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Depuis 40 ans, Jacques Genin, autodidacte, régale les fins gourmets de ses créations chocolatées. Sa fille, Jade, d'abord avocate, a finalement rejoint les racines familiales et ouvert sa propre boutique dédiée au chocolat. En ce lundi de Pâques, ils sont les invités du 9H10.

L'invité de Sonia Devillers - Retrouvez les invités sur :

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00:00 - Il est 9h08, Sonia De Villers, vos invités sont tous les deux chocolatiers.
00:04 - Eh ben oui ! Bonjour Jacques et Jade Genin. - Bonjour !
00:09 - Le père et la fille. La fille qui est née dans une pâtisserie chocolaterie.
00:13 Quasi, vous aviez quel âge quand votre père a ouvert ? - J'avais 4 ans.
00:17 - Vous aviez 4 ans. Et vous Jacques, qui n'êtes pas né du tout dans une pâtisserie chocolaterie.
00:22 - Ah non, je suis pas né du tout dans une chocolaterie.
00:25 - Voilà, c'est ça. Et est-ce que vous avez gardé un goût ou une saveur de l'enfance ?
00:30 - Non, des goûts et des saveurs de l'enfance, j'en ai pas.
00:33 - Vous n'en avez pas. - En fait, moi je suis rentré dans ces métiers
00:36 et je me suis créé mes goûts et mes saveurs. Et je me suis créé mon enfance à partir de là.
00:41 - C'est ça ? - Oui.
00:42 - Parce que quand on fabrique des gâteaux et quand on fabrique du chocolat, on se recrée une part d'enfance ?
00:48 - Automatiquement. Soit on la prolonge, soit on se la crée.
00:51 Et on se la crée par la gourmandise, on se la crée par le désir, on se la crée pour soi-même, pour le besoin soi-même.
01:01 - Ça veut dire que quand on a été privé d'amour, de douceur, de gourmandise, de choses jolies quand on était petit,
01:08 et bien on peut se le réinventer plus tard ? - On peut se le réinventer.
01:11 Après, à toi d'en avoir l'envie, à toi d'en avoir la curiosité et à toi de vouloir le découvrir.
01:16 Et surtout de ne pas en avoir peur. - Ah ouais, ça c'est très joli.
01:19 Jade, quand vous étiez petite, votre père, qui s'est d'abord improvisé chef-cuisinier,
01:27 qui s'est improvisé restaurateur et puis qui ensuite s'est improvisé chocolatier, on va raconter votre histoire,
01:32 Jacques, votre père avait dans l'idée de vous faire des anniversaires absolument géniaux.
01:39 Racontez les anniversaires. - Oui, je les ai eus les anniversaires géniaux.
01:43 J'ai tout un tas d'anecdotes que je pourrais raconter. - Mais allez-y !
01:47 - Les plus marquantes. La première, c'est une fois pour mon anniversaire, je voulais faire la maison des fous.
01:54 Et mes parents avaient donc décidé d'accrocher sur tous les murs des peluches et de transformer tous les rideaux en rideaux de bonbons.
02:02 Donc ils avaient passé des semaines à coudre des bonbons entre eux avec des fils de nylon et à les accrocher aux fenêtres.
02:08 Donc ça, c'était génial. J'avais aussi des magnifiques pièces montées.
02:12 Papa achetait des masques de personnages de dessins animés et il les moulait en chocolat.
02:17 Et à partir de ça, il faisait des pièces montées avec tous les personnages qu'on a envie de voir quand on est enfant.
02:22 - C'est ça, tout ce que vous, vous n'aviez pas eu quand vous étiez petit, Jacques, j'imagine.
02:26 - Et surtout tous ses désirs, tout ce qu'il avait envie. C'est ça qui était important.
02:31 Quelque part, je vivais à travers ses désirs et je vivais à travers le monde des enfants que moi, je n'avais pas connu.
02:38 Et ça, c'était extraordinaire. - Alors vous avez deux boutiques, Jacques Genin, qui sont célèbres.
02:43 Vous avez été désigné plusieurs fois meilleur chocolatier de Paris.
02:48 Une rive droite dans le Marais, une rive gauche dans le 6e arrondissement.
02:56 Et puis Jade, vous vous destinez au patinage artistique. Ça ne s'invente pas.
03:01 Vous êtes finalement devenu avocate d'affaires. Et puis non, vous avez fini par ouvrir votre chocolaterie du côté de l'Opéra.
03:08 Je voudrais l'un et l'autre que vous nous décriviez cette matière première, votre chocolat.
03:13 Tous les chocolatiers ne travaillent pas à partir du même chocolat. Jacques, quel est votre chocolat ?
03:19 - Si, justement. En fait, il y a une énorme hypocrisie.
03:24 On travaille tous de toutes les manières sur la même base. On travaille tous sur des fèves.
03:29 Mais les trois quarts d'entre nous, il faut bien le savoir, on ne crée pas nos couvertures.
03:33 Ce qu'on appelle couverture, c'est tout ce qui enrobe un bonbon de chocolat,
03:37 c'est tout ce qui nous permet de faire de la tablette de chocolat, de faire des pâtisseries et je ne sais quoi d'autre.
03:43 - Alors la couverture, Jacques Genin ? - La couverture.
03:46 La couverture, on travaille pour tous les grands pâtissiers aujourd'hui en France,
03:51 utilisent de toute manière que des couvertures qui sont faites à base de criolos ou de trinitarios.
03:58 Très peu de forastero. Le forastero, puisque on le divise en trois,
04:02 le forastero sert principalement, surtout dans la chocolaterie industrielle.
04:09 Donc ça, moi je n'en parlerai pas parce que je ne connais pas bien du tout.
04:13 Mais en contrepartie, l'artisanat, ça c'est plutôt mon domaine.
04:18 Parce que ce qui est important, c'est bien de travailler du chocolat,
04:21 mais travailler du chocolat, si c'est pour avoir juste une force, une puissance, un acide et un amertume, il n'y a pas d'intérêt.
04:29 Le but de goûter un carré de chocolat, un bonbon de chocolat,
04:34 le but c'est d'avoir une douceur, c'est de se sentir bien avec cette douceur.
04:39 C'est d'avoir une harmonie avec ce qu'on a au Palais.
04:46 Et ce qu'on a besoin, c'est des parfums, ce qu'on a besoin de saveurs.
04:51 C'est un peu d'exotisme, mais aussi de la tendresse.
04:57 Et c'est ça qu'on vient chercher dans du chocolat.
04:59 - C'est ce que j'allais dire, il y a beaucoup de tendresse quand on parle.
05:01 - C'est autre chose que ce mot appelé gourmandise, qui ne veut rien dire.
05:08 La gourmandise, pour moi, se définit principalement avec le mot sucre, c'est tout.
05:14 Et dans le sucre, il n'y a rien de spécial.
05:15 - Non, et vous vous y mettez de la tendresse.
05:18 Jade, votre chocolat, allez-y, faites mieux que votre père, vous avez vu ça ?
05:22 - Elle a aussi mis le temps.
05:25 - Je suis contente, je travaille en direct avec un agriculteur.
05:30 C'est assez peu fréquent.
05:32 Généralement, il y a l'agriculteur qui revend ses fèves à un transformateur de fèves.
05:36 Moi, je travaille en direct avec cet agriculteur qui est situé au Honduras.
05:40 On est sur un concept de "tree to bar", je crois qu'il y en a une dizaine dans le monde.
05:43 C'est assez chouette, parce que du coup, on a la possibilité d'adapter le chocolat
05:49 à ses principes et à ce qu'on a envie de transmettre.
05:52 Que ce soit au niveau émotionnel, comme papa l'a dit,
05:55 ou sur des critères un peu plus appréciés.
05:58 Par exemple, moi, je demande de ne pas utiliser le sucre blanc.
06:00 Je n'en utilise pas dans ma production pour des raisons gustatives.
06:03 Le sucre blanc attaque un peu le palais.
06:04 Et également, de ne pas introduire d'arômes.
06:06 Dans beaucoup de chocolats, il y a des arômes de vanille.
06:09 Et je trouve que c'est dommage, parce que moi, je n'en travaille pas, qu'il soit naturel ou non.
06:13 Donc, j'ai demandé aussi ça à l'agriculteur avec qui je travaille en direct.
06:17 Et ce qui permet d'avoir quelque chose de très vrai dans le chocolat qui est proposé.
06:22 Et je suis très contente.
06:22 - Alors, il y a quelque chose qui vous tient à cœur, Jacques Genin.
06:25 Ce sont les gestes de ce métier.
06:28 Et en me plongeant dans ce que c'est qu'une chocolaterie,
06:33 je découvre qu'au fond, tout se fait à la main dans une chocolaterie.
06:37 Et je l'ignorais qu'aujourd'hui, au XXIe siècle, tout se faisait encore à la main.
06:42 - Alors, attention !
06:43 - Attention !
06:44 - Ça dépend lesquels ?
06:44 - Attention !
06:45 - Voilà !
06:46 - Ça dépend lesquels ?
06:46 - Tu as raison.
06:47 - Voilà !
06:47 - Alors, chez les Genins, on travaille à la main.
06:50 Nous sommes encore vraiment des artisans.
06:54 Maintenant, quand vous dépassez un certain tonnage,
07:00 les gens, effectivement, utilisent des machines.
07:03 Ils ont aussi des robots pour que le travail devienne moins pénible,
07:08 pour réduire le nombre d'heures, pour, en fait,
07:13 il faut le dire clairement, gagner beaucoup plus d'argent dessus.
07:15 Mais ils ont oublié, effectivement, la possibilité d'avoir à former d'autres personnes de main.
07:23 - C'est ça !
07:24 Parce que quand on travaille à la main, c'est-à-dire qu'il faut acquérir des gestes,
07:28 il faut perfectionner ces gestes et il faut les transmettre.
07:31 - Et les transmettre.
07:32 Et le plus dur, ce n'est pas de les acquérir, le plus dur, c'est de les transmettre.
07:37 Et moi, j'ai mis des années avant de savoir les transmettre correctement.
07:41 - Oui, je pense que l'une de nos grandes particularités, à moi et à papa,
07:45 c'est que le chef d'atelier, donc moi ou papa, est également le chef et propriétaire de l'entreprise.
07:52 Du coup, l'artisanat reste au milieu de l'affaire.
07:56 Alors que quand on dissocie ces deux postes,
07:58 nécessairement, le chef d'entreprise, il a une visée plus financière,
08:02 enfin, un point de vue plus financier.
08:04 Et du coup, on est plus sur la rentabilité que sur le geste.
08:08 Et d'avoir cette fusion entre les deux métiers, ça fait qu'on travaille assez différemment.
08:12 Et nous, il y a beaucoup d'apprentis qui viennent chez moi ou chez papa
08:16 et qui sont hyper étonnés du peu de matériel qu'on a.
08:20 - C'est ça, du peu de matériel.
08:22 Les laboratoires sont vides, il y a de la matière, il y a des produits,
08:26 et puis il y a des mains qui travaillent.
08:28 - Oui, c'est ça, c'est assez vide quand on voit.
08:30 Donc, on a les fameuses fontaines à chocolat qu'on retrouve chez tous les chocolatiers,
08:34 qui permettent de fondre le chocolat parce qu'on ne va pas le faire à la casserole.
08:38 - En fait, c'est des tempéreuses, ni plus ni moins.
08:41 Mais à part ça, tout est fait à la main et ça transforme complètement le métier.
08:44 - C'est ça, évidemment.
08:46 Et peut-être qu'on peut dire un mot sur la dureté de ces métiers manuels, Jacques Genin ?
08:52 - Mais ces métiers sont très durs.
08:55 D'abord, moi je vois vis-à-vis des gens qui m'entourent,
09:02 d'abord je les appelle mes enfants.
09:04 - Dans l'équipe, vous les appelez vos enfants ?
09:07 - Les personnes qui m'entourent, je leur demande aujourd'hui,
09:11 de travailler 7 à 8 heures par jour et d'avoir une concentration de 7 à 8 heures par jour.
09:18 Dans aucun métier, on vous demande ça.
09:22 Déjà, c'est horrible.
09:24 Sans compter que ça, leur passer la possibilité de connaître un produit,
09:30 de connaître une recette.
09:32 Une recette, ils vont la connaître, mais ils ne la comprendront pas pourquoi elle existe.
09:36 Parce qu'ils auront toujours du mal de comprendre une recette.
09:42 Et tant qu'ils n'auront pas compris le produit, ils n'auront jamais compris la recette.
09:47 C'est pour ça que je donne mes recettes à tout le monde.
09:50 J'ai aucun problème là-dessus.
09:51 - Oui, c'est pas parce qu'on a la recette qu'on l'a comprise.
09:54 Et pourtant, Jade, vous qui avez vu ça dès votre petite enfance,
10:00 c'est-à-dire que oui, ça demande une concentration extrême,
10:03 et pourtant, c'est de la répétition.
10:05 La répétition, c'est toujours le même geste qui revient.
10:08 - Dans tous les métiers, je pense.
10:09 Dans tous les métiers, il y a de la répétition.
10:11 Moi, je dirais que la dureté du métier, c'est pas forcément de la concentration.
10:14 Parce qu'ayant été avocate, je peux vous assurer qu'il y a d'autres métiers où on est super concentré.
10:18 Expliquez ça à votre père.
10:20 - Mais moi, je n'ai pas été.
10:22 - Oui, c'est ça.
10:23 Mais je pense que ce qui n'est pas toujours facile dans ces métiers,
10:25 c'est qu'il y a un investissement dingue,
10:28 qui n'est pas toujours forcément couplé à une bonne rémunération
10:33 ou une bonne reconnaissance.
10:34 Et ça, je pense que ça peut être fatigant.
10:36 - Physiquement.
10:37 - Je pense qu'avoir beaucoup d'investissement, et ça reste des métiers où,
10:41 sauf si on se met à son compte ou qu'on est un peu un chef-star,
10:44 les rémunérations sont quand même relativement modérées.
10:48 Et du coup, la difficulté peut provenir de là aussi.
10:50 - Voilà.
10:51 Il est 9h19, vous écoutez France Inter.
10:54 Jade et Jacques Genin sont mes invités.
10:57 Joyeux Spac' !
10:58 On va parler aussi caramel, on va parler aussi nougat,
11:01 on va parler aussi pâte de fruits, moi qui ai toujours détesté ça,
11:05 je crois que vous allez me réconcilier avec la pâte de fruits, Jacques Genin.
11:08 On va parler aussi petite pyramide,
11:10 et puis on va parler de cette enfance qui se prolonge.
11:13 *Musique*
11:25 *Musique*
11:55 *Musique*
12:05 *Musique*
12:15 *Musique*
12:35 *Musique*
12:55 *Musique*
13:15 *Musique*
13:31 On est sortis du disque.
13:33 Les mamas and papas, mandem, mandem.
13:35 Mais qu'est-ce que j'aime cette chanson.
13:37 *Musique*
13:43 Samedi de Pâques à Paris.
13:45 Beaucoup de parisiens sont partis sur les routes,
13:47 mais il n'y paraît guère.
13:48 Les touristes sont venus prendre leur place.
13:50 Et c'est pour eux que toutes les vitrines sonnent Pâques.
13:53 Œufs en chocolat, accompagnés de cloches, de lapins,
13:57 et de toute une basse-cour au lait, au rhum, aux noisettes.
14:00 Œufs décorés, gravés, incrustés,
14:04 travaillés par des confiseurs qui ont bien du talent, bien de la patience,
14:07 et qui nous exposent à toutes les tentations.
14:10 Un sujet des années 50, oui, dans les archives de l'ORTF.
14:15 Voilà comment on célébrait Pâques à la radio française.
14:18 Jade et Jacques Genin.
14:20 Jade, vous avez une trentaine d'années.
14:22 Vous avez ouvert votre première chocolaterie du côté de l'Opéra, à Paris.
14:27 - Avenue de l'Opéra.
14:28 - Avenue de l'Opéra. Jacques, vous êtes son père.
14:31 - Elle m'appelle papa.
14:32 - Elle vous appelle papa, on l'a bien entendu.
14:35 Deux pâtisseries de chocolaterie, une rive droite, une rive gauche.
14:39 Et je précise pour ceux qui ne sont pas parisiens,
14:41 que vous vendez vos produits en ligne, qu'on peut les acheter.
14:45 On peut goûter un caramel, Jacques Genin, le caramel.
14:49 Le caramel, ou alors le nougat, le marbre de la pâtisserie.
14:53 Pourquoi est-ce que le nougat, c'est le marbre de la pâtisserie ?
14:56 - Ah, ça c'est une jolie question.
15:00 Peut-être par sa dureté.
15:03 Par sa dureté.
15:05 Le travail du nougat est vraiment difficile, c'est vraiment physique.
15:09 Physique, dans la manière dont nous, on le fait.
15:13 Puisque de toutes les manières, on ne le dépeint pas avec un sirop.
15:16 Déjà, on le cuit au décapeur thermique, ce qui est déjà très long.
15:20 Et après, il est coupé à la main.
15:22 Il est coupé à la main et emballé à la main.
15:25 Alors que dans beaucoup d'endroits, c'est des scies circulaires qu'ils le découpent.
15:32 Et puis c'est emballé par des machines.
15:35 Donc, je peux comprendre sa dureté.
15:38 En fait, effectivement, on a peut-être donné aussi cette signification avec le marbre.
15:44 - On en revient au geste et à l'artisanat.
15:48 Jacques Genin, je l'ai dit, vous vous êtes inventé chef cuisinier.
15:53 Puis vous vous êtes inventé chocolatier.
15:56 Qu'est-ce que ça a changé d'abord d'avoir été un cuistot, un cuisinier,
16:00 avant de devenir un pâtissier, avant de devenir un chocolatier ?
16:03 Parce que c'est ça dans cet ordre-là.
16:05 D'abord vous avez cuisiné, ensuite vous avez pâtissé, maintenant vous chocolatez.
16:09 - Exactement, c'est dans cet ordre-là.
16:12 Je suis toujours, au fond de moi, cuisinier.
16:17 Pour moi, je n'ai pas été chocolatier, je n'ai pas été pâtissier, je n'ai pas été confiseur.
16:23 Je suis avant tout quelqu'un qui aime travailler le produit.
16:28 Je ne fais pas la différence entre la cuisine, la pâtisserie, la chocolaterie,
16:32 que ce soit la boucherie, la poissonnerie ou autre.
16:38 Pour moi, c'est les mêmes métiers.
16:39 C'est des métiers de goût, c'est des métiers de sensualité, c'est des métiers de toucher.
16:44 On a besoin de se toucher déjà pour exister.
16:47 Que ce soit dans n'importe lequel, auquel je viens de citer.
16:52 Et ce qui est important pour moi, c'est comment tu ressens ce produit.
16:57 Comment tu le vis, comment tu le...
17:01 Qu'est-ce que tu aimerais qu'il t'amène, toi ?
17:04 Parce que c'est bien de vouloir faire plaisir aux autres,
17:08 mais de vouloir faire plaisir aux autres, c'est d'abord très égoïste.
17:12 On pense d'abord à soi.
17:13 Et moi, je pense chaque fois, j'ai fait des recettes dans ma vie,
17:16 chaque fois, j'ai d'abord pensé à moi, à mon plaisir personnel.
17:21 Et ça, c'était important.
17:23 - Jade, vous qui vous lancez dans le métier de la chocolaterie aujourd'hui,
17:27 vous avez ouvert il y a quelques années,
17:30 mais au fond, qu'est-ce qui a beaucoup changé de génération en génération ?
17:35 On a tous une image de la chocolaterie qui peut rester un peu kitsch.
17:39 - Oui, c'est vrai qu'il y a une modernisation qui s'est faite sur les métiers de la cuisine et de la pâtisserie
17:46 qui ne s'est pas forcément fait en chocolaterie.
17:50 - Peut-être parce que les chocolatiers sont moins médiatisés que les pâtissiers aujourd'hui,
17:53 il y a moins de télé-réalisé, moins de comptes Instagram.
17:56 - Ils sont moins nombreux, et les jeunes s'orientent de manière moins nombreuse également vers la chocolaterie.
18:02 Et aussi, ce qu'il faut savoir, c'est que pour démarrer une chocolaterie,
18:05 il y a un investissement de départ qui est beaucoup plus important
18:07 que si on ouvrait un restaurant et une pâtisserie.
18:09 Ce qui est un frein au démarrage de l'activité,
18:11 et donc aussi aux possibilités de nombre de gens qui s'installent.
18:15 Maintenant, je pense que l'important, ce n'est pas tellement de moderniser le sujet,
18:18 c'est d'y apporter son identité.
18:20 Moi, j'essaye de vraiment apporter mon cœur, mon identité, à qui je suis.
18:29 - Mais parce que par exemple, les cuisiniers qui sont venus à ce micro,
18:32 les pâtissiers qui sont venus à ce micro,
18:34 le disent de génération en génération, il y a moins de gras, il y a moins de sucre peut-être.
18:41 Et dans votre métier, ça donne quoi alors, Jade ?
18:44 - Encore une fois, je pense que ça dépend du chocolatier.
18:47 C'est vrai que je fais attention au sucre, mais ce n'est pas pour des raisons de santé,
18:52 c'est juste pour des raisons gustatives.
18:54 Parce que ce qu'il faut savoir, c'est que le sucre au départ,
18:56 c'est ajouté principalement en chocolaterie pour des raisons de coût.
19:00 Ça fait diminuer le coût, mais ça n'améliore pas forcément le goût.
19:04 Donc si on réfléchit en pur goût, moi j'utilise que des sucres non raffinés,
19:08 type rapatoura, je n'utilise aucun sucre blanc.
19:10 Ça ne veut pas dire que je n'utilise pas de sucre du tout, mais je le prends pour le goût.
19:14 - Jacques, un petit mot sur le caramel.
19:17 - Le caramel ? Pourquoi je me suis mis à faire du caramel ?
19:22 - Voilà, pourquoi vous êtes-vous mis à faire du caramel ?
19:24 - Je ne savais pas faire un caramel, et l'un de mes premiers clients à l'époque,
19:27 qui était le George V, je fournissais le George V,
19:30 me dit un jour, je vais le livrer, il me dit "tu sais faire le caramel ?"
19:33 "Bien sûr, oui, je sais faire le caramel."
19:36 Il me dit "bon, ben écoute, j'en veux 80 kilos pour la fin de la semaine."
19:40 Et là, je me suis retrouvé, oups, je suis arrivé au laboratoire,
19:45 avec à l'époque, j'avais Sophie, qui est devenu mon second par la suite,
19:49 puisque ça fait plus de 20 ans que nous sommes ensemble.
19:52 Je lui dis "Sophie, il faut qu'on fasse du caramel."
19:54 Elle me dit "mais vous en avez déjà fait ?"
19:57 - Si je peux me permettre, ce n'est pas la première fois,
19:59 parce que quand il a ouvert le resto avec ma maman.
20:02 - Oui, quand vous étiez à même avant votre naissance.
20:05 - Un jour, maman arrive et elle fait "c'est bon, j'ai notre première commande,
20:08 on a 100 terrines de foie gras à faire."
20:10 Papa, il n'en avait jamais fait.
20:12 - Il n'avait jamais fait de foie gras.
20:13 - C'est quand même l'histoire d'un homme qui a ouvert un resto
20:15 sans savoir faire une vinaigrette.
20:17 - C'est ça qui est incroyable.
20:19 Mais pourquoi ? Parce que je...
20:22 Vous savez, je me dis, la vie, elle est bien faite.
20:27 Ok, je n'ai pas eu l'enfance que je voulais,
20:30 mais il y a une chose que mes parents ne m'ont jamais cassée,
20:32 c'est la case rêve que j'avais derrière.
20:35 - La case rêve ?
20:36 - Oui, j'ai toujours fait ce que j'ai voulu.
20:38 Et ça, c'était magique.
20:40 Et pour revenir au caramel, j'ai commencé à faire ce caramel.
20:44 Autant vous dire que les premiers, je les ai ratés.
20:47 Soit le caramel était trop cuit, soit il était trop dur.
20:50 Et là, je me suis dit, il faut que tu arrives vraiment à faire des caramels.
20:55 Pas pour Georges, mais en fait, pour prendre une autre clientèle
20:59 qui étaient des personnes âgées qui ne pouvaient pas manger ce caramel.
21:02 Parce que le caramel collait aux dents.
21:04 Je me suis dit, tu vas faire du caramel qui ne collera pas aux dents.
21:08 - Et c'est pas pour Georges V.
21:11 - Il a fini par l'avoir, mais j'ai fini par réaliser ce que je voulais.
21:15 - Mon caramel.
21:16 - Et mon caramel, aucun de mes caramels, et j'en ai plus de 60 sortes, ne collent aux dents.
21:22 - Ne collent aux dents, exactement.
21:23 Jacques Genin, le caramel, le feu sacré du sucre.
21:26 Et Jacques Genin, sa fille, merci à tous les deux.
21:28 - Merci à vous.
21:29 - Et merci pour cette part de rêve. Joyeux Spac à tous.
21:31 - Merci Sonia.

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