Alain Bauer, professeur de criminologie, était l’invité de Laurence Ferrari dans #LaMatinale sur CNEWS.
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00:00 -Laurence, vous recevez Alain Bauer ce matin.
00:02 -Bonjour Alain Bauer.
00:03 -Bonjour.
00:04 -Aujourd'hui dans la matinale de CNews,
00:05 professeur donc au CNAM et responsable scientifique
00:07 du pôle sécurité, défense, renseignement et criminologie.
00:10 Vous publiez ce livre passionnement.
00:12 Au commencement a été la guerre, aux éditions Fayard,
00:14 chose vue, on va y revenir parce que la guerre en Ukraine
00:16 est évidemment un enjeu central pour nous.
00:17 Mais d'abord, peut-être l'actualité dans notre pays,
00:20 on est à la veille d'une onzième journée de mobilisation
00:22 contre la réforme des retraites.
00:23 Les consultations se poursuivent aujourd'hui avec Madame Born.
00:27 À Matignon, l'intersyndical est reçu.
00:29 -Il faut faire baisser la tension sociale dans notre pays,
00:31 selon vous.
00:32 On est à son paroxysme ou pas ?
00:33 -Il faut faire baisser la tension en général,
00:35 car la tension sociale n'est qu'un élément,
00:38 qu'un indicateur d'une certaine forme de retour à la violence.
00:41 Alors, ce n'est pas nouveau, ce sont des cycles,
00:43 mais on est dans un mauvais cycle.
00:44 On est dans un mauvais cycle pour l'homicide.
00:46 Vous avez vu les règlements de comptes multiples à Marseille,
00:49 mais pas seulement ces derniers jours.
00:51 Il y a beaucoup de violence physique,
00:53 d'agressivité générale dans la vie.
00:55 Il y a une forte tension sociale.
00:57 C'est le cumul de toutes ces tensions en même temps
01:00 qui pose problème.
01:01 Comme je le dis souvent, pendant les manifestations,
01:03 la guerre continue.
01:04 Il y a une autre tension qui existe sur la possibilité,
01:07 la probabilité, l'éventualité d'un conflit
01:10 qui dépasserait la question ukrainienne,
01:13 sur laquelle Vladimir Poutine régulièrement nous envoie des signaux.
01:16 Le président de la République est en Chine,
01:18 qui prend des positions de plus en plus anti-occidentales,
01:22 alors que c'était l'usine du monde.
01:24 Elle est en train de dire
01:26 que nous sommes aussi la grande superpuissance émergente
01:28 et désormais émergée.
01:30 Donc toutes ces tensions pèsent beaucoup
01:32 sur le moral des individus
01:33 et sur la manière dont ils envisagent leur relation avec les autres,
01:37 qui passent plus généralement par la baffe que par le dialogue.
01:40 C'est-à-dire que toutes ces violences s'accumulent,
01:42 se nourrissent, s'auto-nourrissent entre elles ?
01:44 Exactement.
01:44 C'est la première fois qu'on n'a non pas des crises successives,
01:47 ce qui est la tradition du monde et la nôtre,
01:50 on va dire depuis une petite centaine d'années,
01:51 en tout cas depuis l'après-deuxième guerre mondiale
01:53 ou l'après-fin du conflit algérien, si on veut le prendre comme ça.
01:57 Là, nous les avons toutes en même temps,
01:58 sanitaire, sociale, économique, militaire, sécuritaire, environnementale.
02:04 Ça pèse énormément dans la manière dont les gens,
02:07 les individus appréhendent la manière dont ils existent,
02:10 dont ils imaginent leur futur, celui de leurs enfants,
02:13 dont les enfants imaginent la terre que nous allons leur rendre ou leur laisser.
02:18 Et donc tout ceci amène à une agressivité généralisée,
02:21 extrêmement sensible et pas seulement dans les débats à l'Assemblée nationale
02:25 ou dans les manifestations à Seine-Solide.
02:26 Vous expliquez quelque chose de très intéressant,
02:28 que la contestation actuelle est finalement la suite logique
02:31 du mouvement des Gilets jaunes.
02:32 C'est la même chose pour vous ?
02:33 Ah oui, des bonnets rouges, des gilets jaunes et les mouvements.
02:38 Alors ils sont multiples.
02:39 Il n'y a pas de convergence des luttes, il y a une convergence des rages.
02:42 Les gens sont extrêmement énervés, agacés,
02:44 dans la manière dont l'État leur parle,
02:46 dans la manière dont ils parlent avec l'État, y compris avec leurs élus.
02:49 Vous voyez la démission massive des élus locaux, des maires,
02:55 plusieurs centaines, comme on n'en a jamais vu.
02:57 Un millier de maires.
02:58 Un millier de maires, comme on n'en a jamais vu.
02:59 Je crois, si proche des élections municipales elles-mêmes,
03:04 une situation où les élus sont de plus en plus agressés,
03:06 où n'importe quel rappel à l'ordre ou à la loi
03:09 fait l'objet d'une agressivité, voire d'une agression.
03:12 Donc on est dans une situation aujourd'hui où la convergence des rages existe
03:16 et en fait elle se cumule.
03:18 Les bonnets rouges avaient un point de vue très particulier
03:20 sur le moment où ils pouvaient exercer leur travail.
03:22 Les gilets jaunes avaient à la fois la réduction de la vitesse
03:25 et les injonctions contradictoires sur le diesel c'est bien, le diesel c'est mal,
03:28 les zones à faible émission, je peux utiliser ma voiture, je ne peux plus utiliser ma voiture.
03:32 C'est le moment où les ronds-points périphériques
03:34 ont réussi la conjonction avec les grandes places des centres-villes.
03:37 C'est le moment où les gens qui travaillent la semaine
03:41 et qui pouvaient manifester le week-end
03:43 se rencontrent avec ceux qui arrivent à manifester durant la semaine
03:46 parce que leur statut le permet.
03:47 Tous ces éléments-là amènent à une conjonction inédite, en tout cas rare, des rages.
03:52 Alors la France est un pays où il y a déjà cri depuis mille ans
03:55 donc ce n'est pas une nouveauté extérieure,
03:57 mais là tous ensemble, en même temps, avec autant de points de vue divergents,
04:01 mais une rage commune c'est assez rare.
04:03 Une rage commune qui se dirige, vous le notez, vraiment contre le président.
04:07 Il y a un niveau de haine contre le président Macron
04:09 qui a été rarement atteint sous la 5e.
04:11 La haine contre le président est assez régulière,
04:13 en tout cas contre la politique du président
04:15 et puis peu à peu on oublie, parce qu'un nouveau président est arrivé
04:18 et qu'on a sans doute bien des choses à lui reprocher,
04:20 essentiellement parce qu'on ne trahit que ses propres électeurs
04:23 avant d'aller voir ailleurs ce qui s'y passe.
04:25 La France est un pays bizarre, on a eu un premier vrai président conservateur
04:29 du point de vue culturel qui était François Mitterrand,
04:31 un premier président très progressiste qui était Jacques Chirac,
04:35 un président entre deux qui était Nicolas Sarkozy.
04:38 On a là une situation où le président a réussi personnellement,
04:41 individuellement, intimement à susciter une agressivité qui est personnelle,
04:48 qui est ciblée sur son nom et pas seulement sur sa fonction.
04:51 Et ça c'est suffisamment inédit et rare pour amener des démonstrations de...
04:59 - Haine contre lui ?
05:00 - De haine contre lui, d'expressions très louissaises, de décapitations
05:04 qui sont extrêmement inquiétantes dans la manière dont on peut discuter
05:08 de la politique d'un président et pas seulement de savoir
05:11 s'il faut ou pas lui couper la tête, ce qui déborde très largement,
05:15 y compris de ce qu'on avait pu entendre dans ses immédiats prédécesseurs.
05:18 - On est dans un entre-deux, on attend la décision du Conseil constitutionnel
05:21 sur la réforme des retraites, Elisabeth Borne reçoit aujourd'hui
05:23 l'intersyndicale, ça risque d'être un dialogue de sourds.
05:26 Mais la question c'est le maintien de l'ordre,
05:28 ça se focalise beaucoup sur le maintien de l'ordre.
05:30 On a des partis politiques de gauche qui montrent du doigt les policiers,
05:33 les gendarmes, leurs techniques.
05:35 Olivier Faure hier disait que le gouvernement veut une nouvelle affaire Malik-Oussékin.
05:39 On en est là, à ce niveau de violence contre les forces de l'ordre
05:41 et à cette mise en cause du maintien de l'ordre ?
05:44 - Alors c'est très intéressant parce que quand on est au gouvernement,
05:47 on justifie beaucoup la posture du maintien de l'ordre des policiers.
05:51 Quand on est dans l'opposition, on la dénonce
05:53 avant de revenir éventuellement au pouvoir et de refaire comme si de rien n'était.
05:56 La vraie difficulté en France, c'est que le maintien de l'ordre,
05:58 il s'adapte aux manifestants.
06:00 Vous avez vu dans une séquence extrêmement courte,
06:02 des grandes manifestations sociales parfaitement organisées
06:05 avec un maintien de l'ordre parfaitement paisible,
06:07 très rarement mis en cause,
06:09 et puis des manifestants extrêmement énervés, déchaînés,
06:13 qui allaient au contact,
06:15 et avec un maintien de l'ordre parfois brutal et même violent.
06:19 Et donc le maintien de l'ordre, il s'adapte.
06:20 La doctrine de maintien de l'ordre, contrairement à ce que tout le monde raconte,
06:22 n'a pas beaucoup évolué depuis Maurice Grimaud en 1968.
06:26 C'est une doctrine qui est "Vaut mieux une vitrine cassée
06:29 qu'un individu blessé ou tué".
06:31 Mais évidemment, on reproche beaucoup les vitrines cassées
06:33 parce que ça montre qu'il y a du désordre ou du chaos.
06:36 Quand on veut mettre en place des dispositifs,
06:38 en général on met des dispositifs un peu à la va-vite,
06:41 n'importe comment, avec des individus relativement peu formés
06:44 et utilisant des moyens qu'ils ne maîtrisent pas.
06:46 Les manifestations de gilets jaunes, c'était des novices du maintien de l'ordre.
06:50 C'était des novices de la manifestation contre des amateurs du maintien de l'ordre,
06:53 des gens qui sont occupés de l'anticriminalité,
06:56 ne savent pas maintenir l'ordre.
06:57 Il se trouve qu'aujourd'hui, on a un outil qui est mal carré
07:00 parce que pendant des mois et des années,
07:02 on a réduit les effectifs des gendarmes spécialisés
07:04 et des policiers spécialisés et des CRS du maintien de l'ordre
07:07 et qu'on a compensé les trous et les brèches comptables
07:10 qui ont été créées par l'État lui-même,
07:12 par n'importe quoi, n'importe comment, à la va-vite.
07:15 Alors la préfecture de police a remis en place des outils
07:17 qui ont un peu de mal à s'adapter à la diversité des manifestants
07:22 parce qu'eux-mêmes sont très différents de ce qui existait avant
07:26 et ce qui ne justifie en rien les exactions commises par des policiers.
07:30 Mais j'appartiens à ceux qui pensent qu'il n'y a pas de violence systémique policière,
07:34 mais qu'il y a un certain nombre de policiers ou de gendarmes qui doivent être sanctionnés.
07:37 - Est-ce que vous, et on en terminerait là,
07:39 vous pointez du dos aussi la responsabilité de l'extrême gauche,
07:42 de certains partis politiques,
07:43 qui font de la violence verbale un outil quasiment pour la rue ?
07:47 - La violence verbale, c'est un sujet qui ne se traduit
07:49 que par des plaintes verbales sur des sujets verbaux.
07:52 - Mais il n'y a pas de lien entre cette violence-là et la violence dans la rue ?
07:55 - Non, non, le moment du passage à l'acte est un moment...
07:57 En général, la violence verbale, elle permet parfois d'évacuer la tension ou la pression.
08:03 C'est comme l'effet de...
08:04 Si on voit beaucoup de crimes à la télévision,
08:05 est-ce qu'il y a beaucoup d'homicides dans la réalité ?
08:07 Pendant longtemps, il y a eu une baisse considérable.
08:10 Le jeu vidéo violent, par exemple, n'a pas le même effet sur la capacité de passage à l'acte
08:14 parce qu'on maîtrise le jeu alors qu'on ne maîtrise pas le film.
08:16 Donc on apprend des tas de choses de l'analyse psychopathologique
08:19 du passage à l'acte à la violence.
08:21 La violence verbale n'en fait pas systématiquement part,
08:24 sauf si on dit "il faut aller tuer machin" personnellement,
08:27 physiquement, en donnant l'adresse, le lieu.
08:30 Ça, c'est le troll des réseaux sociaux.
08:32 Mais c'est autre chose.
08:33 Donc il faut éviter la généralisation.
08:35 Et de ce point de vue-là, ultra-gauche, ultra-droite
08:37 sont des problèmes relativement secondaires
08:39 par rapport à la problématique que l'État devrait traiter,
08:41 qui est celle de l'ultra-peuple.
08:42 L'ultra-peuple qui est très enragé.
08:44 Il n'est pas content de la manière dont l'État lui parle
08:47 et dont il peut parler à l'État.
08:48 "Au commencement a été la guerre", c'est le titre de votre livre.
08:50 Absolument passionnant.
08:51 On est dans un contexte, vous l'avez rappelé, de guerre avec l'Ukraine.
08:55 Il y a une contre-offensive qui est en train de se préparer,
08:57 côté ukrainien, pour contrecarrer les avancées de l'armée russe.
09:00 Où va-t-elle se dérouler ?
09:02 Ils ne vont pas faire l'annonce avant.
09:04 Ce n'est pas Napoléon à Pratsen en train d'expliquer
09:07 que le soleil d'Osterlitz allait régler le problème sur le lac gelé.
09:11 Mais on sait qu'il y a aujourd'hui trois possibilités.
09:14 C'est ce qui agace beaucoup les Russes,
09:16 qui d'abord patinent à Bakhmout,
09:18 lieu qui n'a aucune importance stratégique,
09:19 si ce n'est que c'est une boucherie avec une relation de perte.
09:23 La relation perte entre Russes et Ukrainiens
09:25 était en moyenne de 1 à 4 durant la première partie de la guerre.
09:28 À partir du moment où les Ukrainiens se sont rétablis
09:30 et ont commencé à arrêter, puis contrecarrer l'invasion russe,
09:34 là on est entre 9 et 10.
09:37 Et donc les Ukrainiens disent, tant que ça dure,
09:39 on équilibre la différence démographique
09:43 par la boucherie que les Russes ont eux-mêmes organisée.
09:46 Il y a trois niveaux aujourd'hui.
09:47 Il y a la zone de Luhansk,
09:48 qui est une petite zone, un espèce de triangle
09:51 qui est à l'est de l'Ukraine,
09:54 qui est un élément important pour eux de reconquête
09:57 et de maîtrise de leurs frontières avec la Russie.
09:59 Je rappelle qu'ils ont une immense frontière avec la Russie,
10:01 pas seulement une frontière intérieure,
10:03 mais aussi une frontière extérieure.
10:04 La deuxième, c'est Militopol vers Mariupol,
10:06 c'est-à-dire casser la mainmise de la Russie sur la mer d'Azov,
10:10 qui est l'objectif principal de l'invasion initiale,
10:14 l'objectif militaire principal.
10:16 Et puis la troisième, c'est contourner Kerson
10:19 pour aller s'attaquer directement à la Crimée.
10:21 D'ailleurs, les Russes sont en train de fortifier la Crimée
10:24 comme rarement elle l'a été.
10:26 C'est-à-dire qu'ils ont parfaitement intégré la possibilité,
10:28 voire même l'éventualité d'une offensive.
10:30 Le pire qui pourrait arriver aux Russes,
10:31 c'est que les Ukrainiens organisent trois offensives en même temps.
10:34 Et je crois qu'ils sont en train de se poser la question
10:36 de savoir si les Ukrainiens en sont capables.
10:38 En tout cas, en termes d'équipement,
10:39 ceux-ci arrivent effectivement.
10:40 Les Ukrainiens sont formés, extrêmement volontaires,
10:43 très déterminés,
10:45 - Bien armés.
10:46 - Mieux armés, de mieux en mieux armés.
10:48 Ils étaient déjà pas mal.
10:49 Il n'y a plus de suppresse macière aérienne russe.
10:51 Il y a relativement peu de bombardements,
10:53 car ils ont à peu près épuisé une partie de leur stock.
10:55 Et ce qui leur reste est assez inégal
10:59 et ne correspond pas à leurs objectifs.
11:00 Ils sont vraiment en train de s'enterrer
11:03 pour éviter la chose.
11:04 Ils sont en train de faire la ligne Maginot.
11:05 Et j'espère pour les Ukrainiens que ça aura le même effet.
11:07 - Ce que vous expliquez dans ce livre,
11:09 "Comment ça a été la guerre",
11:10 c'est que nous n'étions pas en paix, en fait,
11:12 avant le complit en Ukraine.
11:13 Vous dites qu'on était simplement dans une période d'entre-deux-guerres.
11:17 C'est terrible comme constat.
11:18 - On a cru à un moment, j'ai cru aussi d'ailleurs.
11:21 Moi, j'étais conseiller de Michel Rocar à l'époque à Matignon.
11:23 J'ai eu droit à la chute du mur de Berlin,
11:25 à la guerre du Golfe
11:26 et à la réapparition d'une forme nouvelle
11:29 d'opérateurs terroristes sur le territoire.
11:33 Effet secondaire de choses qu'on n'avait pas perçues en 79.
11:36 Ce qui est terrible, c'est quand on est le nez dans le guidon,
11:38 on n'a absolument pas le sens de la perspective
11:40 et du temps long, parce qu'il faut tout gérer tout le temps dans la minute.
11:42 Je ne jette pas la pierre aux politiques.
11:44 J'ai été dans le même maelstrom avant de m'en sortir.
11:47 Merci à l'université et au conservatoire
11:50 de justement nous donner le temps de voir les choses en perspective.
11:54 Mais aujourd'hui, on se rend compte que même durant la période 89,
11:58 on va dire 2022, il y a eu de très nombreuses guerres en Europe,
12:01 dont une qui a été le déclencheur du réarmement russe
12:05 et de la sortie de la Russie du sphère eurasien,
12:08 on va dire, tel que nous ne le voyons pas comme eux le voient.
12:11 Ça a été la guerre de Serbie, le bombardement pendant 79 jours
12:15 de la Serbie à cause de l'affaire du Kosovo.
12:17 Et ce jour-là, les Russes, ils le racontent d'ailleurs,
12:20 puisqu'on a eu accès à des documents, soit des classifiés
12:22 qui montrent la tentative désespérée des Européens pour sauver l'URSS
12:26 parce qu'ils avaient peur du vide.
12:28 Et puis la vision des Russes, normalement,
12:30 M. Arbatov, qui était le président de la Douma, qui dit
12:33 "Mais en fait, le jour où vous avez bombardé la Serbie,
12:35 on a compris un truc extraordinaire.
12:36 Nous pensions que nous étions les méchants, que vous étiez les gentils.
12:38 En fait, on a compris que vous étiez comme nous."
12:40 D'accord. Emmanuel Macron est en ce moment en Chine.
12:42 Il va atterrir, vous le disiez.
12:44 Il est accompagné de Dursula Vanderleyen.
12:46 Il espère que les Chinois vont peser sur les Russes
12:49 pour tenter de faire arrêter ce conflit. C'est-il usoire ?
12:52 Alors, les Chinois pèsent par un élément,
12:55 c'est les limites de l'exercice, même si Vladimir Poutine
12:58 a une vision des limites de l'exercice,
13:00 notamment sur le nucléaire tactique par rapport au nucléaire tout court,
13:03 qui peut amener les Chinois à être un peu agacés,
13:05 puisque le lendemain du jour où le président chinois était à Moscou,
13:08 il y a eu un petit écart, un petit mouvement de Vladimir Poutine sur
13:12 "je vais mettre des armes nucléaires tactiques en Biélorussie".
13:15 Deuxièmement, ils pèsent parce qu'ils ne livrent pas d'armes.
13:18 Ils pèsent en achetant beaucoup, en fournissant de la ressource financière,
13:22 mais en n'étant pas partis au conflit, même de très, très loin.
13:25 La Corée du Nord les plus, mais la Chine les moins.
13:28 Et troisièmement, l'Europe essaye d'exister.
13:32 Or, l'Europe militaire, l'Europe puissance, l'Europe souveraineté,
13:34 c'est terminé, parce que la démonstration du conflit,
13:37 c'est qu'elle n'a pas réussi à exister par elle-même.
13:39 L'Alliance atlantique est sortie de son coma,
13:42 disait le président Macron, pour revenir au premier rang.
13:44 La Finlande vient d'y adhérer,
13:45 doublant les frontières que nous avions avec la Russie avant.
13:49 La Suède va probablement arriver à un moment ou un autre.
13:51 On est dans une configuration tout à fait nouvelle,
13:53 mais ce n'est pas Mme von der Leyen qui est le sujet.
13:57 En fait, l'Union européenne, y compris, d'ailleurs,
13:59 on peut se demander si c'était avec elle ou avec Charles Michel qu'il fallait,
14:01 et s'il fallait y aller avec ces deux-là,
14:03 alors que la Chine, justement, voit la France comme un opérateur autonome.
14:08 Elle ne comprend pas du tout ce que l'Union européenne vient faire là-dedans,
14:11 parce que l'Union européenne n'a pas la bombe,
14:13 l'Union européenne n'est pas au Conseil de sécurité de l'ONU,
14:16 et l'Union européenne n'a pas la vision que les Chinois ont du général de Gaulle.
14:20 Parce que quand vous allez en Chine, ce qui m'est arrivé assez régulièrement, j'y enseigne,
14:24 quand vous allez en Russie, quand vous allez dans beaucoup d'autres pays, en Turquie,
14:27 on vous parle avec émerveillement de la formule historique du général de Gaulle.
14:31 Et le général de Gaulle, ce n'était pas l'Union européenne, ce n'était pas l'Alliance atlantique.
14:34 C'était une vision indépendante de la France.
14:36 Ça ne veut pas dire qu'il faut le faire sans,
14:38 mais on n'est pas obligé de le faire systématiquement.
14:39 Un tout dernier mot concernant l'armée française.
14:41 Le ministre des armées se gargarise d'une hausse du budget à 413 milliards d'euros de plus.
14:47 Vous vous dites en fait que c'est un faux-semblant, c'est ça ?
14:51 Alors d'abord, il a bien travaillé, parce qu'il aurait pu avoir encore moins.
14:54 Il faut se rappeler que c'est une bataille de tous les instants,
14:56 et que de ce point de vue-là, il faut plutôt saluer l'effort.
14:58 Mais il est victime d'abord de l'inflation.
15:00 Au moment où le budget augmente, il y a 20 à 30 milliards d'euros
15:04 qui disparaissent dans l'augmentation des prix de tout, ce qui est un sujet.
15:07 Donc déjà.
15:09 Deuxièmement, on a une armée expéditionnaire et échantillonnaire,
15:12 et il fallait faire des choix.
15:14 C'est-à-dire que les industriels savent nous vendre ce qu'ils savent fabriquer.
15:17 Les militaires savent utiliser ce qu'on leur vend.
15:20 Et les politiques, notamment les budgétaires,
15:22 savent expliquer ce dont il faut se passer.
15:24 Le problème, c'est que la guerre en Ukraine, elle a tout rebattu.
15:26 Sur la dronisation, la miniaturisation, la décentralisation des forces,
15:31 l'armée de hackers, la défense opérationnelle du territoire.
15:34 800 000 personnes en Ukraine, 60 000 en France sur le papier.
15:37 Donc il y a un moment où il aurait fallu faire des choix stratégiques.
15:40 Est-ce qu'on a besoin d'un nouveau porte-avions nouvelle génération
15:42 ou est-ce qu'on a besoin de 10 000 drones marins aériens ?
15:45 Est-ce qu'on a besoin du SCAF, le nouveau système très complexe aérien ?
15:50 Ou est-ce qu'il faut jouer déjà autre chose ?
15:52 Tous ces problèmes ne sont pas résolus.
15:54 Donc on fait à la française, entre deux, ne sachant pas trancher.
15:57 On garde un peu de tout, mais un peu de tout.
15:59 C'est-à-dire qu'on a beaucoup d'un peu et beaucoup de rien.
16:03 Et on n'a pas progressé sur la défense opérationnelle de notre pays.
16:06 Non, malheureusement, il n'y a pas eu d'annonce sur la question,
16:08 ni de volonté déterminée.
16:10 Pourtant, on a un élément d'architecture qui pourrait être la gendarmerie nationale.
16:13 On en a d'autres qui peuvent exister avec la prévention civile.
16:17 Il y a beaucoup d'opérateurs locaux, mais il est très inquiétant de voir que,
16:21 pour l'instant, il y a eu un excellent discours du président de la République
16:24 sur la question, vraiment, qui couvrait l'ensemble des champs.
16:27 La mise en application, le ministre des Armées a beaucoup travaillé
16:30 pour éviter d'être ratiboisé à nouveau par la comptabilité de Bercy.
16:36 Il a de bonnes relations avec M. Le Maire.
16:38 Ils sont anciennes et historiques.
16:39 Ils ont réussi à se parler ensemble et à sauver, vraiment, sauver l'essentiel.
16:44 Mais l'essentiel ne règle pas les enjeux stratégiques.
16:47 Et votre estimé collègue M. Merchet ou M. Cabirol expliquent ça très, très bien,
16:52 bien plus durement que moi dans leurs articles sur l'absence de choix.
16:56 Ne règle aucun des problèmes, ni de l'expéditionnaire, ni de l'échantillonnaire,
17:00 alors qu'on est face à une guerre en Centre-Europe possible.
17:02 Et qu'en tout cas, pour sauver la paix, il faut se préparer à la guerre.
17:05 Merci beaucoup Alain Bauer.
17:06 Au commencement a été "La guerre", édition FAYAR, choses vues,
17:09 on le recommande chaudement à nos téléspectateurs.
17:11 Merci d'être venu ce matin dans la matinale.
17:12 À vous Romain Désart pour la suite.
17:14 [Musique]