Avec Anne-Cécile Mailfert, fondatrice de la Fondation des femmes, ancienne Porte-parole d’Osez le féminisme.
Retrouvez "En toute subjectivité" sur https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/en-toute-subjectivite
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00:00 7h20, en toute subjectivité, ce matin avec la présidente de la Fondation des Femmes.
00:09 Bonjour Anne-Cécile Maïfer.
00:10 Bonjour Jean.
00:11 Ce matin, vous nous parlez d'un bermuda.
00:13 Vincent, un formateur dans le secondaire, a subi une vive déconvenue quant à sa tenue.
00:17 Comme à chaque fois que les températures montent, il s'est habillé de manière adaptée
00:20 et il a mis un bermuda.
00:22 Arriver au lycée lui fut signifié qu'en aucun cas il ne pouvait ainsi habiller.
00:26 Le règlement intérieur de cet établissement stipule que les casquettes et bermudas sont
00:30 hors la loi.
00:31 Ce farceur habitué de Twitter s'est empressé d'acheter une longue jupe qui ne faisait
00:35 pas partie des habits prohibés.
00:36 Le lendemain, il s'est représenté au lycée avant que l'adjointe du proviseur ne lui
00:40 signifie qu'il serait renvoyé.
00:41 Il s'est indigné et a publié sur les réseaux sociaux l'ensemble de ses mésaventures
00:46 qui témoignent de bien davantage que d'une désinvolture.
00:49 Car si de tout temps les femmes ont été habituées à ce qu'on regarde de près leur
00:52 tenue, il est plus rare que l'uniforme des hommes soit ainsi épinglé.
00:56 C'est pourtant bien l'habit masculin qui pose des questions quant à nos lendemains.
01:00 Alors pourquoi ce vêtement masculin poserait-il désormais davantage question ?
01:04 Ce dont l'affaire Vincent témoigne, c'est aussi que face au réchauffement climatique,
01:09 l'accoutrement masculin classique pantalon, chemise et veste peut être problématique
01:14 et il n'y a là, dedans, absolument rien d'ironique.
01:17 Souvenez-vous l'hiver dernier, du gouvernement pleinement mobilisé à nous dire comment s'habiller
01:22 et nous indiquer qu'il était de bon ton de mettre des cols roulés pour baisser le
01:25 chauffage.
01:26 Et ces efforts ont participé à faire économiser 12% d'électricité.
01:30 Si ça concerne les hommes en particulier, c'est que plusieurs études ont montré que
01:34 les températures moyennes des bureaux étaient calquées sur le métabolisme masculin de
01:38 20 à 35% plus calorifique que celui des femmes.
01:41 Concrètement, beaucoup de femmes ont toujours froid dans les grands édifices car c'est
01:45 sur les hommes et leurs habitudes vestimentaires que s'ajuste le chauffage en hiver et l'été
01:50 la clim.
01:51 Ce sont les écoféministes qui pointent les travers machistes qui font flamber la planète.
01:55 Elles remplacent ainsi le mot « anthropocène », l'air des humains, principale force
02:00 de changement et de destruction du vivant, par le mot « androcène », du mot « homme
02:04 » qui lie le système patriarcal, le capitalisme, au dérèglement climatique.
02:08 Pour préciser la notion, on pourrait proposer le « costarocène », l'époque des hommes
02:14 en costard au centre d'un désordre planétaire inédit.
02:17 Donc vous voulez convaincre les hommes de quitter leurs pantalons ?
02:20 C'est sûr que pour beaucoup d'hommes, les vêtements c'est plutôt un truc de
02:23 femmes qui ont du temps.
02:24 Et pourtant.
02:25 L'historienne du féminisme Christine Barre a consacré une grande part de son œuvre
02:29 à l'histoire politique du vêtement.
02:30 Dans son livre « Ce que soulève la jupe », elle rappelle qu'au XIe siècle, la
02:35 jupe n'était ni féminin ni masculin.
02:36 Peu à peu, la différence des sexes par le vêtement s'est imposée.
02:39 Aujourd'hui, la jupe ouverte témoigne de l'accessibilité du corps des femmes.
02:43 Le pantalon fermé permet à l'homme de s'imposer.
02:45 Les femmes ont dû lutter pour briser leur corset et avoir le droit de porter le pantalon.
02:50 Le temps n'est-il pas venu pour les hommes de soulever la question et de se libérer
02:54 du pantalon ? Et d'ailleurs, un ministre ou un président en jupe ou en bermuda ne serait-il
02:58 pas le signe, à peu de frais, d'une prise de conscience de l'urgence du climat ?
03:02 Nicolas Demorand : merci à vous Anne-Cécile Maïfert. Je vous dis à vendredi prochain.