Aurore Lalucq, députée européenne et économiste française, était l'invitée éco de franceinfo le 29 mars 2023.
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00:00 L'invité éco, Isabelle Raymond.
00:04 Bonsoir à toutes et à tous, l'invité éco ce soir est économiste, députée au Parlement
00:09 européen au sein du groupe de l'Alliance progressiste des sociodémocrates.
00:13 Bonsoir Aurela Leuc.
00:14 Bonsoir.
00:15 Vous avez pris connaissance de cette série de perquisitions menées hier à Paris.
00:19 5 banques visées, dont 4 françaises, dans le cadre d'enquêtes ouvertes par le parquet
00:24 national financier pour des soupçons de fraude fiscale.
00:28 Est-ce que vous diriez que c'est de l'histoire ancienne ou que ces pratiques fiscales existent
00:34 toujours aujourd'hui au vu et su de tous ?
00:36 Alors j'en dis déjà que je suis satisfaite de cette perquisition parce qu'on l'a demandé
00:40 depuis longtemps avec Boris Vallaud, député socialiste, avec Pervenche Berès aussi qui
00:45 était une eurodéputée.
00:46 On avait été avertis de cette situation de... on est entre la fraude et l'optimisation
00:51 fiscale, on ne sait pas encore.
00:52 Alors voilà c'est un petit peu compliqué.
00:53 Mais on a été avertis de cette situation grâce aux journalistes.
00:56 Donc bravo aux journalistes et notamment ceux du Monde.
01:00 La réalité c'est que ce type de schéma fiscaux existe probablement beaucoup moins
01:05 qu'avant parce qu'on a réussi en mettant la lumière dessus et en montrant que les
01:10 autorités fiscales et judiciaires allaient faire le ménage.
01:13 On sent qu'il y a quelque chose qui est en train de se passer.
01:15 Néanmoins, il y a un vrai sujet qui est celui des intermédiaires.
01:19 En fait, qui permet à chaque fois d'organiser l'optimisation ou la fraude fiscale.
01:23 On retrouve dans la fraude et l'optimisation fiscale souvent les banques, souvent des
01:28 avocats.
01:29 Et donc c'est très intéressant justement qu'il y ait ces perquisitions dans des grandes
01:33 banques parce qu'elles sont souvent au cœur de certains problèmes plutôt que chez ceux
01:38 qui vont bénéficier de ces fraudes.
01:40 Là on s'intéresse vraiment au cœur du système.
01:42 Donc c'est très très bien qu'il y ait ces perquisitions.
01:46 On va voir ce que ça donne maintenant.
01:47 Et puis au Parlement européen...
01:48 On va voir ce que ça donne c'est-à-dire ?
01:49 C'est-à-dire qu'on va voir quelle est la réalité derrière.
01:52 Si on était sur l'optimisation fiscale, sur de la fraude, sur de la fraude aggravée,
01:55 on va voir ce qu'il en est exactement.
01:57 En gros, si ces opérations n'avaient lieu que pour des raisons fiscales, il s'agit
02:01 d'une fraude.
02:02 S'il y a d'autres raisons ?
02:05 On va voir exactement.
02:07 Là, ce sera à la justice de déterminer ce qu'il en est.
02:10 Il y a une plainte qui a été portée encore une fois.
02:12 Il y a de graves soupçons.
02:13 On va voir.
02:14 Si vous voulez, c'est simple.
02:16 Comme schéma fiscal, c'est des gens à l'étranger.
02:18 En quelques mots pour les auditeurs.
02:19 Quand des gens à l'étranger ont des titres cotés en bourse, au moment où ils doivent
02:27 payer un impôt sur les dividendes, ils s'en débarrassent.
02:30 Et certaines personnes sont soupçonnées d'avoir récupéré ces titres cotés en
02:36 bourse pour que les gens n'aient pas à payer d'impôt.
02:38 Et contre une commission, ils les récupèrent et ils les rendraient plus tard à ces détenteurs
02:43 de titres sans payer d'impôt.
02:45 C'est ça l'intérêt de l'opération.
02:49 On attend de voir les résultats.
02:50 En tout cas, c'est intéressant qu'enfin, on cible à la question des intermédiaires
02:54 qui permettent de faire ces montages fiscaux, ces optimisations fiscales, ces fraudes fiscales
02:59 qui nous coûtent énormément d'argent.
03:01 Et on est en train de légiférer au niveau européen, d'ailleurs, à travers une directive
03:05 pour commencer à mettre un peu d'ordre dans tout ça.
03:07 Merci d'avoir expliqué ça simplement, Aurore Laluc.
03:10 Alors, vous êtes entre Paris, Bruxelles, Strasbourg.
03:13 J'imagine que vous voyez quand même la mobilisation contre la réforme des retraites en France.
03:18 C'est la dixième journée d'action hier.
03:19 Cette mobilisation, elle dure depuis deux mois et demi maintenant.
03:22 Est-ce qu'il faut passer à autre chose ?
03:25 Ça va être dur de passer à autre chose.
03:27 À partir du moment où on n'a pas travaillé avec les syndicats, à partir du moment où
03:31 des éléments de langage ont été utilisés et ils se sont avérés faux la plupart du
03:36 temps.
03:37 De quoi parlez-vous ?
03:38 Je parle du minimum de retraite à 1200 euros.
03:40 Grâce à Michael Zemmour, on a vu que c'était entièrement faux.
03:42 Bref.
03:43 Un de confrères.
03:44 Voilà, exactement.
03:45 Donc, à partir du moment où le gouvernement n'a pas travaillé avec les syndicats, il
03:52 n'a pas bien travaillé avec les parlementaires, il a perdu la bataille idéologique.
03:56 Se dire qu'on va passer à autre chose, c'est un petit peu compliqué.
03:59 Ça va être très dur, je pense, pour la société, pour la démocratie.
04:04 Et on voit que la démocratie est extrêmement abîmée.
04:08 Mais qu'en est-il des arguments avancés par l'exécutif ?
04:11 Cette réforme, elle est nécessaire, dit le gouvernement, pour sauver le système de
04:15 retraite par répartition, pour qu'il revienne à l'équilibre.
04:18 14% du PIB aujourd'hui est consacré au financement des retraites en France.
04:22 Oui, mais tous les rapports montrent qu'en fait, ça va.
04:24 Il n'y a pas le feu au lac.
04:25 Ça va.
04:26 Il n'y a pas le feu au lac.
04:27 Quand on lit le rapport du Corps, il nous dit "bah c'est étonnant".
04:29 Mais certes, il y a un vieillissement de la population.
04:31 Mais d'après les projections, étonnamment, on se rend compte qu'il n'y a pas de problème
04:36 majeur pour l'instant.
04:37 En revanche, le vrai problème qu'on va avoir à force de durcir notre système de retraite
04:42 à travers des réformes, c'est qu'on risque d'avoir des retraités pauvres, ce qu'on
04:46 n'avait pas en France.
04:47 C'est-à-dire qu'on en avait, c'est sûr.
04:49 Il fallait améliorer le système de retraite.
04:51 Mais aujourd'hui, il s'agit de maintenir le niveau des pensions de retraite, justement.
04:54 On était l'un des pays les moins touchés par le nombre de retraités pauvres.
04:58 Là, en fait, il y avait surtout à faire quelque chose qui était plus de l'ordre
05:01 du paramétrique, à mon sens, puisque c'est un gouvernement qui, à chaque fois, coupe
05:07 dans les recettes du système de retraite, dans les cotisations sociales.
05:10 Effectivement, après, ça déséquilibre le système.
05:12 Mais à un moment, il faut arrêter de couper tout le temps, tout le temps dans les recettes.
05:16 On pouvait arrêter de faire ces exonérations de cotisations sociales qui coûtent extrêmement
05:22 cher, qui déséquilibrent le système et après qui viennent justifier des réformes
05:26 très très dures qui n'ont pas de raison d'être.
05:30 - Alors, vous avez des idées fiscales, novatrices.
05:35 Vous avez publié une tribune, il n'y a pas très longtemps, avec d'autres eurodéputés,
05:41 des économistes de renom également.
05:43 Vous lancez un appel à taxer les ultra-riches.
05:47 Cet appel, il date de quelques semaines.
05:49 Quelle réponse avez-vous obtenu ?
05:51 - Alors, on a eu beaucoup d'intérêt du côté des institutions internationales, du
05:56 côté également de nos collègues américains, au Congrès américain.
06:01 En fait, ce qui se passe, c'est qu'on note que deux tiers de la richesse produite depuis
06:06 2020 a été captée par 1% de la population.
06:10 1% de les plus riches.
06:11 C'est-à-dire qu'on est en train d'avoir une augmentation des inégalités extrêmement
06:14 importante et que les gens très très riches, certaines années, ne payent pas d'impôts.
06:18 On peut penser à Elon Musk ou à Jeff Bezos.
06:21 Et puis même en France, qui est réputée pour être un pays extrêmement taxé, où
06:27 c'est très dur d'être riche, on n'aime pas les riches, etc.
06:29 Les études, notamment celles de Gabriel Zuckman, montrent que les familles, les 370 familles
06:34 les plus riches de France, sont taxées à 2-3%.
06:37 Donc il y a un vrai problème.
06:39 Parce que ce sont des besoins budgétaires.
06:43 On a des besoins budgétaires et on a besoin d'argent.
06:45 Donc ce sont des recettes en moins.
06:47 C'est aussi une rupture d'égalité devant l'impôt.
06:49 C'est un problème d'ordre démocratique.
06:51 C'est pour ça qu'on a lancé cet appel international en disant "il nous faut un
06:55 accord international pour taxer les ultra-riches".
06:57 Parce que tous les pays disent "mais attention, si je mets une taxe, les riches vont partir
07:01 ailleurs".
07:02 D'où cet appel international pour avoir un accord international comme on l'a fait
07:05 sur les multinationales.
07:06 Avec la mise en place bientôt d'une taxe mondiale à 15% sur les multinationales sous
07:12 l'égide de l'OCDE.
07:14 Merci beaucoup Aurore Laluc, économiste, eurodéputée, membre de Place Publique, invité
07:20 Echo de France Info ce soir.