La chronique du Dr Milhau du 17/04/2023

  • l’année dernière
Les conseils de notre docteur Brigitte Milhau sur les sujets santé qui vous concernent dans #BonjourDrMilhau
Transcript
00:00 Le Dr Millau est avec nous. Bonjour docteur.
00:02 Bonjour.
00:03 Cette information de nos confrères du Parisien qui annonce à la une ce matin
00:08 que les métastases du cancer, écoutez bien,
00:10 pourraient être traquées grâce à l'IA, grâce à l'intelligence artificielle.
00:16 Avant, Dr Millau, Brigitte, rappelez-nous ce que sont les métastases.
00:20 Oui, alors pour parler des métastases, il faut bien entendu commencer par rappeler
00:24 les caractéristiques des cellules cancéreuses.
00:27 Je vous en ai mis quelques-unes, il y en a d'autres.
00:30 Les principales, elles sont indépendantes, c'est-à-dire qu'en fait,
00:33 normalement, toutes les cellules de notre corps, elles obéissent à une horloge
00:38 qui dit "toi, tu vas vivre 4 heures, toi, tu vas vivre 120 jours",
00:41 comme les globules rouges par exemple.
00:42 Là, non, elles sont complètement indépendantes, elles n'écoutent personne, personne, personne.
00:46 Elles sont immortelles, c'est-à-dire qu'en fait, elles se multiplient, se multiplient,
00:48 se multiplient, elles n'ont plus de signal de mortalité, contrairement aux autres.
00:52 Elles sont manipulatrices, c'est-à-dire qu'en fait, elles sont capables de se draper,
00:56 par exemple, d'une espèce de cap d'invisibilité, pour se faire passer pour des cellules gentilles
01:01 et pour pas être reconnues par notre système immunitaire,
01:04 qui normalement devrait nous en débarrasser.
01:06 Donc là, elles se transforment, elles mettent un masque, si vous voulez,
01:09 pour se faire passer pour des cellules très sympas.
01:12 Elles sont profiteuses, elles vont profiter de toute l'énergie des cellules,
01:17 du tissu dans lequel elles se sont installées, pour après piquer,
01:21 parce que comme elles se multiplient en permanence, elles ont besoin de manger.
01:24 Elles sont même capables de fabriquer ce qu'on appelle la néo-angéogénèse.
01:29 Néo, ça veut dire nouveau, angéo, ça veut dire vaisseau et génèse fabrication.
01:33 Elles sont capables de faire fabriquer des nouveaux vaisseaux
01:35 pour justement avoir à manger, puisqu'elles grossissent, elles grossissent, elles grossissent.
01:39 Elles sont envahissantes, c'est-à-dire qu'en fait, elles vont s'étaler
01:42 dans le tissu dans lequel elles se sont installées pour l'envahir complètement.
01:46 Elles sont aussi capables de disséminer.
01:49 C'est-à-dire qu'en fait, normalement, nos tissus, et c'est assez logique,
01:55 ils sont solides, il y a une espèce de cohésivité du tissu.
01:59 Et là, elles ont perdu cette propriété de cohésivité.
02:02 Quand vous avez de l'os, vous n'avez pas des morceaux d'os qui se baladent partout, heureusement.
02:07 Eh bien là, les cellules cancéreuses ont perdu cette cohésivité,
02:11 c'est-à-dire qu'elles ne restent pas groupées comme ça,
02:13 mais elles sont capables d'aller disséminer soit par le système lymphatique,
02:19 soit par le système sanguin dans la circulation sanguine.
02:22 Là, je vous ai mis un petit schéma pour vous montrer ce que fait le cancer primitif
02:27 quand il envoie des métastases.
02:29 Vous voyez là-haut, il y a le cancer primitif.
02:31 Là, comme il a perdu cette cohésivité, il y a des petites cellules qui peuvent partir dans la circulation.
02:38 Hop, hop, hop !
02:39 Évidemment, c'est simplifié.
02:41 Elles s'en vont, ces petites cellules, et elles vont aller faire un autre cancer ailleurs.
02:45 C'est ce qu'on appelle une métastase.
02:47 Vous voyez, par la circulation sanguine, elles envoient des cellules cancéreuses
02:51 et elles font des métastases.
02:52 Généralement, on sait, quand on analyse la métastase,
02:57 quelle est la tumeur primitive, quel est le cancer primitif,
03:00 quelle est la maman, si vous voulez.
03:02 On appelle ça la tumeur mère.
03:04 On arrive à le savoir généralement sans aucun problème, puisqu'on a du tissu.
03:08 Si la tumeur mère, c'est du sein, on retrouve des caractéristiques du sein.
03:13 Si c'est un autre tissu, de l'os ou autre chose, on arrive à retrouver.
03:19 Et là, justement, dans cet exemple qui est cité dans "Le Parisien",
03:22 c'est un homme d'une cinquantaine d'années, Wilfried,
03:26 qui avait des métastases absolument partout, dans le cerveau, dans les os, etc.
03:30 Mais on ne trouvait pas la cellule mère.
03:34 Et donc, on le soignait, on lui donnait des chimiothérapies, etc.
03:37 Mais il y avait d'autres métastases qui arrivaient,
03:39 puisque la cellule mère continuait à émettre.
03:42 Généralement, elles sont assez grosses, on arrive à les trouver.
03:44 Mais là, elles étaient toutes petites et on n'arrivait pas à trouver.
03:48 Et l'idée, c'est pour ça qu'il y a cette une du "Parisien",
03:52 c'est d'avoir mis l'intelligence artificielle au secours de la santé
03:58 pour trouver justement quelle était la tumeur mère.
04:04 Pour ça, qu'est-ce qu'ils ont fait ?
04:05 Ce qu'on fait habituellement, tout le temps, et on continue,
04:08 parce que malheureusement, il n'y a que 150 personnes qui en ont bénéficié.
04:12 Il faut quand même, j'ai oublié de vous dire,
04:13 il y a un chiffre qui est assez impressionnant quand même.
04:15 Dans 5 à 10 % des cancers, on ne retrouve pas l'origine.
04:20 Donc, c'est quelque chose d'assez fréquent de ne pas retrouver la tumeur mère.
04:25 - Et on peut soigner un cancer sans trouver la tumeur mère ?
04:27 - On le soigne, mais le problème, c'est que l'autre, elle continue.
04:29 La maman a envoyé plein de petits, a fait plein de petits partout.
04:32 Et ailleurs, il y a des métastases un peu partout.
04:33 - Donc, c'est capital de trouver la tumeur mère ?
04:35 - C'est capital de trouver la tumeur mère pour arriver à agir sur le tissu
04:39 qui envoie les métastases, sur la tumeur primitive qui envoie les métastases.
04:43 Et donc, normalement, ce qu'on fait, on fait des coupes,
04:46 on prend un petit morceau de tumeur, quand elle est accessible, évidemment,
04:49 on fait des coupes, on regarde et on essaie de repérer justement quelle est la tumeur mère.
04:53 Et là, ils ont eu l'idée géniale d'utiliser, comme on n'arrivait pas à trouver,
04:58 l'intelligence artificielle qui, elle, va être capable,
05:01 avec un algorithme spécifique, d'arriver à analyser l'ARN des tumeurs,
05:06 des millions d'ARN, etc.
05:09 C'est un petit peu comme si on faisait une recherche génétique,
05:12 vous savez, pour retrouver quel est le père, le grand-père, la grand-mère, le machin, et tout.
05:15 C'est un petit peu la même chose.
05:17 Et ils ont réussi à trouver.
05:19 Et en fait, sa tumeur était une toute petite tumeur qui était passée inaperçue,
05:23 alors qu'on avait cherché, toute petite, passée inaperçue, qui était dans les reins.
05:28 Et depuis, grâce à ça, il est traité et on a réussi à stopper le phénomène de métastase.
05:33 Mais vous voyez, si ça peut arriver à faire qu'on puisse trouver ces 5 à 10 %
05:39 où on ne trouve pas la tumeur primitive et qu'on puisse arriver à les traiter
05:44 en fonction du tissu principal, du tissu à l'origine de ces métastases.
05:50 Donc voilà une avancée incroyable, extraordinaire.
05:53 Elle va être présentée à Orlando dans les jours qui viennent.
05:56 Mais surtout, ce qu'il faudrait, c'est qu'on arrive vraiment à en faire bénéficier un maximum.
06:00 Pour l'instant, il n'y a eu que 150 patients qui en ont profité.
06:04 On espère que ça va se diffuser largement.
06:06 Merci docteur.
06:08 [Musique]
06:11 [Sous-titres réalisés para la communauté d'Amara.org]