Avec Anne-Cécile Mailfert, fondatrice de la Fondation des femmes, ancienne Porte-parole d’Osez le féminisme.
Retrouvez "En toute subjectivité" sur https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/en-toute-subjectivite
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00:00 En toute subjectivité ce vendredi avec la présidente de la Fondation des femmes.
00:04 Bonjour Anne-Cécile Maïfert.
00:05 Bonjour.
00:06 Le festival de Cannes a révélé son affiche cette semaine.
00:09 Et c'est une affiche magnifique, en noir et blanc, et une actrice superbe, Catherine
00:13 Deneuve.
00:14 Elle est présentée comme résonante avec l'esprit insaisissable d'un festival et
00:18 d'un cinéma marqué par, je cite, « l'audace et l'irrévérence ». Faut-il y voir l'audace
00:23 d'une Deneuve qui signait le manifeste des 343 ou l'irrévérence de celle qui revendiquait
00:28 la liberté d'importuner ? Car cette image et ses qualificatifs résonnent étrangement
00:32 avec le film choisi pour ouvrir le festival, Jeanne Du Barry, de la réalisatrice Maïwen
00:37 et son acteur star Johnny Depp.
00:39 Est-ce une audace que de déployer le tapis rouge à la star américaine ? L'audace
00:43 d'une réhabilitation que ne lui offre aucune autre cérémonie américaine ? En s'abritant
00:48 derrière des décisions de justice pour justifier ce choix, le directeur du festival, Thierry
00:52 Frémaux, prend bien des libertés.
00:53 Car on ne peut pas dire que Johnny Depp ait gagné le procès pour diffamation qu'il
00:57 tentait contre son ex-épouse.
00:59 Dans ce qu'on a appelé le procès du siècle il y a quelques mois, Amber Heard a été
01:03 condamné sur certains chefs d'accusation certes, mais pas lui.
01:06 Mais lui aussi, pardon.
01:07 Et plutôt deux fois qu'une.
01:09 Quelques mois plus tôt, il perdait son procès contre The Sun, qu'il avait qualifié de
01:13 « Marie battant son épouse », et le dossier judiciaire publié depuis écorne l'image
01:17 qu'il a tenté de préserver.
01:19 Car s'il est une victoire qu'il a remportée, c'est plutôt celle du tribunal médiatique.
01:23 Comme l'ont démontré de nombreux journalistes, il a été l'excellent premier rôle d'un
01:26 procès digne d'une télé-réalité, scénarisée en direct par des influenceurs masculinistes,
01:32 galvanisé par l'idée de terrasser Amber Heard et par la même de faire taire MeToo.
01:37 Et pour l'irrévérence ? S'il n'a rien d'audacieux, ce choix est
01:40 sans doute irrévérencieux.
01:42 Irrévérencieux pour Amber Heard qui harcelait ses réfugiés anonymement en Espagne et n'a
01:47 droit ni à une montée des marches, ni même à travailler.
01:49 Irrévérencieux pour MeToo aussi, ce mouvement mondial né dans le cinéma qui a essémé
01:55 à travers le monde.
01:56 Ces derniers jours, même une icône comme Gérard Depardieu est confrontée à la réalité
02:02 dans une enquête Mediapart qui donne la parole à 13 femmes l'accusant de violences sexuelles.
02:06 Faut-il donc vraiment honorer celui qui a fait taire sa victime devant les caméras
02:11 du monde entier ? Irrévérencieux enfin pour le cinéma, alors
02:15 que cette année la barre de plus de 30% de films sélectionnés réalisés par des femmes
02:20 est dépassée et que la mobilisation des actrices et des réalisatrices auprès du
02:24 TNC et des festivals commence à payer.
02:26 Serait-ce le signe d'un backlash tant redouté ?
02:29 Mais alors Anne-Cécile, qu'attendez-vous au fond du cinéma français ?
02:32 Il est temps de sortir du « en même temps ». Les violences sexistes et sexuelles existent.
02:38 Il faut les dire, protéger celles qui parlent et lutter contre l'impunité.
02:41 Et sur ce dernier point, tout reste à faire.
02:44 Johnny Depp est le symbole d'un monde qui ne veut pas mourir, celui d'une solidarité
02:49 entre puissants.
02:50 A Cannes, comme dans le monde entier, le cinéma pourrait réussir ce qu'il sait faire de
02:54 mieux.
02:55 L'audace de mettre dans la lumière celles qui ont été trop longtemps dans l'ombre
02:58 et les révérences de dénoncer ceux qui ont trop longtemps été protégés.
03:02 Merci à vous, Anne-Cécile Maïfert.