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Business avec l’Afrique : l’heure du New Deal

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00:00 Philippe Labonne, bonjour. Bonjour.
00:09 Nous sommes très heureux de vous accueillir parce que votre parole est plutôt rare.
00:12 Je vais rappeler un peu votre parcours. Vous avez commencé chez PWC et après vous avez
00:20 30 ans de carrière chez Bolloré. Vous avez fait un peu tous les métiers, la logistique,
00:25 le rail, jusqu'à diriger Bolloré Africa Logistics. Alors Bolloré a un peu défrayé la chronique
00:33 l'année dernière avec cette opération de rachat par un autre groupe familial, le groupe MSC,
00:37 Premier Armateur Mondial, il faut le souligner. On s'est posé beaucoup de questions. Premier géant
00:43 maritime, un autre géant de la logistique en Afrique. Pour rappel c'est à peu près 21 000
00:50 collaborateurs sur le continent, 250 filiales, 49 pays, 20 concessions portuaires, 2 concessions
00:59 ferroviaires, 30 ports secs, 406 entrepôts. Alors cette opération de rachat, est-ce que
01:10 vous pouvez nous en dire un peu plus ? On s'est posé beaucoup de questions. Est-ce que c'est des
01:13 questions d'image ? Est-ce qu'il y a vraiment une logique économique derrière elle ? En fait,
01:17 cette opération de rachat est un arbitrage stratégique qui s'inscrit dans la consolidation
01:29 de l'industrie logistique et plus particulièrement du secteur maritime. Depuis les années 2008,
01:39 l'industrie du secteur de transport maritime de conteneurs a connu une consolidation forte. En
01:46 fait, le principal moteur de cette consolidation, c'est que les armateurs devaient faire face à un
01:54 marché qui était tourné vers la demande, très compétitif. Et pour survivre, ils ont dû grandir,
02:03 grossir, soit sous le phénomène de merger and acquisition, soit aussi sur le phénomène de
02:11 croissance organique. Là où il y avait 20 armateurs à la fin des années 2009-2010,
02:21 qui représentaient 80% des capacités du transport maritime de conteneurs, aujourd'hui il y en a 6.
02:28 Donc je ne vais pas citer toutes les fusions qu'il y a eu, mais il y a eu en fait deux tendances,
02:35 donc les fusions et les acquisitions, et un armateur qui a une stratégie différente,
02:40 qui a connu une croissance interne, une croissance organique, et qui est devenu le numéro un mondial.
02:46 Et qui avait des activités en Afrique.
02:47 Et qui avait des activités en Afrique. Donc je disais que face à cette phase de consolidation
02:54 du secteur maritime et des armateurs, les logisticiens que nous sommes ont dû aussi
02:59 grandir. Grandir pour pouvoir conserver un pouvoir de négociation avec ces acteurs qui jouent un rôle
03:06 stratégique dans la chaîne de valeur. Donc aussi on a eu des grandes concentrations dans le secteur
03:15 des freight forwarders. La deuxième conséquence en fait des années 2000, c'est que, on sait tous,
03:25 il y a eu suite à la crise de 2008, une injection de liquidités dans l'économie qui s'est en partie
03:32 orientée vers les infrastructures. Alors je viens, je vais répondre à votre question sur l'orientation
03:37 et le sens de cette opération. En fait nous nous sommes retrouvés dans une industrie consolidée,
03:44 où il fallait grossir, à la fois dans le domaine logistique et à la fois dans le domaine des
03:50 infrastructures. On a vu arriver des grands fonds qui ont injecté des capitaux, qui ont rendu ce
03:57 secteur plus compétitif, plus cher et aussi des fonds d'Etat. Donc face à ce double phénomène,
04:05 nous avons beaucoup discuté avec Cyril Bolloré de l'orientation à donner à notre compagnie et
04:13 il était clair que le futur passait par des arbitrages. Et que l'arbitrage qui paraissait
04:20 le plus le plus sain pour Bolloré, Africa Logistik et donc maintenant pour AGL, pour ses collaborateurs,
04:27 pour ses partenaires, c'était d'adosser notre compagnie à un grand acteur du secteur maritime.
04:33 Et en fait nous avons eu aussi de la chance parce que nous avons eu un acteur très intéressé par
04:40 l'Afrique, qui a donc décidé de reprendre notre compagnie pour lui donner un nouvel élan.
04:46 Une des inquiétudes c'était aussi la perte d'ADN. Perte d'ADN français mais aussi perte d'ADN
04:51 africain. Et je crois que très rapidement Diego Aponte a dit qu'il s'inscrivait dans les pas de
04:56 Vincent Bolloré. Est-ce toujours le cas ? En fait la stratégie de Diego Aponte, de la famille MSC,
05:05 c'est de participer à la transformation de l'Afrique et de le faire avec les équipes qui
05:13 ont construit le réseau que vous avez décrit aujourd'hui. Et donc la volonté de Diego Aponte,
05:20 c'est que nous allions plus loin, plus vite, plus fort avec Africa Global Logistik pour être un
05:26 acteur clé des grands changements de l'Afrique. C'est toujours 90%, 95% de cadres africains dans
05:34 le groupe d'employés de CAD ? Ah oui c'est plus de 95% d'africains à tous les niveaux. En fait
05:41 notre groupe est un groupe africain par les hommes qui l'animent. La crise sanitaire et les effets
05:48 de la guerre en Ukraine ont profondément déréglé la chaîne logistique mondiale. Quel est l'impact
05:55 sur vos activités, sur les circuits de distribution vers l'Afrique, qui sortent de l'Afrique ? En fait
06:05 la principale conséquence de la crise sanitaire, ça a été la création d'étranglements logistiques,
06:14 d'abord par une réorientation des flux entre l'Est et l'Ouest. Contrairement à ce qu'ont pensé les
06:23 pays qui n'ont jamais autant consommé, les pays occidentaux. Cela a donc poussé les lignes
06:30 maritimes à orienter leurs navires sur les legs Est-Ouest, ce qui a entraîné des grandes
06:37 congestions dans les ports, notamment dans les ports américains, et donc des surcots logistiques
06:43 importants. Et ce qui nous a fait rencontrer une certaine diminution des capacités sur le
06:53 range africain en 2022, parce que les compagnies maritimes orientaient leurs navires différemment.
07:01 Donc notre chance, et c'est pour ça je reviens à votre première question, c'est là où il est
07:05 important pour un logisticien d'être adossé à un armateur aujourd'hui, c'est que grâce à notre
07:11 appartenance à la famille MSC, nous allons pouvoir disposer plus facilement de capacités effectuées
07:18 sur les ranges africains. Maintenant, si on va plus loin dans les conséquences de la crise
07:24 sanitaire, je pense que tout le monde a bien compris aujourd'hui, et de la guerre en Ukraine,
07:29 et de ses impacts sociaux et géopolitiques, tout le monde a bien compris la nécessité de
07:36 réorienter ses chaînes d'approvisionnement, et je pense que c'est très porteur pour le continent
07:41 africain. Oui, comment vous adaptez à cette nouvelle donne ? Il y a une prise de conscience
07:44 en Afrique qu'il faut aussi produire beaucoup plus localement, il y a cette zone de libre-échange
07:48 qui est en train de se mettre en place au niveau continental aussi, comment ça va impacter,
07:53 modifier, faire évoluer vos activités ? En fait, nous sommes convaincus qu'un des moteurs de la
08:00 croissance en Afrique sera le développement du commerce intra-africain. Par la création de ces
08:08 zones de libre-échange, récemment le président Routaud a annoncé la consolidation des zones
08:13 d'Afrique de l'Ouest, SADEC, Afrique de l'Est, qui va représenter une zone de plus de 28 pays qui
08:20 vont commercer ensemble, mais il y aura un phénomène de développement du commerce intra-africain avec
08:27 une localisation des industries en Afrique pour le continent africain, ce qui pour nos logisticiens
08:32 a l'avantage de créer deux flux là où il y en avait un. Et le deuxième phénomène, c'est que
08:39 je pense aussi que les industriels européens qui ont fait face à la crise de l'Ukraine et aux
08:47 sanctions qui en ont suivi, anticipent aujourd'hui la possibilité malheureusement de nouvelles crises
08:56 et donc vont chercher à développer des sources d'approvisionnement plus proches de l'Europe,
09:03 et je pense que l'Afrique est bien positionnée pour répondre à cette demande.
09:08 Quand on préparait cette séquence, on a aussi beaucoup parlé des besoins d'investissement
09:14 en infrastructures pour développer ce commerce inter-africain. Vous, vous continuez à croire au
09:20 rail ? Oui, je suis convaincu que le rail est un levier fort de développement en pays,
09:28 en particulier pour les pays enclavés. On sait tous les crises politiques que traversent les
09:36 pays du Sahel et je suis convaincu que le rail, qui est un vecteur logistique puissant,
09:42 peut permettre à ces zones enclavées de produire des produits agricoles, de les transformer,
09:49 de les réexporter. Et le gros avantage du rail, c'est qu'il crée des zones d'éclatement,
09:55 des hubs sur lesquels vous pouvez avoir à la fois des entrepôts de stockage mais aussi
10:01 des sous-traitants logistiques qui vont faire le last mile. Historiquement, Bolloré a investi dans
10:08 le rail, les Chinois sont aussi très présents, les Indiens aussi en Afrique de l'Est d'une
10:15 manière historique. Alors il y a cette nouvelle ambition européenne avec ce fonds global Gateway,
10:22 150 milliards qui vont être consacrés à l'Afrique. C'est des investissements énormes, le rail ? Oui,
10:30 en fait, vous savez, comme vous le dites, on opère deux chemins de fer en Afrique et le fruit de mon
10:38 expérience, c'est qu'aucun opérateur privé ne peut supporter seul le financement d'un réseau
10:46 ferroviaire. En revanche, il peut apporter son expertise de gestion, sa capacité à comprendre
10:52 les flux et créer en partenariat avec les états des conditions pour réaliser cette infrastructure.
11:00 Mais c'est clair qu'il faudrait un plan Marshall pour le chemin de fer en Afrique, à la fois pour
11:05 éviter les congestions urbaines mais aussi, j'insiste, pour permettre aux pays enclavés de
11:10 connaître un développement et d'éviter les grands exodes vers les ports. Le temps tourne très vite,
11:16 j'ai envie de vous poser une dernière question, une double question. Est-ce que AGL va poursuivre
11:20 ses investissements en Afrique ? A quel rythme ? Et quels sont les secteurs porteurs sur le
11:27 continent ? AGL va investir 400 millions d'euros cette année, donc on va poursuivre nos investissements.
11:34 Tout d'abord, on va les poursuivre dans les ports. On a trois projets d'extension. On a un projet au
11:40 Congo, un projet au Bénin et un projet en Guinée-Conakry. Vous savez, le groupe MSC dispose
11:47 aujourd'hui d'une flotte de 750 ports conteneurs et il a 150 navires en commande. Donc il est important
11:52 que les terminaux conteneurs que nous opérons anticipent sur cette phase de capacité. Un autre
11:59 secteur important, je pense, pour l'investissement d'AGL sera les zones industrielles et logistiques.
12:05 Il y a aujourd'hui plus de 250 projets de zones logistiques en Afrique. Il est important pour AGL
12:13 de se positionner sur ces zones porteuses. Philippe Labonne, je vous remercie. Merci.
12:19 [Applaudissements]
12:22 [Musique]

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