SMART SPACE - Emission du vendredi 14 avril

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Vendredi 14 avril 2023, SMART SPACE reçoit Mathieu Bailly (directeur, CYSAT) , Yvan-Michel Ehkirch (managing partner, Karista) et Guillaume Langin (journaliste scientifique, Ciel & Espace)
Transcript
00:00 Bonjour à tous et bienvenue dans Smart Space. Au programme de cette émission, l'actu comme
00:09 toujours est le lancement de la fusée Starship qui n'en finit plus de faire durer le suspense,
00:15 un événement ultra attendu qui devrait avoir lieu dans les prochains jours. Le lancement
00:20 de la mission Zeus prévu hier, reporté aujourd'hui à cause des conditions météo.
00:26 On parlera aussi du dernier appel d'offres de France 2030 et puis d'un tout nouveau
00:31 contrat signé pour la start-up ExoTrail. Et puis en deuxième partie d'émission, c'est
00:36 le Space Talk et on va parler avec nos invités de cybersécurité, un risque croissant, un
00:41 marché prometteur et des enjeux qui dépassent largement l'échelle de l'industrie spatiale,
00:46 des enjeux de souveraineté et de sécurité nationale. Voilà pour le programme, on démarre
00:51 avec l'actualité spatiale sur Bsmart.
00:54 Bsmart.
00:55 Décollage imminent pour le plus gros lanceur jamais conçu, Starship de SpaceX. Une fusée
01:05 de 120 mètres de haut pour 9 mètres de diamètre. Dans un tweet partagé le 11 avril dernier,
01:10 l'entreprise américaine confirme l'imminence de son tout premier essai complet avec le
01:16 Starship, sauf coup de théâtre. Le décollage est censé survenir entre le 17 et le 23 avril
01:21 prochain. Un vol extrêmement attendu par la communauté scientifique, par le secteur
01:28 spatial en général, mais aussi par le grand public. Pour comprendre ce qui va réellement
01:33 se jouer sur le pas de tir, texan Dillon Musk, nous avons en ligne Guillaume Lange, un journaliste
01:38 scientifique. Bonjour Guillaume, bienvenue dans Smart Space. Alors qu'est-ce qui rend
01:43 ce lancement si spécial ? C'est cette dimension colossale ?
01:46 Oui bonjour, Cécilia, absolument. La fusée, la Starship de SpaceX, c'est la plus grande
01:55 jamais conçue. On est vraiment dans la catégorie des lanceurs ultra lourds. On peut la comparer
02:00 à d'autres lanceurs immenses qui ont fait l'histoire du spatial. La mythique Saturn
02:06 V qui a mis les humains sur la Lune lors du programme Apollo, ou plus récemment le SLS
02:11 de la NASA. La Starship bat beaucoup de records. Une des caractéristiques assez hors normes,
02:19 c'est le nombre de moteurs qui vont s'allumer de concert. Pour son premier étage, le Super
02:24 Heavy, il embarque 33 moteurs qui vont fonctionner ensemble. Il y avait une fusée soviétique,
02:29 la N1, développée dans les années de guerre froide, qui faisait tourner 30 moteurs ensemble.
02:33 Elle n'a jamais très bien marché. Et puis la Starship, s'il est si massif, c'est qu'il
02:39 peut envoyer des très grandes charges utiles en orbite basse. C'est de 100 à 150 tonnes
02:48 qui sont envoyées en orbite basse. C'est ça l'objectif. Et pour se faire, et en plus
02:53 faire réatterrir des engins, c'est une autre caractéristique, elle est réutilisable,
02:57 la fusée, il faut embarquer énormément de carburant et avoir une poussée monumentale,
03:01 si bien que le risque d'explosion n'est pas à ignorer.
03:06 C'est un crash qu'on pourrait voir lors de ce premier lancement. Si j'ai bien compris,
03:12 elle est réutilisable, mais ce ne sera pas le cas de ce premier essai ?
03:14 Ça ne le sera pas effectivement. Néanmoins, le vol test qui est prévu par SpaceX prévoit
03:22 de faire des pas en avant vers la réutilisabilité dès le début. Les deux étages vont, après
03:33 avoir été montés, redescendre chacun à leur tour et décélérer pour faire des amérissages
03:37 contrôlés et terminer dans l'océan. Sur le thème de la réutilisabilité, ce qui
03:47 est une grande première également, c'est que l'intégralité de la fusée, l'objectif
03:51 c'est que l'intégralité de la fusée est réutilisable. Le premier étage, comme le
03:56 second, la Falcon 9 de SpaceX ou la Falcon Heavy ne réutilisent que ces premiers étages
04:02 pour l'instant. Là, il s'agit de faire rentrer dans l'atmosphère le Starship après
04:07 qu'il l'a quitté et donc être à l'épreuve des échauffements liés à la grande vitesse
04:15 de rentrée atmosphérique qui fait chauffer les carlingues et voir si la protection thermique
04:21 du Starship est suffisamment bonne pour protéger l'engin, ce qui n'est pas non plus garantie.
04:28 Effectivement, c'est le sujet qui va être observé de près lors de ce premier test.
04:33 Alors, qu'est-ce qu'on attend concrètement ?
04:34 Il y a des enjeux. Faire voler une si grosse fusée, c'est déjà une démonstration technologique
04:43 qui est un enjeu en soi. Ce que SpaceX attend, c'est de voir à quel point elle peut avancer
04:52 vers la vision qu'a l'entreprise, la vision qu'a Elon Musk. Je pense à deux choses.
04:59 La première, c'est que le Starship va être capital pour le déploiement de la constellation
05:05 Starlink. Vous savez qu'il fait débat, cette méga constellation de satellites par milliers,
05:11 même dizaines de milliers, c'est l'objectif autour de la Terre, également développée
05:14 par SpaceX. A l'heure actuelle, la Falcon 9 peut en envoyer un peu moins de 60 d'un
05:22 coup, ce qui est déjà énorme. Avec le Starlink, on entrera dans un ordre de grandeur et puis
05:29 le but pour SpaceX est d'en envoyer énormément, environ 200 d'un coup. Cela permettra à
05:36 l'entreprise d'atteindre plus vite cet objectif de méga constellation.
05:40 Et puis, il y a une deuxième utilité sur laquelle on peut attendre le développement
05:47 du Starship, c'est le programme Artemis. Vous savez que SpaceX a obtenu de la part
05:55 de la NASA le contrat de service qui consiste à déposer les astronautes du programme Artemis
06:02 sur le sol lunaire, depuis l'orbite lunaire jusque sur le sol lunaire. En plus, le équipage
06:08 d'Artemis 2 a été nommé récemment, donc vous voyez l'actualité, ce télescope en
06:11 quelque sorte. Ce sera sur le papier pour la mission Artemis 3 à l'heure actuelle que
06:18 SpaceX devra développer son atterri sur lunaire et cet atterri sur lunaire, c'est une variante
06:24 du Starship. En fait, c'est un vaisseau à tout faire. Donc là, on a un calendrier
06:29 officiel qui est encore de 2025 pour la mission Artemis 3, visant à poser les humains sur
06:34 la Lune. Ça va probablement glisser, mais c'est un calendrier très, très ambitieux.
06:40 Si aujourd'hui est un échec total, bien sûr, ça va repousser ce calendrier.
06:49 Alors pour la première fois, on va avoir deux énormes lanceurs qui vont cohabiter,
06:54 le SLS et le Starship. Est-ce qu'on aura suffisamment de besoins à adresser ? On le
06:59 comprend, il y a 40 000 quand même. L'objectif, c'est 40 000 satellites dans la constellation
07:04 de Starlink, donc il y aura des choses à faire. Mais est-ce que d'un point de vue
07:07 économique, le SLS et Starship peuvent cohabiter ?
07:09 Alors, ils ne sont pas du tout en concurrence pour l'orbite basse. Le SLS, c'est une
07:17 fusée d'exploration lointaine. Donc sur ce front-là, ils vont tout à fait cohabiter.
07:23 Dans les premiers instants du programme Artemis, ils vont effectivement collaborer. Donc le
07:28 SLS amène les astronautes en orbite lunaire. Le Starship, lui, les descend sur la Lune
07:34 et les ramène, les remonte ensuite en orbite lunaire. Et puis, c'est la capsule Orion
07:39 lancée par le SLS qui les ramène sur Terre. Vous avez un petit peu ce tour de passe-passe,
07:45 ce pas de deux entre les deux fusées. Plus tard, on peut se demander si le Starship,
07:52 si tout fonctionne bien, il ne peut pas faire ce travail lui-même de partir de la Terre
07:58 avec les astronautes à bord et de les emmener lui-même sur le sol lunaire. Et pourquoi
08:02 pas de les ramener sur Terre si les capacités de retour atmosphérique du Starship et sa
08:07 protection thermique arrivent à être développées correctement. Et là, le Starship pourrait
08:13 empiéter un petit peu sur le rôle du SLS.
08:17 Il décolle, alors on va suivre ça effectivement avec attention. Alors on attend, si j'ai bien
08:24 compris, le top départ de la FAA, c'est ça, pour donner l'autorisation de vol ?
08:29 Oui, absolument. La FAA, l'administration fédérale de l'aviation américaine est
08:36 l'organisme qui délivre les autorisations de vol sur la base de respect de critères
08:42 environnementaux. Lancer une fusée, ce n'est pas anodin pour l'environnement local et
08:48 même global si vous en envoyez beaucoup. SpaceX a dû respecter des préconisations
08:57 de la FAA ces derniers mois, ces dernières années, pour obtenir, décrocher cette autorisation
09:02 et qui effectivement devrait arriver dans les heures qui suivent afin de permettre à
09:10 SpaceX de lancer depuis son site texan à Boca Chica dans le sud du Texas.
09:15 Merci beaucoup Guillaume Langein d'avoir pris le temps de réagir dans le col actuel
09:19 à cette actualité. On attend avec impatience le lancement de Starship et on en reparlera
09:24 dès la semaine prochaine sur Bsmart. On enchaîne avec le reste de l'actualité et
09:30 un autre lancement très attendu, celui de la mission Deuce qui n'a pas pris hier faux
09:35 départ pour le programme d'exploration spatiale qui doit révéler les secrets des
09:40 lunes de Jupiter. Le décollage prévu à 14h15 a été annulé en dernière minute
09:46 à cause des conditions météorologiques. Le lancement est reprogrammé à aujourd'hui,
09:51 même depuis Kourou en Guyane, à bord de la fusée Ariane 5. La sonde atteindra Jupiter
09:59 en 2031. Nous recevions la semaine dernière Olivier Wittas, responsable scientifique de
10:05 la mission pour l'ESA. Rendez-vous sur bsmart.fr si vous voulez tout savoir de la mission d'exploration
10:12 interplanétaire. Du nouveau du côté de France 2030, alors que le président de la
10:19 République présente le plan eau. Cette semaine, Bruno Le Maire et Christophe Béchut, ministre
10:23 de la Transition écologique, annoncent le lancement par le CNES d'un appel d'offres
10:29 destiné au suivi de la gestion d'eau. Précisément un appel d'offres qui porte sur l'achat
10:35 dans services de démonstration afin de garantir la gestion quantitative et qualitative de
10:41 l'eau. Alors ces services s'inscrivent dans les mesures 48 et 52 du plan eau. Ils
10:46 s'adresseront aux services de l'Etat et à l'ensemble des acteurs des territoires
10:50 mobilisés sur le sujet. En plus de cet appel d'offres, Bruno Le Maire a lancé en parallèle
10:56 un appel à manifestation d'intérêts pour recueillir les besoins des acteurs publics
11:01 en données spatiales et en services associés, toujours dans le cadre du volet spatial de
11:06 France 2030. Alors toujours dans l'écosystème spatial français, la start-up française
11:13 ExoTrail reçoit une nouvelle commande de la part d'Astro Digital, fabricant et opérateur
11:19 californien de petits satellites. ExoTrail qui développe et produit des systèmes de
11:25 propulsion électrique et des logiciels de petits satellites. Alors après un contrat
11:30 pour une première mission, supportée déjà à l'époque par Astro Digital et qui est
11:36 prévue pour un décollage en 2023, cette fois ExoTrail va fournir plusieurs moteurs
11:40 Spaceware Micro L qui génèrent une puissance électrique de 150 watts. Ils seront embarqués
11:47 sur des satellites d'Astro Digital équipés de la plateforme Corvus dédiée au CubeSat
11:52 et au MicroSat pour un client dont on ignore pour le moment l'identité. Les nouveaux
11:58 systèmes de propulsion d'ExoTrail seront livrés au cours de l'année 2024. Voilà
12:04 pour l'actualité, on enchaîne tout de suite avec le Space Talk sur Bismarck.
12:08 L'espace est devenu un environnement stratégique pour collecter et transmettre des données
12:18 précieuses. Un terrain de choix pour la cybercriminalité. Un risque grandissant qui ouvre au passage
12:24 la voie à un nouveau marché, celui des solutions cybercriminalité appliquées au secteur spatial.
12:30 Alors quels dangers, quels outils et quelles opportunités se cachent derrière ce sujet ?
12:34 On va répondre à ces questions avec nos invités en plateau. En face de moi Mathieu
12:39 Bailly, vice-président du CISAT, une entreprise spécialisée dans la cybersécurité pour
12:44 des missions spatiales avec des produits standard au sol et à bord des solutions embarquées.
12:49 Bonjour. Bonjour Cécilia. Bienvenue sur Smart Space. Vous êtes aussi le cofondateur du
12:54 CISAT, un événement européen dédié à la cybersécurité pour l'industrie spatiale
12:59 qui va se tenir le 26 et 27 avril prochain à Station Eve. C'est bien ça ? C'est exact
13:03 et qui réunira des acteurs européens ? Absolument, tous les acteurs européens et même en dehors
13:08 de l'Europe, les Américains, tous les gens qui sont intéressés au sujet de la cybersécurité
13:12 pour le spatial. Alors on en redira un mot en fin d'émission. A vos côtés Yvan Michel
13:17 Ekirch, managing partner chez Carista, le fonds français New Space, supporté par le
13:22 CNES et la BPI. Bonjour. Bonjour Cécilia. Bienvenue sur le plateau de Smart Space. Alors
13:28 est-ce que la cybercriminalité est plus fertile dans l'industrie spatiale qu'ailleurs ?
13:33 Alors c'est un nouveau sujet disons dans l'industrie spatiale. C'est quelque chose qui est assez
13:39 récent. Il y a eu une prise de conscience il y a quelques années. C'est largement dû
13:43 au fait qu'on a eu l'entrée de nouveaux acteurs commerciaux avec le but de faire du business
13:49 avec le spatial, l'espace. Et donc du coup générer de la valeur. Et c'est cette valeur
13:54 là qui attire les criminels. C'est-à-dire la donnée en fait ? Oui, donc la valeur des
13:58 actifs physiques, donc les satellites qui sont en orbite. Donc ça coûte de l'argent
14:02 d'envoyer un satellite de l'opérer. Et aussi la valeur des données, donc des actifs digitaux
14:07 que ces satellites sont capables de collecter. Donc des données qui sont absolument uniques
14:11 et très extrêmement précieuses. Sensibles. Exactement, sensibles. Et du coup il faut
14:16 les protéger parce qu'elles attirent les criminels pour toutes sortes de raisons. Peut-être
14:20 qu'on y reviendra tout à l'heure sur leur motivation. Différents enjeux. Qui ciblent
14:24 ces infrastructures spatiales. Et donc il faut les protéger. Et malheureusement aujourd'hui
14:28 dans l'industrie spatiale on est peu mature sur le sujet de la cybersécurité. D'où
14:33 notre objectif de sensibiliser tous les acteurs, les ingénieurs, les décideurs de l'industrie
14:38 à ce sujet de la cybersécurité pour mieux comprendre les risques et in fine mieux se
14:43 protéger pour répondre aux enjeux qui sont ceux du spatial de demain. Ça paraît quand
14:48 même surprenant compte tenu de la sensibilité des infrastructures, des enjeux qu'on va
14:52 toucher parfois, de sécurité nationale. Et puis c'est de la tech, c'est du software.
14:56 Alors pourquoi on est mal préparé ? On est mal préparé toujours lorsqu'on a des menaces.
15:01 Donc en fait les menaces évoluent en même temps que les outils pour contrer ces menaces.
15:06 Chez Carista, très tôt, en fait on a compris que l'infrastructure spatiale qui est en
15:11 cours de construction pourrait être attaquée. D'ailleurs en fait assez tôt dans l'année
15:17 dernière, le Kaysat de Vyasat a été attaqué, on va en dire un nom. Donc ça a été un
15:23 espèce d'effroi, on a compris qu'il y avait des enjeux géopolitiques monstrueux. Et puis
15:28 en même temps ces infrastructures également existent sur Terre, puisqu'en fait pour faire
15:32 le lien entre nous et le spatial il faut des infrastructures terrestres et tout ça est
15:37 sensible en fait en réalité. Alors est-ce qu'on peut revenir sur cet exemple en particulier,
15:42 vous pouvez peut-être nous donner des détails, parce que le grand public ne connaît pas forcément
15:45 cet événement ni la sensibilité que ça représente. Vous parliez de l'attaque de
15:48 Vyasat ? Oui. Donc Vyasat c'est un opérateur commercial de satellites américains qui fournit
15:54 des services de connectivité, donc de l'internet par satellite. Ceci à travers des terminaux
16:00 qui sont déployés chez les clients de Vyasat. Il se trouve que certains terminaux de Vyasat
16:04 étaient utilisés par l'armée ukrainienne et donc les russes, les hackers russes ont
16:09 ciblé Vyasat comme un fournisseur de services critiques à l'armée ukrainienne, ont réussi
16:14 à infiltrer le réseau de Vyasat, à désactiver ces terminaux exactement le jour J de l'invasion
16:21 de l'Ukraine par la Russie, coupant toute la connexion, toute la connectivité de l'armée
16:26 ukrainienne pendant plusieurs jours. Ce qui a eu vraiment un impact significatif sur le
16:31 théâtre des opérations au niveau de l'armée ukrainienne, mais aussi sur des clients commerciaux
16:36 civils français, allemands. Il y a des dizaines, des centaines d'éoliennes en Allemagne qui
16:41 ont été désactivées à cause de cette opération des hackers russes, des clients français
16:46 qui étaient aussi impactés. Donc voilà, vraiment un impact énorme et je pense qu'il
16:50 est important de retenir de cette attaque sur un opérateur de satellite commercial,
16:54 c'est le fait qu'un acteur étatique, la Russie en particulier, dans ce cas de figure,
17:01 a attaqué un acteur commercial. Et ça, ça change beaucoup de choses dans le domaine
17:05 du spatial, puisque le modèle de menace, qui peut s'intéresser à mon service, il
17:10 est complètement différent aujourd'hui. Et donc du coup, les moyens pour se défendre
17:13 sont aussi beaucoup très différents. C'est ce qui rend unique en réalité le secteur
17:17 spatial, comme le secteur de la tech. On a eu des attaques ces dernières années aux
17:23 Etats-Unis notamment, où on s'est rendu compte qu'en fait, avec une attaque bien ciblée,
17:26 on pouvait entrer chez les gens, les espionner aussi. Donc il y a beaucoup de choses qui
17:30 se passent et on se rend compte que la cible, c'est les pays, les industriels, mais aussi
17:35 les citoyens. Absolument. En fait, là encore une fois, je pense qu'en fait, il y a plusieurs
17:40 couches de sécurité. On a beaucoup parlé de la protection du poste de travail, on a
17:47 beaucoup parlé de la protection des réseaux, c'est sur ça que la plupart des offres sur
17:51 le marché ont insisté. Et chez Carista, on s'est intéressé au sujet qui n'était
17:56 pas encore tout à fait caractérisé. Donc l'attaque des endroits où se passe du calcul
18:02 embarqué est éminemment important pour le domaine du spatial et c'est vrai également
18:07 sur toutes les infrastructures terrestres. Parce que ça va paralyser le sujet. Ça va
18:10 paralyser complètement le sujet et puis surtout c'est un endroit sensible, c'est un endroit
18:13 où se passent des choses qui peuvent être non cachées, non divulguées. Ensuite, on
18:18 s'est intéressé, nous aussi, donc on a investi dans Sysec, Sysec est un investissement
18:22 important pour en faire un leader dans son domaine. Mais on a également investi dans
18:26 une autre société qui s'appelle Biforea et qui s'intéresse au renseignement, au
18:31 renseignement numérique pour préparer et prévenir des attaques des semaines ou des
18:38 mois en avance. Et puis, effectivement, il faut sécuriser les communications. Donc on
18:43 a beaucoup parlé de cryptographie et on s'est aperçu que les ordinateurs quantiques étaient
18:49 capables de décrypter les cryptographies. C'est une vraie piste ça le quantique sur
18:54 la cyber sécurité, pas seulement dans le spatial d'ailleurs. Absolument. Et donc en
18:57 fait, les liens qui sont des liens radio aujourd'hui vont faire place progressivement à des liens
19:02 optiques et on va pouvoir en fait envoyer via ces liens optiques des clés quantiques
19:09 qui sont de meilleure qualité, avec une meilleure sécurité que les clés classiques. Et pour
19:14 ça, il faut observer les turbulences terrestres et le fonds d'Eucarista dédié au spatial
19:20 a investi dans une société qui s'appelle Miratlas qui permet l'observation de ces
19:24 turbulences et de permettre une bonne communication de ces informations de manière optique.
19:29 Alors on comprend dans votre discours que pour être efficace sur ce sujet de la cyber
19:33 sécurité dans le spatial, il faut être en rupture technologique aussi. On ne peut pas
19:36 seulement utiliser les mêmes méthodes qu'on utilisait dans d'autres secteurs.
19:40 Oui, alors peut-être si je fais un pas en arrière. Donc historiquement, quand on regarde
19:44 les missions spatiales, à part les missions institutionnelles vraiment scientifiques
19:47 qui ont peu de valeur je dirais financière ou géopolitique, les acteurs gouvernementaux
19:54 et militaires ont pensé la sécurité des satellites depuis qu'ils lancent des satellites
19:58 d'observation, des renseignements en intelligence etc. avec des programmes qui sont extrêmement
20:02 coûteux, extrêmement longs, donc plutôt une approche "old space" entre guillemets.
20:07 Et aujourd'hui ce qu'on voit c'est l'arrivée des nouveaux acteurs avec des satellites plus
20:12 petits, beaucoup plus innovants, avec des outils beaucoup plus modernes à bord, beaucoup
20:15 plus de logiciels. Et c'est pour ce type de satellite, ce type de marché commercial
20:19 qui est en train vraiment de cannibaliser quasiment tous les autres, qu'il y a un besoin
20:24 de solutions de sécurité adaptées. Donc nous c'est ce besoin-là auquel on veut répondre
20:29 avec SISEC, pour pouvoir adresser tous les acteurs qui sont en train de se lancer.
20:36 Et qui seraient mal préparés en fait, ces nouveaux arrivants qui sont mal préparés
20:39 mais qui ont d'énormes technologies à valeur ajoutée à protéger. Est-ce qu'on peut mesurer
20:44 ce marché, ce nouveau marché de nouveaux entrants qui est complètement calqué sur
20:48 ce modèle de "new space" en cybersécurité dans le secteur spatial ? Il est chiffrable
20:53 aujourd'hui le potentiel de ce marché-là ? L'industrie du spatial, pour qu'on s'y
20:58 intéresse, c'est environ 500 milliards de dollars aujourd'hui. Et ce qu'on croit vraiment
21:05 c'est que dans chaque endroit de ces 500 milliards de dollars, il y a un sujet de cybersécurité.
21:10 Donc le marché, il faudrait faire un calcul bottom-up en se disant "tiens si je lance
21:16 10 000 satellites, il faut que ces 10 000 satellites soient sécurisés avec une solution
21:20 SISEC par exemple, ce qui donne une idée de taille de marché. Je pense que chaque petit
21:26 coin de cette infrastructure spatiale des 500 milliards de dollars doit être cybersécurisé.
21:32 C'est un potentiel assez énorme. Est-ce qu'on a une somme d'acteurs suffisante pour traiter
21:39 ce sujet-là ? Peut-être juste pour revenir sur la question
21:41 du marché. Est-ce qu'on voit sur des marchés plus matures comme les services financiers
21:46 etc. La cybersécurité, ça représente à peu près 10% de l'enveloppe globale d'un
21:53 marché, pour un marché mature. Donc nous dans le spatial aujourd'hui, on est loin,
21:58 mais on progresse et à terme, on va arriver vers ce chiffre-là. Si on prend une enveloppe
22:01 de 500 milliards, ça représenterait à peu près 50 milliards.
22:04 C'est pour ça qu'il faut éduquer aussi ? Oui, alors j'y venais justement. Ces acteurs
22:08 ils partent de loin, ce n'est pas tout à fait de leur faute. Aujourd'hui si vous faites
22:11 des super-héros, vous n'avez pas de formation en cybersécurité, en cryptographie etc. Il
22:16 faut travailler auprès des jeunes. C'est pour ça qu'on invite les étudiants à Saïsat
22:21 dans deux semaines. Il faut travailler auprès de tous les ingénieurs qui sont aujourd'hui
22:24 en poste pour les former, pour les sensibiliser au sujet de la cybersécurité, pour qu'ils
22:29 prennent en compte les risques cyber dans le modèle de risque global de la mission.
22:32 Parce que le but d'embarquer des produits de sécurité, c'est de contribuer au succès
22:37 de la mission. C'est ça le but, c'est de pouvoir se protéger contre des acteurs malveillants
22:41 qui font maintenant partie du paysage. On a parlé de géopolitique, il y a plein de
22:46 raisons d'attaquer un satellite ou un service de communication par satellite. C'est pour
22:50 ça qu'il faut mieux comprendre les risques pour ensuite mieux se protéger. Aujourd'hui
22:53 on n'a pas les outils, nous Saïsat est notre rôle de développer ça grâce à Carista.
22:58 Est-ce qu'on peut avoir un exemple d'outils à impliquer, sans que vous nous réveilliez
23:03 peut-être tous les secrets technologiques de votre entreprise, mais comprendre en quoi
23:07 consistent ces solutions ? Pour bien comprendre, ça dépend beaucoup du but de la mission.
23:12 Chez Saïsat, on a travaillé avec une dizaine d'acteurs d'opérateurs du New Space qui
23:17 sont venus nous voir en disant "ça c'est notre business, comment je peux me protéger ?"
23:21 Il faut vraiment avoir cette approche de "security by design" où on réfléchit, qui peut m'attaquer,
23:26 quels sont les moyens de ces attaques en potentiel. Est-ce que par exemple un acteur étatique
23:31 russe, pour reprendre l'exemple de Biasat, peut s'intéresser à mon service ? Est-ce
23:35 que je travaille d'une façon ou d'une autre pour les renseignements ukrainiens ? Est-ce
23:39 que je veux fournir des services au gouvernement français ? En fonction de ça, en fonction
23:44 du but de ma mission, je dois décider ce qui est le plus critique. Est-ce que c'est la
23:48 confidentialité des données ? Est-ce que c'est la disponibilité de mon service ? Est-ce
23:53 que c'est l'authentification de mes données qui va être la plus importante ? Et en fonction
23:56 de cette réflexion, on met les outils en place pour protéger les données les plus
24:01 sensibles. C'est vraiment cette démarche-là qu'on essaye de promouvoir vers nos clients.
24:05 Donc du sur-mesure ? Oui, parce que chaque business est particulier,
24:09 donc il faut réfléchir à ça. Ensuite, notre job chez SISEX, c'est de développer
24:14 des produits qui sont le plus standard possible, qui soient le plus intégrables, etc.
24:19 L'interopérabilité, c'est un énorme sujet, surtout dans le secteur spatial.
24:22 Absolument. On doit fournir les briques de base qui sont ensuite utilisables par tous
24:28 les opérateurs. Est-ce qu'il y a une différence sur ce sujet
24:33 entre l'Europe et les États-Unis, par exemple ? On récupère cette vague du New Space,
24:40 est-ce que sur le sujet de la cybersécurité, pour les acteurs du New Space aussi, on serait
24:45 un petit peu en décalage ? Je crois qu'en tout cas, les besoins sont
24:48 les mêmes. Si on regarde les constellations, qu'elles soient de petite taille, de taille
24:53 moyenne ou de grande taille, Starlink, Planète, OneWeb, les enjeux sont les mêmes.
25:00 Est-ce qu'ils sont protégés ? Est-ce qu'ils sont protégés ? Ils ne le
25:04 diront pas, mais je pense qu'ils ont nécessairement besoin de vérifier s'ils sont protégés
25:11 et s'ils ne le sont pas tout à fait, de faire appel à SISEC pour être protégés.
25:16 On se rend compte du potentiel du marché aussi, de l'importance de réagir vite, de
25:20 trouver des financements, d'avoir de nombreux acteurs pour ne pas être en retard sur ce
25:26 sujet-là. Il y a un sujet d'enjeu européen, de souveraineté
25:29 qui s'appelle eSquare, qui est la constellation européenne lancée assez récemment par
25:35 le commissaire européen Thierry Breton. La cybersécurité est au centre des consortiums
25:42 qui seront créés pour aider cette nouvelle constellation à être aux normes, aux meilleurs
25:49 standards de cybersécurité en Europe. C'est une transition toute trouvée. Est-ce
25:53 qu'il faut normer davantage la cybersécurité, la sécurité dans le secteur spatial en particulier
25:59 ? Est-ce qu'il va falloir imposer une réglementation efficace ou est-ce que ça se fera seulement
26:05 par le privé ? De la manière un petit peu similaire à
26:08 celle que vous avez prise comme exemple, Exotrell. Vous avez parlé d'Exotrell qui est une participation
26:12 historique de Carista également. Il va falloir, je pense, imposer de manière commerciale
26:18 ou de manière standard, en fait, effectivement l'équipement de l'infrastructure spatiale
26:24 d'éléments de base dont la cybersécurité. Donc je crois beaucoup au fait de disposer
26:29 d'un acteur qui permet d'offrir une solution la plus standard possible et la plus adaptée
26:34 en fait au modèle que l'on souhaite pour protéger ces infrastructures mais également
26:41 les données et donc les citoyens. Je vais juste mentionner pour revenir sur
26:46 les Etats-Unis. Donc nous quand on a créé cet événement CYSAT, c'était parce qu'on
26:51 était un petit peu jaloux de ce qui se passait aux Etats-Unis. Donc ils avaient déjà des
26:53 conférences, des programmes même de hackers, Hackersat qui est maintenant très connu,
26:58 des chercheurs qui travaillent sur le sujet. Et en Europe en 2018-2019 quand on a commencé
27:02 à s'intéresser au marché, il ne se passait pas grand chose. Donc on s'est dit voilà
27:05 il faut lancer le premier événement européen. Donc c'est comme ça qu'on a créé le CYSAT.
27:11 Et même chose du côté des solutions et des produits. Donc il y a un peu plus de maturité
27:17 côté américain parce qu'ils ont compris que le spatial était un enjeu géopolitique.
27:20 Donc Trump a créé la Space Force dans les années 2018-2019. En Europe on est un petit
27:26 peu plus lent. Donc c'est pour ça qu'on essaie de rattraper notre retard et d'avoir
27:31 des briques technologiques souveraines. Donc voilà c'est l'enjeu géopolitique avec
27:35 la constellation européenne. Il nous faut des acteurs européens, il faut un écosystème
27:39 européen. Et il faut des fonds pour les financer. Et il faut des fonds pour les financer exactement.
27:42 Alors on va conclure cette émission. On rappelle que le 26 et le 27 avril prochain à Station
27:49 Eiffe a lieu ce fameux événement, le CYSAT qui va réunir combien d'acteurs à peu près
27:54 dans de l'industrie spatiale, de la cybersécurité en général et de la tech aussi, c'est ça ?
27:58 Oui c'est ça. Donc l'idée c'est vraiment d'écloisonner, de mettre ensemble les acteurs
28:02 du spatial, les ingénieurs, les décideurs avec le monde de la cybersécurité. Il faut
28:07 que ces deux mondes puissent se parler pour créer cet écosystème qui manque aujourd'hui,
28:12 fournir des solutions pour la constellation européenne, pour tous les futurs programmes
28:15 qui vont venir. On attend à peu près 500 personnes à Station Eiffe. Donc voilà, on
28:19 double chaque année. Si on croise les doigts, on va devenir le plus gros événement mondial
28:24 sur le sujet avec les meilleurs experts. Les Américains viennent à Paris. Voilà, on
28:29 est en train de devenir, de créer un peu ce...
28:32 C'est une vitrine pour les acteurs européens.
28:34 Oui exactement. Et on a la chance de compter tous les leaders industriels européens, les
28:39 agences, l'ESA, l'ESPA nous font confiance, Airbus, Thales, OHB etc.
28:43 Le CNES.
28:44 Oui bien sûr. Philippe Baptiste fera l'ouverture de l'événement. Les startups, le New Space,
28:50 les chercheurs, les hackers, voilà. Tout cet écosystème là sera à la Station Eiffe
28:54 dans deux semaines.
28:55 Merci beaucoup d'avoir pris le temps tous les deux de venir en plateau pour parler
28:58 de ce sujet hyper important, celui de la cybercriminalité et des solutions en cybersécurité pour enfoncer
29:05 l'industrie spatiale. Merci à tous de nous avoir suivis. On se retrouve dès la semaine
29:09 prochaine sur Bismarck.
29:10 [Musique]

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