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Martin Hirsch, invité du 7h40 de franceinfo mardi 25 avril 2023.

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00:00 - Commençons par la jungle de l'enseignement supérieur privé, écoles de commerce, de gestion, d'ingénieurs ou instituts confessionnels.
00:06 Ils séduisent un étudiant sur quatre, leurs effectifs ont doublé en France en l'espace de 20 ans.
00:11 Bonjour Martin Hirsch. - Bonjour Marc Flauvel.
00:13 - Ancien haut commissaire aux solidarités et à la jeunesse, ancien patron de la PHP également.
00:16 Vous êtes aujourd'hui vice-président exécutif de Galileo Global Education,
00:21 c'est un groupe spécialisé justement dans l'enseignement supérieur privé.
00:24 Vous venez d'envoyer vos propositions au gouvernement pour réguler ce secteur.
00:28 L'an dernier, les services de la répression des fraudes ont contrôlé 80 de ces établissements.
00:33 Dans un tiers des cas, ils ont relevé des pratiques commerciales douteuses,
00:36 notamment sur la question des frais de scolarité, avec des frais cachés qui viennent s'ajouter au fur et à mesure de la scolarité.
00:42 Comment mettre fin à ces pratiques ?
00:44 - C'est justement, d'abord je souviendrai que aucune des écoles du groupe Galileo n'était dans celle pour laquelle il y avait ces comportements.
00:51 Nous, nous considérons que l'enseignement supérieur, parce qu'il est professionnalisant, est très important.
00:58 Dans les pays de l'OCDE, il est très développé, en Allemagne, en Suisse, en Angleterre, aux Pays-Bas, dans beaucoup de pays,
01:04 parce que ça permet de former des gens qualifiés directement dans l'emploi.
01:08 Et donc, pour qu'il se développe, pour qu'il existe, il faut qu'il soit irréprochable,
01:13 et pour qu'il soit irréprochable, il faut qu'il soit bien régulé.
01:16 Alors, la première de nos propositions, c'est tout sur la table, tout transparent, le fact-checking.
01:22 - Pas de frais cachés. - Pas de frais cachés, pas de mauvais résultats cachés, pas de pratiques cachées, tout transparent.
01:28 - Donc par exemple, un devis complet avant l'inscription ?
01:30 - Absolument, les tarifs, mais aussi les résultats.
01:35 On ne peut pas faire rentrer dans une école un jeune étudiant ou une jeune étudiante,
01:41 en lui cachant qu'en alternance, dans cette école, une fois sur quatre, son contrat d'apprentissage va être rompu, par exemple.
01:51 Il faut que ces taux-là existent, il faut que toutes ces données,
01:54 et on se propose que ce ne soit pas nous qui autodéfinition les données à rendre publiques,
01:58 mais que ce soit les autorités de régulation, en concertation avec tous les acteurs,
02:02 qui disent "voilà, ça, ça doit être systématiquement public, et pas en toutes petites lettres dans un coin".
02:06 - Oui, pas en tout petit sur le contrat. Ce que dit aussi la répression des fraudes, Martin Hirsch,
02:09 c'est qu'une partie de ces établissements a tendance à tricher un peu,
02:12 en affichant des partenariats avec des entreprises prestigieuses,
02:15 en promettant aux étudiants qu'ils sont absolument sûrs de trouver un travail à la sortie.
02:19 Là encore, comment est-ce qu'on fait le ménage dans ces pratiques ?
02:22 - Alors là, il y a une solution qui est hyper simple.
02:24 Aujourd'hui, la puissance publique, en France, on a la chance d'avoir des statistiques remarquables.
02:31 Donc la puissance publique dispose d'un côté de la liste des étudiants,
02:35 et de l'autre de toutes les données sur le travail, les salaires, les emplois.
02:40 - Ce qui deviennent ensuite ?
02:41 - Voilà. Donc nous, ce qu'on propose, c'est que l'autorité de régulation, à nouveau,
02:44 puisse connecter ces deux chiffres, c'est tout à fait RGPD compatible,
02:47 c'est pas aux établissements d'avoir connaissance de données personnelles.
02:50 - C'est-à-dire que c'est pas à ces écoles d'afficher ces chiffres, c'est à un organisme indépendant de le faire ?
02:53 - On estime surtout qu'il faut prendre les données exhaustives,
02:56 pour faire en sorte, bah voilà, sur 1000 étudiants,
02:59 on sait vous dire un an après, deux ans après, quatre ans après,
03:02 combien ont de travail, combien ne travaillent pas, quel est leur niveau de salaire,
03:06 pour vérifier qu'il y a encore une fois, le mot d'ordre, c'est pas de tromperie sur la,
03:10 j'allais dire marchandise, mais je vais pas considérer l'éducation comme une marchandise.
03:13 Donc pas de tromperie sur la délivrance de ce qui contribue au bien commun,
03:17 c'est souvent la chose la plus importante, moi ça m'a beaucoup frappé.
03:20 Quand on regarde dans les dépenses des familles,
03:23 souvent un logement, souvent deux, l'éducation ou l'enseignement supérieur,
03:29 qu'il soit gratuit, mais il faut des frais pour vivre pendant, ou qu'il soit payant,
03:34 l'avantage de l'enseignement professionnalisant, c'est qu'on peut le faire en alternance,
03:38 c'est le cas d'un étudiant sur deux, et du coup là on débourse rien, et on est payé.
03:43 - Est-ce qu'il faut donner la possibilité à ces étudiants de noter leur établissement
03:47 sur un site qui serait accessible à tous, après tout on note bien les restaurants.
03:50 - Leurs établissements et leurs enseignants, comme...
03:53 - Donner des notes aux enseignants ? - Ouais, des appréciations sur les enseignants,
03:56 comme d'ailleurs l'université est censée le faire, on expliquait il y a quelques temps,
04:00 que ça faisait quelques années que les textes le prévoyaient,
04:02 les anglais font ça remarquablement, ça remonte, les appréciations remontent
04:06 d'ailleurs directement des étudiants à nouveau vers l'autorité de régulation,
04:10 et comme ça on peut publier des données.
04:13 La satisfaction n'est pas tout ce qui permet de mesurer la qualité d'un enseignement,
04:18 on peut parfois être satisfait d'un prof qui vous a donné des bonnes notes
04:23 pour de mauvaises raisons, mais c'est un élément important.
04:27 Donc c'est vraiment transparence de la cave au grenier.
04:31 - Martin, je voudrais vous entendre sur autre chose, vous êtes le fondateur du RSA
04:34 qui a remplacé le RMI en 2009, aujourd'hui le gouvernement promet de le réformer
04:38 en obligeant les allocataires à s'inscrire à Pôle emploi d'une part,
04:42 et en leur demandant d'exercer une activité obligatoire 15 à 20 heures par semaine,
04:46 soit une formation, soit en entreprise, est-ce que c'est une bonne idée ?
04:50 - Oui. Alors il y a une idée qui serait vraiment terrifiante,
04:53 et il serait très bien que le gouvernement sorte de sa semi-ambiguïté.
04:57 Parce que d'un côté Thibault Guilly, le haut commissaire à l'emploi,
05:00 - qui était à ce micro il y a quelques jours - fait des propositions, j'allais dire,
05:03 plutôt sensées, et de l'autre on entend ce que vous venez de dire.
05:06 C'est-à-dire le travail qui serait obligatoire sans salaire.
05:11 La contrepartie, ça c'est une régression sociale comme il y en a pas souvent.
05:17 C'est-à-dire qu'on s'est battu, Sarkozy l'avait compris, Hollande l'avait compris,
05:21 pour que les allocataires du RSA quand ils reprennent du travail,
05:24 toute heure de travail est en face, une fiche de salaire,
05:28 les droits sociaux qui vont avec, et le revenu d'un salaire.
05:33 - Ce que vous craignez c'est du travail gratuit ?
05:35 - C'est pas ce que je crains, c'est cette ambiguïté qu'on entend depuis 18 mois là-dessus,
05:40 effectivement réinventer le travail sans salaire.
05:43 Il y a un gouvernement qui a essayé de le faire il y a 25 ans,
05:46 heureusement les mouvements sociaux sont arrêtés.
05:50 - C'était quoi ?
05:51 - Ça s'appelait le RMA je crois, un truc comme ça.
05:53 - Et c'est bien votre inquiétude aujourd'hui ?
05:55 - Pas de travail sans salaire.
05:56 Que l'inscription à un pôle emploi soit obligatoire, ça ne me pose pas de problème.
06:00 Ça me poserait encore moins de problème si le pôle emploi avait l'obligation de s'en occuper,
06:03 c'est ce que dit Thibault Guilly, parce que, reprenons les choses,
06:07 ce que montrent les rapports, c'est que souvent les allocataires du RSA
06:10 sont laissés 6 mois sans que personne ne s'occupe d'eux,
06:13 sans qu'on leur parle de travail, et donc qu'ils ont des difficultés à se réinsérer.
06:17 Mais pas de travail sans salaire, ça c'est une régression sociale.
06:21 - Donc ce que vous demandez au gouvernement c'est de sortir en quelque sorte de l'ambiguïté ?
06:24 - Je ne demanderais à aucun gouvernement.
06:26 - Si c'est une immersion en entreprise, une forme de stage, oui,
06:28 si c'est du travail, non.
06:29 - Bien sûr, il y a des parcours de formation, d'accompagnement,
06:33 tout ce qui peut aider quelqu'un à se réinsérer, aucun problème,
06:38 mais tout ce qui est de transformer un allocataire en une main d'oeuvre sans droit,
06:44 c'est quelque chose qui je pense est une régression sociale.
06:47 Je pense qu'on joue sur l'ambiguïté pour des raisons politiques,
06:50 je n'ose imaginer qu'on aille jusque là.
06:52 - Merci à vous Martin Hirsch, ancien directeur général de la PHP,
06:54 vice-président aujourd'hui, vice-président exécutif de Galiléo Global Education,
06:58 qui vient donc de remettre ses propositions au gouvernement
07:01 pour réformer l'enseignement supérieur privé.
07:03 Merci, bonne journée à vous.

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