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Xerfi Canal a reçu Laurent Amice, Directeur de Mines Paris PSL Executive Education, pour parler de l'avenir de l'executive Education. Une interview menée par Jean-Philippe Denis.

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00:00 [Musique]
00:13 Bonjour Laurent Hamis.
00:14 Bonjour Jean-Philippe.
00:15 Laurent Hamis, vous êtes directeur de Mines Paris PSL Executive Education.
00:20 On va donc parler ensemble Executive Education.
00:23 Et c'est très intéressant, petit papier que vous avez publié sur I3-H2.
00:28 Vous allez nous expliquer ce que signifie cet acronyme I3-H2,
00:32 Nouvelle alchimie de la formation des cadres et dirigeants.
00:34 Peut-être quelques éléments de contexte d'abord.
00:36 Pour vous, la crise sanitaire marque un petit moment de rupture.
00:40 Un petit moment de rupture effectivement,
00:42 puisque la presse, les médias nous abondent d'enquêtes, de résultats, de sondages d'opinion
00:50 sur le désengagement relatif des collaborateurs,
00:54 qui se traduit soit par la grande démission,
00:56 soit par la démission plus silencieuse, la quiet, la quitting,
01:01 ou encore le "bore out", cet ennui dans le travail
01:04 qui serait lié effectivement à cet espèce de désengagement relatif
01:08 et cette quête de sens auquel je dirais n'échappe pas la formation.
01:12 Parce que la formation étant une composante du travail,
01:15 ces mutations effectivement invitent à repenser la formation
01:20 et à la réenchanter pour redonner du sens, je dirais,
01:23 à cet acte qui participe de la relation au travail.
01:27 Alors ce sens pour vous, il passe par ce fameux, c'est dans le journal du Net,
01:31 passe par ce fameux I3.
01:33 Alors, I3 effectivement, parce que...
01:35 Que signifient ces trois "i" que vous mettez au cube ?
01:37 Alors pourquoi ? Parce que la formation ne saurait se réduire
01:40 à une approche très adéquationniste entre des activités et des compétences.
01:45 Bon, approche portée par la certification professionnelle
01:49 et défendue par France Compétences,
01:52 avec ses fameux référentiels, activités, emplois, compétences.
01:56 Mais déjà, ce n'est pas ce qui fait rêver.
01:58 Donc il y a besoin de réenchanter, je dirais, la formation.
02:02 Et comment la réenchanter ? Effectivement, au travers de trois déterminants
02:07 qui sont pour moi l'expérience ou l'immersion, l'inspiration et l'impact.
02:13 Pour faire rêver, effectivement, il implique de faire vivre
02:18 une expérience apprenante qui plus est à des talents, des caves ou des cideurs.
02:22 De les sortir de leur quotidien, de la verticalité, je dirais,
02:27 des organisations dans lesquelles ils sont,
02:29 et leur faire prendre un pas de côté pour mieux appréhender,
02:33 je dirais, la complexité des enjeux qu'ils doivent adresser.
02:36 Quand on parle de transition numérique ou de transition écologique et énergétique,
02:41 effectivement, il faut sortir de l'hyperspécialisation des fonctions,
02:45 qui est surtout l'apanage des grandes organisations,
02:48 et de la verticalité pour prendre un peu de hauteur, de recul
02:51 et donner, j'irais, une approche systémique à ces enjeux.
02:55 Ça, c'est l'immersion en tant que telle, l'impact et l'inspiration.
03:01 C'est vrai que c'est des mots. Impact, on en entend souvent parler.
03:04 Immersion et inspiration, moi.
03:06 Alors l'inspiration, oui, puisque comme je disais,
03:09 l'intérêt est effectivement de faire prendre un pas de côté
03:13 à des cadres décideurs qui sont dans des fonctions
03:17 qui restent quand même assez silotées,
03:20 et du coup d'inviter à d'autres regards, d'autres expériences,
03:24 et de prendre un pas de côté pour inspirer.
03:28 Je prendrais un exemple à l'École des Mines de Paris,
03:31 dans sa partie exécutive Education,
03:34 nous avons développé un partenariat avec l'école pro du Centre Pompidou.
03:38 Et l'objectif est bien d'exposer des cadres dirigeants
03:42 à des œuvres, à des collections du Centre Pompidou,
03:46 pour en appeler pas uniquement à la raison, mais à l'émotion.
03:50 Quand on parle de transition écologique aujourd'hui,
03:53 les solutions ne passent pas uniquement par la raison,
03:56 mais aussi par l'émotion.
03:58 Bien sûr. Et l'impact, finalement, ou l'inspiration,
04:01 pour vous, tout ça, ça fait système ?
04:03 Tout ça fait système, puisque la finalité,
04:06 c'est vraiment de ressortir transformé d'un parcours de formation.
04:11 Et alors maintenant, parlons de H2.
04:14 H2, alors effectivement H2 pour hybridation.
04:17 Alors pourquoi ai-je mis l'hybridation au carré ?
04:20 Parce que pour moi, elle se décline de deux manières différentes.
04:23 Vous avez d'une part l'hybridation des modalités pédagogiques,
04:26 et aussi et surtout l'hybridation des enseignements.
04:29 Alors sur l'hybridation des modalités,
04:32 là effectivement, l'accélération des technologies,
04:35 des usages du numérique, durant la crise sanitaire,
04:39 a produit une inflexion des modèles pédagogiques,
04:42 et en faveur du digital learning.
04:45 Alors je serais tenté de dire, vive le digital learning,
04:48 le présentiel est mort. Non, absolument pas.
04:51 Parce qu'on le voit bien aujourd'hui, et on le voit, j'irais, ex post,
04:55 le présentiel présente des avantages
04:58 que ne procure pas le distanciel.
05:00 La richesse des interactions, des échanges,
05:03 la mise en réseau, l'apprentissage entre pairs,
05:06 peer to peer, cette alchimie se produit
05:09 dans une salle, autour d'un café,
05:12 et en tout cas dans un cadre présentiel.
05:14 Alors, est-ce à dire pour autant qu'il faut nier effectivement
05:17 cette évolution, cette mutation des modalités pédagogiques ?
05:21 Non, le distanciel et le digital learning
05:24 peuvent s'intégrer dans les parcours en présentiel,
05:27 parce que lorsqu'il est bien pensé, et non pas juxtaposé,
05:30 mais intégré et scénarisé dans un parcours,
05:33 il est plutôt sur de la remise à niveau de connaissances de base
05:36 ou de textes réglementaires pour lesquels
05:39 l'auto-apprentissage peut suffire.
05:42 C'est vrai que ce n'est pas tout à fait la même chose
05:45 d'écouter un morceau de musique avec des écouteurs,
05:48 de vivre un concert, ou d'aller à l'opéra.
05:51 L'apprentissage n'est pas tout à fait le même.
05:54 C'est ça l'idée aussi de ce H2 ?
05:57 Effectivement, puisqu'aujourd'hui, face à la complexité
06:00 des enjeux auxquels doivent répondre les entreprises,
06:04 les approches qui doivent être favorisées,
06:09 développées dans les entreprises, et donc dans la formation,
06:12 ce sont des approches pluridisciplinaires.
06:15 Alors, je dis d'autant plus que j'évolue dans le cadre
06:18 d'une belle école d'ingénieurs,
06:21 mais être technocentré ne suffit pas aujourd'hui
06:26 à résoudre les enjeux auxquels nous sommes confrontés.
06:29 Je prendrai l'exemple des ODD,
06:31 des 17 objectifs de développement durable.
06:34 Les réponses ne sont pas uniquement dans l'innovation
06:38 et la technologie, et d'ailleurs mon collègue,
06:41 enseignant-chercheur Franck Agéry en parlerait mieux que moi,
06:44 en développant les approches plus responsables
06:47 en matière de modèles de production et de consommation.
06:50 L'économie circulaire, la sobriété,
06:53 et donc au-delà des sciences de l'ingénieur,
06:55 la nécessité d'y intégrer les sciences de gestion,
06:59 mais pas uniquement, et aussi ce qu'on occulte parfois,
07:03 les sciences humaines et sociales, les humanités,
07:06 qui peuvent aussi apporter des réponses à des enjeux
07:09 et des défis aussi complexes que nous avons à relever.
07:13 I3H2 devient d'autant plus décisif que nous vivons alors du chat GPT,
07:17 et on peut avoir un peu l'impression que ça y est,
07:20 là, ça va tout emmener, etc. Et vous nous dites non, non, non,
07:23 surtout pas, c'est plus que jamais, il faut mettre au cube et au carré
07:26 le I et le H.
07:28 Tout à fait, l'IA, la Data Science sont le meilleur exemple
07:32 de la nécessité au-delà de la science
07:35 de prendre en compte les questions d'éthique,
07:38 les questions de droit, les questions de régulation.
07:41 Et si, effectivement, Rabelais était encore de ce monde,
07:45 il ne renierait pas, je pense, à Maxime,
07:48 "Science sans conscience n'est que ruine de l'âme".
07:51 "Éducation sans conscience n'est que ruine de l'âme" aussi,
07:54 plus que jamais. Merci à vous, Laurent.
07:57 Merci, Jean-Philippe.
07:59 [Musique]

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