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Dans la deuxième heure de son émission consacrée à la culture, Philippe Vandel reçoit chaque jour un invité.
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Transcription
00:00 Et vous écoutez Culture Média avec Philippe Vandel et avec votre invitée jusqu'à 11h Philippe.
00:05 Bonjour Aurélie Valognes. Bonjour. Aurélie Valognes, je répète ce nom,
00:09 vous êtes romancière repérée dès votre premier roman, c'était "Mémé dans les orties",
00:12 facile à prononcer, paru en 2014, qui s'est vendu à un million d'exemplaires. Ça aussi,
00:16 c'est facile à prononcer et ça ne s'oublie pas. Et depuis, vous publiez un roman par an,
00:20 "En voiture Simone", "Minutes papillons", "Au petit bonheur la chance", "La cerise sur le
00:23 gâteau", "Né sous une bonne étoile", "Le tourbillon de la vie", "La ritournelle" et
00:26 maintenant "L'envol", c'est votre 9e roman publié chez Fayard. C'est votre roman le plus personnel
00:31 et avant même de l'avoir lu, avant même d'avoir préparé l'interview, je le savais,
00:35 à cause de l'inconscient. Vous savez comment je l'ai su ? Non. C'est que dans "L'envol",
00:40 il y a les lettres de Valognes. J'ai jamais remarqué. Vous n'avez jamais remarqué ça ? Non,
00:47 moi je pense à des petites choses mais pas à ça. Le E, le N, le V, le O et le L,
00:51 ils sont dans Valognes. Et je me suis dit, c'est exactement... ça vous fait des frissons. Oui,
00:55 ça me fait des frissons bien sûr. De l'inconscient bien sûr. Et je me suis dit,
00:59 c'est son "Envol" à elle. Qui est votre personnage ? Alors il ne s'appelle pas Aurélie,
01:02 il s'appelle Lily, mais en même temps Lily c'est vous. Oui, Lily c'est moi. Et c'est vrai que j'ai
01:06 écrit mon premier jet en me disant "Allez, je garde le prénom de Lily, ça va m'inspirer et
01:10 puis on verra à la fin si je change pour un autre prénom". Et puis on s'attache à ce personnage
01:14 qui est un peu son double, donc on ne change pas. Gabrielle, c'est votre maman ? Elle s'appelle
01:18 Corinne en vrai, mais oui, Gabrielle c'est ma mère. Alors c'est un roman à double voix,
01:21 il y a deux voix intérieures qui se répondent, mais qui se répondent sans se parler comme deux
01:24 monologues. On suit Lily de la naissance jusqu'à l'âge adulte, jusqu'à ce qu'elle devienne mère
01:29 à son tour. Alors la question c'est, vous avez décidé de parler de vous, et ce roman a une
01:36 histoire ? Oui, ce roman a une histoire qui a commencé en 2020. J'ai été interviewée par
01:42 un journaliste qui s'appelle Adrien Nazeli, qui pour la première fois, à travers les lignes de
01:48 mes romans précédents qui étaient plus de la fiction, a identifié le fait que j'avais fait des
01:52 études, Bac +5, mes parents avaient arrêté l'école en 5e, et il m'a dit "mais en fait, tu es comme
02:00 moi, tu es une transfuge". Et c'est un mot que je n'avais jamais entendu, et il me dit "et toi aussi,
02:05 tu partais dans les campings, et toi aussi, tu avais une vie assez modeste en banlieue parisienne".
02:14 Et donc voilà, c'est la première fois que j'entendais ce mot-là, et je ne sais pas si je
02:18 réponds à votre question, si la perche s'est bien tendue. Exactement, parce que vous dites "je n'ai
02:21 jamais raconté cette histoire". Bah non, en fait moi j'étais juste quelqu'un qui a réussi à l'école,
02:25 qui a réussi dans les études, et puis après je n'ai fait que côtoyer des gens qui n'étaient
02:30 pas boursiers, des gens qui étaient un petit peu mieux nés que moi, qui avaient grandi à Paris,
02:34 dont les parents avaient toujours fait des études supérieures, ils avaient tous le Bac. Moi j'étais
02:39 un peu l'anomalie, donc la première fois où on ouvre la bouche et qu'on nous fait comprendre que
02:42 toute notre culture, ils appellent ça de la sous-culture, bah d'un seul coup on apprend à
02:46 se taire et on apprend à faire profil bas et à rester un peu dans l'ombre. Alors j'ai dit c'est
02:52 un roman à deux voix, Gabrielle est une mère célibataire, mais quand la petite Lily parle,
02:55 on dirait que c'est vous qui parlez, comme si vous donniez une interview. Par exemple, la petite
02:59 Lily dit "ma mère a toujours été complexée de tout, de son corps, de son manque de culture ou
03:04 d'intelligence, elle s'est toujours sentie jugée pas assez bien pour être au niveau des autres,
03:08 pour être aimée aussi. Est-ce que ça a déteint sur vous ?" Bien sûr, ouais j'ai encore un gros
03:12 problème avec ça. Vous l'avez toujours ? C'est ce que j'allais vous dire, parce que plus loin on
03:16 est à la fin du roman, je spoil mais sans spoiler, puisque, ah il ne faut pas dire ça, hier il y
03:20 avait deux académiciens, j'ai grandi mais avec moi et mon histoire, d'autres fantômes ont grandi,
03:25 et la petite Lily traîne ses complexes d'infériorité, son syndrome de l'imposteur,
03:28 sa peur permanente d'être démasquée, le même cauchemar revient sans cesse, quelqu'un sonne
03:32 à la porte pour tout me reprendre, vous êtes toujours complexée par ça ? Vous avez toujours
03:37 le syndrome de l'imposteur ? J'ai toujours le syndrome de l'imposteur, c'est trop beau ce qui
03:41 m'arrive, trop beau pour être vrai, donc forcément ça arrivait si vite que ça peut repartir aussi
03:45 vite. L'ascenseur social a marché pour moi, il est monté très très haut, mais il peut redescendre
03:50 et dégringoler, donc oui. Non parce que vos diplômes on va pas vous les prendre, votre
03:53 intelligence on va pas vous la prendre, votre culture on va pas vous la prendre, les romans
03:56 qui sont vendus à deux millions d'exemplaires on va pas vous les reprendre. Oui mais quand même,
04:00 quand même, en plus maintenant c'est pas vraiment une forme de honte mais beaucoup de culpabilité,
04:04 c'est pas possible d'être aussi heureuse, enfin j'ai peur. Je ferais pas mieux, on marque une
04:09 courte pause, on est avec Aurélie Vallogne, ça s'appelle L'Envol, c'est chez Fayard, vous êtes
04:13 sur Culture Média sur Europe 1, tout de suite. Culture Média sur Europe 1 avec Philippe Bordel
04:17 et avec votre invité Philippe, L'Envol c'est le nouveau roman d'Aurélie Vallogne, elle est de
04:22 retour et elle est votre invitée. Certainement votre roman le plus personnel puisque vous parlez
04:26 de vous à travers ce portrait de mère et de fille, la mère c'est la vôtre et la fille c'est vous
04:30 Lily, cette Lily est très très bonne en classe contrairement à sa maman, elle était Bac +5 et
04:35 les parents étaient Bac -5. Vous aviez ensuite, vous réussissez les études, c'est le système
04:41 français, la méritocratie, vous direz ce que vous en pensez de l'ascension sociale, vous faites une
04:45 classe prépa puis une école de commerce à Reims, comment ça se passait ensuite quand vous étiez
04:49 dans les fêtes avec les fils d'oeufs, doublement fils d'oeufs, fils de gens qui gagne très très
04:54 bien leur vie et fils d'oeufs avec la particule ? Oui c'était assez déstabilisant forcément parce
05:00 que j'ai jamais trouvé ma place, comme je racontais tout à l'heure moi j'avais plutôt
05:03 envie de me taire, de les observer et d'un autre côté je les attirais aussi donc ils venaient me
05:09 voir au début de l'année, ils me disaient "ah tu t'appelles comment ?" etc et puis au bout d'un
05:13 mois ils se rendaient compte que j'avais grandi à Massy et ça ça leur plaisait pas trop. Massy
05:17 en banlieue je précise pour ceux qui ne savent pas. Voilà Massy dans les Saônes en banlieue parisienne et
05:21 pareil ils me demandaient "mais tes parents ils font quoi ?" et là à ce moment là quand je répondais
05:26 "ma mère elle est à TSEM" là ils me disaient "ah oui à TSEM elle aide les maîtresses en maternelle" et
05:33 en fait d'un seul coup là ils se retournaient et disaient "ah oui d'accord tes parents sont
05:38 personnes" et ils repartaient comme ça. Ils ont vraiment dit cette phrase "tes parents sont
05:42 personnes" ? Et ce qui est marrant c'est que parfois je les retrouve là et moi je m'en souviens de tout ça.
05:47 Donc non non c'était assez c'est très blessant quand je suis boursière on me regarde genre dans
05:51 ma cité universitaire avec ma chambre verte de 9 m². Oui je détonne. - Là c'est normal quand vous êtes
05:57 boursière il y a cette nouvelle critique qui est "vous avez bénéficié de la discrimination
06:00 positive" vous n'êtes pas au niveau où vous devriez être parce que c'est l'ascenseur social aidé.
06:05 - Bah oui c'est toujours un peu suspect presque comme si je volais la place de quelqu'un d'autre
06:09 alors que ma place je ne l'ai pas volée. Quelque part ça m'a donné une force incroyable. - Vous
06:13 nous avez dit que vos complexes n'avaient pas disparu par rapport à cette enfance et par rapport
06:17 à cette adolescence par rapport à vos études. Maintenant vous êtes romancière comment ça se
06:21 passe quand vous êtes à Saint-Germain-des-Prés dans le petit milieu littéraire qui est l'un des
06:25 plus fermés qui soit avec des codes les plus difficiles à percer. - Mais en fait c'est un peu
06:31 le problème de ma vie ou le syndrome de ma vie quand j'étais dans ma famille j'étais trop pro
06:35 de proude, trop littéraire, trop oui trop élitiste et puis maintenant que j'écris je suis trop populaire
06:42 donc en fait malheureusement... - Il y a un papier dans l'ebay juste pour situer, il y a un papier sur vous dans Libération et le livre
06:49 c'était pas ce livre là, c'était il y a quelques années, vous étiez dans la chronique "Pourquoi ça
06:53 marche ?" comme si la journaliste était étonnée "Tiens ça se vend !" - Mais parce qu'il faut le lire je pense
06:58 qu'en lisant on se rend compte qu'en fait moi ce que j'essaie de faire c'est réconcilier ces deux
07:03 mondes et donc en les réconciliant on peut réconcilier populaire et littéraire. - J'ai pas entendu votre
07:07 réponse comment vous vous sentez quand vous êtes dans ces cocktails littéraires avec tous ces gens
07:13 et ces belles personnes ? - En fait au début j'étais pas du tout à ma place et puis maintenant je me
07:18 dis que ma place je l'ai pas volée donc j'essaye d'en profiter et de parler surtout aux autres
07:22 écrivains et écrivaines qui moi me passionnent et on discute littérature. - Parmi ces écrivaines il y a Annie
07:28 Ernaud avec beaucoup de références, elle a un peu une histoire commune avec la vôtre, elle-même
07:33 qu'on peut lire par exemple dans les années parce que moi j'ai pensé aux années qui est peut-être
07:36 pour moi qui est le chef d'oeuvre d'Annie Ernaud, je précise qu'elle a obtenu récemment le prix
07:40 Nobel de littérature, vous avez tenté de lui écrire une lettre, racontez-vous dans l'épilogue du livre
07:44 "Lettre jamais envoyée" au moment de l'écriture, l'avez-vous envoyée finalement ? - Oui je l'ai
07:48 renvoyée maintenant, en fait c'est vrai qu'elle avait suivi l'écriture du livre du journaliste
07:54 Adrien Azéli qui s'appelait "Et tes parents ils font quoi ?" et elle avait dit "la relation entre
07:58 Corinne et Aurélie est très mignonne, je me demande ce que ma mère aurait bien répondu" et moi je me
08:03 suis dit j'ai la chance d'avoir encore ma mère donc je peux encore écrire mon livre et lui poser
08:07 toutes ces questions là et donc en fait ça m'a donné l'autorisation, je me suis sentie autorisée
08:11 à écrire mon histoire et je me suis dit quand je l'aurai écrit j'enverrai à Annie Ernaud ce que
08:15 j'ai fait et elle m'a répondu. - Et qu'a-t-elle répondu ? - Ah là là c'est privé, elle m'a dit quelque
08:20 chose de magnifique, elle m'a vraiment, elle a dit qu'avec ce double jeu j'avais rendu une forme
08:25 de justice et d'égalité à notre histoire, à ma mère et elle m'a félicité. - Quand elle a reçu le
08:31 prix Nobel de littérature, Annie Ernaud avait déclaré qu'elle écrivait pour venger sa race.
08:36 - Oui, alors moi j'écris pas forcément pour venger ma race parce que j'ai commencé à écrire avant
08:41 de me rendre compte qu'il y avait peut-être ce moteur là, par contre je veux réparer des
08:45 injustices. Donc chaque roman au départ il y a une injustice, ça peut être la solitude des
08:50 personnes âgées, ça peut être l'avortement clandestin, ça peut être l'urgence climatique
08:54 ou encore la violence de classe sociale et pour moi c'est vraiment au coeur de ce roman là. - Là en
08:59 l'occurrence sur la violence et la vengeance de classe sociale il y a une scène dingue que vous
09:04 racontez, c'est quand un professeur en sciences éco, je me souviens plus bien où ou quand, vous trace
09:08 une pyramide et vous montre ce que sont les CSP, les catégories socio-professionnelles, donc les
09:14 plus les moins et racontez la suite. - Et donc effectivement c'était en première, donc je me
09:18 souviens encore du nom de ce professeur, qui nous montre la pyramide et qui dit voilà
09:23 si vos parents sont employés de mairie ou ouvriers qualifiés, ce que Bourdieu montre c'est
09:30 que vous avez toutes les chances d'y rester. Et alors moi je lève le doigt et je dis mais attendez
09:33 si on veut devenir tout là haut la dirigeante d'entreprise, il dit ne rêvez pas la vie n'est
09:37 pas un conte de fées, on ne sort pas comme ça de son milieu et d'ailleurs pour information mademoiselle
09:41 la bergère n'épouse jamais le prince charmant. Donc ça je l'ai entendu pour de vrai et moi qui
09:45 savais pas ce que je voulais faire dans la vie je me suis vraiment dit à ce moment là je vais
09:48 faire mentir ces statistiques et je vais aller tout en haut. - Pas mieux. Aurélie Valléon est avec
09:54 nous, Culture Média continue, on va parler de Jean Casquet, on va parler de musique, on va parler de
09:57 cinéma. Les Jean Casquet c'est Olivier Benquemoun quand il est dans la vraie vie et les Jean Casquet
10:02 dans la fausse vie, c'est Daft Punk. A tout de suite sur Rampage.