Les Grands destins : Bonaparte (Emission du 26/03/2023)

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Christine Kelly et Marc Menant reviennent sur les personnages célèbres qui ont fait l’histoire dans #LesGrandsDestins

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Transcript
00:00 Bonjour à tous, ravi de vous accueillir dans ce nouvel épisode des Grands Destins.
00:05 Vous le savez, cette émission qui revient sur les personnages qui ont fait l'histoire.
00:09 Avec Marc Menand aujourd'hui, nous allons revenir sur le destin de Napoléon Bonaparte,
00:14 l'amorce d'un destin fabuleux.
00:16 On connaît l'homme de toutes les conquêtes,
00:18 on connaît l'un des plus grands chefs militaires de tous les temps,
00:21 on connaît l'empereur, l'homme qui a servi l'Europe.
00:25 Et aujourd'hui, ça sera le grand destin de Napoléon Bonaparte,
00:28 ou plutôt l'ascension qui le propulse au sommet de l'histoire.
00:34 Marc Menand, bonjour. Pourquoi Napoléon Bonaparte ?
00:37 Ou pourquoi d'ailleurs Bonaparte plus que Napoléon ?
00:39 Puisqu'on l'appellera comme ça dans les médias.
00:41 Oui, bien sûr. Bonaparte, je dirais que c'est l'ascension.
00:46 On part avec un nom, il s'appelle Bonaparte.
00:49 Et à cette époque-là, c'est le nom qui commence comme ça.
00:52 Napoléonet.
00:53 Oui, mais Napoléonet...
00:54 C'est son prénom.
00:55 Oui, mais les historiens ont retenu, je dirais,
00:58 comme s'il y avait la grande phase, celle qui le propulse,
01:01 et puis après, quand il est l'homme établi.
01:04 Et là, c'est celui de la conquête, conquête de soi,
01:07 conquête politique, conquête diplomatique,
01:11 bref, l'homme dans toute son envergure, un homme hors du commun.
01:15 Une anecdote pour planter le décor.
01:19 J'aime bien cette petite anecdote
01:24 parce qu'elle permet de planter le décor.
01:26 26 ans, il est le chef de l'armée d'Italie.
01:32 C'est une diversion car nos troupes principales
01:34 sont en train de lutter contre les Autrichiens,
01:38 je dirais le reste de l'Europe, de l'autre côté du Rhin.
01:41 Et il nous faut un personnage capable de galvaniser 17 000 gaillards.
01:48 Et là, il obtient 5 victoires, 5 victoires en 17 jours.
01:54 Ce n'est plus une armée, ce sont des marathoniens.
01:56 Ils vont en étant mal équipés, tombent Montenotte,
02:00 Milesimo, Bago, Mondeville, et les voilà devant l'Odi.
02:06 L'Odi, une petite bourgade, il y a un pont en bois à franchir.
02:11 Et ce pont, il y a en embuscade les Autrichiens,
02:15 superbeurment armés, ils se sont installés,
02:18 l'artillerie est là et lui, il dit "il faut passer".
02:22 Passer, passer, passer.
02:24 Les premiers assauts, à chaque fois, c'est les cas tombent.
02:27 On tombe comme des cibles de foire.
02:29 Et alors que la situation est désespérée,
02:32 déjà il a su galvaniser ses généraux et ses gaillards.
02:36 Mais pourtant, dans cet instant de faiblesse,
02:39 ce sont les généraux qui prennent les étendards
02:42 et qui jaillissent, Masséna, Augereau,
02:45 et on va finir par passer le pont.
02:49 Si on compte les morts, c'est sûr que le bilan est lourd,
02:53 mais c'est une victoire exceptionnelle.
02:56 Et de cette victoire, que dit-il ?
02:58 Il dit "Ainsi n'a qui l'étincelle de la haute ambition".
03:05 Et parmi ceux qui étaient à ses côtés il y a Marmont, 21 ans,
03:09 lui c'est l'artilleur, il lui dit
03:11 "La fortune m'a choisi, elle est devenue ma maîtresse".
03:16 Et les hommes exultent.
03:18 Le soir, c'est son habitude, ils se rendent au bivouac.
03:22 Il veut les encourager, leur dire "Je suis avec vous".
03:25 Éventuellement partager une pomme de terre dans la cendre.
03:29 Et là, un grenier de l'esprit se présente et lui dit
03:32 "Mon général, si vous voulez bien me suivre,
03:35 il fait quelques pas et tout le bataillon est au garde à vous".
03:41 Un homme, un sergent s'approche et lui tend un billet.
03:45 Sur ce billet, il est écrit "Aux citoyens Bonaparte".
03:50 Vous voyez, Bonaparte.
03:52 Nous, par élection, conférons le grade de caporal.
03:58 Le général n'est que caporal,
04:00 mais ça veut dire que le baron le reconnaît comme supérieur à eux.
04:04 C'est un véritable engagement d'aller jusqu'à la mort.
04:08 Il pourra tout leur demander, jamais ils ne fléchiront.
04:12 Et certains l'accompagneront jusqu'à Waterloo.
04:16 Et ces gens-là, oui, ils pourront leur demander l'impossible.
04:20 Ils réussiront l'impossible.
04:22 C'est la légende du petit caporal.
04:26 Qui est ce Napoléon Bonaparte qu'on appellera Bonaparte ?
04:29 Qui est-il, sa jeunesse ?
04:31 Une enfance tumultueuse de par les événements.
04:39 Quel roman, ma vie !
04:41 Il écrira cela, il dictera cela à Sainte-Hélène.
04:46 Et quel roman, effectivement !
04:48 Papa, c'est Charles.
04:50 Maman, c'est Laetitia.
04:52 Lui, il porte beau, un homme d'une grande élégance.
04:55 Une faconde étonnante.
04:57 Le sens de l'arrivisme.
04:59 Oh, cet homme-là veut être puissant.
05:01 C'est une sorte de petit noble en tirant vraiment les ficelles.
05:06 Mais il tient à rayonner, être un homme reconnu par son environnement.
05:12 Nous sommes à Ajaccio, il a 18 ans.
05:15 Il rencontre Laetitia. Laetitia, elle a 14 ans.
05:19 Il convole.
05:21 Il y a deux enfants qui meurent en bas âge.
05:24 Et puis naît le petit Joseph.
05:27 Là, la France va devenir donc,
05:30 celle qui détient le pouvoir sur place.
05:34 Une agitation invraisemblable.
05:36 On a un personnage qui s'appelle Pascal Paoli.
05:40 Ah, Pascal Paoli, c'est l'indépendant ici.
05:42 Il n'est pas question de passer des génois aux Français.
05:45 Nous serons Corse, une Corse indépendante.
05:49 Et Charles va rallier Paoli.
05:52 Mais les royalistes, forcément, envoient les troupes et essaient de mater les rebelles.
06:00 Les voilà dans le maquis.
06:02 Et Laetitia, qui est enceinte,
06:05 elle est sur sa mule dans des conditions épouvantables.
06:07 Vous connaissez ces montagnes qui sont impossibles à pratiquer,
06:13 des sentiers où personne ne se rend.
06:15 Et la mule qui se prend les sabots et soudain, clac !
06:19 Elle verse et elle choie dans un petit oran.
06:23 On se précipite, on la redresse et on a peur qu'elle fasse une fausse couche.
06:29 Eh bien non.
06:30 C'est peut-être là le premier signe de l'étoile rayonnante
06:34 de celui qui naît quelques temps plus tard, le 15 août 1769.
06:39 Et on l'appelle Napoléon.
06:43 Alors maman est d'un autoritarisme invraisemblable.
06:46 Oh là là, la taloche facile.
06:48 Il faut lui obéir.
06:49 Pas question d'avoir le moindre mouvement de mécontentement.
06:53 C'est la nourrice qui veille avant tout sur lui.
06:57 Et puis le père, toujours cette ambition.
07:00 Il y a les autorités françaises, alors il faut se faire reconnaître par elles.
07:03 Et on a un gouverneur qui s'appelle Marboeuf, qui est nommé sur place.
07:08 Il fait en sorte d'avoir la meilleure relation.
07:10 Ah bah oui, grâce à cela, les privilèges pourront tomber dans l'escarcelle.
07:15 Et puis, il est tellement dans ce désir de conquête de ce gouverneur
07:21 qu'il fait en sorte que son épouse soit extrêmement intime avec lui.
07:26 Vous voyez ce que je veux dire ?
07:27 Tant et si bien d'ailleurs que le comérage est dans,
07:30 on dira que le petit Napoléon est...
07:34 Toujours est-il...
07:36 - Arriviste, le papa.
07:37 - Arriviste.
07:39 Et quand il monte à Paris pour essayer de faire valoir ses droits,
07:41 en plus, je passe les détails, il finira par être député élu à la Convention.
07:47 Il laisse son épouse, ô combien, il suffit de lire les chroniques,
07:52 tout le monde lui trouve un éclat étonnant.
07:54 Laetitia, elle est la femme que l'on admire.
07:59 Et ce Marboeuf, forcément,
08:02 prend énormément soin d'elle.
08:08 Et c'est une connivence qui sert la famille.
08:12 Reste qu'à 9 ans, le père finit par obtenir une bourse pour ses deux enfants,
08:17 le premier, Joseph, et le deuxième, Napoléon.
08:20 Alors, il les conduit sur le continent à Autun.
08:24 Joseph, il est destiné aux ordres.
08:27 Il passera donc par les curés.
08:30 Et alors que le petit Napoléon, on espère bien en faire un grand militaire.
08:36 9 ans, partir sur le continent, c'est quand même le début de...
08:40 C'était pas donné à n'importe qui.
08:41 On va voir comment se passent ces études.
08:43 À 9 ans, il se retrouve en fait dans un pays étranger.
08:51 Pour lui, il ignore tout, même la langue.
08:54 Non, mais c'est essentiel, ce que vous venez de dire.
08:57 C'est-à-dire que ce qui lui vient aux oreilles, il ne comprend rien.
09:01 Et il y a les moments de l'adieu.
09:02 Il sera séparé de son grand frère, Joseph,
09:05 qui part vers les Soutanes,
09:08 et lui qui se retrouve dans le collège d'Autun.
09:11 Il est tout chétif.
09:13 Et c'est un garçon qui a une tendance plutôt taciturne.
09:17 Et comme il n'appréhende pas la langue, forcément,
09:21 il se recroqueville d'autant plus sur lui-même.
09:24 Et les uns et les autres se moqueront.
09:27 Il devient presque la bête noire.
09:29 Non, on se moque de son accent.
09:31 De tout, de tout.
09:32 C'est de là que naîtra quelque temps.
09:34 Il ne reste que cinq mois dans ce collège.
09:38 Et ensuite, il se rend à Brienne,
09:40 où là, il est à l'école de Brienne,
09:43 qui forme les possibilités de devenir un jour officier
09:46 en alliant à l'école militaire.
09:49 Et les moqueries continuent de fuser.
09:53 Alors, il commence à apprivoiser notre langue,
09:57 mais il prononce mal.
09:58 Et quand il dit "na prononéoné",
10:00 les autres lui disent "la payoné, la payoné".
10:03 Et comment s'en sortir ?
10:06 Ce petit bonhomme qui ne pense qu'à sa famille,
10:10 eh bien, il se recroqueville sur les livres.
10:13 Il y a deux domaines qu'il n'accapare.
10:16 La littérature, c'est bizarre parce qu'il ne possède pas encore tous ses mots,
10:21 et pourtant, il sent qu'il y a là une force à gagner.
10:25 Et puis, il y a les mathématiques.
10:27 Il aura même un jour une proposition de théorème
10:32 de Napoléon Bonaparte qu'il présentera à l'Académie.
10:37 Et notre petit bonhomme, moqué, se referme le soir dans son lit.
10:44 Et un jour, il se révèle aux uns et aux autres
10:47 quand il y a en plein hiver une bataille de neige
10:51 grâce aux flocons qui sont tombés d'abondance.
10:54 Alors forcément, comme on est de futurs officiers,
10:56 on s'organise en garnisant et hop !
11:00 Qui devient le chef ? Eh bien, c'est lui.
11:02 Et quelle stratégie !
11:04 Et là, ce personnage qui semblait bien fallot
11:09 s'impose comme généralissime.
11:12 C'est presque une révélation.
11:15 À 16 ans, il va entrer à l'école militaire.
11:20 L'école militaire où il ne restera qu'un an.
11:24 C'est formidable parce que c'est un temps relativement court
11:27 qui montre que ce garçon qui ne s'intéresse toujours qu'aux mathématiques
11:31 et à la littérature, entre autres Plutarque, Cicéron, Alexandre,
11:40 Alexandre le Grand et puis Rousseau aussi, un côté très humaniste.
11:45 Eh bien, ce petit bonhomme finit par obtenir, après quelques mois,
11:50 ses galons de lieutenant.
11:53 Oh, il sort mal placé, 43e, mais il n'en reste pas moins
11:57 que les autres souvent ont besoin de 2 ans, 3 ans
12:01 pour obtenir cette même distinction de jeune officier.
12:05 Ce qui prouve que ce n'est pas du tout un cancre.
12:08 C'est simplement un garçon qui est dans la réserve et au bon moment,
12:13 eh bien, il sait obtenir la victoire.
12:15 Et là, c'est une victoire intellectuelle.
12:18 Belle victoire intellectuelle.
12:19 Lui qui ne savait pas très bien écrire le français ni bien le parler.
12:23 Donc, à 16 ans, il sort lieutenant et il se retrouve à Valence.
12:27 [Générique]
12:32 - Donc, sa première affectation en tant que lieutenant,
12:35 c'est donc dans le sud de la France en tant que jeune officier.
12:38 - Oui, alors on part en calèche.
12:40 Après, vous avez le coche d'eau et puis le voilà avec le bel uniforme.
12:44 Uniforme bleu, le gilet, le côté rouge au milieu.
12:49 Puis alors, surtout, les deux barrettes, les deux galons.
12:54 Alors, il se promène dans la ville, c'est tout juste la fierté.
12:59 Quel effet il déclenche.
13:02 C'est pour lui, déjà, je dirais, la preuve qu'il sort du lot.
13:09 Et ça, cet élément-là devrait le dynamiser.
13:12 Et pour autant, il s'ennuie.
13:14 Toujours ce tempérament taciturne qui, souvent, dans son existence,
13:20 le mettra proche, je dirais, de la dépression.
13:23 Il aura même quelques tentatives, je l'évoquerai dans quelques instants,
13:27 quelques tentatives de suicide.
13:29 Il ne sent pas toujours bien dans sa peau.
13:30 C'est dans l'action qu'il oublie ce qui le hape et le ronge.
13:36 Là, en l'occurrence, il finit par écrire,
13:39 vous n'allez pas me croire et pourtant c'est vrai,
13:41 un essai sur le suicide.
13:44 Vous vous rendez compte, un gamin comme ça,
13:46 qui a réussi en pleine adolescence
13:50 et qui est dans cette fierté de l'uniforme,
13:54 et pour autant, il écrit un essai sur le suicide en précisant,
13:59 de toute façon, on doit mourir, alors autant se donner la mort.
14:04 Ça montre bien, j'aime bien des petits éléments comme ça
14:09 qui nous placent dans le crâne d'un personnage aussi puissant.
14:13 On a l'impression que rien ne peut le déstabiliser.
14:17 Eh bien, il y a une lutte intérieure.
14:18 Il n'y a pas que conquérir les autres,
14:22 il y a d'abord comment s'imposer à soi-même.
14:26 C'est intéressant parce que dans son parcours,
14:28 on voit effectivement, comme vous l'avez bien dit,
14:29 que c'est surtout dans l'action qu'on sent qu'il vit,
14:32 tant qu'il n'est pas dans l'action.
14:33 Alors, son caractère, deux petits mots sur son caractère,
14:36 détermination, donc un peu effectivement déprimé de temps en temps.
14:41 Oui, les livres, toujours.
14:43 Il cherche l'endroit, soit la bibliothèque, soit le point de lecture,
14:48 et quand les autres vont de taverne en taverne,
14:51 cherchent à conquérir les jeunes filles.
14:52 Alors, je vous l'ai dit, il aime l'éclat.
14:55 Il aime sentir qu'elles le mirent.
14:58 Mais en revanche, il a une sorte de pudeur.
15:02 C'est presque un puritain quand on sait ce qu'il va vivre plus tard.
15:06 Mais là, il n'ose pas les aborder et il trouve qu'il n'est pas bien
15:11 que ces jeunes filles se laissent aller à quelques lutineries.
15:15 Puis-je me permettre, à 1789, la révolution, il avait 20 ans.
15:20 Alors là, on est à Auxonne.
15:22 Il a été muté à Auxonne et il apprend que la Bastille a été prise.
15:27 20 ans, 1789, ce n'est pas rien.
15:29 Non.
15:31 Mais il est en dehors de l'événement.
15:33 C'est à Paris que ça se passe, même s'il y a des troubles dans les régions.
15:36 Il y a un effet de contagion.
15:38 Comment il vit ça ?
15:39 Alors, c'est étonnant.
15:41 On pourrait se dire, aussitôt, il a compris.
15:44 Et l'histoire lui donne rendez-vous ?
15:47 Eh bien non, pas du tout.
15:49 Il écrit "Je hais, je méprise la populace".
15:54 C'est-à-dire qu'il ne comprend pas du tout ce qui est en train de se passer.
16:00 Pour autant, il demande un congé pour regagner la Corse.
16:04 La Corse qu'il a quittée quand il avait 9 ans.
16:07 Et qui l'attend sur place ?
16:09 Maman Laetitia, papa.
16:11 Malheureusement, a rejoint le Seigneur depuis déjà de nombreuses années.
16:16 Et il découvre la fratrie qu'il a suivie.
16:19 Alors, j'ai noté, il y a...
16:21 Louis, 8 ans, Pauline, 6 ans, Caroline, 3 ans, et le petit Jérôme, 2 ans.
16:25 Voilà.
16:26 Il les voit et eux le regardent, ce personnage dans sa majesté de l'uniforme.
16:33 On n'aura pas le temps de compter tous les éléments.
16:36 Sauf que dans cette période extrêmement tumultueuse,
16:39 il va faire des allers-retours entre la Corse et Paris.
16:43 Et sur place, que se passe-t-il ?
16:45 Eh bien, notre Pascal Paoli est là, est revenu d'exil.
16:50 Il l'accueille avec l'enthousiasme, la fougue,
16:55 et tous les Corses qui espèrent bien qu'on va se libérer
16:58 de ce pouvoir qui s'impose sur place.
17:03 Ce pouvoir de la Convention.
17:06 Donc lui, il est lieutenant et il veut l'indépendance de la Corse.
17:10 Il était lieutenant de l'armée royale.
17:12 C'est ça !
17:14 Et là, on a la Révolution et je vous ai dit, le rejet de la populace.
17:18 Et pour autant, il est un peu comme son père, opportuniste.
17:21 Et très vite, il comprend qu'il faut être du côté des révolutionnaires.
17:25 Et que fait-il ?
17:26 Eh bien, il veut devenir colonel de la garde.
17:30 Et être colonel de la garde, ça se fait par élection.
17:34 Eh bien, le mieux pour obtenir que les commissaires l'élisent,
17:39 c'est d'en kidnapper un et c'est comme ça qu'il obtient cette distinction.
17:44 La Convention finira par éliminer Paoli.
17:47 Et pourquoi elle élimine Paoli ?
17:49 Parce que son frère Joseph a été l'instigateur,
17:52 je dirais un peu, de cette dénonciation.
17:55 Et voilà Paoli de nouveau obligé de partir.
17:58 Mais malheureusement, ou heureusement, il y a une forme de fidélité en Corse.
18:04 Le peuple avait choisi Paoli.
18:06 Et quand on sait que la famille Bonaparte fait partie des traîtres,
18:11 il est indispensable de filer au plus vite.
18:15 D'autant que la maison d'Ajaccio, elle explose.
18:18 Alors, Maman Laetitia, avec tous ses petits bambins,
18:21 elle se réfugie dans le Maquis.
18:23 Lui, il y a un bateau en partance pour le continent.
18:27 Il est à bord, rongé d'inquiétude pour sa mère.
18:31 Il est à l'orniette.
18:33 Il aperçoit, là, dans le Maquis,
18:36 quelques silhouettes.
18:37 Il reconnaît sa maman.
18:39 Il fait en sorte qu'une embarcation aille à terre.
18:42 Et il se présente, quelques heures plus tard, à Marseille,
18:48 où la famille est démunie de tout.
18:52 On va passer à la dernière partie de cette première partie.
18:56 Un moment fort où tout bascule.
18:59 Nous sommes à Toulon.
19:06 Il a 24 ans.
19:07 Sa vie bascule.
19:08 C'est la première fois qu'il se retrouve à diriger une armée.
19:11 Racontez-nous comment.
19:12 Alors, déjà, il est officier et il reçoit l'ordre de gagner Nice,
19:19 où on engage la lutte contre les Anglais qui ont pris Toulon.
19:24 Et ça, c'est un moment déterminant.
19:26 Comment chasser ces Anglais ?
19:28 Alors, il y a Courtaud, qui est le général sur place,
19:32 qui est un sans-culottes, c'est pas un stratège,
19:34 il n'a aucune formation.
19:36 Mais c'est cette époque-là, il faut comprendre
19:38 que les ordres hiérarchiques sont constamment bouleversés.
19:42 Et vous partez de rien, vous pourriez être charcutier
19:44 et devenir général.
19:45 Et lui, il dit, mais c'est par la bastide de l'aiguillette qu'il faut lutter.
19:49 C'est là que tout passe.
19:51 Et la grande chance, c'est qu'il y a un ami de son frère,
19:55 Saletti, qui l'a repéré et qui dit, je lui confie le commandement.
20:01 Il met en place ses batteries, dont l'une qui s'appelle le chasse-gredin.
20:06 Moi, j'adore ce genre de choses.
20:08 C'est lui qui nomme.
20:09 Et grâce à sa stratégie, ils emportent la place.
20:14 Et voilà, Toulon libéré.
20:16 Néanmoins, il est blessé.
20:18 Reste que cet épisode extrêmement important pour notre histoire
20:22 est essentiel pour lui.
20:24 Il fait connaissance sur place d'Augustin Robespierre.
20:28 Il fait connaissance sur place de Fréron.
20:31 Il fait connaissance sur place de Barras.
20:33 Il fait connaissance sur place de Junot.
20:36 Il fait connaissance sur place de Nuiron,
20:40 un jeune garçon qui porte beau, qui est extrêmement intelligent,
20:45 qu'il choisira comme aide de camp.
20:47 Mais ce qu'il faut savoir, c'est que lors de son passage à Valence,
20:51 il avait écrit un pamphlet, un pamphlet "Le souper de Bocquer",
20:56 qui est un pamphlet en faveur de Robespierre.
20:59 Alors forcément, tout ça, ça lui permet d'obtenir la distinction
21:03 de général de brigade à la fin de cette victoire.
21:07 Reste que Robespierre, c'est la terreur, il tombe.
21:10 Et quand il tombe, eh bien, il appartient au clan.
21:14 Et par conséquent, on l'arrête.
21:17 Et là, sa vie est en péril.
21:20 Mais il a présagé la bonne étoile qui la double,
21:24 qui veille toujours à le sortir des situations les plus périlleuses.
21:29 Au bout de 15 jours, il repart.
21:32 Et le voilà qui se propulse à Paris,
21:36 auréolé d'une gloire relative, parce que vous pensez bien
21:39 que dans l'ensemble des événements que Toulon était pris aux Anglais,
21:43 ça ne fait pas oublier la situation parisienne
21:48 où Robespierre est tombé et qu'enfin,
21:52 on peut se laisser aller à une sorte de joie de vivre.
21:56 L'exubérance la plus totale, les femmes arrivent,
22:00 elles se dénudent pratiquement sous des vêtements transparents.
22:03 - Après la terreur, tout était possible.
22:04 - Oui, la catharsis, c'est le bonheur de vivre,
22:08 c'est extraordinaire et le directoire qui se met en place
22:11 et qui est à la tête du directoire, Barras.
22:16 Étonnant, non ?
22:17 - Ses amis de Toulon.
22:19 - Et voilà, quand la bonne étoile décide de votre sort.
22:24 - Dans la deuxième partie, on va marquer une pause.
22:26 Marc Menon, dans la deuxième partie, on verra sa rencontre avec Joséphine,
22:30 la première campagne d'Italie, le général Victoire.
22:33 On marque une pause et dans un instant,
22:35 la deuxième partie du grand destin de Napoléon Bonaparte.
22:41 "L'imagination gouverne le monde",
22:43 une des phrases de Napoléon Bonaparte,
22:45 que nous appelons Bonaparte dans cette émission.
22:48 La deuxième partie avec Marc Menon,
22:50 de toute cette ascension fulgurante de celui qui deviendra
22:53 l'un des plus grands chefs militaires du monde.
22:55 Alors, on reviendra dans cette deuxième partie,
22:57 on parlera de la rencontre avec Joséphine,
22:59 on parlera du général Victoire.
23:01 Mais pour l'instant, à 26 ans, qui est-il ?
23:10 - Quand je dis qui est-il, on a vu son ascension fulgurante.
23:13 - Général ? - Général.
23:15 Il a 26 ans, il a réussi la conquête de Toulon.
23:19 Il est devenu général, il n'a que 26 ans.
23:22 Et qu'est-ce qu'il va devenir finalement à Paris ?
23:24 - Bah Paris, c'est cette période, je crois qu'il nous est très difficile
23:29 d'imaginer ces temps où à chaque seconde, je dirais,
23:34 le destin se met à vous utiliser comme un fœtu
23:39 et vous passez de la gloire, en l'occurrence,
23:41 à une période de stagnation.
23:43 - Mais rappelons qu'on est après la révolution de 1789,
23:46 après 1793, voilà, donc des moments un peu particuliers.
23:50 - Plus que particuliers.
23:51 Et on lui demande de gagner la Vendée
23:56 pour être l'adjoint du général Hoche
24:00 et mater les rebelles de Vendée.
24:03 Et ça, il ne le veut pas, alors il refuse.
24:06 Ce qui fait qu'il n'a plus que la moitié de sa solde.
24:11 - Têtu.
24:13 - Oui, et puis ça montre aussi que, même s'il est très opportuniste,
24:17 parfois, il est capable d'avoir un choix, un choix de cœur.
24:22 C'est-à-dire qu'aller mater une population
24:25 qui est une population qui reproche avant tout
24:28 les mesures antireligieuses qui ont été prises par la Convention,
24:32 ça lui est intolérable.
24:33 Alors, il ne veut pas.
24:34 - Stratège et il a du cœur.
24:36 - Oui, mais alors du cœur, on va s'apercevoir dans quelques secondes,
24:39 qu'il est capable néanmoins de toutes les outrances
24:42 dès lors qu'on lui donne un ordre et que cet ordre ne choque pas
24:47 son engagement le plus intime.
24:50 Et le voilà, réfugié dans un petit hôtel à trois sous.
24:55 Il s'ennuie.
24:57 Il est dans la journée avec un costume de plus en plus élimé,
25:03 des cheveux qui tombent, qui sont à peine lavés,
25:06 lui qui pourtant a un grand sens de l'hygiène,
25:09 mais dans cet hôtel-là, pas question de prendre un bain.
25:12 On dirait un chien battu.
25:14 Et il écrira "Je vais tellement mal qu'un jour, je ne me retirerai plus.
25:22 Lorsqu'un fiacre passera au galop, je me laisserai aller sous la roue."
25:28 Ce n'est qu'il a écrit son essai sur le suicide.
25:32 Eh bien, voilà, ça le taraude encore.
25:35 Et comment survivre ? Il n'a plus que la moitié de sa solde.
25:39 Eh bien, son frère qui est à Marseille lui envoie du sucre.
25:45 Et il comprend qu'il peut gagner là quelque argent, faire du marché noir.
25:51 On n'imagine pas que ce personnage, à cet instant précis,
25:56 devient simplement l'un de ces brigands, je dirais, du ravitaillement,
26:03 tel qu'il pourra les condamner, ceux-là qui profitent de la misère des uns et des autres,
26:09 quand son armée sera démunie et qu'il s'apercevra qu'il y a de la corruption.
26:14 Eh bien, il est de ceux-là.
26:16 Et puis, Barras, je vous l'ai dit, il l'a connu à Toulon.
26:21 Barras, qui est au directoire et qui est nommé le chef de l'armée de l'intérieur,
26:30 qui est chargé du maintien de l'ordre à Paris.
26:33 Alors voilà qu'il y a une insurrection des royalistes.
26:37 Ce soir-là, il est au théâtre.
26:40 Il est au théâtre et soudain, un gendarme interrompt la séance,
26:45 se dresse sur la scène et dit "le général Buena parte".
26:50 Il dit "c'est moi". "Il vous attend".
26:52 Il a compris, il s'ébarrasse.
26:56 Il court aux caroussels et Barras lui dit "mais tu étais où ?"
26:59 "J'étais au théâtre". "T'es au théâtre dans cette période-là ?
27:02 Mais il y a une insurrection, il faut que tu mates ces gaillards-là !"
27:04 Ils sont plus de 25 000.
27:07 Et il lui dit "mais on a quoi comme artillerie ?"
27:10 "Oh oui, on n'a pas grand-chose et t'as 3000 bonshommes, c'est tout.
27:15 Mais à toi d'agir."
27:17 Et voilà notre Buena parte qui se retrouve avec un garçon
27:22 qu'il ne quittera pas de toute sa carrière et qui lui servira souvent.
27:26 Il le découvre, il s'appelle Murat.
27:29 Oh, c'est un jeune officier.
27:30 Il lui dit "dis donc, au Sablon, il y a des canons, va me chercher les canons."
27:35 Et les voilà qui font la route.
27:38 Ils reviennent avec les éléments nécessaires
27:42 et ils vont affronter ces gaillards déterminés
27:45 qui veulent renverser la révolution.
27:48 Mais là, il n'est plus question de demi-mesure.
27:51 C'est-à-dire que où on ose le sang, où c'est la révolution qui tombe,
27:58 alors ils donnent l'ordre, l'ordre de tirer au canon
28:03 une mitraille invraisemblable et en deux heures.
28:06 Eh bien, la situation, elle tourne en faveur des autorités de Buena parte.
28:14 Mais il y a 500 morts chez les royalistes.
28:17 Vous voyez tout à l'heure, d'un côté, il ne voulait pas aller en Vendée,
28:21 mais là, il n'a pas hésité, il va même plus loin que ça.
28:23 Il dit "ces gaillards-là étaient tellement courageux,
28:27 si j'avais été à leur tête, nous aurions remporté la victoire."
28:32 Encore, il est très conscient de ses qualités et de son sens de la stratégie.
28:38 De la stratégie.
28:40 Grâce à Barras, il a maintenant donc une position solide.
28:42 Oui, et alors, il y a aussi les jeunes femmes qu'il a vues ici et là,
28:48 il n'avait pas vraiment accès au salon.
28:50 Il n'était pas encore amoureux, là.
28:52 Non, enfin, il a quelques petites conquêtes.
28:54 Attendez, attendez, attendez.
28:56 Il va rencontrer la femme de sa vie.
28:58 On va en parler.
29:00 Et vos yeux, papy, parce que vous avez envie de raconter cette rencontre avec lui.
29:09 Alors, il avait été de temps en temps invité dans les salons,
29:12 mais on se moquait de lui,
29:13 tant et si bien que Mme Tallien avait pris pitié,
29:16 elle lui avait dit "il me faut des culottes, il me faut des culottes".
29:19 Elle lui avait fait réaliser un très beau costume.
29:22 C'est qui, Mme Tallien ?
29:23 Mme Tallien, c'est la femme de Tallien.
29:25 On voit ici à l'image.
29:26 Celui qui, à Bordeaux, Tallien, se rendait coupable de quelques exactions
29:33 et elle sauvait ceux qui étaient menacés.
29:35 Une femme admirable, Mme Tallien, elle mérite une histoire,
29:38 une émission à elle toute seule.
29:39 Toujours est-il donc, voilà, il a eu quelques contacts.
29:42 Et là, un jour se présente un jeune garçon qui lui demande d'intervenir
29:47 en faveur d'un élément de la famille.
29:50 Et il dit "ma mère vous remerciera".
29:53 Ce jeune garçon s'appelle Eugène et il découvrira la maman
29:57 quand elle lui dit "pour vous remercier, venez donc déjeuner à la maison".
30:02 Ah, il est subjugué.
30:05 Non pas qu'elle soit d'une beauté qui vous plainte sur place
30:12 et vous laisse les yeux écarquillés comme des catadioptes, non, non, non.
30:16 Mais elle a un charme.
30:17 Elle s'appelle Rose.
30:18 Elle s'appelle Rose.
30:20 On l'appellera après Joséphine.
30:21 C'est lui qui l'appellera Joséphine.
30:23 Elle est veuve, veuve de Beauharnais et elle a deux enfants, Eugène et Hortense.
30:33 Il s'est manifesté mais il est tellement timide
30:36 qu'elle estime qu'il n'est pas assez assidu.
30:38 Elle lui demande par courrier, elle dit "mais j'aimerais bien pouvoir vous revoir chez nous".
30:44 Et là, il se présente au dîner.
30:48 Je ne vous passe pas, ou je vous passe les détails de la soirée.
30:53 Elle a une réputation de jeune femme extrêmement voluptueuse.
30:59 Elle collectionne les sensations avec les uns et les autres.
31:04 Une princesse des sens en quelque sorte.
31:06 Une princesse des îles.
31:07 Voilà.
31:08 De la Martinique.
31:09 Elle vient de la Martinique.
31:11 Et alors, elle a un chien qui s'appelle Fortuné.
31:14 Fortuné, c'est celui qui aboie parce qu'il ne veut pas partager le lit de sa maîtresse.
31:19 Il faut dire qu'il y a tellement de gens qui se présentent.
31:22 Mais elle, elle était amoureuse ou pas ?
31:23 Alors, elle n'est pas du tout amoureuse.
31:25 Mais alors lui, le lendemain, dès 7h, voilà ce qu'il lui écrit.
31:29 "Je me réveille plein de toi.
31:32 Ton portrait", elle lui a donné son portrait.
31:34 "Ton portrait est le souvenir de l'énivrante soirée.
31:39 Son las me laisse sans repos.
31:43 Je t'envoie mille baisers, mais ne me retourne pas,
31:48 car ce me met les sens en fièvre."
31:51 Voilà.
31:52 Et c'est une histoire qui commence.
31:55 Il est obsédé par Joséphine.
31:59 Et c'est Barras qui va venir au secours.
32:01 Car Barras, qui était l'amant de Joséphine,
32:04 n'aurait bien pouvoir s'en débarrasser comme elle.
32:07 Elle estime que, bon, c'est un général, mais on lui avait dit,
32:10 Mlle le Norman qu'elle avait rencontré en prison,
32:14 "Vous serez un jour presque reine."
32:17 Avec un général comme ça, qu'elle sera presque reine.
32:20 Donc, elle n'a pas du tout envie de convoler.
32:23 Et Barras nomme notre Bonaparte chef de l'armée d'Italie
32:30 pour que Joséphine accepte de convoler.
32:34 Et les voilà.
32:35 Eh bien, je dirais...
32:37 - Racontez-nous ce mariage.
32:38 J'aime bien parce qu'à une époque, il a écrit "L'amour est une sottise faite à deux".
32:43 Je ne sais pas à quel moment, mais c'était peut-être pas la veille du mariage.
32:47 Mais racontez-nous ce mariage.
32:48 - Alors, le mariage, c'était à la mairie du deuxième arrondissement.
32:52 Elle se présente avec Barras, deux autres témoins.
32:56 On a là l'officier de mairie qui attend.
33:01 Et puis, où est notre Bonaparte ?
33:05 Personne.
33:07 On entend, vous savez, l'horloge qui tourne, qui tourne.
33:11 Au bout d'une heure, on voit l'officier ministériel qui commence à somnoler.
33:17 Il n'est pas tout jeune.
33:18 Et hop, il s'endort.
33:20 Alors, on lui dit "Allez plutôt vous reposer dans la pièce d'à côté".
33:24 Et on nomme à sa place un personnage qui était son assistant.
33:30 Mais on ne sait même pas, on ne prend pas la précaution de savoir
33:33 s'il était dans la légalité en tenant potentiellement le rôle d'officier ministériel.
33:40 Et on attend, on attend.
33:42 Et à 22 heures, soudain, un bruit de bottes.
33:45 C'est l'ouragan qui se présente.
33:47 C'est notre Bonaparte.
33:48 Et il dit "Marions-nous vite, marions-nous vite".
33:51 Alors, ce qui est extraordinaire, déjà, la situation, c'est un véritable vaut de ville.
33:57 Mais alors, c'est encore plus étonnant parce que lui, il n'avait pas ses papiers.
34:01 Il a pris ceux de son frère, Joseph.
34:04 Ce qui fait qu'en réalité, c'est comme s'il était né génois.
34:08 Il se retrouve vieilli de presque deux ans.
34:11 Et elle était démunie aussi en matière de registre.
34:15 Et elle a saisi les papiers de sa soeur cadette.
34:18 Et elle a trois ans de moins.
34:19 Ça tombe bien puisqu'au départ, elle est plus âgée.
34:22 Ça permet de faire un coup plus équilibré.
34:26 Et une fois le oui prononcé, elle a va vite.
34:30 C'est vraiment, vous voyez, oui, oui.
34:33 Et puis hop, on s'en va.
34:34 Il n'y a pas de dîner, il n'y a rien du tout.
34:36 Et on se retrouve dans l'appartement de Joséphine, rue Chantraine.
34:40 Et à nouveau, vous avez le fortuné qui est là.
34:42 Et hop, il mord Bonaparte qui le racontera.
34:47 Il mord Bonaparte au mollet.
34:49 Voilà le mariage de ce couple qui va marquer l'histoire.
34:56 Et elle pense déjà sans doute à d'autres amants.
34:59 Et lui, il lui faut se tourner vers son destin.
35:02 Car deux jours après, il est appelé comme patron.
35:07 Si je puis utiliser ce mot, patron de l'armée d'Italie.
35:11 Et il doit se rendre à Nice.
35:14 On va voir comment se passe cette toute première campagne d'Italie,
35:18 juste après son mariage.
35:20 Donc l'armée est en garnison à Nice.
35:27 Et on ne peut pas dire qu'elle soit bien accueillie.
35:30 Non, parce que vous avez des généraux qui vont marquer là encore l'épopée napoléonienne.
35:36 Je vous donne deux noms.
35:38 Même si vous n'êtes pas férus d'histoire.
35:40 Masséna, Augereau.
35:42 Eh bien, ils sont là.
35:44 Et ce sont des gens qui ont dix ans de plus que lui.
35:46 Et il aurait été normal que ce soit l'un d'eux qui soit nommé
35:50 comme nouveau général en chef de cette armée.
35:53 Or, Scherer, qui depuis deux ans stagne,
35:57 qui n'a pas réussi à éliminer les Autrichiens,
36:01 il est destitué.
36:03 Et voilà ce bonhomme qui arrive toujours aussi chétif, ave.
36:07 Ce garçon qui, quand on le voit comme ça,
36:10 on ne peut pas dire qu'il soit imposant.
36:13 Et il comprend l'hostilité.
36:15 Que fait-il ?
36:16 Il dit "Messieurs, venez avec moi".
36:18 Il les emmène dans une caisse.
36:21 Et là, il y a une sorte de harangue.
36:24 Et en quelques minutes, il s'impose.
36:28 On voit sa détermination.
36:30 On voit sa capacité au commandement.
36:33 Il commence à esquisser les stratégies qui seront les siennes,
36:37 qui rompent complètement avec les habitudes militaires.
36:40 Et Masséna et Augereau, pourtant de sale caractère,
36:44 se disent "il faut le suivre".
36:47 Et à tout jamais, ils seront fidèles.
36:50 Mais maintenant, il y a les soldats aussi.
36:53 C'est une armée d'épenaillés.
36:56 On ne peut pas imaginer ce que sont ces 17 000 hommes qui l'attendent.
37:02 Ils n'ont pas d'armes dignes de ce nom.
37:06 Les uniformes, ils les complètent avec des habits civils.
37:09 Certains, et un grand nombre, n'ont même pas de souliers.
37:13 Vous vous rendez compte ? Même pas de souliers.
37:16 Certains vont nus, d'autres avec des sabots.
37:19 Et que va-t-il leur imposer ?
37:22 Notre véritable marathon.
37:25 Des 50 km par jour, avec le peu de barda qu'ils ont.
37:30 Mais il faut, là encore, montrer que le suivre,
37:37 c'est véritablement la raison d'être.
37:41 Alors que ce sont des garçons qui attendent plutôt l'opportunité du pillage.
37:47 Et que leur dit-il ?
37:49 Eh bien, il leur dit "vous imaginez ce petit bonhomme qui parle mal français ?"
37:54 Il dit "soldats, vous êtes nus, mal nourris.
37:58 Je vais vous conduire dans les plus riches plaines du monde.
38:02 De riches provinces, de grandes villes seront en votre pouvoir.
38:07 Vous trouverez honneur, gloire, richesse."
38:11 Richesse, ça veut dire ?
38:13 Qu'il leur dit "vous n'avez rien, mais vous aurez la possibilité de vous servir sur place."
38:19 C'est-à-dire que chaque zone conquise, elle vous appartient.
38:23 Et les richesses également.
38:25 De visionnaires.
38:27 Et ces garçons-là, dans les conditions décrites, avec ce mauvais équipement,
38:33 rien à manger le soir, on manque de tout, on cherche les pommes de terre, on est dans la rapine.
38:40 Et lui, pour les tenir, il se présente dans les bivouacs,
38:47 il leur dit "allez les gars !" et il partage la pomme de terre cuite dans les cendres.
38:53 Et c'est là où il réussit cette fulgurance incroyable.
38:57 En 17 jours, je l'ai dit au début d'émission,
39:00 Montenotte, Milesimo, Bigo, Mondovi, Lodi, Lodi, où...
39:08 En Italie, au sud de Milan.
39:10 Où l'hécatombe est terrible.
39:13 Et à un instant donné, ce sont Massena, Augereau,
39:18 alors qu'il n'y a que des cadavres sur le pont,
39:21 qui jaillissent et qui arrivent à s'imposer.
39:25 Et derrière eux, les hommes sont tellement éberlués par ce courage,
39:30 par cette audace et par les mots de Bonaparte,
39:33 qu'on remporte la victoire, Lodi est gagné.
39:37 Et c'est là qu'il devient le petit caporal.
39:40 Les mots, la vision, la stratégie, l'action,
39:44 entraient ensuite triomphal à Milan.
39:47 Milan, ben oui, parce que à Milan,
39:50 ça fait des années que l'on est sous le jauge autrichien.
39:53 Et la population n'en peut plus.
39:56 Et là, c'est le libérateur, il arrive sur son cheval blanc.
40:01 Il vient d'enchaîner toutes ces victoires.
40:03 Il vient d'enchaîner toutes ces victoires.
40:05 Et forcément, je vous l'ai dit,
40:07 ils ne sont pas rutilants les soldats qui sont là.
40:09 Mais déjà, ils sont d'une gaieté invraisemblable.
40:11 Ils crient "Vive la République" et ils chantent la marseillaise.
40:15 Ils sont joyeux. Et c'est la libération.
40:19 On se jette sur eux. Les jeunes femmes sont là.
40:22 Oh, combien calines !
40:25 Comme toujours, malheureusement, les soldats français,
40:28 dans ces circonstances, se laissent aller à quelques...
40:33 Non pas uniquement grivoiseries,
40:35 mais à cette tendance à voler chez les uns et les autres.
40:41 Et pour autant, ce n'est pas grave.
40:42 Pendant trois semaines, ils sont acclamés.
40:45 Ils sont bercés par la foule milanaise.
40:50 Et lui, il est hostile, dans un énorme palais.
40:53 Il est déjà le futur empereur, d'une certaine façon.
40:57 Et on le voit à l'Opéra de Milan,
41:02 et sur scène, la cantatrice, Grassini.
41:05 Oh, elle est magnifique, Grassini.
41:07 Elle lui fait oublier quoi ?
41:09 Parce que je ne l'ai pas évoquée depuis tout à l'heure, Joséphine.
41:12 Et pour autant, dans toute cette période de conquête,
41:15 le soir, souvent, ceux qui sont proches de lui,
41:19 Junot, Masséna et autres, ils l'entendent pleurer.
41:24 Mais que fait-elle ? Elle ne vient pas.
41:27 Elle n'est pas là.
41:28 Et non, Joséphine, elle a autre chose à faire.
41:31 Elle a Hypolite Charles, un jeune lieutenant.
41:35 Et il n'est pas question pour elle de gagner l'Italie.
41:38 Elle est bien trop heureuse à Paris.
41:40 Alors, il demande à Murat de gagner la capitale.
41:44 C'est l'avenir !
41:46 Murat est tellement séducteur qu'il termine,
41:52 eh bien, je dirais, en concubinage avec Joséphine,
41:57 avant de regardir sur place et de dire à Bonaparte,
42:00 qu'elle attend un enfant, elle ne peut pas voyager.
42:02 Que d'histoire !
42:03 Et que ce n'est pas vrai, bien évidemment.
42:05 Et c'est là, Barras qui se fâche et qui ordonne à Joséphine
42:08 de rejoindre Bonaparte.
42:11 Et elle fait enfin son entrée à Milan.
42:14 Il l'exulte, il est comme un gamin.
42:17 Et si on prend toutes les lettres,
42:19 il lui écrivait une, deux, trois lettres par jour,
42:22 dans les conditions qui sont celles que j'ai décrites.
42:25 Ces batailles permanentes, le sang qui coule,
42:27 les hommes à galvaniser.
42:29 C'est là, pour autant, cette obsession de la femme aimée.
42:32 Mais les Autrichiens sont là et ils reprennent la guerre.
42:35 Eh bien oui ! Malheureusement, il faut aller jusqu'au bout de la conquête.
42:41 Les éradiquer, une bonne fois pour toutes,
42:44 et l'une des rencontres essentielles
42:46 se passe dans une toute petite bourgade qui s'appelle Arcole.
42:50 Et Arcole, là encore, c'est étonnant,
42:52 comme à Lodhi, il y a un pont en bois, un pont à franchir.
42:56 Mais face à eux, les Autrichiens ont les Croates dans leur camp.
43:01 Les Croates sont des guerriers qui n'ont peur de rien.
43:04 Ils ont placé leur batterie et c'est la canarde, la canarde.
43:08 Vous pouvez tenter n'importe quoi, ils vous fauchent.
43:11 Et pour autant, il faut y aller.
43:14 Il n'a peur de rien, il leur dit "Allez ! Passez !"
43:19 Mais les pauvres s'écroulent les uns derrière les autres.
43:23 Il les voit replier et là, c'est plus fort que lui.
43:26 Est-ce que c'est une ordalie ?
43:28 Vous savez l'ordalie, c'est quand vous risquez votre peau
43:30 et que vous vous dites "C'est au Seigneur de décider de mon sort".
43:33 Il a pris l'étendard, le drapeau, et le voilà qui court sur le pont.
43:38 Deux grenadiers essaient d'intervenir en disant "C'est pas votre place !"
43:43 Mais il les bouscule et jaillit.
43:46 Miron, le petit Miron, le beau garçon,
43:49 le jeune garçon qui l'accompagne, son aide de camp,
43:52 il est là, juste devant lui au moment où la canarde l'atteint.
43:57 Le sang éclabousse Bonaparte.
44:01 Il tombe dans le cours d'eau.
44:04 La boue, il est presque en train de se noyer.
44:07 Là encore, ce sont trois gaillards qui le saisissent,
44:09 qui le placent sur les épaules et hop !
44:12 On cherche un cheval et on fait en sorte qu'il soit mis à l'écart.
44:17 Il n'assistera pas à la victoire d'Arcole.
44:20 Elle n'aura lieu que deux jours plus tard, sans avoir franchi le pont.
44:24 Mais Masséna a fait un détour.
44:26 Et enfin, on peut penser à la fin de cette campagne
44:31 qui se conclut à Rivoli, une bonne fois pour toutes.
44:34 La France et Napoléon Bonaparte sont sur place, les grands vainqueurs.
44:39 Arcole, Lodi, Rivoli, ils gagnent toutes les victoires, le général victoire.
44:44 Un mot pour terminer sur ce général victoire.
44:47 C'est un héros, finalement, qui arrive à Paris.
44:55 Là, là, Marc Menand, on est sur les pas du grand Napoléon.
45:01 Il est surpris déjà, la rue Chantraine est devenue la rue de la victoire.
45:04 On a carrément baptisé la rue de la victoire en son honneur.
45:08 Mais Joséphine n'est toujours pas là.
45:11 Elle n'arrivera que deux jours plus tard.
45:13 Quand il se retrouve, vous pensez bien que c'est le grand élan,
45:17 mais une énorme déception.
45:19 Car pour le directoire, il devient une sorte de handicap.
45:22 Il a une trop grande popularité.
45:24 C'est un homme de force.
45:26 Et ce garçon-là, eh bien, vous prendrez bien la place.
45:29 Alors, on cherche à l'écarter.
45:31 Et lui, voyons qu'on ne veut pas l'utiliser.
45:33 Il pense même se vendre au sultan.
45:36 Oui, aller servir le sultan.
45:38 Et puis, il propose un plan de bataille.
45:41 Combattre les Anglais en leur coupant la route de l'Inde
45:45 et en ayant des raisons d'engager une campagne en Égypte.
45:52 Et ça, c'est toute une épopée.
45:54 Il convainc les uns et les autres.
45:56 Et c'est la suite de cette grande aventure
45:59 qui le fera devenir vraiment Napoléon et plus uniquement Bonaparte.
46:05 Eh oui, le nouvel Alexandre qui le faisait rêver quand il était petit,
46:08 ça, c'est une autre histoire.
46:10 Ce qu'il faut retenir, une jeunesse d'un enfant déjà solitaire
46:14 dans une Corse en pleine agitation.
46:17 Le premier grand voyage à 9 ans direction Autun, en Saône-et-Loire,
46:21 où il va entamer ses études pour devenir militaire.
46:23 Opportuniste, il aussi, entre les royalistes, les révolutionnaires, les partisans corse.
46:28 Sa première grande victoire, 1793 à Toulon.
46:31 Il a 24 ans, il libère Toulon tenu par les Anglais.
46:34 Puis, adjoint de Barras, il mate l'insurrection royaliste à l'église Saint-Roch.
46:39 Et à 26 ans, il conquiert l'Italie et s'impose comme un grand chef militaire.
46:43 Alors, on a le livre "Le Napoléon" de Thierry Lenz à proposer.
46:47 Et on a ce livre, il fait 761 pages.
46:51 761 pages, je me voulais en parler.
46:54 Ça permet de passer un bon week-end.
46:56 Ça attend Zamoïski.
46:59 Napoléon, c'est plus inattendu.
47:01 Piranha, alors forcément, Thierry Lenz, c'est la référence avec Jean Tullard.
47:05 Mais c'est pour ça que j'ai cherché un livre un peu décalé.
47:07 Et qui a un style guilleret, qui est amusant, avec des petites anecdotes.
47:11 Merci beaucoup, Marc Menand.
47:13 On rappelle que Napoléon Bonaparte va mourir à 51 ans, le 5 mai 1821, à l'île Sainte-Hélène.
47:19 Mais ça, c'est une autre histoire.
47:21 Un mot de Napoléon Bonaparte.
47:24 "Ce n'est pas possible, cela n'est pas français."
47:27 Ainsi va "Le grand destin" de Napoléon Messiaen tout Bonaparte.
47:32 !

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