Xerfi Canal a reçu Thierry Picq, professeur à emlyon business school, pour parler de l'apprentissage collectif.
Une interview menée par Jean-Philippe Denis.
Une interview menée par Jean-Philippe Denis.
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00:00 Bonjour Thierry Pic, vous êtes professeur de management à EME New Business School,
00:13 vous êtes auteur avec Tessa Melconian dans l'encyclopédie de la stratégie d'une entrée
00:18 consacrée au contexte extrême. Est-ce que l'on a à apprendre des contextes extrêmes,
00:21 qui donne comme leur nom l'indique, poussent à l'extrême les sujets de management ? Et
00:27 finalement, une de vos conclusions, dix ans après avoir écrit cette entrée, c'est de dire "mais
00:33 apprendre c'est vraiment pas simple, ça doit devenir une vraie priorité stratégique, ça fait
00:39 longtemps qu'on le dit, mais il faut vraiment vraiment vraiment en prendre conscience". Tout
00:44 à fait, alors l'apprentissage individuel est un sujet dont on parle beaucoup, par la formation
00:49 mais aussi par l'échange par les pairs. L'apprentissage organisationnel reste là encore
00:54 au milieu du guet avec, je pense, deux extrêmes qu'on a pu voir, soit une dérive de ce concept
00:59 qui n'est quand même pas nouveau, autour de démarches d'intelligence collective, on est
01:04 plutôt dans la recherche de la participation, de l'animation d'équipe, ou alors dans ce qu'on peut
01:08 appeler le knowledge management, qui est l'idée de pouvoir capturer cette connaissance pour pouvoir
01:13 la diffuser de façon un peu automatique. Je pense que ce que le monde militaire, qu'on a
01:18 particulièrement observé avec Tessa, nous a appris, c'est plutôt sur la mise en place de
01:22 dispositifs organisationnels et humains qui permettent finalement de faire de cet apprentissage
01:27 une routine. J'aime bien dire qu'apprendre n'est pas un événement, mais en fait une routine et un
01:32 entraînement quotidien. L'excellence est une habitude. L'excellence est une habitude, exactement.
01:36 Une formule que vous employez souvent. Exactement, l'élégance aussi d'ailleurs, et qu'il faut du coup
01:42 inscrire ce besoin d'apprentissage, simplement pour évoluer, s'adapter, rester compétitif,
01:48 dans des routines organisationnelles et des comportements humains. Alors, de quelle routine
01:52 organisationnelle on parle ? Tout simplement, déjà, la formation. Former bien sûr des individus,
01:57 mais aussi des équipes à ce dispositif particulier, qui est le retour d'expérience, le debriefing,
02:03 on peut l'appeler un petit peu comme on veut, à l'intérieur des situations de travail, c'est-à-dire
02:08 soit au cours des situations de travail, soit immédiatement à chaud, après les projets ou
02:11 après les activités. Donc, on dissocie trop souvent, me semble-t-il, la formation, l'apprentissage,
02:16 de la réalité des temps de travail. Donc, ça c'est une première piste, et notamment collective,
02:21 à explorer dans la revue des activités qu'on a menées ensemble. Une deuxième piste, effectivement,
02:27 c'est en mettant en place des systèmes d'incitation et de valorisation de tous ces temps d'échange
02:31 d'expérience, qu'ils soient formels ou informels dans l'entreprise. Ce qu'on a appris dans le
02:35 monde militaire, par exemple, c'est le fait que les positions de formateur ou de directeur d'école,
02:41 ou de transmetteur de savoirs, sont des positions qui s'inscrivent dans des parcours de carrière.
02:45 Et si je veux faire une brillante carrière militaire, je dois passer un moment ou un autre
02:48 par des postes d'instructeur ou de formateur. On peut dire que dans l'entreprise, on n'est pas
02:53 tout à fait encore dans cette logique-là. Exactement, et là, je pense qu'il y a pas
02:59 mal d'inspiration pour remettre l'apprentissage et la transmission au cœur des parcours de carrière,
03:04 en les valorisant. Je pense qu'il y a aussi une question de posture managériale, qu'on évoque
03:10 souvent, c'est-à-dire animer un dispositif de retour d'expérience, être orienté sur ce qu'on
03:15 a appris, nécessite une autre posture du manager, beaucoup plus lui aussi en vulnérabilité, lui
03:20 aussi étant capable d'avouer qu'il s'est trompé, qu'il a un certain nombre de faiblesses, donc une
03:24 posture modélisante qui va encourager les autres à rentrer dans le jeu d'une analyse collective,
03:29 plus objective de ce qu'on a réussi, mais aussi de ce qu'on a moins fait. Donc, quelque part,
03:33 on a un état d'esprit, me semble-t-il, du manager et des leaders pour inciter un état
03:39 d'esprit collectif et une culture collective autour du retour d'expérience. Et un dernier
03:44 élément, me semble-t-il, qu'on voit aussi dans le monde militaire, c'est faire en sorte que les
03:47 managers soient aussi parfois en position de formateur, parce que finalement, on sait tous
03:51 qu'il n'y a rien de mieux pour véritablement acquérir un sujet que de le transmettre,
03:55 exactement, de le travailler et de le transmettre aux autres. Donc, comment dans mon activité
04:00 managériale, je garde du temps de transmission, d'accompagnement, de diffusion de savoirs,
04:05 qui est aussi du coup un rôle modèle pour les collaborateurs ? C'est enfin de l'apprentissage,
04:11 il y a des conséquences en termes de programme de formation d'ailleurs. Exactement. Passer enfin
04:15 d'un apprentissage individuel à un apprentissage collectif, enfin à une organisation apprenante,
04:19 au plus proche de la réalité du travail et des activités. Absolument. Et sortir des mots
04:25 d'ordre. Merci Thierry Pitt. Merci Jean-Philippe.
04:27 Merci.
04:29 [Musique]