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Mardi 2 mai 2023, SMART JOB reçoit Sabrina Perugien (Maître de conférences GRH et Management, Université Savoie Mont Blanc) , Marina Bourgain (Enseignante/chercheure, ESC-Clermont Business School) et Olivia Coppin (CEO, Juste Business, Ni Victime Ni Bourreau)

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00:00 [Musique]
00:12 Le cercle érage notre débat quotidien pour parler de la violence, des violences en entreprise.
00:17 On va parler de prévention, bien sûr, de dialogue.
00:19 On va essayer de comprendre ce qui se passe en entreprise et pourquoi ce sujet des violences est un peu passé sous les écrans radars.
00:25 On va parler des souffrances aussi endurées par ceux qui subissent ces violences.
00:30 Ça peut provoquer des burn-out, des dépressions nerveuses et donc c'est évidemment préjudiciable pour l'entreprise.
00:35 On en parle avec trois invités, trois experts de ce sujet.
00:39 À mes côtés, Olivia Coppin. Bonjour Olivia.
00:41 Bonjour.
00:42 Ravi de vous retrouver. Vous venez régulièrement dans notre émission Le Cercle des Experts, fondatrice Just Business.
00:46 Et vous avez créé une entreprise de formation, ni victime ni bourreau.
00:51 Et j'allais dire, vous évangélisez dans les entreprises, sur ces sujets, puisque votre concept c'est on peut être un jour victime et puis un jour on peut être aussi un bourreau.
01:01 Merci d'être là. Marina Bourguin, merci d'être avec nous, enseignante chercheuse et professeure à l'ESC Clermont Business School.
01:09 Et vous êtes une spécialiste de ce sujet. On va vous entendre dans quelques instants.
01:13 Et vous venez régulièrement sur ce plateau, mais avec Sabrina Perugien. Vous êtes maître de conférence en GRH et Management à l'Université Savoie Mont-Blanc.
01:23 Et vous avez travaillé ensemble sur un, sur quoi ? On l'appelle comment une étude ? Un cas pratique ?
01:28 Un cas pratique, une étude de car, un jeu de rôle sur les violences au travail.
01:31 D'ailleurs, un mot, parce que vous étiez venue nous en parler il y a quelques mois.
01:34 Vous le déployez ce cas pratique ? C'est-à-dire que j'imagine que vous faites le tour de France avec ce cas pratique.
01:39 J'imagine quand on n'est pas dressé à Chamonix ou à Clermont-Ferrand.
01:44 Le cas est disponible, en fait. Il peut être acheté sur la centrale CCMP.
01:48 C'est ça. C'est ce que je voulais vous entendre dire. Donc c'est un cas qui permet, évidemment, de le déployer sans que physiquement vous soyez là.
01:54 Voilà, c'est clé en main.
01:56 Revenons au début de ces violences. Olivia Coppin, vous êtes avocate de formation, et c'est intéressant de le préciser.
02:03 Comment est née ce concept, cette idée de... On constate qu'il y a des violences, mais le monde n'est pas blanc et n'est pas noir.
02:11 C'est ça que vous nous dites, en fait. C'est plus subtil que ça, la violence. C'est pas jour, nuit.
02:16 Alors, la première vague, cette première prise de conscience autour des violences au travail, qui est une des conséquences aussi de la vague #MeToo,
02:23 qui s'est répercutée aussi sur le monde de l'entreprise, effectivement, on a beaucoup focussé sur les victimes, parce que c'était important de libérer la parole.
02:30 Moi, j'ai travaillé vraiment dans différents... Que ce soit dans les cabinets d'avocats, dans les agences de conseil, dans les entreprises,
02:36 et le constat que j'ai pu en faire, du fait aussi de mon expérience en tant que coach, c'est que, finalement, au cours d'une carrière, on peut être victime, effectivement,
02:43 mais on peut être aussi auteur. Et qu'il fallait absolument projeter la lumière sur les auteurs, parce que tant qu'il y aura des auteurs, il y aura des victimes.
02:50 Et finalement, l'idée, c'est d'arriver à avoir un temps d'avance sur la violence au travail, en sensibilisant dans les organisations les potentielles victimes,
02:58 mais les potentiels auteurs. Parce que, finalement, il y a trois catégories d'auteurs. Vous avez les auteurs conscients, ils font un peu partie, c'est 4% de la population,
03:06 vous avez les vrais pervers narcissiques, les sadiques, les sociopathes... - Qu'on range dans la catégorie harceleurs ?
03:11 - Alors, qui sont souvent harceleurs, voilà. Et puis le 96% du reste, en fait, c'est des gens comme vous et moi. - Malavresse ?
03:17 - Alors, auteurs non conscients, c'est-à-dire qu'ils n'ont pas du tout conscience de l'impact négatif et de la souffrance qu'ils peuvent causer aux autres,
03:23 ou vous avez aussi, nous, on en coache aussi, des auteurs conscients, mais qui vont légitimer leur action, parce que, quelque part, ils ont souffrance,
03:30 c'est-à-dire que les auteurs sont aussi en souffrance. - C'est vrai. - Ils ont un sentiment d'injustice, ils ont le sentiment de ne pas être compris,
03:35 ils peuvent percevoir l'autre comme un ennemi... - Donc, ils reportent sur l'autre leur frustration ou leur douleur. - Voilà.
03:41 Et donc, l'idée, c'est qu'au cours d'une carrière, effectivement, on peut être victime et auteur, mais aussi, quand on est bourreau, on peut être aussi soi-même victime d'une hiérarchie,
03:49 et c'est une espèce de cercle vicieux qui va se reporter tout au long de la chaîne. Et c'est ça qu'on a voulu cibler avec cet organisme de formation.
03:55 - Est-ce que vous avez déterminé, Sabrina et évidemment Marina, mais est-ce qu'on peut déterminer... Là, on voit les typologies de profils sociologiques
04:03 de ceux qui peuvent être des harceleurs ou des gens qui génèrent de la violence. Quelles sont les causes des violences ? On les connaît ?
04:09 - Les causes, ça a été un peu évoqué ici, mais je voulais peut-être juste préciser un point, parce qu'effectivement, on est sur une dyade ni victime ni bourreau, pour vous,
04:17 mais nous, on travaille sur les acteurs tiers. Donc les personnes qui sont spectatrices, en fait, de ce type de situation...
04:22 - C'est très complémentaire. - Voilà, c'est plutôt... Pour nous, on est très...
04:25 - On assiste à la scène, et qu'est-ce que je fais quand je vois un truc qui me choque ?
04:28 - Voilà. Est-ce que j'interviens ? Est-ce que j'apporte mon soutien ? Est-ce que, au contraire, je fais du silence ?
04:32 Au contraire, est-ce que je jouis de la souffrance d'autrui ? On en avait parlé la dernière fois, la chatte d'Anne-Flo 2.
04:36 Et en fait, ce sont ces personnes-là, au moins ces trois publics, qui doivent agir pour mettre un terme, en tout cas prendre conscience de ce qui se passe,
04:47 ne pas être insensibles à la souffrance de l'autre. Et l'intervention, ensuite, nécessite malgré tout un peu de courage.
04:53 Marina, est-ce que tu pourrais en dire aussi un mot là-dessus ? Le courage à oser prendre la parole, parce qu'on se met soi-même en péril,
04:59 donc c'est pas donné à tout le monde, et c'est pas tout le monde qui peut devenir un "héros", entre guillemets,
05:02 puisqu'on peut être le héros de sa propre situation de violence, mais aussi on peut espérer une main tendue.
05:07 Excusez-moi d'utiliser le mot fort, mais quand vous me parlez de ce sujet déjà dans l'émission, je me transpose dans ce qu'on a vécu pendant la guerre,
05:13 je me transpose dans des grands moments de notre vie, où on avait des hommes et des femmes qui ont eu des choix à faire, de dénoncer, de ne pas dénoncer.
05:20 Excusez-moi, ça ressemble à ça, quand même. C'est-à-dire qu'on est touché dans sa conscience.
05:26 Quand on assiste à 4% des salariés, on va voir le chiffre, quand un bon niveau de connaissance identifie clairement une situation de harcèlement.
05:32 4% seulement. Ça veut dire quoi ? Ça veut dire que les autres, ils ne voient pas, ils n'ont pas compris, pourtant il y a des choses qui sont évidentes, et pourtant ils se taisent.
05:40 C'est quoi ? C'est la peur de perdre son emploi ? C'est la peur de s'engager ? C'est la peur d'être sanctionné ? Qu'est-ce que ça dit de nous ?
05:47 Je voudrais rajouter un point. Il y a les acteurs et puis il y a le système. C'est-à-dire, finalement, il y a les règles dans l'entreprise, dites ou non dites, ce qui est acceptable, non acceptable.
05:58 Les codes non-dits de l'entreprise.
06:00 Absolument. Il y a une culture organisationnelle qui est là, qui existe, dans laquelle les individus s'insèrent, et je pense que c'est aussi un des points sur lesquels nous, on cherche à aller travailler.
06:12 À chaque fois qu'on est dans un environnement qui rentre sous pression, c'est le cas dans nos études de cas, il y a potentiellement un dysfonctionnement autour des règles.
06:23 Et quand il y a un dysfonctionnement autour des règles, les acteurs sont beaucoup livrés à eux-mêmes. Et c'est vrai pour le bourreau qui utilise le fait qu'il y a une pression.
06:32 Ça lui laisse de la place.
06:33 Voilà. C'est vrai pour la victime qui se dit, est-ce que je suis moi-même finalement ? Qu'est-ce qui se passe ? Qu'est-ce qui m'arrive ?
06:41 C'est peut-être de ma faute, parce qu'il y en a beaucoup qui le disent. C'est peut-être moi qui ai provoqué ça.
06:44 Et le problème, c'est justement si les tiers ne réagissent pas, en fait, ils sont en train de crédibiliser ce qui est en train de se passer.
06:51 Je sais que ça vous tient très à cœur, et j'ai vraiment fait l'effort de lire la France ratifie le traité sur la violence et le harcèlement au travail.
07:01 C'est une ratification qui remonte à 2021, puisqu'Elisabeth Borne l'avait annoncé. On est aujourd'hui en 2023.
07:06 Ratification qui va obliger et qui oblige d'ailleurs l'État français à prendre des mesures concrètes dans les entreprises.
07:13 Alors, tout n'est pas encore réglé quand on lit la ratification, parce qu'il faut que les entreprises aussi mettent en place des règles contraignantes pour contraindre et condamner.
07:24 Mais pour rester un instant sur la sociologie, ce qui est quand même un pas assez intéressant que fait la France, c'est le cinquième pays européen à ratifier cette convention, la C-190.
07:33 Qu'est-ce qu'on vous dit, vous, quand vous réunissez dans cette salle ? Parce que votre objectif, c'est de faire se rencontrer les bourreaux et les victimes.
07:40 Est-ce qu'elles se parlent ? Est-ce que la parole se libère sur ce sujet ?
07:44 Oui, alors effectivement, dans les différents outils qu'on a, on a l'outil conférence qui permet d'intervenir dans une organisation et de rassembler toutes les équipes.
07:52 Donc on sait que dans une même pièce, on a à la fois les auteurs et les victimes. Et c'est ça qui est intéressant.
07:57 Parce que, justement, dans l'idée de la violence au travail, vous comparez ça à une espèce de guerre.
08:03 C'est sûr qu'en fait, il y a une chaîne de responsabilité qui fait qu'en fait, personne n'est coupable, mais on est tous responsables.
08:08 Donc vous avez évidemment le rôle de la victime, le rôle de l'auteur et aussi les témoins.
08:13 Et en fait, souvent, quand on dit aux victimes...
08:15 On est trois dans cette affaire, en fait.
08:17 Pourquoi tu n'as pas parlé ? Parce que c'est vrai que l'indifférence permet cette culture de la violence.
08:23 Parce que du coup, on va minimiser, on va se demander si c'est soi.
08:26 Et du côté des auteurs, moi j'ai beaucoup d'auteurs qui me disent "mais je ne comprends pas, personne de mon équipe n'est vu voir".
08:30 Personne de mon équipe n'est vu voir. Moi, jusqu'ici, je pensais que j'allais bien.
08:35 Or, et ce que vous dites, c'est très intéressant sur le seuil à fixer dans l'organisation.
08:38 Parce qu'on a tous un rapport assez intime avec la violence.
08:41 Ça va dépendre de notre parcours de vie, de la manière dont on a été éduqué.
08:44 Il y a des personnes qui se confrontaient à la violence depuis très jeune.
08:47 Donc pour eux, c'est banal ?
08:48 Pour eux, c'est banal de dire à quelqu'un "ferme-la" ou...
08:51 Ou c'est pire.
08:52 Et d'autres, on a des niveaux de sensibilité qui peuvent être accrus lorsqu'on est confronté...
08:56 Parce qu'on a été blessé et qu'on est sensible à fleur de peau.
08:58 Et donc du coup, c'est un peu comme la pub "bon, venez comme vous êtes".
09:02 Oui, alors l'organisation, elle doit fixer un seuil.
09:05 Et les fameuses règles fixées par cette convention, d'ailleurs.
09:08 Et donc ça, c'est un pas très fort, parce que je pense que ça va donner un cadre juridique
09:12 à cette vague qui est en train de se mettre en place et qui est très bonne pour la...
09:15 Sabrina, Marina, juste un mot, Olivia.
09:17 Quand même, est-ce qu'on est dans un rapport hiérarchique ?
09:21 C'est-à-dire que ceux dont vous me parlez, qui disent "mais je comprends pas, personne m'en a parlé".
09:24 Est-ce que ce sont des gens qui sont des managers et qui ont donc aussi une puissance hiérarchique
09:29 qui leur permet d'agir de cette manière ?
09:31 Oui, alors c'est souvent des managers, parce qu'il y a déjà le lien de dépendance économique
09:35 et puis il y a l'ascendant, c'est-à-dire il peut y avoir aussi l'admiration.
09:38 Nous, on fait beaucoup de formations aussi sur la notion d'emprise au travail.
09:41 Et puis parfois, ce n'est pas forcément des managers directs,
09:44 ça va être des personnes qui vont être très identifiées dans l'entreprise, avec une certaine aura.
09:48 Mais il y a aussi quand même du harcèlement entre les...
09:51 Il y a aussi cet harcèlement qui est quand même horizontal,
09:54 c'est-à-dire des collègues qui ne sont pas intégrés.
09:57 Moi, ce que je viens toujours d'expliquer, l'exemple que j'aime bien donner auprès des grandes écoles notamment,
10:01 c'est le collègue où on s'amuse toujours "bah tiens, on ne va pas l'inviter à déjeuner".
10:05 On l'isole.
10:06 On va l'isoler.
10:07 - Excusez-moi, ça ressemble à l'école.
10:09 Moi, j'ai travaillé assez longuement sur le harcèlement à l'école.
10:12 C'est exactement ces mécanismes-là qui conduisent à un enfant à dire à ses parents "je vais me suicider quand même".
10:17 C'est la même chose.
10:18 - Pour moi, il y a vraiment un lien entre le harcèlement scolaire et le harcèlement dans les organisations.
10:25 Parce que déjà, j'ai remarqué que beaucoup de victimes de harcèlement moral ont été victimes d'harcèlement scolaire.
10:31 En fait, c'est des personnes qui arrivent sur le marché du travail avec une estime de soi déjà un peu abîmée.
10:35 - Abîmée, exactement.
10:36 - C'est un prix pour les auteurs.
10:37 Et d'ailleurs, à l'école, on s'intéresse maintenant aussi aux auteurs d'harcèlement scolaire.
10:41 Parce que ce sont des enfants en souffrance.
10:43 Et bien, au même titre, les adultes, il faut s'en occuper.
10:45 - Ils reproduiront.
10:46 Ils risquent de reproduire aussi leur...
10:47 - Parce que voilà, on se débarrasse de quelqu'un, on le licencie, il fera la même chose dans le moment d'organisation.
10:51 - Marina, vous avez des cas pratiques qu'on peut déployer.
10:53 On peut d'ailleurs s'appuyer sur votre cas pratique, qui sont des travaux de chercheuse.
10:56 C'est très intéressant d'avoir ces travaux.
10:58 Concrètement, est-ce que la France va assez loin, juste pour faire écho à notre convention ?
11:02 Et est-ce que les entreprises ont bien les bons outils pour répondre à cela ?
11:06 Parce que vous me parliez de culture d'entreprise, de règles un peu disruptées.
11:09 Mais si on fixe des cadres, et qu'il y a de la prévention, qu'il y a du dialogue,
11:14 et je dirais des DRH qui prennent ça en main, est-ce qu'on ne réduit pas le risque quand même ?
11:18 - Alors, quand même, je voudrais juste rajouter un point sur la question de seuil et de notion de harcèlement.
11:23 Je crois qu'un point très important de la convention 190, justement, c'est d'apporter la notion d'attitude raisonnable.
11:31 Je pense que s'il peut y avoir une discussion au sein d'un collectif sur qu'est-ce qu'une attitude raisonnable,
11:37 là on va toucher les différentes sensibilités.
11:39 Je pense qu'il faut vraiment repartir des sensibilités, des indices.
11:43 - Mais elle est normée, l'attitude raisonnable.
11:45 Pour certains, l'attitude raisonnable, c'est de hurler quand on entre dans un bureau.
11:47 Ils vont dire "mais pour moi, c'est quoi une attitude raisonnable ?"
11:50 - Absolument. Et c'est là, je pense qu'en collectif, il faut qu'il y ait cette discussion.
11:55 - Donc un dialogue. On met le dialogue.
11:58 Au Québec, il y a des choses très intéressantes qui se font autour d'un modèle qui s'appelle PASA,
12:03 qui rejoint la question de la prévention, prévention primaire, secondaire, tertiaire, mais aussi l'action.
12:10 C'est-à-dire qu'il faut avoir eu en avance, savoir exactement à qui il faut vous adresser, sur quel canal.
12:16 Tout ça, ça doit pouvoir être affiché dans l'entreprise.
12:19 - Sabrina, la convention 190 évoque l'idée quand même de mettre en place des sanctions
12:25 pour les employeurs ne disposant pas d'un plan de lutte contre la violence.
12:29 Là, les choses deviennent concrètes.
12:31 Aujourd'hui, à travers les travaux de recherche que vous avez faits, toutes les deux, et vous seules,
12:36 est-ce que les entreprises ont ces plans de prévention contre la violence ?
12:39 - Déjà, il y a une obligation au niveau du Code du travail à faire en sorte que, justement,
12:43 certains comportements soient prohibés, qu'on s'assure aussi en tant qu'employeur
12:49 que les salariés aient un environnement de travail sain et sûr.
12:53 Donc ça, c'est une obligation légale qui est déjà en place.
12:55 Là, maintenant, ce qu'on retrouve avec cette ratification-là, qui rentrera en vigueur en France dans un an,
13:00 le 12 avril 2024, il faut structurer tout ça, il faut le lancer.
13:04 Et justement, il y a une rapporteure, une sénatrice, Nicole Duranton,
13:08 qui a travaillé aussi sur ce sujet et qui notamment indique aussi l'importance
13:14 à intégrer les violences domestiques dans le processus de réconciliation.
13:20 - Donc c'est un écosystème global ? Il faut traiter toute la chaîne ?
13:23 - Il faut éviter de sortir de la vie privée et la vie professionnelle, c'est beaucoup plus pour eux que ça.
13:28 - C'est-à-dire qu'une femme qui peut subir des violences dans son couple
13:31 et qui est donc en situation d'être soumise à cette situation
13:34 peut elle-même subir des choses dans l'entreprise, il peut y avoir un effet miroir ?
13:38 - C'est-à-dire qu'une personne qui vivrait une situation de violence,
13:41 pas forcément conjugale à la violence domestique, ça peut être un enfant qui frappe son père ou sa mère également.
13:46 On va arriver en retard, donc là, il y a des indicateurs aussi pour les managers,
13:49 d'où l'importance de les former aussi pour qu'ils puissent repérer les signaux faibles ou moins faibles.
13:54 Donc une personne qui va changer de comportement, qui sera plus irascible, qui déjeunera moins aussi.
13:59 Les signaux faibles, il faut les repérer.
14:01 - Je ne voulais pas qu'on oublie un élément parce qu'on est trois dans cette situation de violence.
14:04 C'est important de leur dire, il y a celui qui subit, il y a celui qui crée cette violence,
14:08 il y a celui qui observe. Il faut quand même garder en tête que...
14:10 Et puis il y a un quatrième acteur dont on ne parle pas, il y a quand même les CSE,
14:14 il y a les syndicats, il y a quand même tous ceux qui, dans l'entreprise, sont des relais.
14:19 Ils sont absents ?
14:21 Concrètement, parce que moi je cherche la solution aussi dans ce débat.
14:25 Je me dis, comment on aboutit ?
14:27 - Alors concrètement, du coup, en tout cas sur le terrain, ce que je peux constater,
14:32 c'est que c'est un peu la dernière solution de recours.
14:34 Donc en fait, c'est quand vraiment quelque chose de grave s'est passé,
14:37 où la personne a deux doigts d'être en burn-out, et donc elle va les voir.
14:40 Alors l'idée, c'est justement d'avoir des personnes de confiance en amont.
14:45 Nous on fait beaucoup...
14:46 - Comme le référent Covid, on pourrait avoir un...
14:47 - Exactement. Nous, dans les entreprises, on intervient beaucoup
14:50 dans ce qu'on appelle ça du "home coaching", c'est-à-dire qu'on met en place des coachs
14:53 pour les salariés, justement. C'est des professionnels de l'écoute
14:56 qui sont là une ou deux fois par mois, ou en fonction des besoins,
14:59 et on va être à l'écoute de tous les salariés, quels que soient les échelons.
15:03 Parce que, quelque chose qui est vrai, c'est que la violence au travail,
15:06 ça ne concerne pas que les managers.
15:08 Vous avez des chefs de stagiaires qui déjà parlent au stagiaire
15:11 de manière absolument hallucinante.
15:13 Donc en fait, les tyrans, on peut les identifier assez tôt dans le circuit.
15:18 - C'est effrayant.
15:19 - Sur la...
15:20 - On n'est pas forcément au haut de l'échelle.
15:22 On peut aussi très bien tyranniser son stagiaire.
15:24 - Sur la question du dialogue social, nous on avance l'importance
15:28 d'avoir une approche concertée, et on a lancé dans la revue "Cadre"
15:31 un article de 7 pages qui, justement, incite les représentants syndicaux
15:36 à s'emparer de cette question pour négocier des accords collectifs
15:41 en entreprise, parce qu'il faut absolument, au moment où vous prenez
15:44 une action réparatrice ou une action de protection d'une personne,
15:49 il faut que les mécanismes aient été déjà mis en place.
15:52 Il faut qu'ils aient été identifiés, et il faut qu'ils soient présents.
15:55 Il ne faut pas commencer à construire un réflexe
15:59 ou à construire une forme de réparation à chaque fois sur un problème.
16:06 En fait, il faut avoir quantité.
16:08 - Vous dites qu'il faut normer, il faut quelque chose de plus charté
16:10 qui permet d'avoir une procédure, qui permet au DRH aussi,
16:12 de vous et à moi, pouvoir être encadrés, parce qu'elles ont souvent une difficulté.
16:16 Elles se disent "mais attendez, il nous est essentiel dans l'organisation
16:19 de l'entreprise, c'est quelqu'un qu'on a recruté, qui nous coûte cher,
16:22 et en même temps, je m'aperçois que... " Enfin, c'est des cas de conscience
16:26 pour l'entreprise, je veux dire, au-delà de ce que subissent les victimes.
16:28 - Alors, souvent après, c'est des personnes qui se font coacher,
16:30 qui se font accompagner, mais en tout cas, nous, c'est ce qu'on explique aussi
16:33 dans les conférences, c'est quand on comprend bien l'impact de la violence,
16:35 à la fois sur la victime, mais sur les auteurs, en fait,
16:38 il faut leur faire comprendre aussi que c'est des personnes
16:40 qui n'arrivent pas à constituer une équipe, il y a beaucoup de turnover,
16:43 donc à un moment donné, ça va avoir un impact sur leurs objectifs,
16:45 et y mettre aussi en péril les objectifs de l'organisation
16:48 avec le risque réputationnel. Aujourd'hui, la violence au travail
16:51 est devenue un risque réputationnel énorme, que ce soit pour les cabinets d'avocats
16:54 ou pour les entreprises. - C'est pas bon pour l'entreprise
16:56 que d'avoir ce genre de profil. - Voilà, donc il faut que ça rentre,
16:58 en fait, il faut que ça devienne un sujet business,
17:00 et c'est en train de le devenir. - Oui, vous avez raison.
17:02 - En bout de chaîne, regardez, l'équipe est partie à la moitié.
17:05 Sabrina, un mot. - Mais je voulais surtout réagir,
17:07 parce qu'effectivement, maintenant, l'image de marque d'entreprise,
17:10 elle est partie de son actif immatériel, stratégique,
17:12 donc il ne peut pas avoir des scandales à répétition
17:14 qui soient médiatisés, ça, c'est un fait.
17:16 - Ça sort peu, je m'autorise, c'est-à-dire qu'on a peu de scandales,
17:19 on a eu des scandales de harcèlement, il y a eu mitou,
17:21 mais sur ces questions de violence, je trouve que c'est à bas bruit,
17:24 ça se vit plus en larmes dans sa voiture que dans les médias.
17:28 - Oui, mais disons que maintenant, il y a des réseaux sociaux
17:30 qui permettent aussi, même de façon anonyme, de cibler,
17:33 de dénoncer, en fait, certaines pratiques.
17:35 À côté de ça, la marque employeure aussi,
17:37 parce que Marina aussi travaille beaucoup sur la marque employeure,
17:39 ça a une incidence, si on veut capter les talents,
17:41 il vaut mieux avoir un comportement plus ou moins...
17:43 Et tout le monde se connaît, en fait, dans l'industrie.
17:45 - Oui, ça parle. - Donc même si c'est pas forcément médiatisé,
17:47 on est connu pour ça. - Oui, le manager toxique est repéré.
17:50 - On sait qu'il y a telle personne dans tel département,
17:52 et bizarrement... - Les gens ne viennent pas.
17:54 - Voilà, il y a une rotation de personnel très forte aussi,
17:56 parce que les gens ne sont pas... Ils se sentent pas soutenus.
17:59 Donc pourquoi je vais m'engager, corps et âme,
18:02 pour une entreprise qui ne me considère pas ?
18:04 - Je n'ai pas précisé, mais un salarié sur trois a été victime.
18:07 Ça, ce sont des études quali-sociales,
18:09 des études sérieuses que vous connaissez.
18:11 Quatre salariés sur dix ont été témoins.
18:14 Un manager sur trois a le sentiment d'en avoir déjà été auteur.
18:17 C'est-à-dire qu'il y a quand même une prise de conscience.
18:19 Donc lui, il se dit "Oh là là, je vais peut-être aller loin".
18:21 Et une entreprise sur huit a instauré toutes les mesures obligatoires
18:24 en attendant celles qui seront imposées, ou ratifiées,
18:27 ou découlant de la convention 90-190 qui a été ratifiée.
18:31 On est au début de quelque chose, là, quand même.
18:33 - Oui, ce qui est intéressant dans ces chiffres,
18:35 c'est qu'il y a une personne sur trois qui se dit victime,
18:37 et une personne sur trois qui se dit auteur.
18:39 - Donc ça revient à votre concept. - On est... Et nous, quand on arrive
18:41 dans les organisations, la première chose que je demande,
18:43 c'est que, parmi les gens qui ont déjà été victimes,
18:45 tout le monde lève la main. Et ce qu'il y a parmi vous,
18:47 des gens qui ont déjà été auteurs, personne ne lève la main.
18:49 Je leur dis mathématiquement, c'est pas possible.
18:51 Donc il faut aussi arriver à désacraliser, se dire...
18:53 En fait, il faudrait qu'on puisse dire, en tant que manager,
18:55 "Je me suis déjà trompée, ça s'est très mal passé".
18:58 - Examine conscience. - Examine conscience, et fine.
19:01 Qu'est-ce qu'on va mettre en place pour, du coup, améliorer ça ?
19:04 Et vous avez la culture du feedback qui est très importante.
19:06 C'est des règles de savoir-vivre, de savoir-être.
19:08 - Et comment est-ce qu'on va mettre le traitement de la vie de cet homme ?
19:10 C'est compliqué pour l'entreprise d'aller jusque dans sa vie privée,
19:12 mais souvent, on voit aussi que des comportements toxiques
19:14 viennent aussi de la vie, en période de divorce,
19:17 difficultés affectives, des gens qui ont vécu des drames,
19:21 et ils sont managers. Et ils viennent avec ça dans l'entreprise.
19:24 - C'est ça. Et des fois, il faut aussi pouvoir permettre
19:26 aussi aux personnes, en tant qu'employeur,
19:28 il faut avoir un peu plus de souplesse dans les horaires de travail,
19:30 peut-être parfois changer le numéro de téléphone de la personne
19:33 pour pas qu'elle soit harcelée par le conjoint en divorce,
19:35 parfois changer le bureau, parfois même l'aider aussi à déménager.
19:39 Je crois que c'est 1% logement dans le privé, du coup,
19:42 pour pouvoir faciliter justement tout ça.
19:44 Et ça, ce sont aussi des actions que l'employeur peut faire.
19:46 C'est pas être en immixion, en fait, dans la vie privée du salarié.
19:50 - Mais en protection. - Voilà, bon, là, coupe.
19:52 - Merci à vous, mesdames. Je serais restée encore une demi-heure avec vous
19:55 parce que ce sujet, ça passe trop vite, évidemment.
19:57 Mais on va continuer à suivre ce sujet,
19:59 notamment les enjeux de ratification de cette convention,
20:02 et voir comment l'État français s'empare de ce sujet.
20:04 On parle beaucoup de travail, la Première ministre en a parlé.
20:06 Vraiment désolée, et merci d'être venue sur le plateau, Marina Bourguin,
20:10 enseignante chercheuse et professeure à Clermont Business School.
20:13 Merci à Sabrina Perugien, vous êtes maître de conf en GRH & Management,
20:17 à l'université Savoie-Mont-Blanc, vous avez beaucoup de chance.
20:20 Et merci, Olivia Coppin, fondatrice de Just Business,
20:23 et ni victime ni bourreau avec des conférences,
20:26 avec un travail de pédagogie et des coachs, home coach ?
20:29 - Home coach. - Home coach.
20:30 - Et coach aussi. - Et coach.
20:31 - Oh là là, que de beaux anglais. - Merci pour l'invitation.
20:33 Merci pour l'invitation.
20:34 C'est un plaisir.
20:35 On termine notre émission avec Fenêtre sur l'emploi.
20:36 Nous sommes très en retard.