Affaire Polanski : les femmes ne sont pas vouées à être des victimes

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Transcript

00:00 Eugénie Bastier pour votre revue de presse Hebdo des idées. Tous les vendredis dans Europe 1 Matin, vous nous parlez ce matin d'une rencontre inattendue

00:07 à la une de l'Hebdo Le Point, cette semaine celle de deux femmes libres. - Oui c'est une rencontre assez

00:12 invraisemblable pour ne pas dire improbable,

00:15 entre l'actrice Emmanuelle Saigné, la femme du réalisateur Roman Polanski depuis plus de 30 ans, avec qui elle a eu deux enfants et

00:22 Samantha Gaimer, la fille que Polanski a violée il y a 46 ans, ce qui lui vaut depuis d'être poursuivie par la justice américaine

00:29 "Orbi et Orbi". Alors cette affaire c'est un fiasco judiciaire et médiatique très complexe qui est d'ailleurs très bien expliqué dans Le Point.

00:35 Elle vaut au réalisateur d'être la bête noire des néo-féministes.

00:38 Vous vous souvenez de la sortie théâtrale d'Adèle Haenel le 28 février 2020,

00:43 lorsque Polanski avait reçu le César du meilleur réalisateur. Elle avait crié "la honte" avant de quitter la salle. Quelques jours plus tard

00:50 l'écrivaine Virginie Despentes avait publié une tribune incendiaire dans Libération, où elle mélangeait le 49-3, les violences policières

00:57 et l'attribution de ce prix à Polanski en lançant cette phrase "c'est votre politique, exigez le silence des victimes".

01:04 Sauf que ni Virginie Despentes ni Adèle Haenel n'ont jamais écouté la parole de la victime de Polanski,

01:10 Samantha Gaimer, qui dit tout l'inverse d'elle. - Justement qu'est-ce qu'elle raconte, qu'est-ce qu'elle dit Samantha Gaimer ?

01:16 - Alors depuis plusieurs années,

01:18 Samantha Gaimer le dit, le répète, elle ne se considère plus comme une victime de Polanski, elle veut qu'on cesse de la traiter ainsi,

01:24 elle lui a même pardonné. Alors je sais pas si vous vous rendez compte, le pardon, ça c'est un mot qu'on n'entend plus beaucoup de nos

01:30 jours, et dans cet entretien mené dans Le Point par Peggy Sastre, elle dialogue donc avec Emmanuel Sénier et elle persiste,

01:36 elle dit, je la cite "ce qui s'est passé avec Polanski n'a jamais été un gros problème pour moi,

01:41 je ne vois pas ce qu'il y a de féministe dans le fait de hurler que l'on est victime, il a payé sa dette à la société".

01:46 Alors avec Emmanuel Sénier, elle critique toutes les deux les dérives du mouvement #MeToo.

01:51 Samantha Gaimer accuse ce mouvement d'accentuer le traumatisme de certaines femmes à qui l'on dit, je la cite,

01:57 "qu'elles ne pourront jamais se relever, se rétablir, aller de l'avant, tourner la page, guérir, on leur dit que de toute éternité

02:03 elles vont rester ces pauvres petites choses tristes et abîmées". Alors c'est une parole qui peut paraître

02:08 choquante et même violente pour certaines femmes, mais c'est un témoignage aussi à contre-courant du discours victimaire.

02:13 - Effectivement, quelle leçon vous tirez de ce dialogue étonnant Eugénie ?

02:18 - D'abord dans un monde manichéen, sans oubli ni pardon, voir, écouter une victime dialoguer avec la femme

02:24 de celui qu'on considère comme son bourreau, à quelque chose d'assez extravagant, d'assez décalé.

02:29 C'est comme une respiration dans un univers saturé d'indignation et de sectarisme.

02:33 Ensuite, il y a quelque chose d'intéressant, c'est ce témoignage de deux femmes. On voit un choc, un décalage

02:39 générationnel puisque ce sont des femmes qui ont grandi dans les années 70-80, la décennie glorieuse de la libération sexuelle.

02:46 Elles estiment que le monde d'aujourd'hui est devenu trop puritain.

02:49 Avant, raconte Emmanuelle Saignet, je la cite, il n'y avait pas tout ce drame, toute cette noirceur autour du sexe.

02:54 Alors je ne sais pas si elles ont raison, peut-être que le mouvement #MeToo a aussi été un retour de balancier bienfaisant,

02:59 qui a contrebalancé les excès d'une libération sexuelle affranchie de toute règle.

03:04 Mais je sais, je pense en tout cas, que leur liberté de ton, leur refus de se voir comme des victimes, mérite d'être entendu.

03:11 Les néo-féministes qui se gargarisent de la parole libérée des femmes devraient aussi écouter cette parole forte, originale et peut-être dérangeante.

03:18 Voilà, Emmanuelle Saignet, Samantha Gaimer, c'est donc à lire dans Le Point cette semaine.

03:23 Merci beaucoup Eugénie Bastier, à mardi.

03:26 On vous retrouve mardi sur "Enfin".

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