avez reconnu, Alexandre Dumas, le père, le seul,
35:37 l'unique Alexandre le Grand, comment débute-t-il un roman ?
35:41 De quelle façon s'ouvre un sommet du romanesque, donc, comme les trois mousquetaires ?
35:47 Ainsi, après une préface dans laquelle il est établi qu'écrit Dumas, malgré leurs
35:53 noms en -os et en -is, les héros de l'histoire que nous allons avoir l'honneur de raconter
35:58 à nos lecteurs, non rien de mythologique, après une préface dans laquelle il précise
36:03 des relations qu'entretiennent Athos, Portos et Aramis avec la grande histoire, voici comment
36:09 Dumas se lance dans les aventures des mousquetaires.
36:12 Le premier lundi du mois d'avril 1625, le Bourg de Main, où naquit l'auteur du roman
36:19 de la Rose, semblait être dans une révolution aussi entière que si les Huguenots en fussent
36:24 venus faire une seconde Rochelle.
36:26 Plusieurs bourgeois, voyant s'enfuir les femmes du côté de la grande rue, entendant
36:31 les enfants crier sur le seuil des portes, se hâtaient d'endosser la cuirasse et,
36:36 appuyant leur contenance quelque peu incertaine d'un mousquet ou d'une pertuisane, se dirigeaient
36:41 vers l'hôtellerie du franc-menier, devant laquelle s'empressait, en grossissant de
36:45 minute en minute, un groupe compact, bruyant et plein de curiosités.
36:50 Les trois mousquetaires commencent certes par préciser ces incontournables de l'Inquipite
36:55 que sont le temps, le premier lundi du mois d'avril 1625, et le lieu, Main, aujourd'hui
37:01 sur Loire, c'est-à-dire à proximité d'Orléans.
37:04 Mais aussi par intriguer le lecteur, le pousser à tourner la page, en décrivant une agitation
37:10 guerrière, un mouvement de foule trouvant son origine face à l'auberge.
37:14 Et Dieu sait si d'humains s'y connaissent en auberge.
37:17 Et donc voici la cause, quelques lignes plus loin.
37:19 Un jeune homme.
37:21 Traçons son portrait d'un seul trait de plume.
37:24 Figurez-vous Don Quichotte à 18 ans.
37:27 Don Quichotte décorcelé, sans haubert et sans cuissard.
37:31 Don Quichotte revêtu d'un pourpoint de laine dont la couleur bleue s'était transformée
37:36 en une nuance insaisissable de lit de vin et d'azur céleste.
37:39 Visage long et brun, la pommette des joues saillantes, signe d'astuce, les muscles maxillaires
37:46 énormément développés, indice infaillible auquel on reconnaît le gascon, même sans
37:52 béret.
37:53 Et notre jeune homme portait un béret orné d'une espèce de plume.
37:57 Outre le personnage en soi, vous avez reconnu D'Artagnan bien sûr, c'est l'ironie et
38:02 le ton plaisant de Dumas qui font, déjà dès la première page, cavaler le roman.
38:08 Car ça cavale, ça fonce, toute brille abattue, les trois mousquetaires.
38:13 Et l'inquipite en est bien le coup de pistolet de départ.
38:17 Les Inquipites de Mathias Senarare, écoutez sur franceculture.fr et sur l'appli Radio
38:21 France.
38:22 Un grand merci à toute l'équipe qui prépare chaque semaine et chaque jour le book club.
38:25 Anouk Delphineau, Oriane Delacroix, Zora Vignet, Jeanne Agrappard, Didier Pinault et Alexandre
38:30 Rébegovitch.
38:31 Merci à toute l'équipe et à Thomas Beaud qui réalise cette émission.
38:33 A la prise de son ce midi, Florent Bujon en termine comme chaque jour avec l'épilogue.
38:37 On coupe, on enlève un peu le gras et en fait, tout d'un coup, en lisant le premier lundi
38:41 du mois d'avril 1625, etc.
38:43 Les trois mousquetaires avaient d'autres vertus.
38:46 C'est l'arrivée du panache dans une période d'épourvue de panache.
38:52 Et ça, ça m'intéressait beaucoup, le trouble que crée l'action théâtrale quand elle
38:56 se fait hors de la boîte noire.
38:58 Il y a eu une transformation héroïque des personnages médiocres en fait.
39:02 Et donc les mousquetaires deviennent une force en effet dotée de panache et ça devient
39:07 des héros qu'on peut défendre.
39:08 C'est la direction qu'il faut que j'emprunte.

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