Avec Cyrille Duvert, pour son livre « Le foulard et la balance, Une histoire juridique de l'islam en France” aux éditions passés composés.
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NewsTranscription
00:00 de Radio Bercoff dans tous ses états.
00:02 Le face à face.
00:04 Le face à face d'André Bercoff
00:06 avec Cyril Duvert pour son
00:08 livre "Le foulard et la balance,
00:10 une histoire juridique de l'islam en France"
00:12 aux éditions Passé Composé. Bonjour
00:14 Cyril Duvert. Bonjour André Bercoff.
00:16 Alors, Cyril Duvert,
00:18 très intéressant parce que
00:20 c'est vrai que, à ma connaissance,
00:22 il y a peut-être eu d'autres livres,
00:24 l'histoire juridique de l'islam en France
00:26 à travers énormément de...
00:28 et ça continue...
00:30 de faits, de faits...
00:32 de faits qui sont passés depuis
00:34 le polygame de Lent on va en parler,
00:36 en passant par Charlie Hebdo et puis
00:38 tout le reste, enfin je veux dire
00:40 l'histoire de la Babylou, la crèche de Babylou,
00:42 on en a tellement parlé
00:44 et effectivement, et puis les connotations
00:46 à la fois, entre guillemets,
00:48 de l'islamisme radical, du terrorisme
00:50 et de la loi, justement,
00:52 vous, vous êtes avocat, vous êtes
00:54 maître de conférence en droit à l'université de Sorbonne,
00:56 Paris Nord, et vous, vous l'avez
00:58 traité, et c'est intéressant justement,
01:00 sans prendre que vous n'avez pas traité, c'est pas un livre politique,
01:02 c'est un livre qui veut expliquer
01:04 comment, en fait, le droit français
01:06 s'est appliqué
01:08 depuis l'apparition de l'islamisme,
01:10 disons, ou en tout cas du traitement
01:12 de la religion islamique
01:14 en France. Et alors, si on avait
01:16 à faire, peut-être non pas, on va pas raconter
01:18 toute l'histoire, ça nous prendrait des heures,
01:20 mais qu'est-ce qui caractérise le traitement,
01:22 je dirais, de l'islam dans ses manifestations,
01:24 évidemment,
01:26 par rapport à
01:28 l'état de droit
01:30 dans lequel on est supposé vivre ?
01:32 - Alors, il y a, j'ai essayé de répondre
01:34 de manière assez simple, même si en droit c'est toujours difficile
01:36 de répondre de façon simple, parce que dès qu'on touche
01:38 une règle, il y a un effet
01:40 boule de neige qui fait que ça a des répercussions
01:42 dans tout le système juridique.
01:44 Je pense qu'il y a une double dimension dans la réponse,
01:46 ça va dépendre
01:48 en fait de la façon, largement en tout cas,
01:50 ça va dépendre de si
01:52 l'affaire est ou non médiatisée.
01:54 - Ah, la médiatisation joue
01:56 énormément, c'est bien de le rappeler.
01:58 - La médiatisation joue énormément, ce que je veux dire,
02:00 c'est que ce sont souvent des anecdotes locales
02:02 qui pourraient, finalement, jamais
02:04 n'arriver à la connaissance du grand public,
02:06 et lorsqu'elles arrivent à la connaissance
02:08 du grand public, là, il y a un élément perturbateur.
02:10 Et donc, dans ce livre,
02:12 je suis passé parfois par ce qui me semblait
02:14 des faits divers et qui, finalement,
02:16 ont pu être oubliés, et à propos
02:18 desquels les juges, finalement,
02:20 ont pu, de manière habituelle, comme ils le feraient
02:22 dans d'autres litiges,
02:24 même s'il ne s'agissait pas de musulmans,
02:26 et par contre, il y a des situations dans lesquelles les juges
02:28 se trouvent face à des musulmans,
02:30 et derrière le litige,
02:32 il y a parfois des enjeux qui sont perçus
02:34 à tort ou à raison, ça c'est la question
02:36 à laquelle je ne réponds pas, finalement,
02:38 qui sont perçus comme étant plus lourds et comme dépassant
02:40 le strict cadre individuel du litige
02:42 depuis lequel l'affaire est partie.
02:44 - Oui, parce qu'il y a l'environnement politique,
02:46 et puis il y a, vous en parlez aussi,
02:48 enfin, c'est le non-dit,
02:50 il y a tout le côté terroriste,
02:52 attentat, même si c'est effectivement,
02:54 il ne s'agit pas ni d'amalgamer,
02:56 ni de faire de confusion.
02:58 Mais alors, si on entre dans le vif du sujet,
03:00 est-ce qu'il y a, effectivement,
03:02 une spécificité du traitement
03:04 des juges, le droit c'est les juges,
03:06 ce sont les avocats, bien sûr, mais ce sont les juges,
03:08 est-ce qu'il y a une spécificité,
03:10 parce que quand on lit votre livre,
03:12 on voit qu'à chaque fois,
03:14 je dirais que, parce qu'on sait très bien
03:16 il y a le droit écrit, et puis il y a l'émotion,
03:18 la sensation, le ressenti.
03:20 Est-ce que
03:22 le traitement qu'il fait, c'est les deux
03:24 les traitements, c'est aussi bien, ok,
03:26 on dit le droit, mais on dit aussi
03:28 l'opinion publique, on dit aussi le ressentiment,
03:30 et puis les juges et les avocats
03:32 ne sont pas des robots, ce sont des êtres humains.
03:34 - Nous sommes tout à fait d'accord, alors, spécificité
03:36 ou non, il me semble que
03:38 au fur et à mesure, puisque ce livre
03:40 part d'une affaire qui est connue
03:42 aujourd'hui, qui est l'affaire de Creil en 1989,
03:44 et qui concerne le port du
03:46 foulard par des collégiennes,
03:48 et à partir de là, il y a toute une histoire
03:50 qui se déroule,
03:52 ce que je dirais, c'est qu'à l'origine, il n'y a pas nécessairement
03:54 de spécificité, et que
03:56 par la suite, je le répète,
03:58 dès lors qu'il y a beaucoup de choses
04:00 qui sont placées dans ces affaires,
04:02 pèsent peut-être plus de choses sur le poids des juges,
04:04 et ça peut conduire à ce qu'il y ait une certaine spécificité.
04:06 Je donne juste pour preuve,
04:08 quelques exemples, puisque moi, comme jury,
04:10 je suis allé voir des décisions,
04:12 je pense à une décision en divorce,
04:14 mais qui, encore une fois, n'a jamais ameuté l'opinion publique,
04:16 on est au milieu des années 80,
04:18 c'est une dame
04:20 qui vit dans le Nord, qui s'appelle Micheline,
04:22 et qui a épousé un monsieur qui s'appelle Amar,
04:24 et bon, ils vivent très paisiblement
04:26 et calmement une partie de leur vie conjugale,
04:28 et au moment de la retraite, ils commencent à se chamailler
04:30 l'un l'autre, et finalement,
04:32 c'est Micheline qui demande
04:34 le divorce, et Amar, il ne veut pas être
04:36 divorcé. Eh bien, à l'origine,
04:38 c'est lui qui va obtenir gain de cause,
04:40 alors même que son épouse lui reproche
04:42 d'être trop attachée aux règles de sa religion,
04:44 et les juges vont lui dire "écoutez, c'est normal,
04:46 madame, vous avez épousé un musulman,
04:48 il n'y a rien d'extraordinaire, il pratique sa religion,
04:50 vous ne pouvez pas le lui reprocher",
04:52 et c'est finalement qu'on appelle qu'elle va
04:54 finalement obtenir gain de cause, mais ce que je veux dire,
04:56 c'est qu'à cette époque, on est sur une décision qui date de 86,
04:58 il n'y a pas d'affolement particulier
05:00 autour du fait que l'époux,
05:02 qui est le défendeur en l'occurrence,
05:04 et qui se pose le divorce, il n'y a pas d'affolement particulier
05:06 sur le fait qu'il est musulman.
05:08 Par contre, par la suite, on va voir la situation évoluer, me semble-t-il.
05:10 - Mais alors, prenons un exemple qui est dans votre livre,
05:12 qui est le premier, le polygame de Nantes.
05:14 Racontez-nous, je parle, moi encore une fois,
05:16 je recommande ce livre, parce que si vous voulez savoir
05:18 de ce point de vue ce qui se passe, du point de vue du droit,
05:20 c'est vraiment intéressant, parce que vous avez cité
05:22 plusieurs exemples, mais on va prendre celui-là,
05:24 l'affaire du polygame, qui a été, elle,
05:26 très médiatisée à l'époque.
05:28 - Alors, l'affaire du polygame de Nantes est intéressante,
05:30 parce que, déjà, l'expression
05:32 polygame de Nantes, que je reprends très volontiers
05:34 dans le livre,
05:36 c'est l'expression médiatique, puisqu'on est
05:38 en 2010 à l'époque,
05:40 à cette époque va commencer à être
05:42 discutée une loi qui va être la loi
05:44 qui va déboucher sur l'interdiction du nickel,
05:46 c'est-à-dire le voile intégral dans la rue,
05:48 qui est voté à l'éliminaté. Cette loi,
05:50 elle est discutée au moment où démarre l'affaire
05:52 du polygame de Nantes. Alors, qu'est-ce que le polygame de Nantes ?
05:54 Il s'agit d'un commerçant,
05:56 bon, son nom est connu, il est commerçant
05:58 à Rezé, qui est donc dans la banlieue de Nantes,
06:00 et il se trouve qu'il est très religieux,
06:02 alors il est algérien ou d'origine algérienne,
06:04 peu importe, ça ne change pas grand-chose,
06:06 il est très religieux, il est barbu,
06:08 et il a, semble-t-il, 3, voire
06:10 4 épouses sous son toit.
06:12 Et il va être montré du doigt par les
06:14 politiques, puis par les médias, comme étant
06:16 le polygame de Nantes.
06:18 En réalité, il ne l'est pas. - Mais la polygamie est interdite
06:20 en France, que je sache ? - Mais voilà,
06:22 mais bien sûr, la polygamie est interdite en France,
06:24 comme vous le savez. Et il s'agit
06:26 même d'une infraction, c'est une infraction du code pénal,
06:28 qui est puni d'un ou deux ans d'emprisonnement,
06:30 peu importe, j'ai oublié. Alors, ce qu'il faut bien
06:32 comprendre, c'est que,
06:34 qu'est-ce que ça signifie être polygame ?
06:36 Ça signifie être juridiquement marié
06:38 deux fois. Voilà, on est marié une
06:40 première fois, on se marie une seconde fois, là on est polygame.
06:42 Concrètement, dans les faits,
06:44 ça n'arrive jamais, ou
06:46 rarissimement, ou ça peut arriver pour
06:48 des personnes ressortissantes de pays
06:50 étrangers, où la polygamie
06:52 est légale, et qui, marié
06:54 et payé, se remet... - Vous voulez dire qu'il y avait 4 femmes sous son toit, mais n'étaient pas
06:56 juridiquement polygames ? - Exactement, voilà.
06:58 Et en fait, cette histoire va retomber
07:00 comme un soufflé, parce que
07:02 les politiques vont annoncer les poursuites
07:04 en polygamie, mais en fait, il n'y a pas de polygamie.
07:06 - Ouais, je comprends. Enfin, disons
07:08 qu'il n'y a pas de polygamie de droit,
07:10 mais il y a une polygamie de fait. - Exactement.
07:12 Et ce brave homme,
07:14 me semble-t-il, va dire...
07:16 - J'entends l'ironie.
07:18 - Va dire, "Mais écoutez,
07:20 j'ai le droit d'avoir des maîtresses,
07:22 et foutez-moi la paix, quoi, en gros."
07:24 - C'est vrai, il n'est pas le seul, d'ailleurs,
07:26 dans ce cas-là, dans le Rocher Royaume.
07:28 On se retrouve après une petite
07:30 pause, c'est très intéressant avec Cyril Duvers.
07:32 - On se retrouve tout de suite, et vous continuez
07:34 de nous appeler au 0826
07:36 300 300 pour interpeller Cyril Duvers
07:38 pour son livre "Le foulard et la balance,
07:40 une histoire juridique de l'islam en France"
07:42 aux éditions Passé Composé. A tout de suite
07:44 sur Sud Radio.
07:46 - Les Français
07:48 parlent au français.
07:50 Les carottes sont cuites.
07:52 Les carottes sont cuites.
07:54 - Sud Radio
07:56 Bercov, dans tous ses états.
07:58 - "Le foulard et la balance,
08:00 une histoire juridique de l'islam en France".
08:02 Et effectivement, depuis,
08:04 allez, on peut dire plus de 40 ans,
08:06 effectivement,
08:08 ça a pris une autre couleur
08:10 avec l'islamisme,
08:12 ou l'islamisme radical, ou l'islamisme politique.
08:14 Et puis, comment...
08:16 Alors évidemment, pour ceux qui sont pour les adversaires,
08:18 disent "Oui, c'est une manière de grignoter
08:20 avec le regroupement,
08:22 avec effectivement introduire
08:24 introduire, comment vous dire,
08:26 une certaine
08:28 dérogation, la loi, alors on revient à la laïcité,
08:30 etc. On ne va pas aborder ça,
08:32 mais vous, vous l'abordez, c'est ça
08:34 en quoi vous dites, très intéressant, Cyril Duvert,
08:36 maître Cyril Duvert, avocat,
08:38 sur
08:40 effectivement ce que dit le droit.
08:42 Et alors, ce que je voudrais savoir, c'est que
08:44 est-ce qu'il vous arrive, je ne sais pas, je ne parle pas
08:46 seulement de vos clients, mais
08:48 que dites-vous, parce qu'il y a ce problème-là, et encore une fois,
08:50 moi je n'ai pas de jugement moral
08:52 là-dessus,
08:54 à ceux qui disent, et je parle,
08:56 des
08:58 croyants, enfin des gens qui pratiquent
09:00 de manière extrêmement forte, et je ne dirais pas
09:02 intégriste, mais très forte, en disant
09:04 "Oui, mais vous comprenez, l'islam est au-dessus des lois,
09:06 alors ce que vous me racontez sur la loi, la loi de la République,
09:08 ben oui, d'accord,
09:10 d'accord, je sais bien, mais vous avez
09:12 vu, il y a eu des tas de sondages,
09:14 etc. où on dit "Oui, mais, enfin, nous
09:16 nous considérons, et avec sincérité,
09:18 que la religion l'emporte sur les lois de la République."
09:20 Est-ce qu'il n'y a pas, est-ce que
09:22 ceci n'est pas quand même quelque chose
09:24 qui joue ? Je vous pose la question.
09:26 - Alors, moi, à titre personnel, je n'ai malheureusement,
09:28 je ne vais vous décevoir, pas grand-chose à dire à ça, puisque
09:30 je ne suis pas procureur de la République,
09:32 ni même juge, je m'intéresse
09:34 à la façon dont le droit s'applique, encore
09:36 une fois, à un sujet qui attire beaucoup l'attention.
09:38 Oui, de fait, cette position
09:40 peut exister, j'ai tendance à penser
09:42 qu'elle n'est pas largement... - Majoritaire.
09:44 - Majoritaire, et que
09:46 par ailleurs, on peut la trouver
09:48 dans d'autres domaines,
09:50 en quelque sorte. Il est évident
09:52 que, dans un pays donné,
09:54 les gens sont censés respecter la loi, que s'ils ne le font pas,
09:56 ils risquent d'être sanctionnés, que ce soit
09:58 en plan civil, voilà, c'est un peu la base.
10:00 - Alors, justement, donnant
10:02 des exemples, par exemple, qu'est-ce qui s'est passé
10:04 - vous en parlez ici, c'est vrai,
10:06 qu'est-ce qui s'est passé,
10:08 par exemple,
10:10 vous, en tant que
10:12 juriste, dans l'affaire,
10:14 parce que Charlie Hebdo, qui a été quand même
10:16 une affaire extrêmement...
10:18 qui a touché l'opinion, pour
10:20 des tas de raisons, on ne va pas les détailler ici,
10:22 mais parlons du droit.
10:24 Je ne sais pas si vous avez assisté au procès,
10:26 enfin, vous l'avez suivi, en tout cas, comme tout le monde.
10:28 Qu'est-ce que l'avocat
10:30 a à en dire ? Qu'est-ce que l'homme de droit a à en dire ?
10:32 - Alors, l'affaire Charlie Hebdo,
10:34 il y a deux affaires Charlie Hebdo, comme tout le monde le sait,
10:36 il y a une période
10:38 qui est normale, en quelque sorte, qui est en 2007,
10:40 au moment du procès, il y a une période qui est les moins
10:42 où des attentats sont commis, et là, on est dans une
10:44 logique criminelle avec des poursuites,
10:46 etc. - Bien sûr.
10:48 - Disons que dans l'affaire de
10:50 2007, là, ce qui est intéressant pour
10:52 le juriste que je suis, c'est qu'il y a un traitement judiciaire
10:54 de ce dossier. Ce que je veux
10:56 dire, c'est que les musulmans
10:58 qui s'estiment offensés, passent
11:00 par, justement, les voies du droit, les voies de la démocratie,
11:02 les voies de la procédure, en disant
11:04 "Voilà, nous, on se sent offensés,
11:06 donc on va se plaindre de cette atteinte à notre
11:08 sentiment religieux, étant précisé qu'à l'époque,
11:10 il existe un état du droit
11:12 qui est favorable
11:14 à la réparation
11:16 des offenses aux sentiments religieux.
11:18 Donc, ils ne le font pas pour rien.
11:20 - C'était l'état du droit.
11:22 Disons qu'il pouvait
11:24 avoir une oreille attentive
11:26 en réclamant cela. - Exactement.
11:28 Il pouvait avoir une oreille attentive, en tout cas, c'est ce qu'il pensait,
11:30 puisque on a, à l'époque,
11:32 et ça s'est encore arrivé,
11:34 même si très marginalement par la suite,
11:36 à l'époque, il y a parfois des décisions
11:38 qui ont condamné
11:40 des artistes, des diffuseurs de presse et autres,
11:42 par exemple, pour atteinte au sentiment religieux
11:44 des catholiques ou des chrétiens. Je pense à une affaire
11:46 dont on ne se souvient sans doute pas,
11:48 mais le film de Minos Forman,
11:50 un film de Larry Flint,
11:52 qui était sur le roi du porno
11:54 aux Etats-Unis, et qui présentait
11:56 une affiche où on le voyait crucifié
11:58 entre les cuisses d'une jeune femme.
12:00 Bref, ça avait donné lieu à des actions d'associations catholiques,
12:02 ou, ce disant, catholiques,
12:04 c'est une des questions, et donnait lieu
12:06 parfois à des décisions de justice.
12:08 Donc, ils pensaient pouvoir avoir une oreille favorable.
12:10 Néanmoins,
12:12 la difficulté qui va se présenter pour eux,
12:14 il y a une double difficulté, il y a la question de la représentativité
12:16 des personnes qui agissent,
12:18 qui sera peu discutée,
12:20 mais qui peut l'être dans ce type de dossier,
12:22 et, en l'occurrence, on est à la mosquée de Paris,
12:24 etc. Ce sera peu discuté, mais ça peut l'être,
12:26 parce que... - Quand vous dites représentativité,
12:28 c'est-à-dire, qui représente qui
12:30 concrètement,
12:32 et il faut avoir, quelle est la gigimité
12:34 qu'il faut avoir pour être représentatif ?
12:36 - La question dans ce type de contentieux, je répète,
12:38 la protection de la sensibilité religieuse,
12:40 c'est-à-dire si les gens qui agissent en justice peuvent légitimement
12:42 prétendre représenter l'ensemble des croyants.
12:44 - Ah, c'est...
12:46 Ah oui, non mais c'est intéressant, moi,
12:48 étant pas homme de droit, si je suis musulman
12:50 et que je me sens lésé,
12:52 même si je ne représente pas l'ensemble des croyants,
12:54 je représente ma sensibilité,
12:56 ma sensibilité. - Oui, mais il y a peu de chances que vous alliez faire un procès,
12:58 puisque c'est compliqué, un procès, il s'est coûteux,
13:00 ça demande de l'énergie, et c'est la
13:02 difficulté dans ce type de contentieux,
13:04 puisqu'en fait, bon, il y a tous ceux qui se fichent complètement
13:06 de ce qui est présenté comme une atteinte, et ceux-là,
13:08 on ne les entend pas, évidemment,
13:10 et il y a ceux qui, peut-être, individuellement, s'estiment blessés
13:12 par les caricatures, en l'occurrence, mais qui, évidemment,
13:14 n'iront pas engager un procès.
13:16 Donc, lorsqu'une association se présente, déjà,
13:18 une première question se pose, qui est celle de leur représentativité.
13:20 - D'accord. - Dans Charlie Heard, d'autres, la question
13:22 n'a pas été discutée.
13:24 Mais, après, il y a la question de ce que
13:26 les jurés appellent le fond, c'est-à-dire
13:28 vraiment le litige en cause.
13:30 Et, ce qui s'est passé dans cette affaire,
13:32 c'est que, c'est bien,
13:34 c'était extrêmement médiatisé,
13:36 et on comprend pourquoi, bien entendu,
13:38 avec, néanmoins, au point
13:42 qu'on a des candidats à l'élection présidentielle
13:44 qui se présentent quand même à la barre.
13:46 À l'époque, pour témoigner en faveur de Charlie Hebdo
13:48 et ainsi de suite, donc on sent quand même un certain poids
13:50 sur les épaules du tribunal.
13:52 - Vous parlez du premier procès, ça.
13:54 - Là, je parle du premier procès.
13:56 Mais, quoi qu'il en soit,
13:58 la décision, au final, sera de dire
14:00 certes, les caricatures peuvent être blessantes.
14:02 Alors, le tribunal est très précis,
14:04 il distingue trois caricatures,
14:06 certaines sont plus ou moins blessantes, je ne rentre pas dans les détails.
14:08 Et le tribunal, puis la Cour d'appel
14:10 vont dire, certes, ça peut être blessant,
14:12 mais, d'une part, ce n'est pas une incitation
14:14 à la haine contre les musulmans,
14:16 puisqu'il s'agit, en fait, de dénoncer les dérives
14:18 de l'islamisme.
14:20 Ça, c'est un premier point de motivation.
14:22 Et, un second point, consiste-t-il à dire que ça participe
14:24 d'un débat d'intérêt général,
14:26 justement, sur les dix dérives de l'islamisme.
14:28 - D'accord. Et, après, il y a eu l'épisode,
14:30 évidemment, du massacre des journalistes,
14:32 enfin, des...
14:34 Et là, ça a évidemment changé,
14:36 on l'a vu avec le procès.
14:38 Alors, je voudrais, parce que c'est intéressant,
14:40 vous parlez, et c'est que l'intérêt du livre,
14:42 c'est que vous racontez
14:44 vraiment des situations très diverses,
14:46 et c'est vrai qu'à chaque fois, ça pose problème.
14:48 Évidemment, ça dépend de quel point de vue
14:50 on se met, et là, le droit,
14:52 est-ce qu'il doit changer ou pas.
14:54 Et, Babilou, je voudrais que vous parliez
14:56 de la fameuse crèche Babilou,
14:58 et de l'accompagnement
15:00 par la femme voilée, enfin, la nounou voilée,
15:02 comme vous dites. - Oui, alors, l'affaire Babilou
15:04 est intéressante, parce que, moi, ce que je trouve
15:06 intéressant de l'affaire Babilou, c'est que c'est un marathon judiciaire
15:08 vraiment très, très impressionnant.
15:10 C'est-à-dire que l'affaire va durer
15:12 presque six ou sept ans.
15:14 Entre le licenciement de
15:16 la nounou et la décision
15:18 définitive, ça va durer cinq ou six ans.
15:20 - Cinq ou six ans, c'est énorme, oui.
15:22 - Et ça va occuper l'opinion,
15:24 pas à toutes les étapes de la procédure,
15:26 mais à certaines étapes.
15:28 Ça, c'est un premier point qui est assez intéressant,
15:30 c'est assez exceptionnel, je trouve.
15:32 L'autre point
15:34 intéressant à souligner, c'est que
15:36 on est... Bon, il y a une distinction qui est
15:38 importante pour les juristes, c'est qu'il y a une question du droit privé
15:40 et du droit public. Très schématiquement,
15:42 il y a beaucoup de... Les questions du droit privé sont
15:44 en entreprise, par exemple. On est dans une relation
15:46 droit-privé, on a une entreprise privée
15:48 et un salarié... - Oui, là, c'est une entreprise privée.
15:50 - Et là, c'est une entreprise privée.
15:52 C'est une entreprise privée, qui certes,
15:54 rend un service qui peut ressembler
15:56 à un service public, mais qui n'en est officiellement
15:58 pas un. C'est une crèche.
16:00 C'est une entreprise privée qui propose
16:02 un service de nounou. Or,
16:04 dans ce cadre,
16:06 l'employeur et les personnes qui vont
16:08 s'intéresser à l'affaire et qui vont prendre fait et cause
16:10 pour l'employeur, vont chercher à faire
16:12 consacrer par la Cour d'Occasion le fait
16:14 qu'une entreprise privée
16:16 pourrait imposer une obligation de laïcité à ses salariés.
16:18 Ce qui pose question.
16:20 - Alors, attendez, moi, alors là, je parlais
16:22 à l'avocat, ça m'intéresse, parce que
16:24 dans cette affaire, je me suis
16:26 posé la question. Puisque c'est une entreprise privée,
16:28 le chef d'entreprise
16:30 a le droit, effectivement,
16:32 alors, est-ce que le droit répond en disant
16:34 "écoutez, moi, est-ce que c'est une
16:36 discrimination s'il dit, dans l'état
16:38 actuel présent de la loi en France
16:40 "écoutez, moi, je ne veux pas une femme voilée dans mon entreprise,
16:42 même celle qui accompagne, etc."
16:44 Est-ce qu'en tant que chef d'entreprise,
16:46 il a le droit de dire, moi,
16:48 au nom de la laïcité,
16:50 s'il veut ou autre, est-ce qu'il a le droit
16:52 ou le droit est contre lui de ce produit-là ?
16:54 - Alors, est-ce que vous posez la question pour aujourd'hui
16:56 ou à l'époque ? Parce que ça a changé entre temps, vous avez entendu ?
16:58 - Voilà, justement, à l'époque.
17:00 - Alors, à l'époque, pas vraiment. Pourquoi ? Parce que
17:02 comme j'ai déjà,
17:04 là, vous employez le mot de laïcité.
17:06 Ce qu'on va voir par la suite, c'est qu'en fait,
17:08 va être intuit cette notion de neutralité
17:10 qui, à mon sens, est un
17:12 substitut à la laïcité.
17:14 Mais à l'époque, si on prend l'affaire Babylou,
17:16 il y a quelque chose dans l'entreprise
17:18 que tout le monde connaît, qui est le règlement intérieur.
17:20 Qu'est-ce que le règlement intérieur ? C'est ce que
17:22 le chef d'entreprise peut imposer
17:24 à ses salariés. Mais en même temps,
17:26 ce règlement intérieur doit tenir compte
17:28 de ce que sont les salariés, et c'est pas
17:30 parce qu'on est salarié qu'on perd
17:32 tous ses droits et libertés, les éléments de notre
17:34 personnalité, etc. Bref, il y a
17:36 donc un équilibre entre le pouvoir de direction de l'employeur
17:38 et la personne du salarié
17:40 qui conserve, encore une fois,
17:42 ses droits de la personnalité.
17:44 Donc la question, c'est ce que peut imposer
17:46 le règlement intérieur. - Et le voile à l'époque, il ne faisait pas
17:48 question ? - Le voile à l'époque
17:50 faisait déjà question. Il y a une décision qui est connue
17:52 à l'époque et à la fin des années 90
17:54 au début 2000 et qui concerne une salariée
17:56 d'un centre d'appel, on parlait
17:58 de marketing téléphonique à l'époque,
18:00 et à propos duquel un conseiller prudent
18:02 a dit "on ne peut pas l'empêcher de porter le voile".
18:04 Ce qui me semble assez cohérent. C'est une personne
18:06 qui est au téléphone et qui appelle des gens, qu'elles soient voilées
18:08 ou pas, on a un peu de mal à voir en quoi ça conhange.
18:10 Et à l'époque, les
18:12 tribunaux disaient "ah, attention, par contre,
18:14 si elle est en contact avec la clientèle, ça peut être
18:16 justifié pour l'employeur que de lui interdire
18:18 le voile". En gros, c'est l'état du droit à l'époque.
18:20 - Donc c'était le droit du droit des femmes, c'est ça.
18:22 Donc, non mais je veux dire, simplement,
18:24 on ne va pas faire le procès, mais c'est intéressant
18:26 de savoir ce que vous dites.
18:28 On peut dire qu'un chef d'entreprise aurait pu dire
18:30 "oui, elle est en contact avec des parents d'élèves
18:32 ou avec des élèves, donc
18:34 le voile, il y a un problème". - Alors dans l'affaire
18:36 Babylou, on a un règlement intérieur
18:38 qui existe à l'époque et qui impose la
18:40 neutralité. Lorsque la nounou
18:42 part en congé maternité, est-ce que c'est ça
18:44 qui s'est passé ? C'est-à-dire qu'elle a une longue carrière
18:46 dans la crèche en question, elle s'entend très bien
18:48 avec la directrice, et
18:50 elle part en congé maternité qui dure longtemps,
18:52 puisqu'elle a 4 ou 5 enfants, donc on est sur
18:54 4 ou 5 années de congé maternité. Et elle revient.
18:56 Mais entre-temps, le règlement
18:58 a été motivé, modifié.
19:00 Est-ce que c'est à cause d'elle ? Ça, on ne le saura jamais.
19:02 Mais entre-temps, le règlement impose la
19:04 laïcité. Et
19:06 elle va être licenciée, notamment sur ce motif.
19:08 Parce qu'elle revient en portant le niqab.
19:10 - Oui, qu'elle n'avait pas avant.
19:12 - Qu'elle n'avait pas avant.
19:14 Et la première décision de la Cour de Cassation
19:16 va considérer que le licenciement n'était
19:18 pas justifié, qu'elle a subi une
19:20 discrimination, une violation de la liberté religieuse,
19:22 article 9 de la Convention européenne
19:24 des droits de l'homme, que le règlement est trop
19:26 général et ne précise pas
19:28 dans tel ou tel circonstance, ça peut être
19:30 interdit, ainsi de suite. Donc dans un premier temps,
19:32 elle obtient un gain de cause. Et ça n'est que
19:34 parce qu'il y a finalement une décision
19:36 de la Cour d'Appel qui intervient après, ce qui est
19:38 classique en procédure, et qui
19:40 se rebelle contre la Cour de Cassation
19:42 que finalement la Cour de Cassation est saisie une seconde
19:44 fois, et que là, finalement,
19:46 la Cour, la crèche, obtient
19:48 un gain de cause. Mais attention,
19:50 sans que la Cour de Cassation valide
19:52 cette notion de laïcité
19:54 en entreprise. Puisque
19:56 je le répète, ça pose vraisemblablement
19:58 un problème. Parce que c'est l'État
20:00 qui doit être laïque. Faut-il que les entreprises
20:02 privées le soient ? C'est une autre question.
20:04 - Une autre question, mais c'est passionnant,
20:06 parce que c'est très intéressant,
20:08 parce que ça pose le problème qui est posé aujourd'hui.
20:10 Est-ce qu'un chef d'entreprise peut dire
20:12 "Moi, je fais comme l'État,
20:14 j'impose la laïcité."
20:16 En matière de droit. - Il ne pourra pas le faire,
20:18 on n'en prend pas le mot de laïcité, mais le législateur
20:20 a contourné le problème. C'est-à-dire qu'il y a
20:22 une réaction directe à l'affaire Babyloo,
20:24 qui est dans la loi Travail et Combris de 2016.
20:26 À l'époque,
20:28 il y a beaucoup d'opposition à cette loi,
20:30 notamment parce qu'elle flexibilise
20:32 le contrat de travail, parce que c'est l'extension
20:34 du CD. - Il y a eu beaucoup de protestations.
20:36 - Beaucoup de protestations, mais il y a
20:38 un article qui passe au passage, qui est intéressant,
20:40 qui est à peine aperçu à l'époque, qui est le fait que
20:42 l'employeur peut imposer la neutralité.
20:44 Donc depuis cette loi,
20:46 il est possible d'imposer la neutralité
20:48 dans l'entreprise. Donc, vous l'aurez compris,
20:50 la neutralité, finalement,
20:52 est un autre mot pour la laïcité.
20:54 - Oui, bien sûr. C'est séparation de l'église,
20:56 de la mosquée, de la synagogue et l'État.
20:58 Alors, allons à une autre, parce que ce qui est
21:00 vraiment intéressant, c'est que justement, vous n'avez pas
21:02 fait de la théorie, vous avez fait de la pratique.
21:04 Enfin, vous remontez toujours à
21:06 effectivement aux codes,
21:08 qu'ils soient civils ou pénals.
21:10 Mais je crois qu'on va faire une petite pause auparavant.
21:12 - Une rapide pause, et on se retrouve.
21:14 Et vous nous appelez au 0826
21:16 300 300. Vous avez la parole sur Sud Radio,
21:18 pour interpeller Cyril Duvers pour son livre
21:20 "Le foulard et la balance,
21:22 une histoire juridique de l'islam en France",
21:24 aux éditions Passé Composé.
21:26 0826 300 300,
21:28 on attend vos appels. A tout de suite sur Sud Radio.
21:30 - Alors, ce que j'aime beaucoup
21:32 aussi dans ce livre, je dois le dire,
21:34 c'est que vous avez bien choisi vos
21:36 titres et sous-titres.
21:38 Il n'y a pas que ça, je dis ça
21:40 aux états de Sud Radio, franchement, c'est très
21:42 intéressant, parce qu'au fond, on parle
21:44 toujours, on a tous, on parle avec nos
21:46 émotions, nos engagements
21:48 pour ou contre, etc.
21:50 Mais que dit la loi,
21:52 et comment ça se passe, parce qu'à un moment
21:54 donné, effectivement, dans un état de droit,
21:56 il faut revenir à la juridiction,
21:58 au tribunal, aux
22:00 avocats et aux juges.
22:02 Alors, vous
22:04 vous mettez à un moment donné
22:06 "La fiancée n'était pas vierge".
22:08 De quoi s'agit-il ?
22:10 - Oui, c'est une histoire
22:12 qui est peut-être oubliée aujourd'hui,
22:14 mais qui encore une fois avait vraiment
22:16 fait les gros titres pendant
22:18 longtemps. Ça se passe à Lille
22:20 en 2007-2008, je ne sais plus exactement.
22:22 On a affaire à des jeunes époux.
22:24 De quelle nationalité sont-ils ?
22:28 À la limite, ça ne change strictement rien.
22:30 Il faut encore une fois bien comprendre.
22:32 - Ils sont musulmans ? - Ah oui, ils sont musulmans.
22:34 Lui l'est, lui l'est, elle l'est
22:36 aussi, vraisemblablement.
22:38 Mais toujours est-il que
22:40 après la nuit de noces,
22:42 ils découvrent qu'elle n'est pas
22:44 vierge. Elle n'est pas vierge,
22:46 et il en est déçu.
22:48 - Déçu
22:50 est un mot faible, j'imagine.
22:52 C'est bien mon cher maître,
22:54 Manier Lalit, top école.
22:56 - Il en est déçu, donc.
22:58 Et là, il y a une chose
23:00 à bien comprendre. C'est que finalement,
23:02 et c'est ce qu'on ne sait
23:04 pas dans cette histoire,
23:06 et ce qu'on ne sait pas peut-être est important également.
23:08 Ce que je veux dire, c'est qu'à partir de là,
23:10 ils avaient deux options.
23:12 Ils pouvaient demander le divorce, ils pouvaient attendre,
23:14 ils pouvaient aller vivre séparément,
23:16 demander le divorce au bout de quelques temps, etc.
23:18 Mais ce n'est pas la voie qu'ils choisissent,
23:20 et j'entends que ce n'était peut-être pas le plus facile.
23:22 Et du coup, ils choisissent une autre voie
23:24 qui est l'annulation du mariage.
23:26 Or, les causes d'annulation du mariage sont assez
23:28 restrictives, et parmi ces causes d'annulation
23:30 du mariage, parce que sans quoi tout le monde
23:32 annulerait son mariage dès qu'il n'est pas content,
23:34 plutôt que de passer par une procédure en divorce.
23:36 - En divorce, on annule. - On annule, c'est plus simple
23:38 et plus rapide.
23:40 Donc c'est ce qu'ils choisissent. Ils choisissent la voie de l'annulation
23:42 du mariage, et parmi les causes de l'annulation du mariage,
23:44 il y a ce qu'on appelle l'erreur, comme dans les contrats.
23:46 - Ah c'est cool.
23:48 - Parce que c'est un contrat, là.
23:50 Vous pensez avoir acheté une Toyota
23:52 et on vous livre une Renault.
23:54 Je ne parle même pas de tromperie, il y a eu erreur,
23:56 vous êtes trompé, vous pouvez faire annuler le contrat.
23:58 Là, c'est pareil, ils vont invoquer l'erreur.
24:00 La question qui se pose, c'est de savoir quel type
24:02 d'erreur peut être invoquée, et là, il s'agit
24:04 que la jurisprudence appelle l'erreur
24:06 sur les qualités de la personne.
24:08 Alors, il y a des qualités à propos que l'on peut mettre
24:10 en avant, il y a des qualités qu'on ne peut pas mettre en avant.
24:12 Et là, c'est nouveau, en quelque sorte.
24:14 - Vous voulez dire que la virginité est-elle une qualité ou pas ?
24:16 - C'est ça.
24:18 Le second aspect intéressant,
24:20 c'est que les deux sont d'accord.
24:22 C'est-à-dire, lui comme elle.
24:24 Et elle, elle acquiesce.
24:26 C'est un terme de procédure,
24:28 c'est-à-dire que si vous êtes assigné devant un tribunal
24:30 et qu'on vous demande des choses, si vous acquiescez,
24:32 ça signifie que vous êtes d'accord
24:34 avec ce qui est demandé.
24:36 À la limite, il n'y a plus besoin de saisir le juge,
24:38 le juge constate l'accord sur la demande,
24:40 c'est formalisé
24:42 et l'affaire est terminée.
24:44 Et dans ce dossier, elle acquiesce.
24:46 Elle acquiesce et ça aurait pu en rester là.
24:48 - Oui, donc ils auraient pu annuler un consentement mutuel.
24:50 - Exactement, une sorte de consentement mutuel.
24:52 Sauf que ce qui va se passer là,
24:54 c'est que comme la décision est assez rare
24:56 et un peu curieuse, on n'a pas tellement l'habitude de ce type de procédure,
24:58 c'est relayé très, très, très, très
25:00 rapidement par les médias.
25:02 C'est relayé très rapidement par les médias
25:04 et la garde des soies à l'époque, Rachida Dati,
25:06 qui au début n'intervient pas,
25:08 limite elle n'a pas à le faire,
25:10 puisque c'est finalement ce qui lui semblait un fait libère local.
25:12 Mais dans la mesure où il y a
25:14 quand même beaucoup de bruit dans les médias
25:16 sur cette question, elle finit par demander au procureur
25:18 de la République de faire appel.
25:20 Et c'est pour ça que finalement la décision va aller en cours d'appel,
25:22 être discutée, etc.
25:24 Et qu'il va finalement être dit que non,
25:26 il n'est pas possible de valider
25:28 le fait qu'un époux attendait la virginité
25:30 comme qualité essentielle
25:32 de son épouse. Résultat des cours,
25:34 ils vont rester mariés. Alors qu'ils n'ont
25:36 pas du tout envie, si vous voulez.
25:38 - C'est là où le droit, effectivement,
25:40 est introduit.
25:42 - C'est vraiment intéressant, ça.
25:44 Et justement, de ce point de vue-là,
25:46 au fond, ce qu'on constate
25:48 à travers d'ailleurs tous les chapitres
25:50 que vous dites, c'est quand même
25:52 l'introduction de la médiatisation,
25:54 le renforcement
25:56 effectivement de l'émotivité
25:58 à temps et à raison,
26:00 c'est-à-dire
26:02 notion de grand remplacement d'un côté,
26:04 notion de "tout le monde est égaux"
26:06 et "oui, on stigmatise
26:08 les musulmans, on les opprime",
26:10 etc. Enfin, quand je parle des musulmans,
26:12 parce que c'est le sujet, voilà.
26:14 Donc, est-ce qu'à votre avis, aujourd'hui,
26:16 c'est extrêmement
26:18 difficile de faire du droit
26:20 de façon neutre en la matière ?
26:22 Ou pas plus qu'avant ?
26:24 - En réalité, je ne pense pas.
26:26 Comme ce livre, vous l'avez noté,
26:28 se déroule sur une période
26:30 d'un peu plus de 30 ans,
26:32 c'est une histoire,
26:34 ce que j'ai voulu faire, une histoire juridique de l'islam en France
26:36 qui est une histoire récente en réalité,
26:38 depuis que ça a émergé véritablement comme question,
26:40 c'est-à-dire depuis l'affaire de Creil.
26:42 Les perceptions évoluent,
26:44 on ne va pas non plus nier le fait qu'il y ait eu
26:46 des attentats gravissimes, etc.
26:48 En 89, néanmoins, on ne parle pas
26:50 véritablement d'islamisme, c'est beaucoup plus récent
26:52 le fait de parler d'islamisme.
26:54 Ceci étant précisé,
26:56 il y a toute une
26:58 foule du contentieux qui ne pose
27:00 pas de problème particulier.
27:02 Des juges ont affaire à des justiciables
27:04 comme les autres,
27:06 dans une partie du contentieux. Parfois,
27:08 il y a des demandes un peu plus extraordinaires
27:10 et qui ont l'air de sortir de la norme
27:12 et du coup, l'appréciation devient peut-être
27:14 un peu plus compliquée ou difficile
27:16 et il y a également parfois des questions
27:18 inédites. Mais voilà, on ne peut pas affirmer
27:20 que c'est 100% exceptionnel,
27:22 pas plus qu'on ne peut dire que c'est 100% ordinaire,
27:24 on est un petit peu entre les deux.
27:26 - Oui, ordinaire, absolument. - On est entre les deux en fait.
27:28 - Et dites-moi, est-ce qu'il y a
27:30 en France, moi c'est une question,
27:32 ce n'est pas dans votre livre, mais enfin,
27:34 vous savez qu'aujourd'hui,
27:36 il y a en Angleterre
27:38 des tribunaux qui jugent selon la sharia,
27:40 des tribunaux islamiques. Est-ce que ça
27:42 existe en France ou pas ? Je me suis laissé
27:44 dire, attention, qu'ils n'ont pas les mêmes pouvoirs,
27:46 mais que ça existait, ou pas,
27:48 à votre connaissance ? - Ah ben non, là,
27:50 je préfère répondre tout à fait franchement.
27:52 Je pense qu'il y a un aspect un peu fantasmatique
27:54 dans cette manière de présenter les choses, dire qu'il y a
27:56 des tribunaux islamiques. - Parce qu'il y en a
27:58 en Bretagne. - Alors, moi,
28:00 encore une fois, je resterai prudent,
28:02 pourquoi pas.
28:04 Ce que je veux dire, c'est que
28:06 le fait qu'une affaire,
28:08 alors ça peut être une affaire
28:10 familiale, ça peut être une affaire de commerce,
28:12 souvent ce sera une affaire familiale.
28:14 Le fait que toute une famille
28:16 se mêle de la
28:18 situation d'un jeune couple, ça,
28:20 ce sont des choses qui arrivent. - Bien sûr.
28:22 - Ce sont des choses qui arrivent. - Bien sûr.
28:24 - Le fait qu'en cas de violence conjugale,
28:26 il y ait des pressions sur les unes,
28:28 les uns, les autres, et compagnie, pour retirer une plainte.
28:30 Pourquoi pas ? Ça, ce sont des choses qui arrivent.
28:32 Est-ce que pour autant, il faut parler
28:34 de tribunal islamique ? Bien sûr que non.
28:36 - Non, c'est pas la même chose, on est bien d'accord.
28:38 Oui, qu'il y ait
28:40 l'influence de la communauté ou de la famille,
28:42 du cercle ou du quartier. - Exactement.
28:44 En tout cas, voilà, il n'y a pas de tribunaux islamiques
28:46 en France. - Et alors,
28:48 vous finissez par, je dis ça
28:50 parce que l'islam ingouvernable,
28:52 avec un point d'interrogation.
28:54 C'est presque votre conclusion,
28:56 je veux dire. - Oui, alors,
28:58 et je...
29:00 et je me prononce pas complètement. En fait,
29:02 pourquoi cette expression ?
29:04 Parce qu'à mon sens, il y a une volonté
29:06 du politique, des pouvoirs publics
29:08 de gouverner l'islam.
29:10 Ça me semble assez évident. Et,
29:12 de différentes façons.
29:14 Ça peut être par la négociation
29:16 locale, lorsqu'il y a
29:18 des enjeux électoraux, voilà.
29:20 - Ça joue, ça, comme vous le savez.
29:22 - Je te subventionne, je te subventionne pas,
29:24 etc. Là, on est dans l'art de gouverner.
29:26 Et après... - Et puis, non, je te
29:28 subventionne, mais...
29:30 et j'accepte certaines conditions que...
29:32 - Bien sûr. - ...que tu me donnes.
29:34 - Bien sûr, mais là, c'est la politique
29:36 locale. Et il y a
29:38 cette volonté de gouverner l'islam,
29:40 avec cette marotte, si vous voulez,
29:42 des pouvoirs publics, et de vouloir
29:44 avoir un interlocuteur officiel.
29:46 On a vu que ça ne marchait pas tellement.
29:48 Donc, il y a cet aspect-là.
29:50 Il y a la volonté d'organiser l'islam en France, etc.
29:52 Et il y a une volonté de gouverner l'islam par le droit,
29:54 me semble-t-il.
29:56 Pourquoi est-ce que je pose la question ? Parce que, finalement, la question, c'est
29:58 soit est-ce que c'est légitime et nécessaire, en réalité ?
30:00 Et toute la question, c'est savoir s'il faut
30:02 envisager l'islam comme un bloc, ou comme une collection
30:04 d'individus qui sont différents les uns des autres.
30:06 - Oui. En fait, il y a la collection
30:08 d'individus, et il y a, comme dans toute religion,
30:10 l'idéologie, la doctrine.
30:12 C'est pour ça que c'est très compliqué. En tout cas,
30:14 votre livre donne énormément d'exemples,
30:16 et c'est pour ça que je le recommande. Lisez-le,
30:18 parce que ça, c'est la réalité.
30:20 Qu'on s'en réjouisse,
30:22 qu'on le déplore, c'est la réalité,
30:24 la réalité de la France d'aujourd'hui,
30:26 vue à travers. C'est pour ça que votre livre
30:28 est intéressant. L'angle de la
30:30 vocale, l'angle du droit,
30:32 et, en fait,
30:34 vous aurez tome 2 et tome 3 à écrire bientôt.
30:36 - Peut-être. Je l'espère.
30:38 Merci, en tout cas. - Merci beaucoup,
30:40 chers auditeurs, d'être toujours aussi nombreux
30:42 à nous écouter. Merci à Cyril Duvers
30:44 pour son livre "Le foulard et la balance,
30:46 une histoire juridique de l'islam en France",
30:48 aux éditions Passé Composé. Tout de suite,
30:50 l'émission de Brigitte Lehaey, à tout de suite sur Sud Radio.