Président de La Chaîne de l'Espoir, et chirurgien, Éric Cheysson sillonne l'Afghanistan depuis 40 ans. Il est l'invité de 9H10.
Retrouvez "L'invité de Sonia Devillers" sur
https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/l-invite-de-9h10
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00:00 Il est 9h09, Sonia De Villers, votre invitée s'occupe de l'hôpital français de Kaboul,
00:06 hôpital qui soigne les femmes et les enfants.
00:09 Voilà, et les femmes doivent être soignées par des femmes.
00:12 Bonjour docteur, bonjour Eric Chesson.
00:14 Bonjour.
00:15 Ça fait 40 ans que vous connaissez l'Afghanistan,
00:18 vous allez nous raconter comment cet hôpital français, cet hôpital pédiatrique est sorti de terre,
00:23 comment vous l'avez fait tourner contre vents et marées.
00:25 Mais hier, je l'ai dit tout à l'heure, les talibans ont annoncé l'interdiction pour les femmes
00:32 de travailler pour tous les programmes humanitaires gérés par l'ONU ou financés par l'ONU dans le pays.
00:40 C'est une catastrophe.
00:43 Oui, en effet, c'est une catastrophe.
00:46 C'est-à-dire qu'il y a une sorte de continuum, c'est le cumul des malheurs.
00:53 Toutes les semaines ou tous les mois, un nouveau décret de l'émir suprême à Kounsada arrive
01:03 avec un ciblage, une obsession sur la femme,
01:08 pouvant aboutir, certains en parlent d'apartheid des femmes, d'autres de féminicide social.
01:14 C'est-à-dire que leur espace se restreint jusqu'à devenir un confinement total.
01:21 Et donc, cette décision est extrêmement grave, car à travers les Nations Unies,
01:25 passe, c'est un entonnoir de l'aide humanitaire considérable.
01:29 C'est l'aide alimentaire, c'est l'aide sanitaire, c'est l'aide financière.
01:34 Et c'est l'interdiction du travail des femmes.
01:39 Et un marqueur extrêmement inquiétant.
01:43 Il reste la niche sanitaire, c'est-à-dire du domaine de la santé.
01:48 Donc, l'hôpital, pour l'instant, les femmes peuvent continuer à travailler.
01:51 Je vous rappelle que sur à peu près 960 salariés, nous avons plus de 230 femmes.
01:57 Un hôpital est nécessaire, les femmes sont indispensables par leurs compétences,
02:02 par leur humanité, par le toucher.
02:05 Et je vous le dis, pour nous, c'est une ligne rouge que nous ne pourrons pas accepter.
02:12 Un hôpital sans femmes.
02:13 Et je vous rappelle que les femmes ne peuvent être soignées que par les femmes.
02:18 Et donc, la boucle infernale serait bouclée.
02:22 Le journal de TF1, le 20h de TF1, est venu tourner à l'hôpital au mois d'août l'année dernière.
02:29 TF1 qui vous suit depuis très longtemps va raconter pourquoi, Éric Chesson.
02:33 C'est le dernier refuge pour les plus pauvres des pauvres.
02:37 L'hôpital français de la mère et de l'enfant, un taliban, contrôle désormais l'entrée.
02:42 Des familles afghanes arrivent ici de tout le pays avec des enfants très malades.
02:47 Alaoua Din vient d'être opérée en urgence pour une sérieuse infection des reins.
02:53 - A la maison, on n'a plus d'argent, plus rien.
02:55 On ne mange plus que du pain avec un peu de thé.
02:58 Personne ne nous aide, ni le gouvernement, ni les humanitaires.
03:01 On se retrouve tout seul.
03:04 Dans cette salle de réanimation, la seule d'Afghanistan, le petit Samim se réveille tout juste.
03:09 Il a attendu un an avant d'être opéré du coeur.
03:12 - Avec l'arrivée des talibans, tous les experts, tous les chirurgiens
03:16 ont été obligés de quitter l'hôpital, de quitter le pays. Ils sont partis.
03:21 Le docteur Eric Chesson et mon invité Eric Chesson, qui est chirurgien,
03:25 qui publie avec Michel Fort, ça c'est votre complice,
03:29 ça fait un moment que vous travaillez ensemble tous les deux,
03:31 "Afghanistan, la spirale infernale".
03:33 Votre témoignage paraît chez Robert Laffont.
03:36 Il est titré "Le cri du coeur".
03:37 Mais là, c'est bien plus qu'un cri du coeur, c'est vraiment un cri d'alarme.
03:42 La situation est très grave.
03:45 C'est-à-dire que vous n'avez pas pu,
03:47 vous avez été obligé d'abandonner vous aussi l'hôpital,
03:49 vous avez été obligé de le quitter, vous avez pu y retourner.
03:53 Mais tout le monde part, tout le monde part de cet hôpital.
03:56 Tous les médecins, tous les cerveaux, tous les gens diplômés.
04:00 - Oui, en effet, ce que vous dites est très important.
04:04 On parle, je vous parlais des cumulés malheurs,
04:06 et on a commencé à les énumérer, mais il y en a un autre
04:10 qui est insidieux, qui ne sort de cancer.
04:13 C'est la fuite, la fuite de nos collègues médecins.
04:18 Je vous ai dit, nous avons près de 960 salariés.
04:21 160 sont déjà partis, dont une majorité de médecins.
04:24 Un exemple simple, en réanimation, c'était la seule réanimation d'Afghanistan,
04:29 seule réanimation néonatale.
04:30 Nous avions 9 réanimateurs, nous avons mis 12 ans à les former.
04:34 8, 8 sont déjà partis.
04:37 Pourquoi ils sont partis ?
04:38 Pas pour abandonner leur pays.
04:40 Parce qu'ils ont une petite fille ou une jeune fille,
04:46 pas d'école, pas de lycée, pas d'université.
04:49 Donc ils disent "no future".
04:52 Et donc ils partent, ils partent parce qu'il n'y a pas d'avenir.
04:57 Et ça, si vous voulez, c'était effrayant.
05:00 Et donc c'est pour ça que nous faisons appel aux infirmières,
05:04 aux réanimateurs français, européens, aux chirurgiens.
05:08 - De bonne volonté.
05:09 - De bonne volonté pour partir là-bas, pour soigner, pour former.
05:13 Et pour...
05:14 C'est la valeur incroyable de cet hôpital.
05:17 C'est un symbole.
05:18 C'est un symbole que c'est possible, que ça continue.
05:22 - Ce qu'il faut bien qu'on comprenne, Dr Chesson,
05:25 c'est que quand vous dites "nous avions le seul service de réanimation néonatale
05:30 dans cet hôpital français de Kaboul",
05:33 c'est qu'il faut bien comprendre qu'il y a des Afghans qui viennent de tout le pays,
05:37 qui font des centaines, voire des milliers de kilomètres pour être soignés chez vous.
05:41 - Bien sûr, c'est un endroit...
05:43 Si vous voulez, c'est souvent le dernier endroit, le dernier espoir.
05:47 Et parfois, le soir, tard, quelqu'un frappe à la porte.
05:52 Et c'est un père, c'est une mère, c'est un grand-père qui, dans une brouette,
05:56 apporte un enfant qui vient de Herat, de Zabul, de Kandahar,
06:01 pour des pathologies complexes, qu'elles soient cardiaques, viscérales, orthopédiques.
06:06 Et si vous voulez, c'est pour ça que le combat pour cet hôpital est absolument indispensable.
06:13 - Parlez-nous de vos factures d'électricité.
06:15 - Oui, les factures d'électricité, c'est un exemple parmi tant d'autres.
06:19 L'électricité de l'hôpital a été coupée,
06:22 normalement dans l'accord que nous avions avec le gouvernement afghan,
06:25 c'est qu'ils fournissent l'électricité.
06:29 - Gratuitement. - Gratuitement.
06:30 Non seulement ce n'est plus le cas,
06:32 mais ils nous ont demandé un arriéré d'un million trois cent mille dollars.
06:35 Et alors vous allez dire qu'est-ce que vous avez fait ?
06:39 Négocier, c'est la seule façon de faire.
06:41 Négocier, ça veut dire payer.
06:43 - Négocier, ça veut dire payer.
06:45 Retour en 2006, Bernadette Chirac va inaugurer cet hôpital.
06:50 - À Kaboul, stigmatisée par 25 ans de guerre, la sécurité n'est pas rétablie.
06:55 Dans ce climat, l'inauguration par Bernadette Chirac de l'Institut médical pour l'enfant devient symbole.
07:00 Un scanner, un matériel incroyable ici.
07:03 Et aussi des médecins, des infirmières bénévoles.
07:05 Un financement mixte dont l'Algacan a pris la plus large part
07:09 pour des enfants parmi les plus déshérités.
07:11 À 13 ans, El Ala est la première opérée à cœur ouvert en Afghanistan.
07:15 Bernadette Chirac se fait porte-parole.
07:17 - Le message d'amitié et de fidélité de la France à l'Afghanistan,
07:23 du peuple français au peuple afghan.
07:25 Et le message de continuer.
07:28 - Elle avait 4 ans cette petite fille quand vous l'avez opérée à cœur ouvert.
07:35 Docteur Chesson, est-ce que vous pouvez raconter cette opération ?
07:38 - Oui, si vous voulez, ce sont des enfants qui ont des malformations congénitales du cœur.
07:43 Il y a un trou entre deux cavités cardiaques, entre les ventricules ou l'oreillette.
07:48 Chez nous, en France, ils seraient opérés dans les premiers jours ou les premières semaines.
07:55 Et ici, il n'y avait pas de possibilité.
07:57 Donc nous avons des listes d'attente considérables.
07:59 Et vous savez, je voulais juste préciser une chose,
08:03 c'est que cet hôpital, il a été fait avec la générosité des Français,
08:07 sur un mouvement populaire incroyable de liberté et de joie,
08:11 sous l'impulsion incroyable de Marine Jacquemin, Muriel Robin.
08:15 - Marine Jacquemin qui est une consœur de TF1, grand reporter à TF1.
08:18 Muriel Robin que tout le monde connaît.
08:19 - Elles se sont battues de façon incroyable pour trouver les financements.
08:23 Et puis Bouygues, et puis beaucoup de grosses entreprises du CAC 40.
08:29 Donc ce que je voulais dire, c'est qu'il y avait un mouvement de liberté et tout s'est enlisé par la corruption.
08:37 Sur, on dit, 2000 milliards ont été mis pendant ces 20 années.
08:41 Mais combien sur l'éducation, sur la santé ?
08:45 Et là, si vous voulez, c'est une émotion, mais c'est une grande colère.
08:50 Comment a-t-on pu se comporter comme ça ?
08:52 Comment les Américains ont fait un tel départ ?
08:56 Cette honte du 15 août 2021.
08:58 Et tout le monde, je suis sûr, dans les éditeurs qui nous écoutent,
09:02 se souviennent de ces grappes d'Afghans tombant, des gros porteurs qui décollaient,
09:07 parce qu'ils étaient terrorisés, terrorisés du retour.
09:11 C'est rare que l'histoire repasse les plats.
09:14 Les talibans étaient déjà là.
09:16 - Et d'ailleurs, vous le racontez, docteur Chesson, dans votre livre, vous le racontez.
09:20 Vous avouez que vous étiez tellement obsédé par la bonne marche de l'hôpital,
09:24 par le fonctionnement de l'hôpital, que vous n'avez pas voulu voir
09:27 que vous êtes resté sourd et aveugle à la montée du péril.
09:32 Que l'ambassadeur de France, d'ailleurs, vous avait prévenu,
09:35 avait voulu vous alerter, que vous n'avez pas voulu entendre.
09:38 - En effet, je ne l'ai absolument pas vu.
09:41 Et nous sommes très nombreux.
09:43 Je vous rappelle qu'on disait, l'armée afghane, 300 000 hommes.
09:47 Et surtout, il y a ces fameuses forces spéciales formées, extraordinaires,
09:50 30 000 hommes et autres.
09:52 Et tout s'est écroulé sans aucun combat.
09:54 Nous ne l'avons pas vu venir.
09:56 Ça, c'est une réalité totale.
09:59 Par contre, ce que je vois, c'est actuellement,
10:04 chaque semaine, chaque mois est pire.
10:07 Nous avons une espèce d'acharnement sur,
10:14 je dirais, sur la femme, sur ce qu'elle représente.
10:18 Et je suis pessimiste.
10:22 - Vertige. Vertige en Afghanistan, quand des médecins comme vous,
10:27 français ou afghans, doivent abandonner un hôpital.
10:30 Ils abandonnent derrière eux des patients.
10:32 On va parler d'eux parce que vous faites leur portrait.
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