Christine Kelly et Marc Menant reviennent sur les personnages célèbres qui ont fait l’histoire dans #LesGrandsDestins
Vedette du music-hall d’origine américaine, Freda Josephine McDonald (1906-1975), alias Joséphine Baker, joua un rôle important dans la Résistance française pendant la Seconde Guerre mondiale.
Vedette du music-hall d’origine américaine, Freda Josephine McDonald (1906-1975), alias Joséphine Baker, joua un rôle important dans la Résistance française pendant la Seconde Guerre mondiale.
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00:00 -Bonjour à tous et bienvenue dans l'émission "Les grands destins".
00:04 Cette émission s'arrête sur ceux qui ont fait l'histoire.
00:08 Aujourd'hui, nous allons nous arrêter
00:10 sur le grand destin de Joséphine Backer,
00:13 avec Marc Menand.
00:14 Ce que l'on va découvrir dans cette émission,
00:17 c'est que la France est une chance
00:19 pour toute personne éprise de liberté et d'égalité.
00:22 Joséphine Backer, comme elle aimait qu'on l'appelle,
00:25 non pas Baker, mais Backer, qui n'aura de cesse
00:28 de marquer la France comme une patriote.
00:31 ...
00:36 Bonjour, Marc Menand.
00:39 Joséphine Backer est-elle l'exemple de l'assimilation ?
00:44 -Oh que oui, mais surtout, la fierté d'être française.
00:47 Elle s'est rendue compte de ce qu'était notre nation,
00:51 à savoir un lieu féerique, dira-t-elle,
00:55 en 1963, à Washington, devant 300 000 personnes
01:00 qui rêvent des droits civiques,
01:02 de tous ces Noirs en souffrance aux Etats-Unis.
01:05 Elle était des leurs, mais elle a découvert, en France,
01:08 que tout homme, quelle que soit sa couleur,
01:11 pouvait vivre en respectabilité,
01:14 en égalité, en liberté.
01:17 Et cet enthousiasme, cette joie de vivre,
01:20 je dirais, elle nous a adoptés,
01:23 mais adoptons-la pour représenter la France.
01:25 -Une petite surprise pour vous, mais ça dépend
01:28 si vous me racontez bien. -D'accord.
01:30 Je vais faire un effort. -On verra.
01:33 On commence toujours par une anecdote
01:35 pour savoir un peu la substantifique moelle
01:38 de notre personnage.
01:39 L'enfant de plus.
01:47 -30 novembre 1959.
01:51 -L'hiver, vous allez dire, en novembre,
01:53 comme vous y allez. Eh bien, oui, c'est un hiver précoce.
01:57 Il a neigé, le verglas,
02:00 et il y a une réception en son honneur
02:03 au premier étage de la Tour Eiffel.
02:05 Bien évidemment, elle s'y rend.
02:07 C'est le soir, et autour d'elle,
02:09 on fourmille, c'est à qui aura l'échange,
02:12 le privilège d'avoir quelques mots.
02:15 Et puis, un de ses journalistes,
02:19 qu'elle connaît bien, s'approche,
02:21 "Vous avez vu dans l'actualité ?"
02:23 "Non, je n'ai pas le temps de m'occuper de ça."
02:26 "Mais dans François, c'est un vrai semblable."
02:28 Eh bien, ce matin,
02:30 un homme était en train de faire les poubelles
02:34 devant l'hôtel Le Périgord.
02:36 Il était là, cherchant de quoi se nourrir,
02:40 et soudain, il aperçoit, à côté de la poubelle,
02:43 un paquet.
02:44 Il l'ouvre par curiosité.
02:47 "Savez-vous ce qu'il y avait dedans ?"
02:49 "Un petit nourrisson."
02:51 Il court au commissariat.
02:53 On transfère le petit
02:57 à l'hôpital bretonneau.
02:59 Où ça ? À l'hôpital bretonneau !
03:01 Elle ne va pas plus loin dans les coudes.
03:03 Elle virevolte, descend les escaliers,
03:06 saute dans un taxi, direction l'hôpital bretonneau.
03:10 Et là, demande où le petit a été intégré.
03:14 Elle se rend au service, demande au médecin de le voir.
03:17 Il lui dit "Attendez, Madame, qui va s'en occuper ?"
03:21 "Il sera remis à l'assistance publique."
03:24 À l'assistance publique ?
03:26 Il n'en est pas question.
03:28 Il est à moi.
03:30 Mais il faut remplir des papiers.
03:32 "Vous n'occupez pas des papiers.
03:34 "Ce qui compte, c'est cet enfant, l'amour dont il a besoin."
03:38 Et elle repart avec le petit dans ses bras.
03:42 C'est le 11e qu'elle cueille comme ça,
03:45 qu'elle sort du désespoir.
03:47 Voilà notre Joséphine Becker,
03:51 qui ajoute "C'est le Seigneur qui me l'a donné,
03:56 "l'hôtel, le Périgord.
03:58 "Nous allons le conduire dans ma maison en Dordogne."
04:01 Vous voyez ? Il m'y rende.
04:04 -Et ça sera son 11e, alors qu'elle en aura 12.
04:08 On va voir comment elle a vécu son enfance.
04:13 Musique de tension
04:15 ...
04:17 -L'enfance de la petite Joséphine Becker,
04:22 elle est née le 3 juin 1906,
04:26 à Saint-Louis, dans le Missouri, aux Etats-Unis.
04:29 -Vous imaginez le Missouri dans une bourgade comme ça.
04:33 Quand vous naissez noir,
04:35 on peut dire que vous n'êtes pas particulièrement gâté.
04:39 Et là, le cas se complique.
04:41 Non seulement elle a une maman de couleur,
04:46 mais on ne connaît pas le père.
04:48 Il semblerait que ce soit un blanc, mais il a fui.
04:51 Et la maman, tout en tendresse,
04:54 désolée de ne pouvoir la conserver à ses côtés,
04:58 et qui la confie à sa sœur, Caroline,
05:01 "Occupe-toi d'elle, fais bien attention."
05:04 Il lui faut gagner le quotidien,
05:07 donc travailler dans les tâches les plus viles.
05:10 De temps en temps, elle réapparaît.
05:12 "Comment va ma petite ?"
05:14 Mais un an plus tard,
05:17 c'est un petit frère, enfin un demi-frère,
05:19 qui naît, il est bien de couleur, elle a un mari,
05:22 on convole, la famille se constitue,
05:26 et l'enfant, qui montre une joie de vivre
05:30 invraisemblable, c'est une toupie,
05:33 elle tourbillonne dans tous les sens,
05:35 c'est la gaieté même, malheureusement,
05:38 quand on est en souffrance comme ça.
05:41 On ne peut pas nourrir deux enfants.
05:43 Alors il faut la placer, comme on dit,
05:46 aussitôt qu'elle a 5-6 ans.
05:49 Et la voilà dans une famille
05:51 où on l'accueille avec des promesses de bonnes intentions,
05:55 mais en réalité, ce sont les tâches qui l'attendent,
05:59 de 5h du matin à 9h,
06:02 et puis le soir, après l'école,
06:04 jusqu'à 22h, pauvre petite bonne femme.
06:08 Et sa joie de vivre, pour autant, ne diminue pas.
06:12 Mais un jour, dans ce monde où elle est méprisée,
06:17 elle commet une petite erreur.
06:19 L'eau était soi-disant trop chaude pour faire à la vaisselle.
06:24 Et la femme qui lui dit "tu vas être punie",
06:26 et là on fait chauffer de l'eau bouillante,
06:29 et on lui plonge les mains dans cette eau bouillante,
06:32 elle hurle, on est obligé de la conduire à l'hôpital,
06:35 où les médecins constatent que les brûlures sont très graves,
06:40 et qu'ils dénoncent cette mère,
06:43 qui n'est pas mère en tant que telle,
06:45 mais qui aurait pu être la sienne,
06:47 et qui se comporte de cette façon en tortionnaire.
06:51 Elle est dénoncée, et la petite revient au foyer,
06:55 mais c'est toujours la difficulté pour la nourrir.
06:57 Alors un autre placement, là c'est chez Mme Masson,
07:01 elle est très attentionnée, elle n'a pas pu avoir d'enfant.
07:04 Et elle adore l'autre, oh que oui !
07:06 Son mari aussi, mais quelques années plus tard,
07:10 on s'aperçoit qu'il est un peu trop attentionné, cet homme-là.
07:14 Et c'est la femme qui le dénonce,
07:16 et la voilà de retour dans la famille, heureusement.
07:20 Eh bien le beau-père, ça s'est amélioré.
07:23 Il a un petit travail qui lui permet de quitter la cabane en bois.
07:27 La baraque dans laquelle vous avez les fenêtres
07:30 qui sont bouchonnées avec les journaux pour éviter le froid l'hiver.
07:34 Là c'est du dur, avec une petite cave.
07:37 Ah la cave !
07:39 Elle découvre le théâtre.
07:41 Une seule fois, elle s'y était rendue avec Mme Masson.
07:45 Ça l'avait émerveillée.
07:47 Et là, eh bien, elle prend les bouts de tissu qu'elle trouve,
07:50 elle se confectionne des costumes,
07:53 et elle joue, elle joue tout en dansant.
07:56 Mais mieux que ça !
07:58 Il y a un théâtre qui est réservé aux Noirs,
08:00 et de temps en temps, un spectacle y est proposé.
08:04 Elle voudrait bien pénétrer en ce lieu,
08:07 mais papa et maman n'ont pas les moyens.
08:10 Alors un jour, elle force la porte, en clandestine,
08:14 et on lui demande "mais où vas-tu ? Je vais voir M. le directeur !"
08:18 Elle se présente à cet homme tout chenu,
08:20 qui lui dit "mais qu'est-ce que tu fais ? Oh mais moi je suis une grande artiste,
08:23 je pourrais participer à vos spectacles, donnez-moi ma chance !"
08:27 Elle est tellement, je dirais...
08:29 - Rétillante, élevée... - Oui !
08:31 Qu'il lui dit "voyons ce que tu sais faire".
08:34 Et il l'engage pour un tout petit rôle de début de spectacle, Cupidon.
08:38 C'est formidable quand on connaît son parcours,
08:41 quand on sait l'énorme cœur qui est le sien, incarné Cupidon.
08:46 Elle est dans une sorte de petite coquille,
08:49 suspendue dans un cintre au-dessus de la scène,
08:53 et puis paf, elle apparaît et disparaît pratiquement aussitôt,
08:56 mais le soir de la première, la coquille s'ouvre trop tôt,
09:00 elle s'agrippe comme elle peut, ça fait rire tout le monde,
09:03 mais elle, elle pourrait choir et se faire très mal, voire se tuer.
09:08 On ferme le rideau, elle est là, on pleure, petite bonne femme.
09:12 Il lui dit "mais t'as pas entendu ? C'est un triomphe, on va faire ça tous les jours !"
09:16 Et c'est comme ça qu'elle fait ses débuts,
09:19 et au bout de deux mois, la troupe quitte la ville,
09:23 et là ça serait l'effondrement.
09:26 Mais il n'est pas question de laisser la chance s'en aller.
09:30 Quand on la possède, on la cultive.
09:33 Elle ne dit rien à sa maman ni à son papa.
09:37 Tout doucement, dans un sac, elle met quelques affaires,
09:42 et hop, disparaît en chargeant une copine d'annoncer la nouvelle à ses parents.
09:48 Elle est dans le train, partie pour être artiste.
09:52 Elle a seulement 13 ans.
09:54 Je lis quelques mots du discours d'Emmanuel Macron,
09:57 on en parlera plus tard.
09:59 Il a déclaré le chef de l'Etat, c'était le 30 novembre 2021,
10:02 "être battu, maltraité, fui,
10:06 "assister impuissante aux émeutes raciales et à leurs cohortes de mort,
10:09 "se marier à 13 ans, ne pas se résigner,
10:11 "danser, danser pour vivre, vivre pour danser."
10:15 La volonté d'être artiste.
10:23 -C'est donc la fugue. -Oui.
10:25 -Mais la fugue pour la liberté.
10:27 -Pour la liberté et être artiste.
10:30 Elle est là, la tête sur la vitre du train, elle pleure,
10:33 elle pense à la peine faite à ses parents,
10:36 mais on n'a pas le choix.
10:38 Je l'ai dit, quand la chance est là, il faut savoir l'épouser.
10:42 Alors, elle fait en sorte d'oublier cela.
10:44 "Bon, ils s'y feront, elle leur réécrira, ce n'est pas grave."
10:49 Et ce qui est extraordinaire,
10:52 c'est que le rôle ne peut pas être joué tous les soirs,
10:55 parce que dans les villes, le théâtre est parfois trop étroit.
10:58 Alors, ces jours-là, elle devient embarrassante.
11:01 "Je peux servir autre chose ?"
11:03 Et elle devient l'habilleuse, l'aide habilleuse.
11:07 Et un soir, la chance, toc, toc, qui frappe une nouvelle fois.
11:12 C'est une des danseuses qui vient de se faire une entorse.
11:16 Pas question pour elle de monter sur scène.
11:18 Mais elle dit "Mais moi, je peux tenir le rôle, je peux tenir le rôle."
11:22 "Pourquoi pas ? Reste."
11:24 Quand on dit Joséphine Backer, on pense couleur,
11:28 mais elle est plutôt métisse que franchement noire.
11:31 Et ça détonne avec les autres danseuses.
11:33 Alors, preuve, elle prend du chirage,
11:35 et hop, là, voilà, véritablement noire.
11:37 -Ah, elle se noircit. -Oui.
11:40 Elle se noircit et elle virevolte.
11:43 Et elle est là, le petit téton, fripon, taquin, tout le monde applaudit.
11:49 La foule exulte et elle gagne la place.
11:53 Elle est à tout jamais danseuse.
11:55 Première grande étape,
11:58 mais le spectacle dure trois mois,
12:01 et au bout de trois mois, les choses s'arrêtent.
12:03 Et là, il faudra tenter de nouveau
12:07 de trouver ceux qui croiront en votre talent.
12:11 -Alors, comment fait-elle pour trouver ceux qui croient en son talent ?
12:15 Puisqu'on sait qu'après, elle va partir pour un grand voyage.
12:19 -Eh bien, là, maintenant, elle est à New York.
12:22 C'est là où la dernière représentation a eu lieu.
12:25 À New York, il y en a des tentatives de spectacle à monter.
12:31 Alors, elle couronne les fameuses auditions.
12:36 "Montre-nous ce que tu sais faire, toi, et toi, et toi."
12:39 Et hop, eh bien, elle finit par être repérée.
12:43 Deuxième spectacle, et là encore, la chance,
12:47 car le petit rôle qui est le sien ne lui permettrait pas de se distinguer.
12:51 Là, une des danseuses, un soir, en pleurs.
12:54 Elle vient d'apprendre qu'elle est enceinte.
12:57 "Mais moi, je suis là, je sais faire."
13:00 Et de nouveau, l'emballement.
13:02 Et puis, il y a une femme qui la repérera,
13:05 qui est en train de mûrir un projet,
13:08 un projet complètement fou.
13:10 Quitter les Etats-Unis, aller en France.
13:13 Oui, là-bas, la France.
13:15 Il paraît que Paris, c'est l'incandescence la plus totale
13:19 dans ces années folles.
13:21 Alors, monter une revue, rien qu'avec Desnoirs.
13:24 Et puis, on a un trompettiste, claironétiste,
13:28 Signe Béchette.
13:29 Oh, rien qu'avec lui, déjà,
13:31 tout le monde se laisse emporter par les notes de musique.
13:35 Ah, Béchette, Béchette !
13:36 Et 25 danseurs, 25 danseurs.
13:40 Danseuse, elle est recrutée.
13:43 Et elle va pouvoir tenter le grand voyage.
13:46 -On va voir ce grand voyage, quitter New York,
13:51 cette grande ville, quand même, pour la France,
13:54 la découverte de la France.
13:57 Alors, est-ce qu'avant qu'elle arrive en France,
14:07 elle est mariée ?
14:08 -Oui ! Alors, c'est un petit détail.
14:11 C'est pour dire qu'elle a eu un coup de coeur pour Billy Baker.
14:14 "Ah, Billy Baker, il lui a plu, Billy !"
14:17 Mais le spectacle a été plus fort,
14:19 et très vite, elle s'est rendue compte
14:21 qu'ils n'avaient pas grand-chose à faire entre eux.
14:24 Mais c'est un beau nom, Baker. Il n'est pas question
14:27 de gommer le nom, mais on peut gommer le personnage.
14:30 Ils divorceront après trois ans,
14:33 et c'est le moment du voyage pour la France.
14:37 -Le moment du grand voyage, comme vous le disiez, pour la France.
14:41 Une surprise pour vous.
14:42 Regardez bien et écoutez.
14:44 15 secondes, Marc Menand.
14:47 -Quand je me suis mise mes pieds sur le sol français
14:50 la première fois,
14:52 ça a été tellement extraordinaire.
14:54 J'ai senti la liberté vibrer dans toutes mes cordes.
14:58 Eh bien, j'étais heureuse d'être en France.
15:01 Je me suis dit "Enfin libre".
15:04 -Extraordinaire. -Extraordinaire.
15:07 -Ah oui, ça vous met le frisson.
15:09 -Mais cette femme, là, telle qu'on l'a vue,
15:12 elle est véritablement l'incandescence
15:16 d'une sorte de transcendance, d'un enthousiasme
15:19 qui jamais, jamais, jamais,
15:21 et pourtant que des emmerdes, elle connaîtra
15:24 et que nous allons malheureusement que survoler,
15:27 car ils sont tellement nombreux qu'on ne pourra pas s'arrêter
15:30 à chacun des drames qui marquent son existence.
15:33 Mais ce qui est extraordinaire, c'est qu'elle comprend tout de suite
15:37 ce qui se passe à la gare. Après huit jours de traversée du Havre,
15:41 on a pris le train et gare Salazar.
15:43 Elle voit cette agitation, cette légèreté,
15:46 et surtout, pour la première fois, on ne la regarde pas,
15:50 il n'y a pas interdit au noir.
15:52 Tout le monde va et vient.
15:54 Et qu'importe qu'elle soit une dame,
15:57 qu'elle soit une demoiselle, qu'elle soit de couleur,
16:00 on s'en bat, ce qui est plus étonnant encore.
16:03 Elle s'aperçoit que des gens s'embrassent dans Paris,
16:06 là-bas, aux Etats-Unis, c'est la prison quand on fait ça.
16:10 Eh bien, oui.
16:11 Alors, eh bien, c'est ce qu'elle vient de nous communiquer.
16:15 Merci de nous avoir offert ce beau cadeau, ma chère Christine.
16:18 -Vous en prie. -Elle a senti la sève
16:20 qui la gagnait à tout jamais.
16:23 C'est le pays où il faudra vivre.
16:25 -Et comme vous dites, elle se sent pour la première fois
16:28 traitée comme un être humain, simplement, et pas comme une noire.
16:32 -Voilà. -Et c'est Paris qui lui offre ça.
16:34 -Et pour autant, pour un spectacle qui s'appelle "La Revue nègre".
16:38 -La Revue nègre.
16:39 Elle arrive pour ce spectacle.
16:42 -Elle arrive pour ce spectacle, mais en France,
16:45 dans ces années folles, le "nègre",
16:48 et ce n'est pas du tout péjoratif,
16:50 représente une sorte de liberté poétique.
16:55 Ce sont ces gens qui vivent en Afrique,
16:58 en dehors de tous les carcans d'une société trop évoluée.
17:02 Ils incarnent aussi une beauté.
17:05 Et là, malheureusement,
17:07 on lui demande d'avoir une tenue plutôt dénudée.
17:11 Elle a du mal à admettre cela.
17:13 On a même un peintre qui lui demande de poser.
17:16 "Bah, joue pas ta pudique."
17:19 "Non, je peux pas."
17:21 "Joue pas ta pudique."
17:22 Il arrive à la convaincre.
17:24 Elle pose totalement nue.
17:26 Et ce qui est formidable,
17:29 c'est qu'elle le fait dans cette allégresse
17:32 où on s'aperçoit qu'effectivement,
17:34 l'être humain peut être en splendeur
17:37 quand il existe dans la tenue que le créateur lui a donnée
17:42 au début de la création de l'espèce.
17:45 Et cette revue, au départ,
17:48 lorsque l'on a les premières répétitions,
17:51 le responsable dit "C'est pas mal, il y a de l'entrain,
17:55 "mais c'est trop parisien.
17:56 "Il y a pas, vous voyez, vous représentez la volupté,
18:00 "vous représentez l'incandescence."
18:02 "Non, ça manque d'étoffes.
18:04 "Faites quelque chose."
18:06 Improvisez, et c'est comme ça qu'elle se laisse aller
18:09 à cette capacité du tournicotage...
18:13 -La véritable artiste.
18:15 -La véritable artiste. -Danseuse, chanteuse.
18:17 -Et la magie, quelque chose qui vous enthousiasme,
18:22 qui vous prend et qui vous lève.
18:25 Et on dit "C'est ça", et elle s'impose ainsi,
18:28 comme la grande vedette, alors qu'au départ,
18:31 elle n'était qu'une des danseuses parmi les autres.
18:33 -Paris en fait une vedette.
18:35 Les Folies Bergères, le casino, c'est incroyable,
18:38 parce que cette petite fille en souffrance,
18:41 inconnue aux Etats-Unis, arrive à Paris et explose,
18:44 et devient la grande star.
18:46 -Immédiatement reconnue, louée,
18:49 et puis, je vous dis, pour elle, ce changement incroyable.
18:52 Non seulement aux Etats-Unis, elle ne pouvait pas exister
18:56 demain, mais là, plus elle devient la déesse de la place.
18:59 C'est inouï.
19:00 Et puis, il y a un homme, le coeur qui à nouveau vibre,
19:04 il s'appelle Pepito, c'est un Italien.
19:06 Il lui promet quoi ?
19:08 Eh bien, de monter pour elle des spectacles.
19:11 Vous avez dit les Folies Bergères, il y aura aussi le casino,
19:15 avec la création de...
19:17 J'ai deux amours.
19:20 Rires
19:22 La Tonquinoise, etc.
19:23 -Le casino de Paris, oui. La Tonquiquille.
19:26 -Voilà. Vous êtes pas mal, non plus.
19:28 -J'ai appris toutes les chansons.
19:30 -Et Joséphine, emportée par cet homme,
19:34 qui a décidé de l'imposer,
19:36 même bien au-delà de la France.
19:39 Il y aura une tournée en Amérique du Sud,
19:42 il y aura une tournée aux Etats-Unis,
19:45 le retour à Broadway.
19:48 Et c'est là qu'elle s'aperçoit de la chance qui était la sienne.
19:53 C'est-à-dire que Pepito, non seulement,
19:55 il permet de gagner beaucoup d'argent,
19:57 à Paris, il a même ouvert un cabaret,
19:59 le cabaret Joséphine, pour qu'elle puisse mieux encore,
20:03 en dehors des heures consacrées aux Folies Bergères
20:07 ou aux casinos, d'avoir presque des journées entières
20:11 à recevoir le grand monde et à asseoir sa popularité.
20:15 -Elle avait une faculté à attirer les gens.
20:18 -Complètement.
20:19 Et alors, les voilà donc à Broadway.
20:22 Alors, les voilà à Broadway.
20:25 Mais à Broadway, c'est à nouveau le racisme qui la fera.
20:28 -C'est pas Paris, c'est pas la France.
20:30 -Et la première chose, elle est avec Pepito,
20:33 mais ils sont pas mariés avec Pepito.
20:35 Et là, on leur dit un blanc, une noire,
20:37 c'est pas dans la même chambre.
20:39 Chacun dans un lieu, et hop !
20:43 Et pour les restaurants, c'est pareil.
20:45 Éventuellement, on le sert lui, on accepte,
20:48 parce qu'elle est accompagnée de noter sa commande,
20:52 mais jamais on lui apporte les plats.
20:54 Elle fait même constater par un huissier
20:57 cette situation d'humiliation.
21:00 Et à tout jamais, elle comprend qu'il faut engager
21:04 un grand combat pour que les Noirs aient le droit d'existence
21:07 dans ce pays de la naissance, un droit d'existence comme à Paris.
21:11 -On va marquer une courte pause et dans un instant,
21:14 on va voir ce que Joséphine Backer voulait qu'on retienne d'elle.
21:19 Héroïne de guerre, combattante,
21:22 celle qui avait toutes ces décorations,
21:24 celle qui a été battue pour la France.
21:27 On marque une pause et on revient.
21:29 Retour sur le grand destin de Joséphine Backer,
21:33 celle qui a souffert lorsqu'elle était enfant,
21:36 celle qui a été maltraitée,
21:38 celle qui a dû fuir vers son destin, vers la liberté,
21:41 celle qui est arrivée en France.
21:43 Et maintenant, je vais vous rejouer les 15 secondes
21:46 de cet entretien de Joséphine Backer.
21:50 Ecoutez, lorsqu'elle débarque à Paris.
21:52 -Quand je me suis mise mes pieds sur le sol français
21:57 la première fois, ça a été tellement extraordinaire.
22:00 J'ai senti la liberté vibrer dans tous mes cordes.
22:04 Eh bien, j'étais heureuse d'être en France,
22:08 je me suis dit "enfin libre".
22:10 -On a vu Joséphine Backer qui arrive en France,
22:14 qui grandit, qui devient une grande star.
22:16 La France l'accueille, elle part aux Etats-Unis,
22:19 justement, les Etats-Unis n'ont rien à voir
22:22 avec l'accueil de la France,
22:23 mais 1936, c'est aussi le moment de la contestation en France.
22:27 Qu'est-ce qui se passe ?
22:28 -Elle découvre, c'est extraordinaire.
22:31 Quand elle arrive, les manifestations
22:33 viennent juste de se terminer,
22:36 et elle fait une rencontre avec Jacques Lyon.
22:40 Pepito a disparu, et elle s'embrase.
22:45 Elle a la sensation qu'avec cet homme-là,
22:48 elle peut retrouver cet enchantement,
22:50 cette joie de vivre.
22:52 "Faisons un voyage, je vais te montrer la France."
22:54 "La France, oui, il y a ces contestations,
22:57 "mais tu vas voir, c'est formidable, allons en Dordogne."
23:00 Et là, elle se retrouve devant un château
23:04 qui s'appelle les Mirandes.
23:06 C'est un château de la Renaissance.
23:08 Il est splendide, on voit qu'il est fatigué,
23:10 il y aura sans doute quelques travaux à effectuer,
23:13 mais elle dit "c'est là que je veux vivre".
23:16 "Moi, je t'enlève et je me marie avec toi."
23:19 Quelle histoire extraordinaire !
23:21 Et quelques semaines plus tard, elle est enceinte.
23:25 Elle ne pense même plus à sa carrière.
23:27 Elle ne pense qu'à ce château qui devient les Mirandes.
23:30 Elle le prononce mieux que "Mirande".
23:33 Elle dit "nous nous installerons avec nos enfants,
23:36 "il y a le premier". Elle tricote.
23:38 Malheureusement, elle fait une fausse couche,
23:42 et beaucoup plus grave.
23:44 Les médecins lui disent "ne pensez pas à voir un jour un petit.
23:49 "Votre ventre a une telle configuration
23:52 "qu'à chaque fois, ça se terminera mal."
23:55 Et là, elle est tellement abattue
23:58 que c'est aussi la fin de l'histoire d'amour.
24:00 Le mariage aura été fugace,
24:04 et ce qui la sauve, forcément, le spectacle.
24:08 Et quand vous donnez de la joie aux gens,
24:10 eh bien, ce sont vos propres malheurs
24:13 qui sont noyés par ce que vous offrez aux autres.
24:17 Et hop, la voilà repartie, mais la guerre, elle éclate.
24:21 Et elle se présente sur la ligne Maginot.
24:24 Pour faire quoi ? Encourager les soldats,
24:27 les gars qui sont là, qui veulent se battre pour ce pays qu'elle aime.
24:31 Et elle chante "J'ai deux amours,
24:34 "ma tonkiki, ma tonkinoise."
24:36 Et ça leur donne du coeur pour se battre.
24:40 -Mais elle devient une combattante, une héroïne de la France libre.
24:45 Musique de tension
24:48 ...
24:50 C'est une partie importante dans sa vie.
24:52 Elle y tenait énormément. Comment est-elle devenue cette héroïne ?
24:56 -Sur la ligne Maginot, un homme arrive près d'elle,
24:59 qui s'appelle M. Fox. En réalité, c'est Jacques Apte.
25:03 Il est des renseignements généraux.
25:06 Il lui dit "Vous aimez la France ?" "Oh oui, mon pays."
25:09 "Vous avez envie d'être utile ?" "Oui, je veux être utile à la France."
25:13 "Je lui dois tout à la France." "Demandez-moi ce que vous voulez."
25:17 Eh bien, nous allons monter des tournées.
25:21 Et vous allez nous offrir la possibilité
25:25 de butiner des informations.
25:28 Grâce à vous, les uns et les autres,
25:30 dans des rôles importants, se laisseront aller à la confidence.
25:34 Nous agglutinerons les éléments,
25:37 et ça nous permettra de connaître les secrets
25:39 de ce qui est en train de se tramer.
25:41 Et pendant la drôle de guerre, elle est l'une des meilleures agents.
25:47 Elle ne veut pas qu'on utilise ce terme.
25:49 Elle n'est pas espionne.
25:51 Elle est simplement, je dirais, un élément d'information.
25:55 -Elle va chanter à Munich, à Vienne ? -Partout.
25:59 Et on montrera... On n'a pas le temps de tout détailler.
26:02 Il y aura l'Algérie, il y aura le Maroc.
26:06 Et au Maroc, le sultan Mohamed prend soin d'elle,
26:11 et toujours Atene qui est à côté d'elle,
26:14 et qui lui demande de prendre des risques incroyables.
26:17 Comment les informations,
26:19 comment elle peut passer d'une frontière à l'autre ?
26:22 Quand elle se présente à une douane,
26:25 "Joséphine Becker, madame, un autographe."
26:28 Et hop, l'opération est terminée, on fouille même pas ses mâles.
26:32 Mais éventuellement, un douanier pourrait se montrer un peu trop curieux.
26:38 Mais il y a les partitions.
26:39 Et sur les partitions, vous avez l'encre invisible.
26:44 Et ça, et bien ensuite, ça permet d'être repris par les agents,
26:49 par Atene, qui fait transporter les éléments au QG.
26:54 Voilà les rôles essentiels qu'ils sont les siens.
26:59 Mais quand elle est au Maroc, malheureusement,
27:01 un jour, elle se met à hurler de douleur, c'est épouvantable.
27:06 Elle est victime d'une occlusion intestinale,
27:10 et il faut l'opérer d'urgence.
27:12 C'est une femme qui a des mots extraordinaires
27:16 à propos du général de Gaulle.
27:19 Elle louange le général de Gaulle,
27:21 et elle est louangée par le général de Gaulle.
27:24 Elle dit, par exemple, dans une interview,
27:27 "Le monde entier, les hommes de toutes les couleurs
27:30 "sont venus vers lui, aveuglément,
27:32 "car ils savent ce qu'ils veulent pour élever la France."
27:35 Quel était leur rapport ?
27:36 Déjà, quand Atene lui a dit "Vous allez travailler pour nous",
27:40 elle pensait, parce qu'il lui a révélé qu'il avait tenu ce discours,
27:44 que pratiquement tout le monde ignore, le fameux discours du mois de juin.
27:48 Et elle, elle dit "Mais je vais à Londres."
27:51 Non, non, non, c'est à Alger qu'il faut se rendre.
27:54 Et vous allez suivre à distance ce que nous demande le général de Gaulle.
28:00 Mais elle le rencontrera beaucoup plus tard,
28:04 lors de la première manifestation organisée,
28:07 un gala pour la France libre.
28:11 Et là, de Gaulle est présent, c'est en Afrique.
28:15 Ça fait 19 mois qu'elle était à l'hôpital,
28:18 19 mois qu'elle était dans les douleurs,
28:22 et une difficulté à reconquérir sa santé.
28:26 De temps en temps, son agent Apnee vient lui rendre visite,
28:29 c'est la seule compagnie.
28:31 Alors, comment trouver la force pour résister ?
28:36 Eh bien, simplement, dans cet amour du pays,
28:41 de croire qu'on peut encore jouer un rôle.
28:44 Et elle se met sur pied pour pouvoir chanter lors de ce gala,
28:50 alors qu'elle est toute vacillante.
28:52 Et le général de Gaulle, ce jour-là, la convoque.
28:57 Elle se présente, toute tremblante.
28:59 Il la remercie pour tout ce qu'elle fait,
29:02 et qu'elle continuera de faire.
29:04 Je compte sur vous.
29:06 Et là, il lui offre une croix de Lorraine,
29:10 une toute petite croix de Lorraine.
29:12 C'est sans doute le plus grand trésor
29:15 que jamais elle n'obtiendra de quiconque.
29:20 Elle remercie, et puis le général la laisse repartir.
29:26 Cette médaille, cette croix de Lorraine,
29:31 quelques mois plus tard, elle la vendra aux enchères
29:35 lors d'une tournée au Liban.
29:37 Pourquoi elle la vend aux enchères ?
29:39 Vous imaginez la douleur qui est la sienne
29:41 de se séparer de ce qui est plus qu'un joyau ?
29:45 Offerte par le général de Gaulle.
29:49 Eh bien, pour pouvoir glaner de l'argent aux enchères
29:54 afin de faire parvenir cet argent à la Résistance.
29:59 Et pourtant, on aurait besoin de l'argent,
30:02 car elle, elle a été menacée de saisie
30:07 pour sa maison d'Émirandes,
30:10 parce qu'elle avait laissé le théâtre en plan
30:14 au moment de la guerre, et elle avait tout laissé tomber
30:17 afin d'être au service des services secrets français.
30:21 Voilà cette femme dans sa générosité.
30:24 Elle ne pense qu'à une chose, être dans la grandeur,
30:28 dans la splendeur, digne de la liberté qui l'habite,
30:31 de cette liberté que la France lui a offerte.
30:34 Liberté, grandeur, et grandeur et générosité,
30:38 même dans sa famille, cette famille qu'elle a voulu créer,
30:41 qu'elle a voulu constituer.
30:42 Extraordinaire famille, famille arc-en-ciel, comme elle l'appelait.
30:47 Douze enfants, neuf nationalités,
30:54 Vénézuéla, Maroc, Japonais, Coréens,
30:57 exceptionnelle générosité.
31:00 Alors, la fin de la guerre, elle rencontre Delatte de Tassigny,
31:03 qui lui demande de l'accompagner afin de donner des galas
31:08 pour les soldats avec lesquels il lutte pour gagner au fur et à mesure
31:12 le terrain sur l'ennemi.
31:15 Et il a pour chef d'orchestre Jo Bouillon.
31:17 Elle l'avait rencontré une fois, il l'avait à peine regardé.
31:20 Pourtant, il est tellement bon musicien,
31:22 elle lui avait demandé de l'accompagner.
31:24 Non, non, non.
31:25 Et puis là, une complicité naît et ils finissent par se marier.
31:31 Elle espère encore un enfant, malheureusement,
31:34 comme lui avait pronostiqué le médecin initialement
31:37 dans le drame déjà conté.
31:40 Ça se termine mal et là, elle dit, nous aurons des enfants.
31:43 Des enfants de toutes les couleurs.
31:46 Des enfants qui seront dignes de cette France
31:49 où tout un chacun peut exister en majesté.
31:53 Et elle va les guérir, si je puis dire, partout au bout du monde.
31:58 Ça sera au Vénézuéla, ça sera au Cuba, ça sera à Tokyo le premier.
32:02 C'est à Tokyo un pauvre petit poupon
32:05 qui est le fils d'un Américain et d'une Coréenne.
32:09 Il est abandonné. Je le prends.
32:11 Et puis, il y en a un autre petit qui est à côté.
32:14 Il est là, elle le regarde lui aussi.
32:18 Il a les yeux comme des catadiopres.
32:21 On lui dit, celui-là, il est farouche.
32:23 Il ne veut jamais rester dans la maison, il est toujours au jardin.
32:26 Je le prends !
32:27 Et c'est comme ça qu'elle revient avec deux enfants,
32:31 trois, quatre enfants à chaque fois.
32:32 Joubouillot, on dit, mais c'est pas possible.
32:34 - Non seulement... - Quelle merveilleuse image.
32:37 - Et alors ? - Il ne voulait que des garçons, lui.
32:41 Donc ils ont eu dix garçons et deux filles.
32:43 Voilà. Et la deuxième fille,
32:45 c'est pour faire plaisir à la petite Marianne qui se sent trop seule.
32:48 Alors, un jour, il y a une maman qui se présente, qui lui dit,
32:52 "Ma petite fille, j'ai pas les moyens pour la nourrir."
32:54 Elle dit, "Bah écoutez, je la prends, ça fera une copine pour Marianne."
32:57 Et voilà comment il s'occupe de ses enfants,
33:02 mais ça coûte très cher.
33:03 C'est exceptionnel. Pardonnez-moi, Marc,
33:05 mais j'ai envie de m'arrêter encore sur cette photo.
33:07 Elle avouait justement cette famille arc-en-ciel.
33:09 Oui, regardez-les !
33:11 - Oui, de toutes les couleurs. - De toutes les couleurs.
33:12 - Rouge, jaune, café au lait. - Oui !
33:16 On voit la générosité, elle respire le bonheur.
33:18 Et effectivement, il fallait de l'argent.
33:20 Et donc, les gars là,
33:22 et au bout du monde, on vient, on s'épuise,
33:25 et malheureusement, le corps a du mal à supporter tout cela.
33:30 Elle finira par connaître une nouvelle alerte,
33:32 une nouvelle occlusion intestinale,
33:34 et puis il y aura un AVC.
33:36 Bref, et à chaque fois, trouver l'argent, trouver l'argent, trouver l'argent !
33:40 Et Joe Bouillon, qui finit par s'épuiser
33:42 parce que lui, il est confronté à la réalité économique.
33:45 Mais elle dit, "Mais c'est pas grave, on va en faire un lieu de tourisme."
33:47 La Dordogne, personne ne vient.
33:49 Là, au Miran, eh bien, ce sera le lieu idéal,
33:52 et puis ils verront notre famille,
33:53 et puis on pourra faire même un grand collège.
33:55 Elle rêve, elle rêve.
33:57 Pour elle, tout doit pouvoir se dérouler dans l'enthousiasme,
34:01 et sans frein dès lors qu'on est dans le cœur que l'on est, dans l'amour.
34:05 Mais la réalité, elle est tout autre.
34:07 Il finit par se lasser, Joe.
34:09 Il s'en va, il revient, mais jamais.
34:12 Même un jour, alors elle a ses fureurs, vous savez,
34:15 elle a comme ça de temps en temps des sortes de tempêtes.
34:18 Elle lui envoie du bout du monde,
34:20 elle lui envoie un télégramme, "Je divorce."
34:22 Mais en réalité, ils ne divorceront jamais,
34:25 ils se sépareront, mais aussitôt que les choses vont très mal,
34:28 elle le rappelle et il revient,
34:29 même quand il a monté un restaurant à Buenos Aires.
34:33 Mais les affaires vont vraiment très, très, très mal.
34:36 Notons qu'en 1963, dans cette tourmente,
34:39 elle entend parler de la grande marche qui s'organise.
34:43 Marche initiée par Martin Luther King, le pastor,
34:48 pour les droits civiques, que les noirs aient tous les droits.
34:51 Eh bien, la voilà.
34:52 La voilà devant 300 000 personnes.
34:55 Elle est avec son costume de sous-lieutenant,
34:59 car elle a obtenu ça, elle a eu la médaille de la Résistance,
35:03 et puis ce galon est à l'appareil, regardez-là.
35:07 -Ex-Légion d'honneur. -Oui.
35:08 Et elle dit, "Je me suis enfui très loin,
35:13 "dans un endroit appelé la France.
35:16 "Dans ce pays, je n'ai jamais eu peur.
35:20 "C'était un endroit féerique.
35:23 "Je ne peux pas entrer aux États-Unis,
35:28 "moi, qui ai été reçu par les rois, les reines,
35:32 "les présidents partout dans le monde.
35:34 "Je ne peux pas aux États-Unis entrer dans un hôtel
35:38 "pour obtenir un simple café.
35:40 "Il nous faut être libres."
35:43 Voilà le discours de Josephine Baker.
35:47 Un an plus tard, ses affaires ne vont toujours pas bien.
35:50 Brigitte Bardot, qui est à la télé, lance un appel.
35:53 Dès Josephine Baker, son château va lui être repris.
35:57 Les huissiers sont là, la menace.
35:59 -Je viens vous parler de ce qui arrive en ce moment à Josephine Baker.
36:03 Je trouve personnellement que c'est bouleversant
36:06 et que nous devons tous faire quelque chose pour elle.
36:09 Je ne savais pas trop comment joindre tout le monde,
36:13 alors j'ai demandé à la télévision
36:16 d'être le porte-parole des gens que cette histoire a touché.
36:20 Parce que j'estime que cette femme a eu beaucoup de courage dans sa vie
36:24 et a toujours été très généreuse.
36:26 En ce moment, nous ne devons pas la laisser dans cette situation.
36:30 Alors, je sais qu'en général,
36:33 les appels lancés à la télévision n'ont jamais été sans réponse.
36:37 C'est pourquoi je vous demande à tous aujourd'hui
36:40 de faire le maximum de vos possibilités
36:44 pour venir en aide à Josephine Baker.
36:46 Vous savez que mardi, on doit vendre le château d'Emiland.
36:51 C'est-à-dire que cette femme va se retrouver avec ses 11 enfants
36:55 sans maison, sans toit et sans argent.
36:58 Elle a adopté ses 11 petits-enfants, qu'il appelle tous "maman",
37:01 qui sont vraiment ses petits-enfants,
37:03 qui sont forcés d'aller on ne sait pas très bien où
37:07 quand elle n'aura plus sa maison.
37:10 Alors, je crois que chacun,
37:13 dans la mesure de vos possibilités et de vos moyens,
37:16 vous devez aider Josephine Baker,
37:19 c'est-à-dire envoyer des dons, soit de l'argent, soit des chèques,
37:23 soit quelque chose, pour qu'elle garde sa maison
37:26 et ses enfants avec elle.
37:28 Brigitte Bardot, vous connaissez Josephine Baker ?
37:32 Elle vous a contactée ?
37:34 Je ne la connais pas du tout.
37:36 Je ne l'ai jamais vue.
37:38 Et j'ai fait ça de ma propre initiative,
37:40 parce que je trouve qu'on doit le faire, c'est notre devoir.
37:46 Et Brigitte Bardot, en exemple à la télévision,
37:51 offre un chèque d'un million !
37:53 Brigitte Bardot, Sionie, aujourd'hui,
37:56 femme merveilleuse, une déesse.
37:58 Elle a été capitale, justement.
37:59 Ça n'a pas réussi à la sauver,
38:01 mais ça a quand même tellement aidé, justement,
38:04 Josephine Baker dans son rôle de mère courage,
38:07 où elle voulait sauver sa famille.
38:08 La mère courage, on en parle maintenant.
38:11 La mère courage, la course à l'argent,
38:18 Brigitte Bardot qui l'aide à la télévision,
38:20 mais ça ne suffit pas.
38:21 Non. En 1968, elle est chez elle.
38:24 Et puis, il y a tous les vautours qui rôdent.
38:26 Le nouveau propriétaire, il veut les lieux.
38:29 Elle est en robe de chambre et chaussons.
38:31 Et là, il lui faut, malheureusement,
38:34 se retrouver ceinturé, jeté dehors,
38:36 sous la pluie, comme une malle propre.
38:39 Celui qui va l'aider, ce sera Jean-Claude Brialy,
38:43 qui, à Paris, dans un cabaret qui s'appelle La Goulue,
38:46 monte un spectacle pour elle.
38:48 On n'a pas assez d'argent.
38:49 Il y a des couturières qui acceptent
38:50 de travailler gratuitement, du bénévolat.
38:52 Et puis, il y a un gala pour la Croix-Rouge à Monaco,
38:57 pour la princesse Grasse.
38:58 Elle accepte de s'y rendre.
39:00 Et là, la princesse Grasse,
39:03 conquise par cette femme merveilleuse,
39:05 elle réveille un triomphe incroyable.
39:07 Il y a Semi-Dévise Junior qui doit se produire.
39:10 Et là, il est parti sur un bateau, il n'y a personne.
39:13 Hop ! Elle enlève son manteau, elle saute sur scène
39:16 et elle sauve la soirée devant le monde,
39:19 je dirais, de l'argent, le monde du spectacle.
39:23 La princesse Grasse, à tout jamais,
39:25 la remerciera en lui offrant à Roquebrune
39:29 une résidence pour elle et sa famille arc-en-ciel.
39:32 Et puis, il y a Bobineau.
39:34 Bobineau, être à nouveau sur scène.
39:37 Et la voilà qui se prépare pour une soirée
39:42 où le public répond à son attente.
39:44 On a Alain Delon, on a Sofia Loren,
39:46 tout le monde est debout et toujours.
39:49 Cette chanson mythique, si je puis dire,
39:52 "J'ai deux amours",
39:53 elle rentre chez elle tard le soir,
39:56 elle s'endort.
39:59 Elle s'endort.
40:00 Elle dort encore,
40:02 elle est transportée à l'hôpital.
40:05 Et là, le dernier souffle,
40:08 Joséphine Becker nous a quittés.
40:10 Elle était jeune, elle avait tellement de choses à faire,
40:14 mais c'était tellement usé au nom de l'amour.
40:18 Le convoi funèbre passera devant Bobineau,
40:26 qui s'intigue avec son nom encore en grand,
40:29 Joséphine Becker.
40:31 -Elle s'est éteinte le 12 avril 1975.
40:35 Dernier mot, enfin, le Panthéon.
40:38 Joséphine Becker sera donc la sixième femme
40:45 à faire son entrée au Panthéon.
40:47 La première femme noire, c'était le 30 novembre 2021.
40:51 Un mot pour terminer.
40:53 -Elle est enterrée à Monaco,
40:55 c'est-à-dire qu'elle est dans le petit cimetière à Monaco,
40:58 mais en revanche, on lui rend hommage, enfin,
41:01 en lui faisant une place
41:03 à côté des grands Voltaire, Diodreau
41:06 et autres splendeurs
41:08 de l'intelligence et du rayonnement français.
41:11 -Ce qu'il faut retenir de cette émission,
41:14 mon cher Marc Menand,
41:16 et vous, téléspectateurs,
41:17 l'enfant de la misère mais riche d'amour.
41:20 A 13 ans, elle découvre le théâtre
41:22 et décroche un petit rôle grâce à son culot.
41:25 A 18 ans, retenue pour la Revue nègre,
41:27 pour être jouée à Paris.
41:29 Dès son arrivée en France,
41:31 elle découvre la liberté et l'égalité.
41:33 Enfin, elle n'est plus victime du racisme, ici, en France.
41:36 1940, l'exemple de patriote.
41:39 Elle risque sa vie ensuite
41:41 pour récolter des renseignements pour la France.
41:44 Humaniste, elle crée une famille arc-en-ciel
41:46 avec des enfants abandonnés et de toutes les couleurs.
41:49 Par son assimilation, elle montre l'exemplarité de la France
41:54 en matière d'égalité et de liberté.
41:56 Et puis, 2021, ultime consécration,
41:59 elle entre au Panthéon.
42:00 Vous avez un livre, celui de Jacques Pécis.
42:03 -Voilà, le camarade Pécis. Il est joyeux, vous le connaissez bien.
42:06 Il a ce bel hommage à Joséphine.
42:09 -Alors, on va terminer.
42:11 Ainsi va le grand destin de Joséphine Baker.
42:13 -J'ai deux amours...
42:17 -Je vous laisse chanter.
42:18 -Mon pays...
42:20 -Et Paris...
42:22 -Pour eux toujours...
42:24 ...
42:31 -Ecoutez-la à travers ses notes.
42:34 -Là-bas, sur le ciel clair,
42:38 Il existe une cité
42:41 Où ses jours enchantés
42:45 Et sur les grands arbres noirs
42:48 Chaque soir,
42:50 Vers elle s'en va tout
42:53 Mon espoir...
42:56 ...
42:58 J'ai deux amours...
43:00 -L'amour...
43:02 -Ainsi va le grand destin de Joséphine Baker.
43:08 Merci à tous de nous avoir suivis.
43:10 -Toujours...
43:13 Mon coeur est ravi
43:18 ♪ À sa bonne et belle ♪