Mercredi 10 mai 2023, SMART BOURSE reçoit Delphine Arnaud (Gérante-analyste Multi Asset & Overlay, Edmond de Rothschild AM)
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00:00 Nous poursuivons la discussion sur le terrain des marchés, toujours avec Delphine Arnault
00:13 qui est avec nous également en plateau gérante multi-assets et overlay chez Edmond de Rothschild
00:17 Assets Management.
00:18 Bonjour et bienvenue Delphine.
00:19 Merci beaucoup d'être avec nous dans le sillage de la discussion qu'on avait avec
00:22 Juliette.
00:23 C'est vrai qu'on a l'impression que les investisseurs sont un peu entre deux eaux.
00:26 Il y a ces inquiétudes, cette pause de la fête qui reflète effectivement une situation
00:31 sans doute dégradée ou en voie de dégradation devant nous.
00:34 Il y a cette partie-là et puis il y a aussi le reste.
00:37 J'aimerais bien qu'on se focalise un peu sur ce que nous disent les entreprises, les
00:41 résultats d'entreprises notamment au terme ou quasi-terme de la saison de publication
00:46 des résultats du premier trimestre.
00:48 C'est un acquis, ça n'est pas prédictif bien sûr, mais c'est un acquis important.
00:53 Qu'est-ce qu'on peut dire de ce point de vue-là Delphine ? Quels ont été les messages
00:56 importants envoyés par les entreprises ?
00:57 Effectivement au niveau macroéconomique, on était très pessimiste.
01:04 On l'était aussi au niveau microéconomique.
01:06 Les analystes avaient fortement révisé à la baisse leur prévision de résultats en
01:11 amont de cette saison de publication qui n'a pas été si mauvaise que ça, même plutôt
01:17 bonne.
01:18 Ce qui ressort c'est qu'aux Etats-Unis, on a passé le pic des marges.
01:24 C'était très attendu et c'était un gros point de pessimisme le pic des marges à peu
01:30 près l'an dernier à l'automne.
01:32 On devrait le passer également en début d'année en Europe.
01:38 Ce à cause d'un ralentissement des volumes.
01:42 On voit que 2023, après 2022, une année extrêmement forte en termes de volume et
01:50 de chiffre d'affaires.
01:51 Même que l'inflation est toujours très élevée, on devrait avoir des chiffres d'affaires
01:56 en baisse en Europe.
01:58 C'est ce qui est attendu pour 2023.
02:00 Donc une année pour rien en chiffre d'affaires.
02:03 Aux Etats-Unis, on attendait des chiffres d'affaires autour de zéro.
02:07 Finalement, ce serait peut-être un peu mieux.
02:10 Donc surprise un peu plus positive.
02:12 Pour ce qui est des EPS, là encore une année pour rien.
02:18 Même si on révise à la hausse, les publications ont été plutôt bonnes.
02:24 Elles ont surpris positivement.
02:26 Le message, les guidance ont été plutôt bonnes.
02:29 Notamment en Europe, où ça permet de reprendre les révisions à la hausse pour les trimestres
02:36 suivants légèrement.
02:38 On parle de moins de 1%.
02:40 Pour autant, sur les EPS, ça va être une année 2023 sans croissance d'EPS de part
02:46 et d'autre de l'Atlantique.
02:48 Je comprends, effectivement.
02:50 Même si on pouvait s'attendre à pire.
02:51 Oui, on s'attendait à bien pire.
02:54 Et pour autant, il y a eu le choc de revenus.
02:58 Oui, la demande, bien sûr.
03:00 C'est un point fondamental.
03:02 Moi, ce qui me fascine, c'est la dispersion de la demande finale.
03:05 On a des segments où on voit des volumes en très nette baisse des entreprises, des
03:09 compagnies qui alertent sur des comportements d'achat qui sont en train de changer.
03:14 Et puis, dans un grand nombre d'industries, le voyage, le tourisme, l'hôtellerie, même
03:22 l'immobilier de luxe, je peux citer l'automobile aussi.
03:27 On voit une demande finale pour des produits de plus en plus haut de gamme qui ne cessent
03:33 de grandir d'une certaine manière, Delphine.
03:36 Oui, sur les derniers trimestres, effectivement, comme l'a dit Juliette, on a eu un rattrapage
03:42 des salaires qui ont été révisés à la hausse, mais avec un certain lag, ce qui
03:46 a permis de nourrir des marges importantes pour les entreprises en 2022 et qui explique
03:51 une partie de la compression des marges légères.
03:53 On est toujours sur des marges très confortables et très appréciées des entreprises.
03:57 Donc, on a ces salaires qui sont en train de faire du rattrapage et peser sur les marges.
04:06 Par contre, ce qu'on voit, c'est que la demande, et notamment quand on regarde les excès d'épargne,
04:14 c'est très bien documenté aux Etats-Unis, c'est la Fed de San Francisco qui a sorti
04:18 un papier dans ce sens.
04:19 Toute l'épargne qui avait été constituée avec le Covid, avec la période des stimulus
04:25 pour faire face au Covid, elle n'a toujours pas été résorbée.
04:28 Donc, il resterait environ 500 milliards d'épargne aux Etats-Unis qui sont essentiellement
04:34 dans les mains des populations les plus aisées, le quatrième quartile.
04:39 Et si on regarde, bien sûr, cet excès d'épargne est en train d'être utilisé à l'aune de
04:49 plus d'inflation et puis de la consommation de revanche post-Covid.
04:56 Vous parliez des voitures, des voyages, essentiellement par des personnes les plus aisées.
05:02 Et quand on prolonge les courbes à combien vont être grignotées cet excès d'épargne,
05:08 la Fed de San Francisco nous divrait sans vablement jusqu'à la fin du quatrième trimestre
05:13 de cette année.
05:14 Donc, on en a encore sous le pied en termes d'excès d'épargne et de réservoirs de demande,
05:21 essentiellement pour les biens discrétionnaires de luxe.
05:25 Ce qui est fascinant, c'est que dans une industrie comme l'industrie aérienne, je lisais, alors
05:30 c'était rapporté dans le Financial Times ce matin, les derniers chiffres de IATA, l'association
05:34 internationale du secteur, avec un certain nombre de commentaires de patrons d'entreprises
05:39 aériennes, Lufthansa, Air France KLM, Delta Airlines, ils n'en croient pas leurs yeux.
05:44 C'est-à-dire que là où la croissance est la plus forte, là où le trafic est revenu
05:48 le plus vite sur les niveaux pré-Covid, c'est à travers les classes business, les classes
05:54 first.
05:55 Ils sont en train d'imaginer qu'il y a des changements profonds à l'œuvre dans leur
06:00 industrie, qui étaient quand même toujours plus tirés vers le low cost, et ils sont
06:05 en train de s'apercevoir que non, c'est peut-être en train de tourner, et pour longtemps.
06:08 C'est ça qui est incroyable, c'est que le discours de ces patrons est de dire, ce qu'on
06:12 observe là, c'est peut-être une tendance qui va durer pour plusieurs années.
06:17 Non mais c'est un secteur, mais je trouve que c'est tellement emblématique.
06:22 Pour moi, on n'a toujours pas épongé les effets du Covid.
06:26 Ce qui s'est passé avec le Covid, c'est qu'à l'aune des réouvertures, et on est
06:30 encore en train de réouvrir, le Japon a réouvert en avril par exemple.
06:34 L'alerte mondiale maximale a été levée ces derniers jours, juste pour l'avoir en
06:39 tête.
06:40 Exactement, en trois ans, ça a été très très long.
06:41 Et donc résorber les effets du Covid met énormément de temps.
06:46 La tendance des management a été de penser que cette situation qui était exceptionnelle
06:52 allait se prolonger dans le futur.
06:54 On voit effectivement des discours de management sur le secteur du loisir et du tourisme très
07:05 optimistes.
07:06 Si on regarde d'autres secteurs qui ont profité de cet effet Covid, par exemple l'effet
07:13 Covid, ça a été aussi un report vers le commerce internet.
07:17 On regarde les résultats d'Amazon, ils ont eu des résultats exceptionnels en 2021 post-Covid.
07:25 Ça s'est complètement résorbé et ils sont revenus sur une croissance d'EPS qui
07:30 est le trend.
07:31 On est revenu à la normalité antérieure.
07:35 Ma vision c'est quand même qu'il y a encore un excès d'épargne, il va être résorbé,
07:45 il est utilisé de cette façon par certaines catégories.
07:47 Je ne prolongerai pas le sujet.
07:50 Il y a des leçons à retirer de ces boîtes qui ont déjà profité de leur moment Covid.
07:56 Exactement, c'est le premier point structurant de l'effet Covid.
08:00 Quand on regarde toutes les courbes, c'est assez marquant.
08:04 Il y a un vrai pivot entre avant et après Covid.
08:09 Le deuxième point marquant qu'on n'a toujours pas résorbé post-Covid, c'est cette histoire
08:13 d'inflation.
08:14 On avait de l'inflation de l'énergie, de l'inflation des matières premières,
08:21 c'était l'histoire de 2020, 2021, 2022.
08:25 Là, aujourd'hui, les résultats des entreprises énergie, matières premières, celles qui
08:29 sont le plus au début du cycle de production, sont en baisse.
08:35 C'était fortement attendu.
08:36 On parle de chiffres de moins 20% sur les matériaux et l'énergie.
08:43 En fait, ça a surpris négativement.
08:45 Pourtant, on a tous les courbes Bloomberg avec le prix des matières premières et on
08:50 peut suivre.
08:51 Pourtant, ça a surpris négativement de deux points moins bons que anticipés.
08:57 Au fur et à mesure, c'est cette désinflation qui a commencé avec les matières premières
09:02 qui va se répercuter sur tous les secteurs et les chaînes de production.
09:08 C'est pour ça que je pense qu'il va y avoir une normalisation de ces phénomènes
09:14 de hausse de marge qu'ont pu connaître certaines entreprises.
09:17 Avec un séquençage dans cette phase de normalisation.
09:19 Certaines industries sont déjà "normalisées", d'autres sont encore en train de vivre leur
09:25 boom Covid et la normalisation est encore devant elles de ce point de vue-là.
09:29 En matière de positionnement de stratégie d'investissement, notamment sur la partie
09:33 action Delfin, comment on gère cette période un peu entre deux eaux ?
09:39 On sait que la destination sera peut-être un peu mouvementée, mais en même temps,
09:45 les résultats sont encore bons.
09:47 On ne l'a pas évoqué, mais il y a quand même des rachats d'actions qui restent massifs
09:50 aux Etats-Unis, sur un train de peut-être 1000 milliards de dollars pour l'année 2023.
09:55 Donc il y a ces logiques fondamentales, de flux également, qui empêchent de sortir
10:00 complètement de ce marché.
10:01 Oui, les primes de risque sur les actions ne sont pas très élevées.
10:06 Néanmoins, on sait qu'il va y avoir des acteurs qui vont sortir leur épingle du jeu.
10:12 Des acteurs qui, soit parce que ce sont sur des secteurs qui sont moins cycliques et qui
10:18 ont moins besoin d'une demande dynamique, d'une croissance dynamique.
10:21 Donc on va aller chercher des acteurs de qualité, des bonnes structures financières, une croissance
10:30 de la demande qui dépend assez peu du cycle.
10:32 Et soit, également, on va aller diversifier vers d'autres classes d'actifs en attendant
10:40 que cette récession dont vous avez parlé se fasse, et des classes d'actifs pour lesquelles
10:46 on est rémunérés pour attendre.
10:48 Et les classes d'actifs sur lesquelles on est rémunérés, donc il y a les actions
10:55 de qualité pour lesquelles on ne pense pas qu'il va y avoir de risques, de défauts.
11:00 En Europe, les actions de qualité tournent vers l'international avec une bonne diversification
11:07 géographique.
11:08 On a la même chose aux Etats-Unis.
11:11 On sait qu'on va être payé avec du dividende, et puis forcément le crédit, le "credit
11:20 investment grade" où là on ne pense pas qu'on va aller vers une récession dure avec
11:26 une hausse de taux de défaut élevée.
11:28 Puisque ce que nous a enseigné en fait cet épisode SVB et Consor, c'est quand même
11:35 que les banques centrales ont été promptes à réagir.
11:38 - Ah bah oui, une défaillance, une résolution, c'est à peu près dans la même journée
11:43 aujourd'hui.
11:44 - Exactement, c'est allé assez vite.
11:46 Et d'ailleurs notre sentiment c'est quand même que la Fed aurait voulu en faire plus.
11:51 Elle va se limiter pour ne pas créer des désordres.
11:55 Donc ça nous rend assez sereins.
11:59 - Ça rassure.
12:00 - Ça rassure.
12:01 Et la BCE voudrait en faire plus, elle dit qu'elle va en faire plus parce que l'inflation
12:06 n'est pas et encore toujours un sujet en Europe, ce qui est bon pour les chiffres d'affaires
12:10 d'entreprise mais moins bon pour la politique monétaire en Europe.
12:15 Mais elle pourrait s'arrêter s'il y avait un sujet.
12:18 Donc on va chercher soit des thématiques porteuses qui s'affranchiront du cycle, soit
12:28 des actifs d'attente.
12:30 - Merci beaucoup Delphine.
12:32 Merci pour votre éclairage sur la partie actions, résultats d'entreprise et stratégie
12:36 d'investissement.
12:37 Delphine Arnaud, gérante multi-assets et overlay chez Edmond de Rothschild Asset Management
12:40 qui était avec nous également au plateau pendant cette demi-heure d'émission.
12:43 Voilà pour Smart Bourse, on se retrouve à 17h en direct sur Bismarck.
12:46 - Merci.