Alors que les Sages doivent rendre leur décision le 14 avril, beaucoup de contre-vérités circulent sur l’examen de la réforme des retraites. Le décryptage de notre journaliste société Marie-Amélie Lombard-Latune.
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00:00 La première ministre a fait le choix de saisir elle-même le Conseil constitutionnel.
00:04 Ces derniers jours, le Conseil constitutionnel est devenu une sorte de shérif des retraites.
00:19 Responsable politique, syndicaliste.
00:24 Beaucoup de monde s'en remet à lui pour être le juge de paix de la crise.
00:28 Les neuf sages du Palais royal tiendraient entre leurs mains l'avenir de la France, rien de moins.
00:33 Chacun fait monter la sauce à sa façon, non sans arrière-pensée évidemment.
00:37 Du côté du gouvernement, le Conseil constitutionnel est un alibi bien utile pour donner du temps au temps.
00:42 Sur le ton du "l'affaire est désormais entre ses mains, nous ne pouvons pas interférer"
00:47 et ce, tant que la décision ne sera pas rendue.
00:49 Les oppositions s'expriment beaucoup sur le sujet.
00:52 Chacun y va de son commentaire, souvent pour faire passer l'idée
00:56 que les juges constitutionnels ne sont pas hors sol mais attentifs au pouls du pays.
01:02 Façon de leur dire "vous ne pouvez pas ne pas tenir compte de la colère qui s'est exprimée,
01:06 vous êtes trop intelligents pour cela".
01:08 Les ficelles sont un peu grosses, Laurent Fabius, Alain Juppé ou Jacqueline Gourault,
01:12 pour ne citer qu'eux, ne sont pas naïfs.
01:14 "Plus on s'affole à l'extérieur, plus on tente de rester calme à l'intérieur",
01:18 rappelle ainsi un ancien secrétaire général du Conseil constitutionnel.
01:25 L'enjeu des retraites est fort, c'est vrai.
01:27 Après des débats houleux au Parlement, on en est à la dixième journée de mobilisation,
01:30 la onzième est prévue le 6 avril.
01:32 Mais il suffit de jeter un coup d'œil dans le rétroviseur
01:35 pour voir que le Conseil constitutionnel a déjà eu à juger dans un tel contexte.
01:38 Pendant l'examen du contrat premier embauche en 2006, face à des menaces d'intrusion,
01:43 des gendarmes avaient même dû surveiller les issues de l'aile Montpensier,
01:47 les lois sur les nationalisations, la Nouvelle Calédonie,
01:50 celle sur le droit d'asile d'Edouard Balladur en 1993,
01:53 l'imposition à 75% de François Hollande,
01:55 autant de textes qui ont déjà mis le Conseil constitutionnel sous tension.
01:59 À chaque fois, les sages ont eu la possibilité de dire "stop" ou encore à une loi.
02:02 À chaque fois, ils ont une vraie carte en main
02:04 pour décider de l'atterrissage d'une réforme contestée.
02:08 Chacun y va évidemment de son pronostic.
02:14 Les uns pour assurer qu'un deal aurait été passé entre Laurent Fabius et Emmanuel Macron,
02:18 pour permettre aux seconds de trouver une porte de sortie à l'impasse actuelle.
02:23 Les autres pour promettre que toutes les conditions sont réunies
02:26 pour que le Conseil constitutionnel censure le texte.
02:29 Alors il y a trois certitudes au milieu de ces écrans de fumée.
02:31 D'abord, les saisines de la NUPES, du Rassemblement national
02:34 et des sénateurs socialistes sont solides.
02:36 Il y aura et il y a déjà un vrai débat juridique.
02:39 Le Conseil constitutionnel n'a pas attendu ces saisines les bras croisés.
02:41 Il a suivi les débats parlementaires, un rapporteur a été désigné,
02:45 son service juridique et son secrétariat général fouillent le sujet,
02:48 décrit un ancien de la maison.
02:49 Ils tiennent aussi compte de l'avis que le Conseil d'État,
02:52 avis encore secret, a rendu au préalable sur le projet de loi.
02:55 Enfin, la rédaction de la décision, évidemment, sera pesée au trébuchet.
02:59 Trois certitudes donc et un pronostic, c'est une solution raisonnable qui sera trouvée,
03:04 c'est-à-dire une validation de l'essentiel du projet,
03:06 une censure partielle sur des points comme l'Index senior et le CDI senior,
03:10 ces fameux cavaliers sociaux.
03:12 Là où il y a une marge de manœuvre, prédisent les constitutionnalistes,
03:15 c'est quand il y a une vraie incertitude juridique à cette condition.
03:19 Le Conseil peut faire pencher la balance du côté de son choix.
03:22 Mais il serait très étonnant qu'il aille jusqu'à faire preuve d'une créativité débridée.
03:27 [Musique]