Géopôles - Liban : implosion du système multi-confessionnel

  • l’année dernière
Le Liban vit une crise économique et financière sans précédent depuis trois ans, à cela s’est ajouté une crise politique et l’effritement de l’Etat et des institutions. Le mandat du dernier président s’est achevé après les élections législatives qui ont donné une majorité à l’opposition l’année dernière. Le Hezbollah et ses alliés n’admettent pas l’élection d’un président issu du camp adverse qui exigerait leur désarmement. Ils bloquent donc l’élection en provoquant un défaut de quorum (deux tiers des députés présents lors du vote) au Parlement. Quand ils sont dans l’incapacité d’imposer un chrétien qui leur obéit à la tête de l’Etat, ils bloquent les institutions.
Aucune réforme économique n’a été faite, aucune loi n’a été votée et les aides du FMI ne peuvent être accordées sans cela. Le pays et sans président depuis cinq mois et sans vrai gouvernement depuis plus de deux ans. Ceux qui bloquent les institutions n’en ont que faire. Le Hezbollah, en plus de posséder une puissante milice armée, a créé en toute illégalité sa banque (qui échappe à la Banque Centrale), ses institutions, son système de santé… L’effondrement de l’Etat est son but, il veut construire un nouveau Liban à son image.
Richard Haddad reçoit Antony Khoury, avocat franco-libanais et responsable du bureau des Jeunes Forces Libanaises en France (parti politique le plus représentatif des chrétiens du Liban), ainsi que Marc Mercoss, étudiant libanais en droit à la Sorbonne et coordinateur des oppositions libanaises. Hommes de terrain et militants politiques, leur éclairage sur la situation politique libanaise est précieux et nous éclaire sur la faillite du modèle multi-confessionnel et multi-culturel dont on nous vante les mérites en France avant de nous l’imposer.

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Transcription
00:00 [Générique]
00:25 Bonjour, bienvenue à Géopole. Nous allons traiter aujourd'hui du Liban, le Liban qui traverse une crise économique et financière
00:32 sans précédent depuis presque trois ans maintenant et surtout qui est sans président depuis plusieurs mois
00:38 et sans pratiquement État. L'État est complètement défaillant dans ce pays et pour cela je reçois Anthony Kouri.
00:45 Bonjour Anthony, vous êtes avocat franco-libanais, vous êtes responsable du bureau des jeunes forces libanaises à Paris.
00:59 Marc Murcos, vous êtes étudiant franco-libanais en droit à Paris et vous êtes coordinateur un peu de l'opposition,
01:09 vous êtes un des représentants de l'opposition libanaise. – Et studentine surtout. – Et studentine surtout,
01:16 oui parce que vous êtes étudiant. Vous êtes à Paris en ce moment mais vous êtes un peu entre les deux aussi
01:20 et vous coordonnez un peu les jeunes de l'opposition. Alors on appelle ça l'opposition mais en réalité l'opposition est devenue majoritaire.
01:28 On l'appelle toujours opposition parce qu'au Parlement elle est majoritaire. – Exactement.
01:33 – Mais il n'y a pas de président et le pouvoir et un gouvernement intérimaire, démissionnaire qui est en place et qui ne peut rien faire.
01:41 En fait le pays est gelé. – C'est ça. – Donc vous vous considérez toujours dans l'opposition tant que vous n'avez pas de gouvernement qui vous représente.
01:50 C'est bien ça. – Exactement, surtout qu'aujourd'hui les institutions de l'État sont anéanties par la présence d'une milice armée,
01:57 d'un cartel de drogue qui est le Hezbollah, qui en gros a englouti l'État libanais et l'a fait disparaître.
02:05 Aujourd'hui nous sommes dans l'opposition parce que la majorité qui gouverne, qui tient les rênes de l'État,
02:13 est une majorité qu'on appelle du Ouimars, donc de cette coalition de partis politiques qui sont dans l'axe de Bachar el-Assad,
02:22 dans l'axe de l'Iran et qui ont qu'un seul but, appliquer l'agenda de cet axe géopolitique au Liban.
02:30 Ils n'ont pas pour fil de route l'intérêt du Liban et du Libanais.
02:34 – Oui, alors rappelons aux téléspectateurs un peu le contexte.
02:37 Vous dites "ceux qui gouvernent", en réalité ils gouvernent illégalement puisque le gouvernement est démissionnaire depuis un certain temps.
02:45 Le parlement a changé de majorité mais tout est gelé parce que, sans entrer dans les détails,
02:51 il est encombré des téléspectateurs.
02:53 Pour élire un nouveau président, l'ancien président a quitté le palais présidentiel parce que son mandat s'est terminé.
03:00 Et pour élire un nouveau président, c'est le parlement qui est chargé de l'élire.
03:03 Je rappelle juste aux téléspectateurs la situation.
03:07 Une partie des députés qui sont devenus minoritaires quittent le parlement,
03:15 ne fait en sorte qu'ils n'assurent plus le quorum parce qu'ils savent qu'ils ne vont pas élire quelqu'un de chez eux.
03:21 Et donc ils font en sorte de torpiller, si on peut dire, l'élection.
03:25 Donc ça continue comme ça sans président.
03:27 Le gouvernement, comme je l'ai dit, est démissionnaire mais il gère les affaires courantes.
03:30 En bref, mais je rappelle aussi aux téléspectateurs ce que sont les forces libanaises.
03:34 J'ai dit que vous étiez responsable du bureau des jeunes forces libanaises.
03:37 Donc, rapidement, vous pouvez peut-être les présenter.
03:40 En gros, c'est un parti qui est né au sein de la cause libanaise.
03:48 En gros, je dis "cause libanaise" parce que, lors de la guerre civile, l'OLP a voulu du Liban comme un territoire de remplacement.
03:56 – L'OLP, c'était l'Organisation de la Libération de la Palestine de Yasser Arafat.
03:59 – Exactement. Ils ont voulu du Liban comme territoire de remplacement.
04:03 Là, nous avons eu le président martyr Bachir Jemael et sûrement les partis chrétiens
04:11 qui ont levé la voix, qui ont résisté et qui ont refusé de céder ce lègue qu'est le Liban.
04:19 Parce que le Liban, avant qu'il soit un État, c'est en gros un pays millénaire.
04:24 C'est un héritage que l'on nous a légué.
04:27 Et il était de notre devoir, comme du devoir de nos parents, qui ont résisté de le protéger.
04:34 – Donc, en quelque sorte, pour être plus direct, les forces libanaises, d'abord c'est un parti chrétien.
04:39 – C'est un parti chrétien.
04:40 – Et c'est le parti majoritaire aujourd'hui chez les chrétiens.
04:42 – Aujourd'hui, parti majoritaire chez les chrétiens et même plus.
04:45 Nous sommes aujourd'hui un parti…
04:47 – Le plus grand groupe au Parlement.
04:48 – Exactement, avec nos alliés.
04:50 – Avec vos alliés.
04:50 – Avec nos alliés.
04:51 – C'est aussi, disons-le aux téléspectateurs qui ne te connaissent pas forcément,
04:55 les forces libanaises à l'origine c'était le bras armé pendant la guerre civile.
05:00 – Des gataheb.
05:01 – Des phalanges d'Ibanès et leurs alliés d'ailleurs, parce que c'était le PNL etc.
05:04 et qui est devenu un parti politique à la fin de la guerre civile.
05:07 – C'est ça.
05:08 – Donc Marc Mercos vous représentez cette opposition.
05:12 Quelles sont vos démarches ?
05:16 Comment pouvez-vous résister un peu à ce qui se passe ?
05:19 Quelle est votre marge de manœuvre ?
05:22 – Alors déjà avant tout j'interviens pour dire deux choses.
05:25 La première c'est que je ne suis que Libanais, je ne suis pas Français.
05:27 – Ah pardon, d'accord.
05:28 – Non, non, il n'y a pas de souci.
05:30 Ensuite, je pense qu'il est compliqué avant tout de parler d'une seule opposition au Liban.
05:34 L'opposition aujourd'hui est plurielle.
05:37 Ce n'est pas une équipe homogène qui a la même vision des choses,
05:40 pas le même projet et qui ne voit pas le combat
05:44 contre ceux qui sont aujourd'hui au gouvernement de la même manière.
05:47 Il y a ceux qui envisagent l'opposition comme un combat
05:51 contre tous ceux qui ont fait de la politique depuis les années 90.
05:54 – Oui, la politique du "tous pourris".
05:56 – Exactement.
05:57 Alors que d'autres pensent l'opposition comme une construction pragmatique
06:02 qui devrait s'opposer aujourd'hui aux politiques en cours.
06:05 Je dirais que je fais partie de cette deuxième opposition
06:09 qui accepte les partis qui, pour plusieurs années,
06:13 ont participé au gouvernement et qui, aujourd'hui,
06:16 se retrouvent dans l'opposition parlementaire.
06:19 Il est important de dire également que toutes ces oppositions
06:21 se regroupent sur certains points.
06:23 Et c'est arrivé par l'initiative des députés,
06:27 des différents députés des partis politiques
06:29 mais également des députés indépendants,
06:31 qui se sont réunis sur deux questions qui sont essentielles
06:34 et très importantes pour nous aujourd'hui dans l'opposition libanaise,
06:36 la grande opposition libanaise.
06:38 Dans cette grande opposition, les deux points qui ont été des points repères
06:41 sont premièrement l'investigation dans l'explosion du port de Beyrouth
06:44 et ensuite l'élection d'un président de la République.
06:47 – Alors, pardon, je vous coupe parce qu'il faut aussi expliquer au téléspectateur
06:51 que suite à l'explosion du port de Beyrouth,
06:53 plus grande explosion non nucléaire au monde.
06:56 Et donc, l'enquête est totalement gelée, sous pression,
07:00 on va résumer sans rentrer dans les détails.
07:02 En gros, il y a un juge d'instruction qui est nommé
07:06 et l'enquête est gelée parce que le Hezbollah et ses alliés
07:10 font des pressions et font des recours pour l'empêcher de mener son enquête.
07:13 – Imaginez-vous, M. Haddad, que ce juge d'instruction
07:16 a été menacé au sein du palais de justice, au sein du temple de la justice
07:21 par le chef des services secrets du Hezbollah, Wafi Safa,
07:25 qu'il a menacé, mais clairement, de mort en gros.
07:31 Voilà, c'est passé et depuis, comme vous le dites, l'enquête est gelée.
07:36 – Tout est gelé.
07:38 Peut-on dire que si quelqu'un fait en sorte que l'enquête soit gelée,
07:40 c'est qu'il y est pour quelque chose ?
07:42 – Exactement.
07:43 – Voilà, je dis ça parce qu'il y a eu des enquêtes de journalistes européens,
07:47 notamment allemands, qui, toutes leurs enquêtes,
07:51 mènent vers le Hezbollah sur l'affaire du port de Beyrouth.
07:54 – Mais vous savez, au Liban, le système juridique est très similaire
07:57 à celui de la France.
07:58 Nous avons le principe, en droit pénal, de présomption d'innocence.
08:02 En gros, nous n'avions jamais pointé du doigt le Hezbollah
08:05 avant qu'il ne s'autodéclare coupable en traçant des lignes rouges
08:10 qu'on ne devrait pas enfreindre, et voilà,
08:14 quand il s'agissait d'enquêter avec les hauts fonctionnaires
08:17 qui étaient partisans au mouvement Hamal ou Hezbollah,
08:20 donc le duo chiite au Liban.
08:23 – Pour revenir sur votre question, juste avant,
08:25 je voudrais dire que c'est peut-être un peu précoce
08:28 de désigner quelqu'un du doigt dans cette affaire,
08:30 mais ce qui est sûr, c'est que si on intervient dans l'investigation,
08:33 c'est qu'on a quelque chose à se reprocher.
08:35 – Exactement.
08:36 Je ne sais pas à quel stade,
08:37 je ne sais pas comment répartir la responsabilité sur cette question-là,
08:41 parce qu'il ne faut pas oublier que les gouvernements et les talibanais
08:43 sont grandement responsables de ce qui est arrivé.
08:45 Cette "marchandise" qui était dans le port de Beyrouth,
08:49 elle n'est pas arrivée comme ça,
08:50 et même si je suis de ceux qui croient que le Hezbollah,
08:54 celui qui prétend savoir tout ce qui se passe dans le port de Haïfa,
08:57 ne peut pas ne pas savoir ce qui se passe dans le port de Beyrouth,
09:00 je ne sais pas comment et de quelle manière je peux dire qu'il est responsable,
09:03 mais je sais, comme tous nos amis de l'opposition,
09:08 qu'il a certainement un rôle à jouer dans cette explosion.
09:10 – En tout cas oui, le gouvernement, évidemment qu'il a une responsabilité
09:13 parce qu'il est chargé de la sécurité du pays et du port.
09:15 – Tout à fait.
09:16 – Mais rappelons quand même que le gouvernement était sous la coupe du Hezbollah.
09:19 – Mais oui.
09:20 – Même si officiellement non, ce sont des gouvernements au Liban
09:25 dans lesquels se retrouve pratiquement tout le monde,
09:27 de toutes sortes d'alliances,
09:29 c'est comme si en France on faisait un gouvernement
09:31 qui va de l'extrême gauche à l'extrême droite.
09:33 – C'est ça, c'est l'Union Nationale.
09:34 – C'est l'Union Nationale, mais en réalité dans ce gouvernement,
09:36 aucun ministre ne s'entend avec son collègue.
09:40 Mais sous cette image d'Union Nationale,
09:44 en réalité ceux qui tirent les ficelles c'est le Hezbollah, vous êtes bien d'accord.
09:47 – Certainement parce que lorsque le gouvernement,
09:49 le Conseil des ministres se réunit dans une chambre
09:51 et que derrière lorsqu'on traverse la rue,
09:54 on se situe, on se trouve dans un environnement où il y a un homme
09:59 par sa milice, par le fait de la force armée qu'il détient,
10:02 par le pouvoir de la contrainte qu'il a entre les mains,
10:05 gouverne le pays,
10:06 je ne sais pas si on peut parler de gouvernement au Liban,
10:08 je pense que le gouvernement n'est qu'une image.
10:11 Vous m'aviez demandé comment s'opposer, comment combattre ?
10:16 Quelles sont vos solutions, quelles solutions vous proposer
10:21 et quelles méthodes pour essayer de vous imposer ?
10:25 Vous êtes majoritaire au Parlement,
10:27 il y a l'opposition un peu divisée tout de même,
10:29 mais même si elle était majoritaire,
10:32 comment faire face à une milice armée qui vous dit,
10:35 en gros pour être direct,
10:37 si vous ne faites pas comme je veux, que vous soyez majoritaire ou pas,
10:40 moi je m'impose par les armes.
10:41 Quelles sont vos méthodes ?
10:42 Et puis premièrement et deuxièmement, pour faire quoi ?
10:46 Là je parle pour moi, pour ceux qui croient comme moi
10:50 que ce sont plusieurs étapes qu'il faut suivre successivement,
10:53 ce n'est peut-être pas l'avis de toute l'opposition.
10:55 Mais je pense que les choses commencent
10:57 par mettre toutes les cartes sur la table dans cette grande opposition
11:01 et de se demander qu'est-ce qui fait que cette opposition peut travailler ensemble.
11:06 Premièrement, je pense, préliminairement,
11:08 c'est la question des armes du Hezbollah, c'est la question de la milice.
11:11 Parce que nous pensons que, en tout cas je pense moi comme beaucoup,
11:15 que toutes les crises que connaît le Liban sont intrinsèquement liées
11:18 à cette question-là.
11:19 Et cette question, avant qu'elle ne soit résolue,
11:22 je ne pense pas que nous pourrons toucher à aucune des autres crises
11:26 que le Liban connaît aujourd'hui.
11:27 Ça va de soi.
11:29 Parce que l'État c'est trois composantes.
11:32 C'est certes un territoire, oui, un peuple, oui, une population.
11:36 Mais c'est surtout et aussi le monopole du pouvoir de la contrainte
11:39 que l'État libanais n'a pas aujourd'hui.
11:41 C'est-à-dire le monopole de la force armée.
11:43 L'État libanais n'a pas la décision stratégique.
11:45 Il ne fait pas lui-même sa politique étrangère.
11:49 Je pense que c'est très…
11:50 Il est encore très tôt de parler de quel système nous voulons pour le Liban
11:54 dans l'opposition, de quel mode de gouvernement,
11:56 quelle administration, etc.
11:57 Je pense que c'est trop tôt d'en parler.
12:00 Donc, premièrement, il faut mettre la question de la milice sur la table,
12:04 en discuter franchement.
12:06 – Alors, discuter, je veux bien parce que ça fait 20 ans que j'entends discuter de ça.
12:09 Et puis on voit que…
12:11 J'ai l'impression qu'il y a des gens qui discutent, qui bavardent.
12:14 Et puis, en face, c'est la force tranquille, qui s'en fiche royalement.
12:17 – Pratiquement, ça passe par deux points clés.
12:20 Premièrement, l'élection d'un président de l'opposition,
12:23 qui représente ce que souhaite l'opposition par rapport à la milice.
12:27 J'entends surtout, et c'est le deuxième point,
12:30 l'application et le respect des décisions du Conseil de sécurité de l'ONU.
12:36 J'entends bien sûr la décision numéro 17-01, qui englobe les autres,
12:40 c'est-à-dire 16-80, 15-59.
12:43 – C'est-à-dire pour les téléspectateurs, si on peut les expliquer,
12:45 le désarmement de… – Le rétablissement de la société.
12:49 – Je vais vous un peu pousser à bout.
12:51 J'entends tout ça, mais comment… – Je peux vous dire.
12:54 – Voilà, c'est à vous que je m'adresse, parce que, pour ce Libanaise,
12:56 vous êtes un parti puissant.
12:58 Comment, parce que je veux bien, parce que les résolutions de l'ONU,
13:01 tout ça, tout le monde s'en fiche.
13:02 Comment vous faites concrètement ?
13:05 – Concrètement, les armes du Hezbollah et l'affaire en général de cette milice
13:11 se réglera à l'étranger, à notre avis.
13:13 Ce n'est pas une affaire interne.
13:15 En gros, aujourd'hui, ce qu'on devrait faire, en tant que jeune Libanais,
13:19 c'est peut-être de faire bouger les choses en France,
13:22 parce que nous remarquons aujourd'hui qu'il y a une sorte de consensus international
13:29 à ce que la France détienne le dossier libanais et gère le dossier libanais.
13:35 Aujourd'hui, l'administration Macron est en train de foirer le tout.
13:39 Je suis désolé.
13:40 – Non, non, ne soyez pas désolés, on sait qu'Emmanuel Macron et le Quai d'Orsay
13:43 ont une politique de conciliation avec l'Iran et le Hezbollah.
13:47 – Exactement, ils tendent la main au Hezbollah,
13:49 mais les Libanais sont vraiment déçus et choqués de ces agissements.
13:54 Le président Macron est arrivé au lendemain de l'explosion,
13:57 et nous en sommes reconnaissants, il est arrivé en grand frère,
14:00 il a pris dans les bras les Libanais qui étaient meurtris dans les rues de Beyrouth,
14:05 mais au moment où il a pris la parole, il a commencé à nous parler de solutions
14:09 à travers un gouvernement d'union nationale,
14:12 ce qui était en gros le problème jusqu'à ce jour.
14:16 Il a accueilli tous les politiciens libanais, bon il s'est bien justifié,
14:21 c'était les élus du peuple, c'est vrai, à l'époque,
14:24 mais l'idée c'est qu'aujourd'hui, on entend dans les coulisses
14:29 que l'administration Macron essaye de tout faire pour renforcer le Hezbollah,
14:34 essayer de reproduire une tutelle syrienne à l'iranienne cette fois-ci,
14:39 et en gros, je ne comprends pas, il veut détruire le Liban,
14:43 mais ce que les téléspectateurs peut-être ne savent pas…
14:45 – Non, il veut faire du en même temps, il veut faire du en même temps.
14:48 – C'est ça, du en même temps, on règle nos problèmes avec l'Iran
14:51 en lui offrant le Liban, mais c'est aberrant,
14:55 parce qu'aujourd'hui, l'effondrement du Liban est un danger pour la France,
15:01 pour l'Europe et la société internationale.
15:04 – Mais vous dites que c'est normal, c'est les élus du peuple,
15:07 il les a rencontrés lors de son voyage au Liban,
15:11 mais vous savez, il rencontre plus facilement les élus du Hezbollah
15:15 que certains élus français qu'il refuse de recevoir
15:19 sous prétexte qu'ils sont extrémistes,
15:21 donc l'extrémisme avec lui c'est à géométrie variable.
15:24 – Si vous le permettez monsieur,
15:26 je pense que ce qu'Anthony essayait de dire surtout,
15:29 c'est que la question ne se résout pas à l'étranger,
15:32 elle se résout avec l'étranger.
15:33 Le problème étant que…
15:34 – Je vais vous dire, je vais vous poser une autre question.
15:36 – Le Hezbollah aujourd'hui est un phénomène
15:37 qui n'est pas un phénomène libanais, c'est un phénomène international,
15:40 c'est un phénomène qui existe, et je dis bien phénomène
15:42 parce qu'il a différents visages, ce n'est pas seulement une milice,
15:45 ce n'est pas seulement un parti politique,
15:47 ce n'est pas seulement une organisation,
15:48 ce n'est pas seulement un cartel comme Anthony l'a décrit,
15:51 c'est toutes ces choses à la fois.
15:52 Ce phénomène existe au Liban oui, mais il existe aussi en Syrie,
15:55 il existe en Irak, il existe au Yémen,
15:57 bien évidemment en Iran à travers…
16:00 – Tous les pays que vous avez cités,
16:01 ce sont des pays où il y a des conflits de gastille.
16:04 – Voilà, mais également, il existe sous différentes formes en Europe,
16:08 en Afrique, dans le continent asiatique.
16:10 – Oui, sous une forme mafieuse.
16:11 – Exactement, donc ce phénomène touche tout le monde,
16:14 il ne touche pas à nous seulement,
16:16 oui il nous touche d'une manière particulière
16:18 parce que le Liban ce n'est pas la Syrie, ce n'est pas l'Irak,
16:21 ce n'est pas le Yémen, si les gens ne savent pas,
16:23 le Liban c'est un phare de liberté dans cette région du monde,
16:26 et on espère et nous croyons fermement
16:29 qu'il le restera pour des milliers d'années à venir,
16:32 ça nous touche beaucoup, ça nous fait beaucoup de mal,
16:34 ça fait beaucoup de mal au vivre ensemble,
16:37 le vivre ensemble libanais qui a été tellement convoité,
16:41 tellement admiré.
16:42 – Oui mais est-ce que ce n'est pas une utopie ?
16:44 Parce que le vivre ensemble libanais,
16:46 tout le monde en fait les éloges mais en fait il n'a jamais marché.
16:48 – Malheureusement on la pratique le moins.
16:50 – Politiquement il n'a jamais marché,
16:51 mais on peut dire que socialement quand même on s'aimait bien.
16:54 – Enfin vous vous aimez tellement bien
16:56 que vous vous êtes entretués pendant des dizaines d'années.
16:58 – Exactement parce que c'est là où la politique est entrée,
17:00 l'idée c'est que le Liban a été un choix chrétien,
17:03 les musulmans ont accepté de s'allier à ce choix
17:09 et de réitérer cette idée, ce pacte national,
17:12 et de ne pas se fondre dans l'empire arabe qui allait naître.
17:16 – Absolument oui, vous avez raison,
17:18 c'est une idée chrétienne le Liban,
17:21 auquel les musulmans se sont ralliés plus tard,
17:24 un peu malgré eux, un peu du bout des doigts,
17:27 et donc bref ça ne s'en a pas…
17:28 Mais je reviens sur cette affaire de l'Hezbollah,
17:31 parce qu'il nous reste quelques minutes
17:32 avant que la première partie ne se termine,
17:34 et pardon je vous pousse un peu…
17:37 – Sur la question du commandant en réligie.
17:39 – Parce que je veux bien, c'est vrai que c'est une organisation,
17:42 en fait c'est une organisation iranienne en réalité l'Hezbollah,
17:44 c'est l'antenne de l'Iran, de l'intégrisme musulman-chiite,
17:48 donc de l'Iran, des Mollahs, donc ça c'est vrai,
17:53 mais enfin vous savez on dit "aide-toi Dieu t'aidera",
17:57 à l'international vous avez bien fait de citer la politique d'Emmanuel Macron
18:02 qui ne pousse pas vers le désarmement du Hezbollah,
18:06 pour le reste c'est un peu pareil,
18:09 mais d'ailleurs même si des pays, des puissances internationales
18:14 voudraient désarmer le Hezbollah, on ne le désarme pas d'un claquement de doigts,
18:18 donc moi je vais vous poser la question directement,
18:21 face à une… vous appelez ça milice mais c'est presque une armée,
18:25 ils sont extrêmement bien équipés, ils sont nombreux,
18:28 alors ils se sont affaiblis parce qu'ils ont fait la guerre en Syrie, au Yémen etc,
18:30 ils ont perdu beaucoup de combattants,
18:33 est-ce que vous pensez que cela est possible,
18:36 même avec ou sans la volonté de puissance internationale,
18:40 est-ce que c'est possible sans l'affrontement de la population libanaise,
18:45 je veux dire la population libanaise, de l'opposition libanaise,
18:47 l'affrontement physique, c'est-à-dire qu'on a vu il y a presque un an et demi maintenant,
18:51 une grande manifestation de provocation du Hezbollah dans les quartiers chrétiens
18:55 où ils sont arrivés scandant des slogans hostiles etc,
18:58 et ça a fini en affrontement armé,
19:00 ça s'est arrêté au bout de 24 heures, mais voilà.
19:04 – C'est anecdotique parce que le Hezbollah dont on parle,
19:07 là il est dans le monde entier, au Yémen, en Bulgarie, au Venezuela,
19:14 mais ce petit quartier chrétien de Beyrouth, il n'a pas pu y accéder,
19:19 donc c'est drôle, pour comprendre un peu comment fonctionne le Liban…
19:23 – Ils se sont fait tirer dessus pour dire…
19:24 – Par les habitants, parce qu'ils ont attaqué en gros…
19:29 – Ça c'est le discours officiel par les habitants,
19:31 en réalité il y avait des tireurs d'élite qui l'ont tiré dessus tout de même,
19:36 on ne sait pas qui, on ne va pas, bien sûr, on n'allait pas me dire qui c'est,
19:39 mais en tout cas, moi je veux, on peut qualifier ça d'une sorte de résistance chrétienne,
19:44 ce n'est pas l'habitant moyen qui a tiré un fusil d'assaut à 1 km…
19:47 – Mais parce que ces habitants, en gros, ils sont sortis d'une guerre civile
19:50 et ils sont bien entraînés.
19:51 – Oui, il y a beaucoup d'armes au Liban,
19:52 mais en tout cas la résultante c'est que le Hezbollah,
19:55 c'était un message, tout ça est codé au Liban,
19:57 c'est que les uns testent les autres et donc le test…
20:00 – C'était une manifestation, au fait, pour…
20:02 – Contre le juge d'instruction.
20:04 – Le juge d'instruction pour le port de Beyrouth.
20:06 – Mais juste pour répondre à votre question, en gros,
20:10 je peux vous passer l'exemple des forces libanaises.
20:13 Les forces libanaises étaient une armée qui a été désarmée du jour au lendemain.
20:18 – De force.
20:19 – Et je pense qu'à l'époque on avait des armes qui pourraient concurrencer…
20:25 – Oui c'était une armée aussi, les forces libanaises,
20:28 sauf que les forces libanaises, c'est toujours comme ça,
20:31 c'est-à-dire que les forces libanaises, elles ont été désarmées,
20:36 c'était en 1991, la Syrie avait mis la main sur le Liban,
20:39 elles ont été désarmées.
20:40 Là personne ne met la main,
20:41 il n'y a pas de puissance étrangère qui va désarmer le Hezbollah.
20:44 Je reviens sur ma question, est-ce que vous pensez que…
20:46 parce que moi je trouve que, pour dire les choses franchement,
20:48 je trouve que l'opposition, la population libanaise opposée au Hezbollah,
20:52 elle est majoritaire, elle est nombreuse, on le sait,
20:55 ça se voit de par les élections, quand on y va, etc.
20:58 Mais elle est passive, c'est-à-dire qu'elle râle beaucoup,
21:00 elle pense… je me demande s'il n'est pas utopique,
21:03 c'est-à-dire qu'elle pense que les choses vont s'arranger,
21:05 face à quelqu'un d'armée, pour désarmer quelqu'un, il faut une arme.
21:10 – Moi je pense que oui, pour répondre à la question initiale.
21:12 Moi je pense que oui, il y a peut-être un mode alternatif,
21:16 pour être franc, je pense qu'il y a aujourd'hui deux solutions pour le Liban.
21:20 Ce ne sont pas les solutions que je propose moi,
21:21 ce sont celles que je tire de la réalité des choses.
21:24 La première, c'est la plus facile, c'est l'affrontement.
21:26 L'affrontement a eu lieu pendant des siècles et des siècles,
21:30 entre les minorités de la région, entre les groupes politiques,
21:33 entre les communautés, qu'elles soient religieuses ou non.
21:36 Et l'autre route, l'autre chemin qu'on peut prendre,
21:39 qui est un peu plus compliqué, c'est celui de se demander
21:42 et de se poser la question de comment rétablir l'équilibre de force au Liban.
21:46 Aujourd'hui, le Hezbollah, à l'opposé de tous les autres,
21:50 est en train de créer une sorte d'autonomie dans ces régions,
21:55 pour sa propre communauté, pour ses partisans, etc.
21:58 – L'État dans l'État. – Voilà.
21:59 – Qui a pas de l'outil l'État.
22:00 – Qui fait que ces gens-là n'ont plus besoin de l'État.
22:02 Ils n'ont pas besoin de l'État-providence,
22:04 ils n'ont pas besoin du service public,
22:05 ils n'ont même pas besoin de la présence de l'État.
22:07 L'État n'existe pas pour eux et ils n'en ont pas besoin.
22:09 – C'est le Hezbollah leur État.
22:10 – À la différence de tout le reste des Libanais.
22:12 Les Libanais sont dépendants de l'État.
22:13 Preuve en est, nous voilà, nous sommes en France tous les deux,
22:16 c'est le cas de beaucoup de jeunes Libanais,
22:18 la tranche d'âge qui regroupe les jeunes qui sont diplômés
22:23 après le baccalauréat ou après leur licence d'université,
22:26 cette tranche d'âge jusqu'à 30-32 ans
22:29 sont pour la majorité d'entre eux à l'étranger.
22:30 Et ce n'est pas seulement le cas des chrétiens,
22:31 c'est le cas des sunnites, des druses, des chiites même,
22:34 qui ne sont pas forcément affiliés au Hezbollah, et des chrétiens.
22:37 Ce qui fait qu'aujourd'hui l'équilibre de forces
22:39 est non seulement rompu militairement
22:41 parce que les talibanais n'ont pas ni les moyens politiques,
22:45 ni la volonté en politique de s'opposer au Hezbollah militairement,
22:48 ni les autres communautés, groupes politiques, partis, etc.
22:51 n'ont les moyens de s'opposer à lui.
22:53 Et je ne sais pas si c'est une solution durable et viable
22:56 de s'opposer militairement,
22:58 mais aussi sur tous les plans sociaux, économiques, financiers, etc.
23:02 Le Hezbollah aujourd'hui a sa propre banque centrale,
23:05 il a ses institutions, ses hôpitaux, ses écoles, ses universités,
23:10 c'est une entité qui n'a pas besoin de l'État,
23:12 elle est indépendante, autonome,
23:14 elle existe avec ou sans l'État libéen.
23:16 Et là j'en arrive à l'autre solution qu'on pourrait proposer.
23:20 L'autre solution c'est de rétablir cet équilibre de forces.
23:23 On ne le rétablit pas seulement militairement.
23:26 Et je ne sais pas si c'est possible de le rétablir militairement.
23:28 Encore une fois le Hezbollah c'est une situation,
23:31 un phénomène international, ce n'est pas un phénomène libanais.
23:33 C'est un phénomène qui est appuyé par un axe
23:35 qui est beaucoup plus puissant,
23:36 je pense, que les petites minorités de la région
23:38 qui sont au Liban aujourd'hui et qui se battent pour leur liberté.
23:41 Néanmoins, du côté des institutions, du côté de l'État,
23:45 je pense qu'on peut remettre les institutions sur pied.
23:48 Je ne parle pas seulement de l'État libanais.
23:49 – Oui mais elles seront sur pied que dans les régions
23:51 non tenues par le Hezbollah.
23:52 – Exactement, mais le seul fait que l'État puisse exister de nouveau,
23:57 ça fait que ces gens-là ont les moyens de subsister
23:59 et de survivre sur le sol libanais.
24:01 Parce qu'aujourd'hui c'est une politique de "Qui a le plus long souffle ?"
24:04 Évidemment c'est le Hezbollah,
24:06 évidemment ce sont les militants et les partisans du Hezbollah
24:09 parce que ces gens-là n'ont pas besoin de l'État,
24:11 alors que les autres Libanais en ont besoin.
24:12 Lorsque l'État est absent, ces gens-là vont à l'étranger.
24:16 Et je pense que là, nous jouons un rôle qui est important,
24:19 en tant qu'opposition, avec S,
24:21 et dans la grande famille de l'opposition.
24:24 Ce rôle, aujourd'hui, et c'est pour ça que je disais
24:26 "élire un président et appliquer les décisions",
24:29 ça n'arrive pas comme ça d'un jour au lendemain, c'est vrai.
24:31 Du jour au lendemain, ça ne va pas arriver.
24:32 Ce n'est pas Emmanuel Macron ou autre
24:35 qui viendra trouver une solution durable pour le Liban.
24:38 Mais ce qui est sûr, c'est lorsqu'on commence à se battre
24:40 pour les institutions et dans les institutions,
24:42 pour les reprendre du Hezbollah,
24:43 je pense que ce serait le seul chemin qu'on puisse prendre,
24:48 mis à part l'opposition physique, armée, violente.
24:52 – Oui, oui, j'entends ce que vous dites.
24:53 Alors, ce que vous dites, mais on va en parler dans la deuxième partie,
24:56 parce que je compte vous poser des questions là-dessus,
24:58 ça mène vers une partition.
24:59 Parce qu'il y aura un État, admettons que vous élirez un président
25:04 et qu'il restaure un peu les institutions,
25:06 eh bien, il y aura, comme ça a toujours été,
25:08 d'ailleurs depuis quelques décennies,
25:10 il y aura l'État plus fort qu'avant, réel, souverain,
25:17 dans les régions non-Hezbollah, non tenues par le Hezbollah,
25:20 et il y aura le Hezbollah qui fera ce qu'il veut dans ces régions.
25:23 Et là, ça mène vers, mais on va en parler,
25:26 parce que la première partie s'est terminée.
25:28 Ça mène vers une partition qui est peut-être de fait,
25:32 qui existe de fait, mais sauf que personne ne veut l'admettre.
25:34 – C'est ça.
25:36 – Mais on va en parler dans la deuxième partie.
25:37 – Parce qu'elle est fraîche.
25:38 – Oui, on va développer ça dans la deuxième partie.
25:40 Voilà, on fait une petite pause et on reprend dans quelques minutes.
25:43 [Musique]
25:47 Voilà, nous voilà dans la deuxième partie de l'émission,
25:49 et on va parler maintenant,
25:51 donc on a évoqué le problème du Hezbollah,
25:53 qui est presque insoluble,
25:54 mais qui nous mène, votre solution, à vous, je l'entends,
26:00 nous fait penser à une division du pays,
26:04 qui est de fait, qui est existante,
26:07 qu'on voit, elle n'est pas officielle,
26:08 mais quand on va au Liban, on voit bien,
26:10 d'une région à l'autre, les différences.
26:13 On voit bien culturellement que c'est très différent,
26:17 le mode de vie est différent, l'architecture est différente,
26:20 enfin bref, tout est très…
26:21 Et puis on voit bien que, donc il y a une milice qui fait régner
26:25 sa doctrine, ses méthodes sur certaines régions,
26:30 et il y a d'autres régions qui fonctionnent différemment.
26:32 Mais pour l'anecdote, je dis juste aux téléspectateurs,
26:34 ça a atteint son summum ces derniers jours,
26:37 puisque le gouvernement démissionnaire,
26:41 qui normalement n'a pas le pouvoir de faire ça,
26:43 mais il l'a fait, a décidé de ne pas appliquer le changement d'heure.
26:47 – Le président du conseil des ministres, tout seul,
26:49 donc sans concertation.
26:50 – Voilà, qui est musulman sunnite,
26:52 parce qu'au Liban, le président de la République est chrétien,
26:54 le premier ministre est musulman sunnite,
26:55 et le président du Parlement est musulman chiite.
26:58 Donc, il décide de ne pas appliquer le changement d'heure
27:02 qui est programmé, comme chaque année, fin mars,
27:05 mais de le faire fin avril, pour satisfaire les populations musulmanes
27:09 qui font le ramadan, et donc allonger leur journée
27:13 serait un peu pénible pour eux.
27:14 Et donc, comme ça, il décide tout seul de le faire.
27:16 Eh bien, pour dire les choses clairement,
27:21 pratiquement tous les chrétiens sont cons,
27:23 donc ils ont, eux, changé d'heure.
27:24 Les musulmans n'ont pas changé d'heure.
27:26 En résumé, je vais un peu vite,
27:28 ce qui fait que dans le pays, maintenant,
27:29 vous avez à Beyrouth Est une heure et à Beyrouth Ouest une autre heure.
27:33 – Au fait, le gouvernement s'est plié, aujourd'hui même,
27:36 à la décision du passage à l'heure d'été.
27:37 – D'accord, il a plié.
27:38 – Parce que, en gros, les deux ministres ont voté, c'est ça.
27:40 – Oui, mais surtout, il y a eu la pression.
27:42 – La pression des églises, la pression des communautés chrétiennes,
27:45 et même non chrétiennes, il faut le dire, comme les Druzes,
27:49 qui se sont opposés à la décision du Premier ministre,
27:55 du Président de la République.
27:56 – Donc, en fait, vous avez remporté une bataille.
27:58 – C'est ça.
27:59 – Et donc, c'est sous la pression, et puis, il faut rappeler aussi
28:02 que l'économie libanaise est en majorité dirigée par des chrétiens,
28:11 donc les banques, les écoles, etc.
28:13 n'ont pas suivi la décision du Premier ministre,
28:17 ce qui fait que la pression était très lourde.
28:20 Et donc, je dis ça juste pour dire aux téléspectateurs
28:22 à quel point les sociétés multiconfessionnelles et multiculturelles
28:25 atteignent une absurdité, un contresens.
28:29 – Quand elles sont mal gérées, à mon avis.
28:31 – Je ne connais pas, personnellement, des sociétés multiconfessionnelles
28:34 bien gérées et qui ont réussi.
28:35 Si vous en connaissez, dites-moi lesquelles.
28:37 – Moi, j'irai même plus loin dans cette anecdote.
28:40 Je ne pense pas que le problème de ce changement de fuseau horaire
28:44 est un problème chrétien-musulman.
28:47 Je pense que c'est plus compliqué.
28:49 Je pense que c'est un problème qui tient,
28:51 c'est une sorte de coup de force, c'est une mise en scène
28:55 pour dire à tout le monde qu'aujourd'hui,
28:58 et ça s'inscrit dans une continuité d'événements
29:00 qui ne ressemblent pas au système libanais en soi.
29:03 Lorsque le Premier ministre, le président du Conseil des ministres,
29:06 comme on l'appelle au Liban, il y a quelques mois,
29:09 dit "s'inquiète de la situation des minorités de la région,
29:12 notamment des chrétiens du Liban, qui ne représentent aujourd'hui
29:15 plus que 19% selon ces chiffres.
29:17 – Ce qui est totalement faux, je le dis aux spectateurs.
29:20 Donc en fait, ils minorent leur nombre exprès
29:22 en faisant croire qu'ils s'en inquiètent.
29:24 – C'est ça, en citant sa source qui serait le patriarcat maronite.
29:28 – Ce qui est faux, ils ont démenti.
29:30 Donc en fait, c'est très vicieux.
29:31 Parce que faisant semblant de s'en inquiéter,
29:34 il fait glisser un chiffre qui est totalement faux
29:36 pour dire "vous n'êtes pas grand-chose".
29:37 – Je ne sais pas combien ils sont, mais je vais y arriver.
29:39 Même s'ils sont moins que 19%, pour moi, ça ne fait aucune différence.
29:42 Qu'ils soient 19% ou 9%, ça me ramène à la même conclusion.
29:47 Ça s'inscrit dans une continuité d'événements.
29:50 Je ne pense pas que ce n'est pas une erreur de débutant.
29:53 Aujourd'hui, un président de conseil des ministres,
29:54 en concertation avec le président de la Chambre des députés,
29:57 ce ne sont pas des rigolos.
29:58 Ce n'est pas deux personnes dans la rue qui prennent une décision comme ça à la va-vite.
30:02 Même si ça a été montré comme ça, dans les réseaux, dans les médias.
30:08 On a parlé d'une erreur de débutant.
30:11 Je ne pense pas que c'est une erreur de débutant.
30:12 Je pense que c'est un combat pour l'identité du Liban.
30:15 Aujourd'hui, il faut se poser la question de savoir,
30:17 est-ce que nous souhaitons adhérer à ce nouveau projet libanais,
30:20 qui ressemble un peu au projet de la région, c'est-à-dire à la Syrie, etc.
30:24 Un projet dans lequel le Hezbollah jouit complètement des rênes de l'État.
30:31 Il les tient dans ses mains, il applique ses propres politiques,
30:34 il fait ce qu'il veut en soi.
30:36 Il tient l'État d'une main ferme.
30:38 Ou est-ce que nous voulons conserver le Liban,
30:40 qui n'a jamais, qui n'a jamais et qui ne devrait jamais dans le futur,
30:45 se reposer sur des considérations démographiques
30:48 dans sa constitution et dans sa construction politique ?
30:52 Pourquoi est-ce que je dis ça ?
30:53 Parce que que les chrétiens, les druses, les sunnites ou les chiites
30:56 soient respectivement à 70% et les autres minoritaires,
31:01 ça ne devrait changer rien à la réalité du système libanais dans sa philosophie.
31:04 Dans sa philosophie, le système libanais, c'est le système
31:07 qui non seulement invite les différentes communautés à interagir
31:12 et à participer à la prise de décision dans l'État et dans le gouvernement,
31:21 mais en fait une condition essentielle pour la construction de l'État.
31:25 C'est-à-dire que dans le système, les députés sont élus
31:28 selon un mode de scrutin qui est confessionnel,
31:30 c'est-à-dire que les sièges sont répartis
31:32 entre les différentes communautés religieuses.
31:34 Pareil pour le gouvernement, pareil pour la fonction publique,
31:37 il y a des degrés de fonctionnaires…
31:39 – Oui mais pardon, je vais vous couper parce que ça,
31:41 vous voyez, c'est une évolution.
31:43 Parce que je vous rappelle qu'au Liban, lorsque le Liban,
31:45 le Grand Liban a été fondé, les chrétiens étaient majoritaires à l'époque.
31:48 – Ça a été bien différent.
31:49 – Et jusqu'en 1991, la Chambre des députés n'était pas comme aujourd'hui
31:53 à 50% musulmanes et à 50% chrétiennes.
31:56 C'était 55, il y avait 99 députés dont 55 chrétiens et 44 musulmans.
32:03 Et d'ailleurs, dans l'État, le président de la République
32:06 qui avait plus de pouvoir qu'aujourd'hui, il est toujours chrétien,
32:09 mais il a moins de pouvoir.
32:10 Et puis dans la fonction publique, ce que vous venez de citer,
32:13 effectivement aujourd'hui c'est moitié-moitié,
32:15 mais il fut une époque pas très lointaine
32:17 où il y a des postes stratégiques qui revenaient à des chrétiens
32:20 et qui maintenant ne leur reviennent plus.
32:22 Le patron de la Sûreté, de la Sûreté Générale,
32:26 des postes sécuritaires très importants.
32:29 – Ça tient surtout au passé de ces minorités
32:32 et je parle bien évidemment des communautés chrétiennes.
32:34 – Oui mais vous savez qu'il y a une revendication
32:37 de la population musulmane qui est ancienne.
32:39 D'ailleurs cette revendication a fait que c'est devenu moitié-moitié
32:42 et plus le temps avance et plus ils sont nombreux,
32:44 et plus ils vont vous dire "mais à quel titre,
32:47 vous qui ne représentez plus 50%, vous avez 50% des députés ?"
32:51 – C'est exactement ce que je dis. Là est toute la question.
32:53 Voulons-nous adhérer à ce système
32:56 qui bâtit la représentation politique sur la démographie
33:02 ou est-ce que nous voulons conserver l'identité du Liban
33:04 qui est une identité plurielle ?
33:05 Je ne sais pas si l'identité plurielle du Liban
33:08 est viable et durable aujourd'hui par le fait
33:12 de la présence de ces courants extrêmes.
33:13 – Pardon mais ça dépend où vous vous situez.
33:14 Si vous êtes chrétien, vous dites "non, non, non, c'est l'identité etc."
33:18 et si vous êtes musulman, vous dites "ah bah non, c'est le nombre".
33:20 – Pas tous, détrompez-vous.
33:21 Détrompez-vous parce que je pense qu'il y a beaucoup de gens,
33:25 qu'ils soient minoritaires ou non,
33:26 je pense que c'est une question de point de vue,
33:28 qui savent que le Liban ne peut pas être gouverné par les musulmans tout seuls.
33:33 Et je pense que c'était vrai hier parce que la pratique et l'histoire
33:36 ont démontré que quand c'était les chrétiens qui étaient seuls au pouvoir,
33:38 ça nous amenait à une guerre civile qui était quand même très très violente.
33:42 Et je pense que c'est la raison qui, dans les consciences,
33:45 a créé cet éveil des communautés musulmanes à l'époque.
33:49 Et donc, il ne faut plus se mentir.
33:52 Aujourd'hui, soit on accepte de vivre tous ensemble
33:55 et on accepte de respecter les différences des autres
33:58 et on trouve un mode politique qui est convenable
34:01 pour à la fois apaiser les craintes des uns,
34:07 mais calmer les passions des autres,
34:11 ou nous devons trouver autre chose.
34:13 Parce que le Liban de 10 452 km ne peut pas survivre comme ça.
34:16 – C'est ce que disait le patriarche chésié quand il disait…
34:18 – Oui, vous pouvez calmer les craintes,
34:21 mais calmer les envies des autres, ça me paraît un peu compliqué.
34:25 Parce que vous savez, comme vous avez dit il y a quelques minutes
34:27 que le hezbollah joue la montre, en gros.
34:30 Mais quand on a une démographie telle que celle des musulmans,
34:34 donc en fait, plus les années passent, plus ils sont nombreux.
34:37 Alors vous avez beau calmer leurs ardeurs et leur appétit,
34:41 vous aurez du mal à mon avis.
34:42 – Si vous permettez, je pense que les musulmans du Liban
34:46 sont différents des musulmans de la région.
34:48 – Oui, oui, j'entends bien.
34:50 – Ce sont des personnes plus modérées au niveau politique.
34:54 En gros, ils ont eu le choix de se rallier à cette idée de Liban et ils l'ont fait.
35:00 – Mais pas tous, parce que vous avez tendance tous les deux,
35:02 depuis quelques minutes, à parler des musulmans
35:04 comme si c'était un seul bloc.
35:05 – Exactement, c'est vrai, il faut faire la part des choses.
35:08 Ils ne sont pas nombreux, c'est peut-être l'élite musulmane au Liban.
35:11 – Exactement, c'est ce que je veux dire.
35:12 – Il y en a une autre partie qui est endoctrinée par le hezbollah,
35:15 parce qu'il faut savoir que le hezbollah et ses alliés agissent comme des dictateurs,
35:18 comme Saddam Hussein, comme Hitler, comme Staline.
35:22 En gros, ils endoctrinent les enfants dès leur plus jeune âge, à l'école.
35:27 – Vous avez dit quelque chose de très intéressant.
35:28 Vous venez de dire, les plus éclairés en général,
35:32 ce sont les citadins, les musulmans unis de Beyrouth, etc.
35:35 Mais admettez quand même qu'ils ne sont pas majoritaires, de loin.
35:39 – C'est sûr, c'est sûr.
35:40 – Parce qu'il n'y a pas que le hezbollah, il y a les sunnites de Tripoli,
35:42 il y a les sunnites extrémistes de Tripoli qui sont très proches de l'État islamique.
35:47 – Pas tous, encore une fois, parce que là-bas,
35:50 il faut savoir que c'est une région très pauvre et qui est financée,
35:53 que ce soit par Daesh ou la Turquie,
35:55 même à des moments, nous avons entendu que la Turquie est arrivée
35:59 à financer ces populations.
36:00 – C'était les plus musulmans en Turquie.
36:02 – C'est ça, mais l'idée, au fait,
36:04 c'est que ces musulmans veulent vivre à la chrétienne.
36:09 C'est ça, ils ont des aspirations à l'école.
36:11 – Les plus éclairés, ceux qui sont de la bourgeoisie musulmane.
36:13 – Oui et non, mais l'idée c'est que ces musulmans
36:19 viennent à l'école chez les chrétiens, que ce soit des écoles catholiques…
36:23 – Vous parlez de minorité là.
36:25 – Oui, mais nous pouvons quand même nous baser sur cette minorité
36:31 pour pouvoir construire quelque chose au Liban.
36:36 Ce sont mes convictions.
36:37 – Oui, oui, j'entends.
36:38 Je vais vous poser une question à tous les deux.
36:40 Vous savez qu'avant, je vais vous juste faire un aperçu,
36:44 au 19ème siècle, c'était la fin du 19ème siècle,
36:47 les chrétiens, il n'y avait pas le Grand Liban,
36:49 il y avait le Mont Liban et les chrétiens étaient devenus très puissants,
36:52 d'où ce qui a provoqué leur massacre d'ailleurs en 1860.
36:55 Leur puissance économique et politique par la suite
36:58 était due à leur puissance démographique en fait, en réalité.
37:01 Et puis on peut parler de Napoléon aussi,
37:04 si la France de Napoléon a fait ce qu'elle a pu faire,
37:06 c'était parce qu'elle avait la démographie la plus importante d'Europe.
37:10 Pensez-vous sérieusement qu'aujourd'hui,
37:12 si les chrétiens ne font pas un effort sur le plan démographique,
37:15 un effort sur l'émigration,
37:18 alors je sais bien qu'ils n'ont pas le choix, ils émigrent, etc.,
37:21 parce que le pays est fichu,
37:22 mais vous pensez sérieusement qu'ils pourront tenir s'ils ne tiennent pas ?
37:29 – Je vais répondre par une phrase et après je te donne la parole.
37:31 – Juste une chose, donc effort démographique
37:33 et puis effort de, comment dire,
37:37 de limitation de la progression géographique,
37:39 je veux dire par là qu'ils se font grignoter leur territoire
37:43 décennie après décennie.
37:44 Donc je veux dire par là, s'ils ne font pas une sorte de fédéralisme,
37:47 s'ils ne font pas une sorte de repli,
37:50 je sais que le mot "choc" en France c'est une insulte de dire "repli sur soi-même",
37:55 s'ils ne défendent pas leur région du grignotage des populations musulmanes
38:01 et s'ils ne font pas un effort démographique,
38:02 pensez-vous que c'est viable pour eux ?
38:04 – D'accord, je dirais déjà que le Liban et les chrétiens sont des corollaires.
38:08 Donc si les chrétiens d'Orient, les chrétiens libanais disparaissent,
38:12 c'est le Liban qui disparaît avec eux.
38:13 – Oui, certainement.
38:15 – Alors là, il n'y a pas de doute.
38:17 Au niveau des territoires chrétiens qui seraient grignotés,
38:20 jusqu'à aujourd'hui je peux vous assurer que l'Église maronite
38:23 est le plus gros propriétaire foncier au Liban et c'est notre force,
38:26 c'est qu'on est toujours enraciné dans notre…
38:28 – Je ne vais pas vous apprendre qu'il y a des conflits interminables
38:32 au-dessus de Biblos sur certainté,
38:34 parce que vous pouvez être propriétaire de…
38:37 – C'est vrai, le Hezbollah a la main mise sur certains terrains.
38:40 – Et puis vous avez des gens qui les occupent…
38:41 – Nous essayons toujours de combattre…
38:43 – Et puis il y a des villes chrétiennes,
38:44 vous savez qu'il y a des villes chrétiennes dans la banlieue de Beyrouth
38:46 qui étaient à 80% chrétiennes, qui sont devenues…
38:49 – Qui ont été déportées par la guerre civile, c'est ça.
38:50 – Oui mais comme en France, en fait le problème est similaire en France,
38:53 comme en France il y a des banlieues où les français ont fui
38:56 et sont remplacés par des immigrés,
38:58 eh bien il y a des villes frontalières de Beyrouth
39:00 qui étaient majoritairement chrétiennes,
39:02 largement majoritaires au point de vue de la population,
39:07 c'était des villes chrétiennes,
39:08 et qui sont aujourd'hui des populations chiites qui les occupent.
39:10 – Oui c'est vrai, je suis d'accord.
39:12 – Là on ne parle pas de propriété, on parle de ville qui a changé de visage,
39:15 comme en France certains banlieues ont changé de visage,
39:17 donc c'est pour ça que je parlais de grignotage.
39:19 – Oui d'accord, là je suis complètement d'accord.
39:22 Voilà, donc l'idée est-ce qu'on doit résister démographiquement ?
39:28 Aujourd'hui on ne pourra pas le faire
39:29 parce que démographiquement c'est un fait,
39:34 les familles chrétiennes sont moins nombreuses que les familles musulmanes.
39:37 – Parce qu'elles font moins d'enfants.
39:38 – C'est ça, exactement, c'est le cas.
39:40 Mais ce qui nous protège aujourd'hui au Liban,
39:43 c'est notre système confessionnel,
39:45 c'est le fait que, aujourd'hui juridiquement parlant,
39:49 nous sommes protégés, le chrétien libanais…
39:52 – Mais ça se change ça.
39:54 – Pas si facilement, pas si facilement.
39:56 – On change plus facilement le système que la population.
39:59 – Là je suis d'accord et c'est ça que j'allais dire justement.
40:02 Pour moi il y a deux erreurs, ici, dans tout ce qui a été dit,
40:05 si je peux me permettre.
40:07 Premièrement la question,
40:09 je ne pense pas qu'elle devrait se poser en termes de chrétiens et musulmans,
40:11 encore une fois, surtout ici, et je vais vous dire pourquoi tout de suite.
40:15 Et ce n'est pas non plus la question démographique,
40:17 ce n'a jamais été la question vraiment déterminante au Liban,
40:22 dans le reste de la région si, mais pas au Liban.
40:24 Pourquoi est-ce que je dis ça ?
40:25 Le Liban, encore une fois, ce n'est ni la Syrie, ni la Jordanie,
40:29 ni la Palestine, ni l'Irak, ni nulle part ailleurs.
40:32 Le Liban c'est une terre qui a été habitée par les minorités religieuses
40:38 et communautaires, parce qu'il faut quand même distausser entre les deux,
40:41 qui se sont réfugiées dans le Mont Liban à travers les siècles passés
40:45 parce que dans la région il y avait des courants qui étaient conformistes,
40:50 des courants religieux, arabes, etc.
40:53 qui avaient pour but à l'époque et pour politique d'éradiquer les minorités.
40:57 Ces minorités se retrouvent au Liban,
40:59 ce qui explique les 18 communautés religieuses qui sont reconnues par l'État.
41:02 Elles se retrouvent au Liban et ces gens-là ont résisté.
41:04 Lorsqu'une poignée d'hommes résiste à des centaines de milliers de combattants mamelouks,
41:08 je peux vous dire que ce n'a jamais été une question démographique.
41:11 Oui, même s'il n'y a pas ce que vous appelez un effort démographique
41:14 chez les autres communautés, dont les chrétiens,
41:16 face aux communautés qui sont en train d'augmenter,
41:19 aujourd'hui, je peux vous dire que les minorités de la région qui existent au Liban,
41:23 ce ne sont pas des minorités au Liban.
41:25 Je ne pense pas que les chrétiens soient une minorité au Liban,
41:27 je ne pense pas qu'il y ait une majorité et une minorité au Liban.
41:29 Mais je sais, et j'en suis sûr et certain,
41:33 que ces gens-là ne sont pas prêts à partir,
41:35 et ça vaut pour les chrétiens comme pour les mutuants.
41:37 Personne ne peut faire disparaître autrui dans notre région.
41:40 Quand vous dites "ils ne sont pas minoritaires",
41:41 je comprends ce que vous dites, parce qu'en fait, pour moi, il y a des Libans.
41:44 Donc, les chrétiens, vous savez que, en fait,
41:47 si vous prenez le Grand Liban, alors vous avez raison,
41:50 on ne sait pas combien ils sont, ils disent 19%,
41:52 le Premier ministre, c'est n'importe quoi,
41:54 mais en tout cas, on sait qu'ils ne sont plus majoritaires.
41:57 On ne sait pas combien ils sont exactement.
41:58 Mais si vous prenez leur région, qui sont le cœur du Liban,
42:02 ils sont largement majoritaires.
42:04 Le problème, c'est qu'ils ont trop de régions riches et vastes,
42:09 mais ils sont peu nombreux.
42:10 Mais ça, c'est légitime, on ne va pas reprocher aux gens d'habiter un grand pays.
42:14 En tant que nous, ce n'est pas si grand que ça.
42:16 Je veux dire par là qu'il y a des régions musulmanes
42:20 où on sent qu'ils sont un peu entassés et pauvres.
42:23 Il y a des régions chrétiennes plus vastes et riches.
42:26 Et puis, elles ne sont pas riches par hasard,
42:27 c'est parce que les chrétiens ont une éducation supérieure
42:31 et ils tiennent un peu plus l'économie.
42:33 Je veux dire par là que, dans leur région, oui, ils ne sont pas minoritaires.
42:37 Ça va m'amener à ma question un peu taboue.
42:42 Est-ce que le Liban doit être un pays coupé ?
42:47 Faut-il couper ce pays en deux ou en trois ?
42:50 Faut-il un fédéralisme ?
42:52 Ou il est viable comme ça, où on va continuer avec une utopie
42:55 qui consiste à faire croire que tout le monde va s'entendre,
42:57 tout le monde va s'embrasser ?
42:58 – Ça dépend des points de vue.
42:59 Là, je parle par exemple pour les forces libanaises.
43:02 Les forces libanaises, depuis les années 90,
43:05 aujourd'hui, le discours politique a un peu changé pour eux.
43:07 – Oui, parce que les forces libanaises, c'est un parti fédéraliste.
43:09 – Exactement.
43:10 – Au début, mais au jour le cas, aujourd'hui.
43:11 – Nous ne sommes plus d'accord parce que, dans les faits,
43:14 nous voyons que ça ne va pas régler grand-chose.
43:17 Parce que, vous savez, dans un système fédéral,
43:19 l'État fédéral va quand même choisir de la diplomatie, de l'armée et tout ça.
43:26 Donc, il contrôle quand même, à certains endroits, les secteurs unitaires.
43:30 – Ça dépend de la Constitution.
43:31 – Ça dépend de la Constitution.
43:32 C'est pour ça que nous, en tant que forces libanaises,
43:34 nous appelons à l'application des accords de taf qui n'ont jamais été appliqués.
43:39 Au niveau du désarmement de toutes les milices
43:42 et surtout au niveau de la décentralisation de l'État.
43:45 Parce que, nous, ce qu'il nous faut aujourd'hui,
43:48 c'est surtout, au niveau administratif des municipalités,
43:52 d'accorder à ces municipalités une certaine indépendance monétaire et décisionnaire.
43:57 – C'est une sorte de fédéralisme caché.
43:59 – Oui, j'allais dire, je crois que c'est le discours officiel.
44:01 En tout cas, à entendre les dernières prises de position de Samir Jarjar,
44:05 président du Parti de la France libanaise,
44:07 on dirait même qu'il va un peu plus loin que le fédéralisme.
44:10 – Oui, non, c'est pas ça, il l'a réexpliqué.
44:12 – C'est de la diplomatie, c'est une sorte de fédéralisme caché
44:14 parce qu'on n'ose pas le dire.
44:15 – Non, non, parce que, au fait, ce que Samir Jarjar a dit,
44:17 et même Samir Jemael, leader des Qatar-Allem, des phalanges libanaises,
44:22 en gros, l'idée c'était que, est-ce qu'on va arriver au divorce bientôt ?
44:28 On ne le veut pas, mais ils sont en train de nous pousser à bout.
44:31 Est-ce qu'on devrait revisiter le système ?
44:34 Mais la conclusion était qu'on ne va peut-être pas le revisiter là, à l'instant.
44:40 On devrait faire pression, et on l'a vu hier même,
44:44 que la pression est fructive, en gros, elle donne des résultats.
44:51 – Il n'y a pas de fédéralisme, mais quand on va sur place…
44:53 – C'est un fédéralisme qui est imposé, de fait,
44:55 par ceux qui n'aiment pas ce terme, qui sont effrayés de ce terme.
44:58 – Oui, mais je vais vous dire, moi, je vais au Liban,
45:01 je discute avec des Libanais, depuis longtemps.
45:03 Et donc, pendant des années, les années 90-2000,
45:07 alors que pendant la guerre civile, tout le monde parlait de fédéralisme,
45:10 voire d'indépendance, de scission.
45:13 Dans les années 90-2000, c'était un peu passé, cette affaire, on n'en parlait plus.
45:18 Et là, depuis quelques années, depuis 3-4 ans,
45:21 j'entends tous les chrétiens libanais réclamer ça,
45:24 et même les plus centristes, c'est-à-dire les plus modérés,
45:27 les plus ouverts, les plus centristes, sont les plus virulents maintenant.
45:31 Tout le monde réclame ça.
45:32 Ils réclament au fait de se séparer de leur Liban, et pas des musulmans.
45:36 – Oh, ce n'est pas ce que j'entends.
45:37 – Mais je vous assure, ils veulent au fait le salut, en fin de compte.
45:42 Ils en ont marre.
45:43 Les Libanais, surtout les chrétiens, ont marre d'où en est arrivé le pays.
45:50 Ils en ont marre du Hezbollah qui nous prend dans ces guerres qui ne sont pas les nôtres.
45:54 Vous savez, la communauté chiite devrait se réveiller à un moment,
45:57 parce que ces enfants sont en train de mourir pour la Syrie, pour le Yémen,
46:01 pour je ne sais qui, alors que ce n'est même pas leur cause.
46:04 Mais c'est aberrant, c'est hallucinant, je ne sais pas.
46:07 C'est l'endoctrinement à fond qui les mène à le faire les bras ouverts.
46:11 – Moi je pense que vous avez raison.
46:13 Je pense que vous avez raison.
46:14 Moi je suis quelqu'un qui est très réaliste et très franc en politique.
46:17 Ce n'est pas ce que je veux, ce n'est pas ce que je réclame,
46:19 mais je pense que c'est vrai.
46:20 Pour regarder la réalité en face,
46:22 il est vrai que les Libanais aujourd'hui ne veulent plus vivre ensemble.
46:27 Je pense que c'est clair, ce n'est peut-être pas tous les Libanais,
46:31 ce n'est peut-être même pas une majorité, je n'en sais rien,
46:33 mais ce qui est important, il faut le dire,
46:35 c'est qu'il y a un courant qui existe aujourd'hui au Liban,
46:38 que ce soit, attention, que ce soit chez les chrétiens ou chez les musulmans,
46:42 dans les communautés respectives.
46:44 – Pardon, mais il y a une petite différence tout de même,
46:46 c'est que les musulmans, effectivement, ils ne veulent pas vivre avec les autres,
46:49 mais ils veulent tout, parce qu'il suffit qu'ils attendent,
46:51 ils jouent la montre et ils ont tout.
46:53 – C'est le cas du Hezbollah.
46:54 Et là, ça tient à un fait qui est à la fois politique et sociologique,
46:59 qui est très intéressant.
47:00 Les communautés religieuses au Liban,
47:01 et il faut le dire, c'est un détail qu'on oublie souvent,
47:04 certains des partis de l'opposition omettent d'en parler,
47:07 je pense que c'est parce que ça convient à leur discours politique,
47:10 qui est un discours national, etc.
47:12 C'est très bien de le vouloir,
47:13 c'est très bien de vouloir et d'aspirer à ce que le Liban soit un.
47:16 Mais est-ce que c'est la réalité ?
47:18 Il faut revenir un peu en arrière.
47:19 Les communautés religieuses et les institutions communautaires
47:22 existent bien avant l'État libanais.
47:25 – Absolument, c'est le cas de l'Empire ottoman.
47:26 – Exactement, l'État, dans sa forme contemporaine,
47:31 est une construction occidentale.
47:32 Ce n'est pas une construction moyenne orientale,
47:33 ce n'est pas une construction libanaise.
47:35 C'est venu chez nous il n'y a pas très longtemps.
47:37 Avant ça, le Liban, c'était quand même une alliance,
47:41 je l'appellerai comme ça,
47:42 de petites communautés qui sont minoritaires dans l'Empire ottoman,
47:45 qui en 1516, après avoir donné du fil à retordre au Mamlouk
47:49 pendant quand même de longues, longues, longues décennies,
47:52 se sont retrouvées devant un choix politique à faire.
47:55 Je pense que le fait que le Mont-Liban avait été le seul émirat
47:59 dans l'Empire ottoman,
48:00 alors que les autres régions étaient des "wilayat",
48:02 c'est-à-dire des régions qui étaient soumises au pouvoir central,
48:05 alors que le Mont-Liban… – Avait une autonomie.
48:07 – Exactement, une sorte d'autonomie financière pour s'autogérer, etc.,
48:10 à condition de payer l'impôt, ce n'est pas une coïncidence.
48:14 Ce sont des petites minorités qui ont pris la décision
48:16 de vivre ensemble parce qu'elles avaient intérêt à le faire.
48:19 On peut bien parler des raisons pendant longtemps,
48:22 mais ce qui a été fait a été fait.
48:23 Et ça a continué au fil du temps.
48:25 Lorsque le Grand-Liban a été créé, les communautés,
48:30 je caricaturise et j'englobe un peu tout le monde,
48:33 ont, d'une certaine manière, consenti à ce qu'il y a un intérêt
48:38 à vivre ensemble, et lorsque l'intérêt de vivre ensemble existe,
48:42 il y a une volonté de vivre ensemble.
48:43 Lorsque l'intérêt de vivre ensemble n'existe plus,
48:45 il n'y a pas de volonté de vivre ensemble,
48:46 et je pense que c'est normal, c'est la nature humaine,
48:48 surtout que le Liban, c'est une construction
48:49 qui, à la base, est très individualiste.
48:53 La personne appartient à sa famille,
48:55 avant d'appartenir à sa communauté,
48:56 avant d'appartenir à l'État, à la nation, etc.
49:00 Et donc, ça tient vraiment à cette réalité sociologique.
49:03 Aujourd'hui, il n'y a pas d'intérêt pour les Libanais de vivre ensemble.
49:06 C'est pour ça que ces courants existent.
49:08 Aujourd'hui, pourquoi est-ce que cet intérêt n'existe pas ?
49:10 C'est parce qu'il y a une seule équipe, un seul parti,
49:13 une partie d'une confession, pour ne pas dire que ce sont tous les chiites,
49:16 qui aujourd'hui, non seulement,
49:18 je ne dirais pas qu'ils gouvernent tout seuls,
49:20 parce que ce n'est pas le cas,
49:21 ils ne gouvernent pas dans les institutions,
49:22 mais ce qui est sûr, c'est qu'ils ne laissent personne participer,
49:25 ils ne laissent participer personne à la prise de décision.
49:29 Voilà, donc les autres Libanais sont mis à l'écart.
49:32 Et lorsque vous êtes mis à l'écart,
49:34 il va de soi que, comme vous n'avez pas intérêt à vivre avec eux,
49:38 l'État, pour vous, n'existe plus.
49:39 Parce que la cause de l'existence de l'État au Liban,
49:43 c'est cet intérêt et cette volonté de vivre ensemble.
49:45 Lorsque l'intérêt n'existe pas, la volonté n'existe pas non plus.
49:48 Et c'est à ça que ça tient.
49:49 Et c'est pour ça que je parlais de cet équilibre.
49:51 Aujourd'hui, si nous voulons vivre ensemble au Liban,
49:54 je pense que c'est encore possible,
49:56 mais pas comme ça l'a été jusqu'à maintenant.
49:58 Vivre ensemble, ce n'est pas vouloir faire fondre
50:00 tous les Libanais dans un même moule.
50:01 Ça, ça ne marche pas.
50:02 Nous devons admettre aujourd'hui que nous sommes différents,
50:05 sur plusieurs plans.
50:06 Il faut admettre que nous voulons peut-être des Libans différents,
50:09 mais ce qui est sûr et certain, c'est que nous ne pouvons plus aspirer
50:12 à ce que la personne au Liban soit une personne libanaise,
50:16 qu'on la fasse fondre dans un moule, parce que ça n'existe pas.
50:18 Le Liban n'est pas un État-nation.
50:20 Il ne pourra jamais l'être.
50:21 – Exactement.
50:23 – C'est ce que la néo-gauche libanaise essaye de faire aujourd'hui.
50:27 – Oui, absolument.
50:28 Je vous avais parlé des accords de Taïf,
50:30 mais c'est un peu ça aussi, les accords de Taïf.
50:31 – Et je pense que les partis chrétiens en question
50:34 avaient aspiré à ce Liban, et à ces nations, mais à tort.
50:36 – Bien sûr, mais en réalité, vous avez dit tous les deux,
50:39 non vous, Anthony, vous avez cité le projet phalangymariste,
50:47 puis force libanaise, etc.
50:48 Mais à l'origine, les partis chrétiens étaient des partis nationalistes
50:51 copiés sur l'Occident, parce qu'ils rêvaient d'une nation unie
50:56 avec un nationalisme intégral, etc.
50:58 Mais c'est impossible au Liban.
51:00 Et donc, vous avez parlé des accords de Taïf,
51:01 mais les accords de Taïf qui n'ont pas été appliqués,
51:03 si vous les regardez dans les détails,
51:05 ils veulent faire un État unifié avec un système non communautaire,
51:11 et donc, mais c'est une utopie totale.
51:13 – C'était l'idée en 90.
51:16 – Comme vous dites, c'est possible,
51:18 à condition d'uniformiser la population libanaise.
51:21 – C'était le but, à la base.
51:23 – Oui, mais vous savez que si elle est uniformisée,
51:24 vous savez quel uniforme elle va porter.
51:26 – Sous une réserve importante, l'accord de Taïf, ce qu'il fait,
51:29 c'est qu'il met un garde-fou à cette idée d'État laïque.
51:32 Et c'est le Sénat qui l'envisage.
51:35 Je ne sais pas combien l'accord de Taïf, en soi,
51:39 est un accord qui est viable.
51:41 – Qui n'a jamais été appliqué.
51:43 – Qui n'a jamais été appliqué, comme je le disais.
51:45 On n'a pas eu la chance de voir les fruits qu'il pouvait apporter.
51:47 Ils auraient pu être positifs comme négatifs,
51:48 mais ce qui est sûr, c'est que je ne sais pas s'il est toujours d'actualité.
51:51 Le problème aujourd'hui, c'est que la réalité sociologique
51:53 est tellement compliquée au Liban.
51:54 Les gens s'en veulent tellement les uns les autres.
51:56 Il y a une haine profonde,
51:57 non seulement entre les communautaires,
51:59 mais entre les individus entre eux.
52:01 Ce n'est même plus une question communautaire,
52:02 c'est une question de refus de l'autre.
52:04 On a peur de ce qu'on ne connaît pas.
52:05 Et malheureusement, aujourd'hui, on ne se reconnaît plus,
52:07 ni dans notre propre pays, ni entre les régions entre elles,
52:11 ni dans le mode de vie.
52:12 Il y a des courants qui sont en train de naître partout
52:14 dans les communautés libanaises,
52:16 qui sont très différents de ce qu'on avait jusqu'à maintenant.
52:18 Et ce n'est pas seulement le cas des chiites avec le Hezbollah,
52:20 c'est le cas des sunnites, comme vous l'avez dit,
52:22 avec toute cette vague qui était assez proche
52:25 de l'État islamique en Syrie pendant un certain moment,
52:27 qui a fait quand même des batailles entre l'armée libanaise
52:30 et des milices à Saïda et dans d'autres régions,
52:32 à Tripoli, etc.
52:33 Mais aussi, aujourd'hui, de plus en plus dans les communautés chrétiennes.
52:36 Et je pense que cette réaction est normale.
52:38 Elle n'est pas souhaitable, pour moi en tout cas,
52:40 elle n'est pas souhaitable, bien sûr qu'elle n'est pas souhaitable,
52:42 parce que l'idéal, c'est de trouver une manière de vivre ensemble
52:47 qui soit durable et paisible pour tous.
52:50 Mais je pense qu'au regard de ce que le Hezbollah
52:53 est en train de créer chez les Libanais et dans la société libanaise,
52:55 je trouve que c'est parfaitement normal
52:57 que les sunnites se radicalisent,
52:58 que les chrétiens se radicalisent,
52:59 et que les druses se radicalisent aussi.
53:01 – Exactement.
53:02 – Et cette volonté de s'isoler existe aujourd'hui
53:04 chez tout le monde, malheureusement.
53:05 Heureusement ou malheureusement,
53:06 ça dépend du point de vue qu'on va adopter.
53:09 Cette émission est terminée malheureusement,
53:11 parce que le sujet, ça passe vite,
53:12 le sujet est tellement compliqué mais intéressant.
53:15 C'était très intéressant de débattre avec vous,
53:17 parce que c'est… alors, j'espère qu'on vous recevra
53:20 une prochaine fois pour avoir de nouvelles.
53:23 Et espérons que la prochaine fois,
53:25 vous aurez élu un président et que ça se passera mieux.
53:28 Voilà, merci beaucoup en tout cas,
53:29 c'était très intéressant de débattre avec vous.
53:31 – Merci à vous, merci d'accorder du temps au Liban,
53:33 parce qu'il faut en parler en France.
53:34 – Merci chers téléspectateurs de nous avoir suivis,
53:36 j'espère que ce n'était pas très compliqué pour vous, et à bientôt.
53:39 [Générique]

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