Emmanuelle Haïm, elle joue du clavecin debout

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00:00 * Extrait de la vidéo *
00:09 Notre rencontre quotidienne, c'est une conversation à trois voix avec notre invitée.
00:13 Ce midi, notre invitée est musicienne.
00:15 Comme beaucoup, elle a commencé par le piano mais est lassée par la solitude de l'instrument.
00:19 Elle se tourne rapidement vers le clavecin car le clavecin est au cœur de l'orchestre.
00:24 C'est là qu'elle trouve son bonheur, la musique baroque et le collectif.
00:29 Depuis plus de 20 ans, elle est chef d'orchestre, dirige des opéras à la main ou à la baguette.
00:34 Le dernier en date, Don Giovanni de Mozart en ouverture de la saison de l'Opéra de Lille
00:38 qui fête son centième anniversaire.
00:40 Bonjour Emmanuel Haïm.
00:42 Bonjour.
00:43 Bienvenue dans les Midis de culture.
00:44 Merci.
00:45 Il y a 100 ans, le 7 octobre 1923, l'Opéra de Lille ouvrait ses portes.
00:50 Vous y êtes vous, Emmanuel Haïm, comme à la maison, j'ai envie de dire.
00:54 Depuis plus de 20 ans, date de la rénovation de cette maison.
00:57 Puisque vous y êtes en résidence, est-ce que vous avez un premier souvenir à l'Opéra de Lille ?
01:04 Oui, le premier souvenir, c'est la première production que nous avons faite à la réouverture de l'Opéra
01:13 qui était « A Merlano » de Haendel.
01:15 C'est un ouvrage absolument merveilleux, extraordinaire.
01:21 Un des grands chefs-d'œuvres de Haendel écrit en 1724.
01:25 Les gens redécouvraient cet endroit merveilleux, ce cadre idéal pour l'opéra baroque.
01:37 À la fois d'une scène de dimension parfaite et de la même chose pour la salle.
01:45 Ça paraît un peu pas très parlant quand vous nous dites une dimension parfaite.
01:50 Qu'est-ce que c'est une dimension parfaite ?
01:51 Qu'est-ce que cette opéra a dans ses formes, dans sa construction, dans son implantation d'idéal selon vous ?
01:57 D'abord une salle à l'italienne, ça donne toujours ce rapport entre la fosse et la scène.
02:04 Le public a un rapport à la scène qu'il a, qui est très intime.
02:08 On a l'impression que rien n'est loin quand on est dans une salle telle que celle-là.
02:12 La relation acoustique est juste.
02:19 Dans une bonne partie des ouvrages que j'aborde, qui sont écrits au XVIIe ou au XVIIIe,
02:26 il faut aussi repenser aux espaces dans lesquels c'était fait et aux relations que ça donnait entre les gens.
02:31 D'abord entre les interprètes et puis avec le public.
02:34 Là, on est assez proche malgré tout de cette dimension-là.
02:37 Taille idéale, donc, une dimension humaine aussi.
02:40 On en reparlera, mais cette relation avec le public est très importante.
02:45 Vous y avez aussi, on va le dire, passé beaucoup de temps.
02:49 Parce que cette résidence, c'est aussi quelque chose de très fort.
02:53 Qu'est-ce que ça apporte d'être aussi dans un lieu où on se sent bien ?
02:58 C'est très important.
03:00 Le lieu est très important, mais les gens qui y habitent et qui incarnent ce lieu sont aussi très importants.
03:06 D'abord, il y a Caroline Saurier, la directrice, qui a su, je trouve, construire un opéra du XXIe siècle
03:18 avec des propositions extrêmement variées.
03:21 Du fait peut-être de ne pas avoir d'orchestre permanent,
03:25 ça lui a permis d'avoir un orchestre comme le mien, qui est historiquement informé,
03:33 mais aussi des ensembles de musique contemporaine.
03:35 Les forces permanentes de la ville, avec l'ONL, l'Orchestre National de Lille.
03:41 Et d'avoir une offre très vaste.
03:47 Tout ce qui est le monde chorégraphique a une grande place.
03:53 L'ouverture de cette maison-là aux enfants, à des publics très différents.
04:00 L'année de Tamerlano, par exemple, on a proposé une forme qui s'appelait le petit Tamerlano.
04:07 C'était une version interprétée par toutes les doublures des chanteurs,
04:14 mais les assistants, l'assistant-chef, les assistants-clavier,
04:20 d'autres, quelques instrumentistes, mais plutôt dans le rang.
04:24 C'était une proposition pour les jeunes d'une heure.
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06:09 C'était ce samedi,
06:13 samedi 7 octobre à Lille,
06:15 Emmanuel Haïm,
06:17 à la direction de cet opéra
06:19 "Don Giovanni" avec une mise en scène
06:21 de Guy Cassiers.
06:23 C'est comme il y a 20 ans, au moment de la réouverture
06:25 de cet opéra, après sa rénovation,
06:27 c'est "Don Giovanni" de Mozart
06:29 qui ouvre cette saison
06:31 à l'opéra de Lille.
06:33 Cet opéra,
06:37 qu'est-ce qu'il signifie pour vous ?
06:39 - Énormément.
06:41 On peut dire que Mozart est
06:43 un tel génie,
06:45 on a toujours une telle hâte,
06:47 une telle soif,
06:49 un tel plaisir
06:51 à parcourir
06:53 et interpréter
06:55 ces ouvrages.
06:57 Non, non, moi j'ai un amour immodéré
06:59 pour Mozart.
07:01 Alors particulièrement,
07:03 évidemment, la trilogie d'Appendte
07:05 qui est tellement
07:07 différenciée,
07:09 ces trois ouvrages sont tellement différents
07:11 et chacun si particulier,
07:13 Lénos, Cosi,
07:15 et Don Giovanni,
07:17 évidemment,
07:19 qu'on peut lire de mille et une façons
07:21 dont les interprètes vont teinter
07:23 totalement différemment
07:25 les points de vue.
07:27 Et évidemment, le travail
07:29 avec quelqu'un comme Guy Cassiers,
07:31 un metteur en scène de façon générale,
07:33 oriente aussi un peu
07:35 votre lecture en façon des échanges
07:37 permanents, comme on peut imaginer
07:39 qu'il y en a évidemment eu entre
07:41 Mozart et d'Appendte.
07:43 Pour ceux qui seraient éloignés de la musique classique,
07:45 comment vous pourriez leur donner le goût
07:47 de Mozart et leur prouver
07:49 en quelques mots
07:51 que Mozart c'est le meilleur ?
07:53 Alors moi,
07:55 je n'ai de cesse en musique
07:57 que d'essayer de la partager
07:59 avec
08:01 le maximum
08:03 de gens possible.
08:05 Je repense à mes premières
08:07 tournées, quand j'étais au Glyndebourne Touring,
08:09 où je visitais
08:11 des villes, certaines
08:13 des grandes villes, et d'autres
08:15 dans des coins nettement plus petits.
08:17 Et alors on me donnait
08:19 systématiquement quatre places par représentation.
08:21 Et moi je me disais, ce n'est pas possible que ces invitations soient
08:23 perdues. Donc j'essayais de trouver des gens
08:25 pour venir à ces
08:27 spectacles. Je leur raconte
08:29 l'histoire,
08:31 je leur dis tel ou tel...
08:33 Enfin...
08:35 J'essaye de leur faire
08:37 goûter cette beauté qui est
08:39 pour tous.
08:41 Je pense que c'est...
08:43 À l'opéra,
08:45 parfois, c'est vrai que ce n'est pas facile,
08:47 ce n'est pas forcément dans votre langue,
08:49 les livrets
08:51 parfois sont complexes. Puis l'institution
08:53 opéra peut être impressionnante.
08:55 Les gens se le figurent. En effet, moi, c'est
08:57 toujours quelque chose qui me surprend. Comment faut-il
08:59 être habillé ? Le fait qu'il faille arriver
09:01 précisément à l'heure,
09:03 par exemple, quand on n'en a pas l'habitude,
09:05 du coup... En fait,
09:07 ce n'est pas difficile
09:09 d'emmener les gens dans ce voyage-là.
09:11 Et puis, les... Je ne sais pas...
09:13 Comment se peut-il
09:15 se produire ce choc esthétique quand on
09:17 se sent si éloigné, si écrasé, même
09:19 un petit peu
09:21 à côté de la plaque ? C'est-à-dire,
09:23 vous voyez, l'opéra est quelque chose de la distinction sociale
09:25 et culturelle. Comment
09:27 on peut avoir accès à ça ?
09:29 Pour nous,
09:31 en tout cas, les musiciens,
09:33 tellement pas du tout...
09:35 Et quand on emmène des gens pour la première fois
09:37 qui d'abord entendent un chanteur
09:39 qui n'est pas amplifié, en face...
09:41 Il y a quelques jours,
09:43 les collégiens
09:45 du collège Makeba
09:47 à Lille, pour lequel
09:49 on va aller jouer des extraits
09:51 de Don Juan, qui ont préparé aussi eux-mêmes
09:53 des extraits
09:55 qu'ils ont chantés avec leurs professeurs,
09:57 sont venus un peu à des répétitions.
09:59 Il y avait le commandeur qui chantait.
10:01 Alors évidemment, le commandeur, il a une voix
10:03 tellement impressionnante.
10:05 Là, les enfants se
10:09 rendent compte, mais comment est-ce qu'on fait pour avoir une voix
10:11 comme ça ? Comment c'est possible ?
10:13 Donc, des échanges,
10:15 des discussions, ne serait-ce que de
10:17 rentrer dans
10:19 la maison en question, de passer
10:21 la porte de
10:23 l'établissement. C'est très important.
10:25 Et puis après, on y revient.
10:27 Et puis quand on commence à être habitué...
10:29 - On ne peut plus s'en passer, c'est une drogue.
10:33 - Mais oui, enfin en tout cas...
10:35 Voilà, moi je... Nous, on y
10:39 travaille énormément au Conseil industriel.
10:41 C'est-à-dire, une grande partie de nos activités,
10:43 c'est aussi...
10:45 Alors, évidemment, les enfants, parce que la jeunesse,
10:47 c'est tellement important, mais
10:49 toutes sortes
10:51 d'autres gens
10:53 qui, effectivement, ne sont jamais venus à ça.
10:55 Alors, ce n'est pas pour dire que notre culture
10:57 devrait... Enfin, cette culture-là,
10:59 cette musique-là, devrait être
11:01 prépondérante sur les autres. Pour moi, il n'y a pas de jugement
11:03 de valeur là-dedans.
11:05 - Elle devrait être plus accessible, en tout cas.
11:07 - Oui, et elle l'est, parce que,
11:09 par exemple, à l'Opéra de Lille,
11:11 pour ne citer que celui-là,
11:13 mais dans plein d'autres maisons également,
11:15 les politiques tarifaires sont
11:17 bien plus basses que ce qu'on
11:19 pourrait imaginer,
11:21 que pour d'autres événements,
11:23 et sont tout à fait accessibles.
11:25 Donc, en tout cas,
11:27 moi, je m'y attelle,
11:29 parce qu'il y a quelque chose de tellement
11:31 intemporel, de tellement
11:33 fondamentalement vrai. Et quand on
11:35 est face à des chefs-d'œuvre comme ceux-là,
11:37 ils sont pour tous et pour tout le monde.
11:39 Ils doivent l'être. Ils doivent l'être.
11:41 - Les notes de Figaro,
11:43 vous l'avez dit tout à l'heure, "così font tutte",
11:45 et donc, Don Giovanni, avec ce
11:47 Don Giovanni, vous clôturez en quelque sorte
11:49 un cycle aussi
11:51 autour de Mozart,
11:53 Emmanuel Haïm.
11:55 Don Giovanni, puisque vous parliez des jeunes
11:57 publics, c'est aussi
11:59 intéressant parce qu'il y a une confrontation
12:01 avec cette histoire, ce don
12:03 jouant, ce séducteur qui
12:05 maltraitent les femmes dans l'histoire.
12:07 Comment vous travaillez
12:09 aussi à rendre, puisque
12:11 vous le dites, Mozart est toujours moderne,
12:13 mais à le faire répondre
12:15 aussi aux évolutions de notre société aujourd'hui ?
12:17 - Alors,
12:19 il y a la partie musicale et
12:21 évidemment il y a la partie scénique dans
12:23 lequel
12:25 ces questions-là sont
12:27 évidemment beaucoup plus visibles
12:29 et lisibles, peut-être.
12:31 - Dans la mise en scène, vous voulez dire.
12:33 - Voilà, donc moi je suis solidaire
12:35 nécessairement
12:37 et bien
12:39 volontiers
12:41 de ce...
12:43 En tout cas du chemin qu'on fait ensemble
12:45 puisque l'opéra est
12:47 un monde de rencontres,
12:49 donc à la fois avec les interprètes,
12:51 mais un metteur en scène et sa vision
12:53 et nous,
12:55 à la partie musicale, ce que moi je peux en lire,
12:57 mais c'est plus
12:59 indicible,
13:01 c'est moins visible.
13:03 Par exemple, le premier air de Leporello,
13:05 quand il chante à Don Giovanni,
13:07 "Madamina", c'est-à-dire
13:09 "Ma petite dame",
13:11 sachez que vous n'êtes ni la première,
13:13 ni la dernière, et qu'il y en a un certain nombre,
13:15 et moi je vais vous lire le catalogue de toutes ses conquêtes.
13:17 On peut le lire de mille et une façons,
13:19 justement, "mille lettrés"
13:21 comme nous dit Leporello.
13:23 Est-il
13:25 sadique ? Est-ce qu'il y prend
13:27 plaisir ? Est-ce qu'il est empathique ?
13:29 Qu'est-ce qu'on y entend
13:31 dans la musique ?
13:33 Et tout ça peut être très nuancé
13:35 et il peut y avoir mille et une
13:37 façons de voir ça.
13:39 Mais en tout cas, c'est un monde qui est très présent,
13:41 c'est très actuel, et ce que je trouve
13:43 intéressant
13:45 dans la vision
13:47 de Guy,
13:49 c'est aussi
13:51 d'avoir toujours, de replacer
13:53 toujours dans "qu'est-ce que ça a d'intemporel ?"
13:55 Et c'est
13:57 intemporel. En effet,
13:59 ce sujet-là était certainement
14:01 traité d'une façon différente au XVIIIe
14:03 qu'aujourd'hui, et ça n'est pas que
14:05 à mon sens, le seul sujet.
14:07 Je pense que, moi je trouve
14:09 le sujet presque le plus prégnant
14:11 là-dedans. C'est cette espèce de
14:13 course effrénée vers sa propre perte
14:15 dès le début, cette espèce de
14:17 de
14:19 perdition
14:21 de tout ce monde qui est en
14:23 intégrale, qui est en train de s'écrouler, dans lequel il
14:25 entraîne tous les autres protagonistes avec lui.
14:27 - Entrée fracassante, ouverture
14:29 fracassante, puisqu'on sait dès le début de
14:31 l'opéra quel est le sort
14:33 réservé à Don Juan à la fin
14:35 de cette opéra. Et d'ailleurs, ça fait réagir
14:37 dans la salle ? Est-ce qu'il y a un public
14:39 particulier qui réagit ? - Qui hurle !
14:41 - Qui hurle ou qui réagit plus particulièrement ?
14:43 - Non ! On meurt pas ! - Les jeunes notamment ?
14:45 - Alors c'est vrai que
14:47 j'ai eu l'occasion d'avoir pas mal de jeunes
14:49 qui sont venus voir ce spectacle et qui sont
14:51 ravis de la fin tragique
14:53 de Don Juan ! - Qui a pu faire la peau
14:55 d'une certaine manière ? - Complètement !
14:57 Dans
14:59 peut-être certaines autres visions ou
15:01 d'autres mises en scène,
15:03 les gens ont un peu
15:05 d'empathie éventuelle
15:07 pour lui, ou peut-être
15:09 d'excuses à lui donner.
15:11 Là, pas du tout ! Tout le monde est
15:13 absolument réjoui ! - C'est marrant !
15:15 Et musicalement, sur ce
15:17 renouvellement dont vous parliez,
15:19 parce que vous travaillez, vous l'avez dit,
15:21 avec la dimension scénique, mais d'un point de vue
15:23 musical, le renouvellement
15:25 d'une partition,
15:27 la modernisation,
15:29 ça se passe comment ?
15:31 - Je ne sais pas si je
15:33 dirais ça, mais
15:35 ce qui est sûr, c'est que
15:37 nous, on travaille
15:39 sur les mêmes
15:41 instruments, le même orchestre
15:43 que celui que Mozart a entendu.
15:45 Et ça change complètement
15:47 les rapports, les équilibres
15:49 internes
15:51 au sein de l'orchestre,
15:53 en particulier les vents,
15:55 tous les repères
15:57 ne sont pas les mêmes.
15:59 On a beaucoup travaillé aussi
16:01 sur la compréhension
16:03 des tempis. Il y a énormément
16:05 d'indications de Mozart,
16:07 de nuances, par exemple.
16:09 - Vous ne l'avez pas modernisé, vous êtes au contraire
16:11 revenu à l'essence même.
16:13 - C'est toujours difficile
16:15 de s'illusionner
16:17 à penser ça. - Qu'on a fait pareil qu'au début.
16:19 - Oui,
16:21 mais on essaie d'avoir la vision
16:23 la plus
16:25 honnête possible
16:27 par rapport au texte.
16:29 Nous,
16:31 en tout cas tous les musiciens de l'orchestre
16:33 et moi-même,
16:35 se confronter au manuscrit
16:37 lui-même, c'est toujours
16:39 très instructif
16:41 ne serait-ce que
16:43 la graphie des mesures
16:45 barrées, des essais où il a voulu partir là
16:47 et finalement il a changé d'avis. C'est tellement
16:49 révélateur sur une pensée.
16:51 Et non, je n'aurais pas
16:53 le...
16:55 Pour toute
16:57 interprète, on ne peut pas avoir la vanité
16:59 de penser que
17:01 qu'on modernise
17:03 et que ce qu'il y avait avant, tout est acheté.
17:05 C'est sûr que non.
17:07 Mais juste d'avoir en tout cas
17:09 l'honnêteté et la passion
17:11 de se dire "mais ce texte est tellement important
17:13 il faut juste qu'il soit en vie".
17:15 - Une musique qui sent la musicologie
17:23 c'est une musique qui n'a pas
17:25 d'allure.
17:27 Elle est sans saveur. Si nous avons pu
17:29 communiquer quelque chose à nos collègues
17:31 instrumentistes, c'est que
17:33 d'être un bon instrumentiste
17:35 pour beaucoup de musique baroque, c'est
17:37 d'imiter et suivre
17:39 la voix.
17:41 Que la voix, c'est
17:43 l'instrument le plus expressif. C'est l'instrument
17:45 qui a des syllabes,
17:47 qui peut former les sons
17:49 d'une manière absolument extraordinaire
17:51 et qu'un instrumentiste qui est bien
17:53 imite effectivement
17:55 cette démarche, cet exemple.
17:57 - Jusqu'à 13h30
18:03 les midis de culture
18:05 Nicolas Herbeau, Géraldine Mosna Savoie
18:07 - Emmanuel Haïm
18:09 vous l'avez reconnu j'imagine ? - Oui
18:11 William Christie
18:13 - William Christie qui était lui aussi
18:15 capseniste et chef d'orchestre sur la musique baroque
18:17 qui est votre spécialité.
18:19 La musique baroque
18:21 ce qu'il dit c'est imiter et suivre la voix
18:23 alors pour quelqu'un qui n'a aucune notion de
18:25 musique comme moi, à part
18:27 3-4 accords à la guitare que je pourrais vous jouer
18:29 peut-être un jour vous me le demandez
18:31 qu'est-ce que ça veut dire ?
18:33 suivre et imiter la voix avec un instrument ?
18:35 - Alors c'est
18:37 tout à fait vrai, c'est-à-dire que
18:39 en particulier la musique française
18:41 qui est une musique qui est proche
18:43 de la langue et d'essayer d'écrire
18:45 le rythme de la langue c'est très
18:47 complexe parce qu'on pense
18:49 on ne parle pas en syllabes égales
18:51 et à un rythme égal, donc on a une espèce
18:53 de rythme de
18:55 chacune des langues qui est très
18:57 particulière et donc quand on
18:59 écrit cette musique-là
19:01 on essaye d'écrire ce qu'on
19:03 ne peut pas véritablement écrire
19:05 et donc le chant
19:07 est certainement ce qui va nous guider le plus
19:09 le discours, en fait la rhétorique
19:11 le...
19:13 voilà ce qui est le plus
19:15 convaincant doit être le discours le plus
19:17 convaincant et à l'instrument
19:19 on essaye dans les coups d'archet
19:21 d'imiter ce naturel
19:23 de... en fait de recomposer
19:25 ce naturel
19:27 - C'est pour ça que vous parliez tout à l'heure
19:29 et c'est une expression qui
19:31 paraît très claire, un orchestre
19:33 historiquement informé, ça veut dire
19:35 que vous êtes
19:37 et dans la façon d'interpréter
19:39 et avec les outils
19:41 si je puis permettre cette expression
19:43 au même endroit
19:45 c'est-à-dire que la place de l'instrument
19:47 doit être
19:49 très précise et l'instrument
19:51 doit être d'une telle façon que
19:53 ça puisse exprimer ce que voulait faire
19:55 le compositeur - L'instrument vous apprend
19:57 le langage
19:59 c'est-à-dire que
20:01 le clavecin lui-même vous
20:03 vous modèle
20:05 d'une certaine façon
20:07 alors ça ne veut pas dire que
20:09 Bach serait interdit
20:11 aux pianistes ou aux accordéonistes
20:13 ou aux saxophones
20:15 à des instruments qui n'existaient pas
20:17 à ce moment-là
20:19 mais en tout cas c'est clair
20:21 que par exemple un archet baroque
20:23 qui est beaucoup plus léger
20:25 l'archet
20:27 dans son évolution
20:29 s'alourdit, s'allonge
20:31 permet d'autres phrasés
20:33 mais quand on en vient par exemple
20:35 à de la musique du tout début
20:37 du XVIIe, français
20:39 on a besoin de cet archet court très très mobile
20:41 et donc on se rend compte que
20:43 l'archet vous apprend
20:45 et vous emmène dans le juste endroit
20:47 très proche de la langue précisément
20:49 - Mais pourquoi ces instruments
20:51 finalement ils ont été modernisés ?
20:53 Pourquoi ils ont évolué ?
20:55 - En fait
20:57 l'évolution
20:59 c'est pas tout à fait
21:01 juste
21:03 c'est-à-dire on perd
21:05 on gagne des choses et on perd d'autres choses
21:07 - Dites-nous quoi par exemple ?
21:09 - Par exemple on gagne en puissance
21:11 mais on va perdre en douceur
21:13 - Donc ces instruments
21:15 ils ont été améliorés
21:17 pour que ce soit plus facile
21:19 pour le musicien, pour ensuivre plus facilement
21:21 la voix ou ? - Par exemple
21:23 le traverso, la flûte baroque
21:25 qui est en bois, qui a une embouchure très fine
21:27 très petite, qui pour composer
21:29 certaines notes a ce qu'on appelle des fourches
21:31 c'est-à-dire des doigts croisés
21:33 plus tard la flûte
21:35 a de plus en plus de clés
21:37 on a l'impression d'avoir
21:39 toutes les notes beaucoup plus
21:41 fiables, peut-être plus justes
21:43 mais on perd une certaine
21:45 une autre finesse
21:47 donc on gagne des choses, on perd d'autres choses
21:49 et on peut pas dire que
21:51 y'a pas
21:53 y'a pas de
21:55 comment dire, y'a des choses
21:57 on pourrait considérer que ça s'améliore
21:59 mais en fait on perd d'autres choses
22:01 - Mais si je vous suis bien Emmanuelle Haim
22:03 ça veut dire que cette évolution
22:05 des instruments aujourd'hui
22:07 permet de ne plus dire
22:09 certaines choses ou en tout cas
22:11 d'une certaine manière telle qu'on pouvait les dire
22:13 à l'époque de Bach ou après de Mozart
22:15 - Oui
22:17 - Mais ça empêche un langage
22:19 un certain type de langage en fait
22:21 - Oui si l'on veut
22:23 mais quand les gens sont de bons musiciens
22:25 ils le comprennent
22:27 tout à fait ça
22:29 et donc ils le peuvent
22:31 si vous prenez un
22:33 magnifique violoniste
22:35 même avec des cordes
22:37 en métal qui par exemple
22:39 ont l'avantage de pas se désaccorder
22:41 très très vite
22:43 avec la chaleur
22:45 ou de ne pas se rompre
22:47 ce qui arrive plus fréquemment
22:49 voilà, mais la prise de son
22:51 donc il pourra compenser
22:53 il pourra refabriquer
22:55 un petit peu ça, mais c'est tellement plus simple
22:57 évidemment si on prend des cordes en boyau
22:59 qui naturellement ont une prise de son
23:01 complètement différente
23:03 donc il faut l'apprivoiser
23:05 la corde en boyau
23:07 on rentre dedans plus lentement
23:09 mais elle parle différemment
23:11 - Elle dit des choses plus fines
23:13 plus belles
23:15 - Non, plus belles
23:17 je ne dirais pas ça
23:19 plus adaptées à cette langue là
23:21 à cette écriture là
23:23 - Vous parlez de couleur d'orchestre
23:25 - Oui ça change complètement ça
23:27 mais si vous voulez
23:29 on a souvent cherché à nous opposer
23:31 musiciens
23:33 je dirais qu'on appelle communément
23:35 baroques et musiciens modernes
23:37 je trouve en même temps
23:39 cette opposition
23:41 vaine parce que
23:43 il y a des recherches
23:45 ou des chemins qui ne sont pas les mêmes
23:47 c'est comme si on disait les chanteurs sur pointe
23:49 c'est mieux que les chanteurs
23:51 qui dansent sans
23:53 - Les danseurs - Les danseurs sans les pointes
23:55 - C'est juste que ça exprime
23:57 des choses différentes
23:59 avec des outils
24:01 ou en tout cas des moyens différents
24:03 - C'est cette façon de travailler
24:05 que vous avez choisie pour
24:07 le concert d'Astré
24:09 qui est donc votre ensemble musical
24:11 que vous avez
24:13 agrandi avec un coeur
24:15 il y a quelques années
24:17 puisque ça date du début
24:19 de votre résidence
24:21 à l'Opéra de Lille
24:23 qu'est-ce que ça change pour vous
24:25 de travailler avec tout l'un
24:27 et les musiciens et le coeur
24:29 et de travailler tous ensemble
24:31 sur les productions ?
24:33 - Il y a tous les grands ouvrages
24:35 avec coeur que ça nous a permis d'aborder
24:37 dans mes premières années
24:39 j'ai travaillé avec
24:41 plusieurs coeurs absolument magnifiques
24:43 au festival de Glyndebourne
24:45 où il y a ce coeur qui est composé
24:47 pour l'occasion chaque été
24:49 et en particulier
24:51 de chanteurs qui travaillent aussi
24:53 avec des artistes
24:55 donc c'est un coeur tout à fait brillant
24:57 et qui a cette tradition anglaise
24:59 puis avec European Voices
25:01 et au moment où
25:03 on a fait notre premier opéra français
25:05 en scène à l'Opéra du Rhin
25:07 qui était les Boreades de Rameau
25:09 là je me suis dit
25:11 il faut vraiment
25:13 avoir ces forces vives
25:15 chez nous
25:17 et donc le coeur s'est constitué à ce moment-là
25:19 [Musique]
25:21 [Musique]
25:23 [Musique]
25:25 *Musique de la Marseillaise*
25:27 *Musique de la Marseillaise*
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26:18 Extrait donc des Boréades dont vous nous parliez un instant Emmanuel Haïm.
26:23 Direction Simon Rattel qui a été lui aussi l'un de vos mentors en quelque sorte.
26:29 C'est lui qui vous a poussé depuis votre tabouret pour aller sur le podium de chef d'orchestre.
26:37 Comment on prend cette décision ? A quel moment on se dit "je peux moi aussi diriger un orchestre" ?
26:44 A vrai dire c'est une idée que j'avais très jeune, tout enfant, je pense que j'avais 8-9 ans.
26:59 Vous faisiez déjà de la musique ?
27:01 Oui.
27:02 Ça ne vient pas comme ça ?
27:04 Non, pour certains peut-être mais c'est vrai que la musique c'est...
27:08 Il y a aussi quelque chose d'un peu comparable avec le sport, on s'y met en général très tôt.
27:12 En tout cas l'instrument, souvent c'est très très tôt.
27:15 Peut-être les instruments avant, qu'on peut commencer un peu plus tard.
27:17 Mais dans les instruments à clavier ou les instruments à cordes c'est un apprentissage qui se fait tôt.
27:23 J'avais deux parents qui n'étaient pas musiciens mais très mélomanes, qui aimaient beaucoup ça.
27:27 Et assez naturellement il y avait un piano à la maison donc tout le monde en a fait.
27:32 Sans se poser de questions, on apprenait à lire sans se poser de questions.
27:35 Et dans l'école élémentaire dans laquelle j'étais, j'ai fait des pieds et des mains pour diriger la chorale de l'école qu'on m'a laissé diriger.
27:47 J'avais une dizaine d'années, je ne sais plus trop comment, pourquoi.
27:50 Mais en tout cas j'ai insisté, on me l'a laissé faire.
27:52 Qu'est-ce qui vous plaisait d'être la chef ?
27:56 Je voulais modeler la musique comme je l'entendais comme ça.
28:03 Et puis oui, le plaisir de partager la musique avec les autres.
28:07 Et puis après, je pense que j'ai eu des années merveilleuses d'études dans des sujets très différents, très intéressants.
28:17 Des professeurs formidables, il y avait l'écriture, beaucoup l'écriture musicale.
28:23 Vous avez donné des cours au conservatoire d'écriture musicale, c'est ça ?
28:26 Oui, absolument. J'étais prof au CNSM, ce qui était très agréable aussi.
28:33 Mais j'écrivais et au moment de choisir vraiment ma voix, tout ça m'a beaucoup pris.
28:39 Le clavecin, l'assistanat d'un certain nombre de gens.
28:42 Puis un jour, c'est devenu vraiment une évidence, mais un peu subitement.
28:46 Et probablement aussi le fait d'avoir été demandé par quelques orchestres de façon co-committante au même moment.
28:51 Est-ce que tu nous dirigerais pas pour ça ? Parce que toi, tu connais assez bien cette musique-là. Est-ce que ça te dirait ?
28:58 Plusieurs chefs, dont effectivement Simon Rattle, mais aussi Louis Langrée, qui au festival de Glyndebourne,
29:08 il y avait un opéra de Handel à diriger. Ils m'ont dit, il faudrait que ce soit toi.
29:12 Et pour le clavecin, moi j'ai une interrogation sur le clavecin.
29:15 Comment on en vient à faire du clavecin ? Parce que le piano, c'est un instrument, vous le dites, il y en avait un chez vous.
29:20 Alors, tout le monde n'a pas un piano chez soi, mais c'est un des instruments les plus demandés.
29:24 Quand on fait une école de musique, le clavecin, je ne pense pas que ce soit beaucoup demandé en fait.
29:29 Ça commence à venir aujourd'hui.
29:31 C'est vrai ? Vous avez popularisé le clavecin ?
29:33 Oui, il y a de plus en plus maintenant d'enfants qui commencent par le clavecin même.
29:38 Alors, d'une part, ma mère avait acheté un disque de clavecin.
29:42 Pourquoi ?
29:44 Comme ça.
29:46 Elle était très curieuse, elle écoutait énormément de choses les plus variées, les plus différentes.
29:51 Et ça m'a énormément plu.
29:54 Et puis, quand j'étais étudiante dans les classes d'écriture, on pouvait rentrer dans les classes des uns et des autres.
30:03 Il y en avait une où il y avait un clavecin.
30:06 Et là, je me suis sentie vraiment tout de suite à la maison.
30:09 J'aimais beaucoup le répertoire de piano, mais je sentais comme quelque chose d'un peu surdimensionné, juste corporellement pour moi.
30:15 Vous direz que le piano c'est trop gros.
30:18 C'est plus physique, il faut plus de force.
30:20 C'est une autre appréhension.
30:22 Et ça me correspondait moins physiquement.
30:25 Je ne dirais pas à la taille de mes mains, elles ne sont pas trop minuscules, mais quand même.
30:30 Et c'est comme si j'avais toujours fait ça.
30:34 Vous vous sentiez plus libre aussi ? On a l'impression que c'est plus facile pour vous.
30:38 Vous n'arrivez pas à mieux vous exprimer.
30:40 C'était mon instrument.
30:41 C'était juste comme si j'étais à la maison subitement.
30:44 C'était une évidence pour moi.
30:46 Vous étiez une bonne élève en piano ?
30:49 Oui, mais surtout j'avais un professeur absolument incroyable, qui était Yvonne Lefebure, qui était la musique incarnée.
30:57 Ma tante était son assistante.
31:01 C'était des univers tout entier.
31:04 J'étais très passionnée.
31:08 Le piano est beaucoup plus solitaire quelque part.
31:10 Le clavecin joue au sein de l'orchestre tout le temps.
31:13 Et ça, c'était d'être tout d'un coup propulsé au milieu des autres, de jouer avec les autres.
31:18 C'était magique.
31:22 Jouer avec les autres, pour nous dire, ça veut dire que quand on fait du piano, pourquoi est-ce que c'est plus solitaire ?
31:28 Le répertoire est ainsi.
31:30 Il y a beaucoup de musique de chant, bien sûr, mais il y a un répertoire soliste colossal.
31:37 Il y a des concertos, le piano d'orchestre est une chose plus isolée.
31:42 Donc en fait, très naturellement, nous on est comme le petit ciment au sein de l'orchestre.
31:50 Il y a plusieurs choses.
31:51 On fait partie de la basse continue, qui est une espèce de sous-ensemble dans l'orchestre,
31:54 qui accompagne à la fois les solistes instrumentaux ou vocaux.
31:59 Et comme dit son nom, la basse continue, donc nous on continue tout le temps.
32:03 On est tout le temps et on est dans tout.
32:05 Et ça, c'est super.
32:07 En dehors de ça, le clavecin est très rythmique dans un orchestre.
32:12 Il peut presque rétablir un peu les choses si besoin.
32:18 D'ailleurs, dans les fosses anciennes, il y avait souvent, on a tout ça dans les gravures,
32:24 des clavecins un peu aux extrémités pour...
32:27 - Structurer presque, encadrer.
32:29 - Encadrer un peu l'orchestre, oui.
32:31 - Ce que j'aime bien de votre parcours, et vous l'avez bien raconté,
32:33 c'est que vous avez mis les mains dans le gamboui en quelque sorte,
32:35 l'écriture, la musique, le travail avec les autres aussi.
32:40 Et c'est pour cela qu'on est venu vous chercher en tant que chef d'orchestre.
32:45 Vous avez été la première femme à diriger la compagnie du Chicago Lyric Opera en 2007.
32:50 C'est très prestigieux.
32:52 Comment est-ce que vous voyez votre ascension et votre évolution dans ce milieu-là ?
32:56 Je sais que la question de "je suis une femme dans ce milieu-là" peut vous agacer.
33:00 Mais est-ce qu'aujourd'hui, une petite fille peut aussi rêver de devenir chef d'orchestre ?
33:05 - En tout cas sûrement plus aujourd'hui qu'hier.
33:08 C'est vrai que moi je ne me posais pas du tout les questions en ces termes.
33:13 Je pense sûrement parce que j'ai une maman qui était pédopsychie.
33:23 Elle est née en 1930, elle avait un service important, etc.
33:30 Et donc elle a combiné ça avec le fait que nous, nous soyons quatre tout de même.
33:35 Et c'était une époque où ce n'était pas si courant que ça,
33:37 d'autant plus que sa famille ne l'avait absolument pas encouragée au démarrage à embrasser ce genre de carrière.
33:43 Donc je pense que pour moi, et pour nous d'ailleurs, mes frères et sœurs, c'était un exemple important.
33:49 Donc pour moi, les choses ne se posaient pas en ces termes.
33:53 Peut-être que je me suis un peu empêchée, toute jeune, parce que je ne sais pas trop me le formuler.
34:03 Et ça ne m'intéresse pas, à vrai dire, de me le formuler.
34:06 J'ai fait plein d'autres choses qui ont été passionnantes.
34:08 Et au moment où ça s'est passé, ça s'est passé.
34:10 Je pense qu'aujourd'hui, c'est une chose plus envisageable pour les jeunes femmes.
34:15 D'abord parce qu'elles ont plus d'exemples visuels devant elles.
34:19 Moi, ça n'était pas le cas.
34:24 J'ai vu très tardivement, une fois, Claire Gibaud diriger.
34:28 Mais sinon, je n'avais jamais vu de femmes diriger.
34:31 Et à vrai dire, je ne me vois pas et ne me figure pas moi-même en train de le faire.
34:35 Je n'y pense pas.
34:37 Je pense que si on est très convaincu par ce qu'on a à faire, on le fait.
34:41 Et la société, elle évolue.
34:44 Il n'y a même pas une critique envers la société passée.
34:47 Elle est ce qu'elle est.
34:50 Le siècle et la vie de nos grands-mères ou arrière-grands-mères avaient certainement ces raisons d'être.
34:55 Et aujourd'hui, ça change.
34:58 On essaye de faire, chacun, ce qu'on a à faire, du mieux qu'on peut.
35:02 Vous prenez sous votre aile aussi, peut-être, des musiciennes.
35:06 Vous avez repéré, parfois, au concert d'Astré, dans votre ensemble ou dans vos choeurs, des prodiges.
35:13 Oui, je dirais que ce soit des chanteurs, des musiciens, des musiciennes, des chanteuses ou des jeunes chefs.
35:23 Mais je ne me pose pas la question du genre en ces termes.
35:26 C'est-à-dire, pour moi, si des gens sont compétents, c'est ça qui prime.
35:35 Et puis le reste, s'il y a une jeune femme ou une jeune fille qui doit le faire, j'essaie d'encourager autant les uns que les autres.
35:47 Et ça doit se faire. Je ne sais pas si la réponse, c'est nécessairement de le faire passer par des quotas ou des obligations.
35:54 Vous voyez, j'espère que ça n'a pas été favorisé, que parce que j'étais une femme, parce que ça me ferait de la peine.
36:04 Merci beaucoup, Emmanuelle Haim, d'être venue dans les Midi de Culture, de nous parler de votre actualité et de cet anniversaire des cent ans de l'Opéra de Lille.
36:12 Don Giovanni, dirigé par vous-même, mise en scène par Guy Cassière, c'est jusqu'au 16 octobre à l'Opéra de Lille.
36:19 Donc il y a aussi ce livre qui célèbre l'anniversaire Opéra de Lille 1923-2023, une maison d'opéra au XXe siècle, aux éditions SNOC.
36:27 Et puis ce nouveau disque que vous publiez, Campra, Mess de Requiem, c'est enregistré par vous, avec l'orchestre et les chanteurs de votre ensemble, le Concert d'Astré.
36:36 Pour terminer cette émission, vous devez faire un choix, si vous le voulez bien, un choix musical entre deux compositeurs.
36:42 Alors attention, Chopin au Brahms, et c'est très contemporain.
36:47 Brahms.
36:49 [Musique]
37:18 [Chopin]
37:43 Quand les grands compositeurs Brahms, pour l'occasion, inspirent nos interprètes plus contemporains, c'était Yves Montand, Quand tu dors, près de moi.
37:50 Merci beaucoup Emmanuel Haïm d'être venu dans le studio de France Culture et dans les médias de culture qui y sont préparés tous les jours.
37:57 Pareil, Satouane Doye, Anaïs Hisbert, Cyril Marchand, Zora Vignet, Laura Dutèche-Pérez et Manon Delassalle.
38:02 L'émission est réalisée par Nicolas Berger à la prise de son ce midi.
38:06 Grégory Wallon, merci Géraldine.
38:08 Merci Nicolas, à demain.

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