SMART BOURSE - Emission du mercredi 10 mai

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Mercredi 10 mai 2023, SMART BOURSE reçoit Delphine Arnaud (Gérante-analyste Multi Asset & Overlay, Edmond de Rothschild AM) et Juliette Declercq (Présidente fondatrice, JDI Research)
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00:00 Bienvenue dans Smart Bourse, votre double dose quotidienne de marché en direct sur
00:11 Bismarck.
00:12 Chaque jour à la mi-journée, 12h33 et en fin d'après-midi, la grande édition pendant
00:16 une heure à partir de 17h, rediffusée à 20h sur Bismarck TV, émission que vous retrouvez
00:21 chaque jour en replay sur Bismarck.fr et en podcast sur l'ensemble de vos plateformes.
00:26 Au sommaire de cette édition de la mi-journée, quelques résultats d'entreprises qui animent
00:30 aujourd'hui le marché européen et le marché parisien notamment avec un grand écart en
00:35 termes de réaction de marché après les publications trimestrielles de Crédit Agricole d'un côté
00:40 et d'Alstom de l'autre dans deux secteurs complètement différents.
00:44 Crédit Agricole qui surprend très agréablement le marché et les analystes avec notamment
00:49 un trimestre record en termes d'activité de marché pour Crédit Agricole qui a profité
00:55 de la volatilité sur les marchés obligataires, les marchés de change également et le titre
01:01 Crédit Agricole signe la plus forte hausse du CAC 40 à mi-séance avec un bon de plus
01:05 de 5% et à l'inverse, la déception du jour Alstom.
01:09 Alstom qui a publié des résultats en ligne sur son premier trimestre écoulé et qui
01:14 reporte d'un an ses objectifs financiers.
01:16 La nouvelle est évidemment mal accueillie par les investisseurs et Alstom signe la plus
01:21 forte baisse du CAC avec là aussi un repli supérieur à 5%.
01:25 Voilà pour les publications du jour.
01:28 Dans une ambiance de marché qui reste celle d'une consolidation, le CAC 40 teste des
01:33 niveaux techniques importants sous les 7400 points au moment où on se parle avec une
01:38 petite baisse de 0,2% alors que les investisseurs attendent la publication du rapport mensuel
01:43 sur l'inflation aux Etats-Unis pour le mois d'avril.
01:46 Ce sera le premier vrai test, dirons-nous, de la pause signalée par la réserve fédérale
01:51 américaine.
01:52 Le CPI est attendu à peu près inchangé par rapport au rapport précédent.
01:57 La publication aura lieu tout à l'heure à 14h30 heure française et dans ce contexte
02:01 nous parlerons stratégie d'investissement, ce thème de la pause de la réserve fédérale
02:06 américaine.
02:07 Qu'est-ce que cela implique comme réflexion et comme changement peut-être en matière
02:12 d'investissement ? Nous en discuterons avec nos invités en plateau pendant cette demi-heure.
02:17 *Générique*
02:27 Et commençons cette édition avec Juliette Declercq qui est avec nous en plateau, fondatrice
02:31 de JDI Research.
02:32 Bonjour et bienvenue Juliette.
02:33 Bonjour Clément.
02:34 Merci beaucoup d'être avec nous pour un état des lieux de la situation globale macro
02:39 et ce que vous inspire ce thème de la pause signalée quasi explicitement par Jérôme
02:44 Powell et la réserve fédérale américaine.
02:47 Derrière ce thème de la pause il y a bien sûr l'idée d'un soulagement.
02:50 On met fin à une série de 500 points de base de hausse de taux en à peine 14 mois
02:55 aux Etats-Unis ce qui restera un cycle pour les livres d'histoire et dans le même temps
02:59 on comprend bien que cette pause intervient à un moment où la situation macroéconomique
03:04 aux Etats-Unis se dégrade plus ou moins rapidement à discuter avec une série de craquements
03:10 financiers qui est loin d'être interrompue pour l'instant.
03:13 Que vous inspire ce thème de la pause sur le plan de l'analyse globale macro et de
03:17 l'investissement Juliette ?
03:18 A priori la pause pour moi elle est peut-être un peu tardive.
03:23 Je pense que ce qui s'est passé c'est que les banques centrales généralement ont un
03:29 gros questionnement sur le décalage entre la politique monétaire d'un côté et l'effet
03:38 sur l'économie.
03:39 Et même l'effet sur l'économie c'est-à-dire qu'on a vraiment les soft data, c'est-à-dire
03:43 sondage etc. qui sont vraiment en gros décalage avec les hard data, un décalage qui est beaucoup
03:49 plus incertain que ce qu'on a vu dans les 20 dernières années dû notamment à un
03:54 environnement macro post-Covid qui est extrêmement incertain.
03:58 Donc je pense qu'on a vraiment essayé d'aller à fond contre l'inflation donc 500 points
04:05 de base qui ne sont pas encore répercutés chez les banques.
04:09 C'est-à-dire qu'aux Etats-Unis on a toujours 15 trillions de déposits qui sont rémunérés
04:16 entre 0 et 50 points de base.
04:18 Je regardais hier Chase je crois la rémunération c'est 0.1.
04:22 Donc pour moi c'est vraiment la problématique c'est que la capacité des banques de continuer
04:29 à prêter quand leur financement, leur coût de financement va progressivement converger
04:36 de 0 à 4.
04:38 Et pour moi c'est vraiment le sujet intéressant parce qu'avec le développement des banques
04:47 en ligne etc. ou même pour moi l'annonce peut-être principale c'était vraiment l'Apple
04:54 qui se met avec Goldman Sachs pour commencer à offrir des déposits rémunérés à 4.15
05:00 où en gros vous pouvez ouvrir votre compte à peu près en 5 minutes, 5 minutes top chrono
05:05 enfin je l'ai fait c'est assez facile.
05:07 Je pense que ça va arriver aussi en Europe et pour moi c'est vraiment là où ça va
05:12 commencer à coincer, là où la politique monétaire va commencer à se répercuter
05:17 notamment sur le crédit qui est en train de se casser la gueule très sérieusement
05:23 et à un point où les banques centrales devraient déjà être en train de couper si vous regardez
05:27 les graphes que je vous ai envoyés.
05:29 Oui on va regarder effectivement parce que c'est le moment de gloire d'une enquête
05:33 qui a réalisé auprès des senior loans officers aux Etats-Unis, l'enquête a été publiée
05:38 en début de semaine, la Fed l'avait entre les mains lors de sa prise de décision la
05:41 semaine dernière.
05:42 Enquête qui montre plusieurs choses mais notamment un affaiblissement prononcé de la
05:49 demande de crédit de la part des ménages mais aussi des entreprises, de la part de
05:55 la demande de crédit bancaire de la part de ces entreprises et de ces ménages.
06:00 Quand on regarde le graphique effectivement la baisse, la pression est assez vertigineuse
06:04 Juliette, comment ça se traduit effectivement pour vous ? Qu'est-ce que ça implique devant
06:09 nous ?
06:10 C'est-à-dire qu'on a d'un côté l'offre de crédit qui se contracte naturellement parce
06:17 que les banques ont une pression sur les coûts de financement mais ce qui est encore plus
06:22 intéressant c'est évidemment la demande de crédit où on arrive à des niveaux de
06:26 global financial crisis ou même du milieu des années 70 au niveau demande de crédit
06:35 et ce qui est intéressant sur le graph c'est que vous voyez qu'en fait à ce stade de
06:41 collapse du crédit la Fed était déjà en train de couper pour les deux dernières récessions.
06:47 Ce qui est encore plus intéressant c'est que ce n'est pas le crédit qui drive la croissance
06:53 et ce n'est pas non plus la croissance du crédit qui nourrit la croissance c'est vraiment
06:59 l'accélération du crédit.
07:01 Et en fait aux États-Unis en décembre on était à 12% de croissance de crédit donc
07:09 c'est-à-dire que même si le crédit juste s'arrête ou continue à monter un tout petit
07:13 peu on va arriver facilement à une décélération du crédit qui va arriver vers les -10%.
07:18 C'est l'impulsion de crédit qui compte.
07:20 Voilà c'est vraiment l'impulsion, accélération, décélération.
07:23 La dernière fois qu'on a eu une décélération en double chiffre c'était en 2009 et dans
07:33 le milieu des années 70.
07:35 C'est un peu l'histoire de la bicyclette quoi.
07:37 C'est-à-dire que quand on arrête d'accélérer à un moment on ralentit tellement qu'on s'arrête
07:41 et on tombe.
07:42 Donc il faut vraiment voir ce qui s'est passé l'année dernière pour comprendre ce qui va
07:46 se passer cette année.
07:47 A quelle vitesse ça peut se développer dans l'économie réelle selon vous et quel niveau
07:52 de pression ça peut mettre sur la réserve fédérale américaine ? A quel horizon de
07:56 temps Juliette ? Parce que la période est un peu particulière.
07:59 Avant cette contraction du crédit ou ce retournement du credit impulse, la baisse de la demande
08:04 de crédit, il y a eu quand même un boom de crédit qui a duré pendant un certain nombre
08:07 d'années et qui a été peut-être magnifié encore pendant la période Covid.
08:11 Est-ce que les entreprises sont déjà aujourd'hui face à des murs de refinancement, des murs
08:16 de dette qui les mettraient en péril de manière immédiate ?
08:20 Pour les banques je pense que le péril c'est d'avoir acheté en gros n'importe quoi depuis
08:27 les dix dernières années avec du financement à zéro ou quelques fois même négatif.
08:32 Je pense que sur les balance sheets c'est pas propre clairement.
08:36 Je pense que ça va être une des conditions pour que les banques recommencent à prêter.
08:41 C'est vraiment de repricer ce risque, que ce soit du risque sur le CMBS donc Commercial
08:47 Loan ou en France les fonds immobiliers qui ne sont pas du tout repricés non plus.
08:54 Les valeurs d'actifs de ces produits-là ne sont pas au bon prix aujourd'hui ?
08:59 Tout ce qui est facile à cacher c'est toujours cacher et donc ne pas repricer sur les balance
09:06 sheets.
09:07 Quand on parle par exemple de JP Morgan peut-être dans deux trois mois JP Morgan et Bank of
09:15 America auront peut-être 50% des déposits aux Etats-Unis mais ça ne change pas le fait
09:20 que leurs coûts de financement vont aussi augmenter et la question qui se pose c'est
09:25 qui va continuer de refinancer ces crédits qui sont mal pricés et c'est pas JP Morgan
09:32 ou Bank of America.
09:33 Ils ne prendront pas ce risque-là ?
09:34 D'autant plus que 80% du financement des petites compagnies aux Etats-Unis c'est les small
09:43 banks qui peu à peu vont disparaître dans la continuation des grosses banques qui vont
09:52 continuer d'y gérer ces petites banques qui sont plus vulnérables aujourd'hui.
09:58 C'est un processus inévitable cette restructuration un peu à marche forcée du segment des banques
10:04 régionales aux Etats-Unis.
10:05 Il y en a peut-être 4 500, 5 000 aujourd'hui on verra combien il en reste dans 6, 9, 12
10:09 mois Juliette.
10:10 C'est un processus inévitable ou est-ce qu'à un moment il y aura une demande pour un coup
10:16 de circuit un peu global, un peu systémique pour arrêter cette pression sur les deposits
10:20 outflows, pour stopper ces effets de réaction en chaîne ? On voit bien qu'on est dans une
10:25 série de défaillances qui ne s'arrêtent pas aujourd'hui.
10:27 Je pense que ça va avoir du mal à s'arrêter mais quelque part c'est plus un symptôme
10:33 du problème que le problème en lui-même.
10:35 Le problème en lui-même c'est la politique monétaire qui est trop tight.
10:39 Donc les taux à 5% ne sont pas soutenables pour les petites banques et c'est les premières
10:44 qui vont continuer à partir.
10:47 Mais ce n'est pas soutenable non plus pour les grosses banques.
10:50 Chase qui continue de rémunérer les dépositions 0.1, ce n'est pas tenable.
10:56 En termes de quand va-t-on commencer à voir l'effet sur l'économie réelle, moi je pense
11:05 que ça peut commencer ce trimestre-là, au moins aux Etats-Unis.
11:08 Je pense qu'en Europe ça peut durer un peu plus longtemps parce qu'il y a plus d'inflation.
11:12 Le problème c'est qu'au niveau macro-économique on a vraiment des courants contraires assez
11:18 importants.
11:19 D'un côté on a la chute du crédit, de l'offre de crédit et de demande de crédit.
11:25 De l'autre côté on a eu un choc réel, un choc positif réel sur le revenu qui était
11:35 aux Etats-Unis et aussi en Europe.
11:37 C'est-à-dire qu'on a eu un gros choc d'inflation en 2022 avec les salaires qui ont tendance
11:42 à être en retard par rapport à l'inflation.
11:46 Donc on a vraiment eu un catch-up cette année en janvier, ce qui est une chose assez normale.
11:51 En janvier les salaires sont revalorisés.
11:53 L'inflation a aussi un peu baissé, surtout sur les matières premières, par exemple
11:57 le pétrole.
11:58 Donc on resolvabilise un peu de demande d'une certaine manière.
12:01 Donc on a vraiment eu un choc de demande positif au début de l'année qui commence à se dissiper.
12:08 Après je pense que ça c'est ce qu'on va voir vraiment ce mois-ci, le mois prochain,
12:12 c'est-à-dire que les salaires ne vont pas continuer à s'envoler.
12:15 Et de l'autre côté, on va avoir l'effet négatif crédit énorme qui va commencer
12:21 vraiment à avoir de l'effet d'abord sur les compagnies et ensuite bien sûr sur les particuliers aussi.
12:28 Quelle est la différence entre les Etats-Unis et l'Europe du point de vue justement des
12:31 conditions de crédit, de la distribution de crédit, de la demande de crédit ?
12:35 Vous avez là aussi un graphique qui montre un affaiblissement de la demande de crédit
12:40 des entreprises en Europe auprès de l'industrie bancaire.
12:44 Vous dites qu'on est encore un peu en décalage peut-être par rapport à la situation européenne ?
12:48 Pour moi je pense qu'il n'y a pas de problème de quelle banque est plus solvable.
12:54 Ce n'est pas un problème de solvabilité, vraiment c'est toujours un problème de rentabilité.
12:58 Et donc on a le même problème aux Etats-Unis et en Europe, ce que vous voyez sur le graph
13:04 que j'ai mis aussi.
13:05 En Europe, la demande et l'offre de crédit s'écroulent.
13:10 Pour moi c'est vraiment un problème de coûts de financement, pas un problème de solvabilité
13:15 ou de santé des banques.
13:18 C'est un process naturel et voulu par les banques centrales.
13:23 En fait, les banques centrales, leur boulot en gros c'est de contraindre le crédit, contraindre
13:28 la consommation.
13:29 Ce n'est pas un bug, ça fait partie du plan.
13:31 Exactement.
13:32 Donc la seule question c'est de savoir vraiment quand on va commencer à vraiment avoir l'effet
13:38 réel.
13:39 Et ça je pense que c'est vraiment les courants contraires dont je viens de vous parler.
13:43 Et on va voir la transition, je pense, ce trimestre.
13:47 D'un point de vue tactique, pour les marchés, pour l'investissement, ce serait favorable
13:55 de voir cet effet dans l'économie réelle le plus vite possible ?
13:57 Oui.
13:58 Je pense que… non, ce serait favorable pour nous parce qu'on aime que les choses se
14:06 passent.
14:07 On aime que les marchés reportent la récession aux Etats-Unis.
14:09 Est-ce qu'on peut la reporter encore longtemps ? Est-ce que le marché apprécierait l'idée
14:13 qu'on reporte encore d'un trimestre ou deux la récession aux Etats-Unis ? Ou est-ce
14:16 que le marché veut l'avoir maintenant ?
14:17 Je pense que tactiquement, ce serait très important que la récession arrive plutôt
14:24 en 2024.
14:25 La raison c'est très simple, c'est qu'aujourd'hui si on a une récession, disons Q3, ce qui
14:31 me semble assez probable aujourd'hui, on a toujours de l'inflation à 5%, qui se
14:35 stabilise à 5% aux Etats-Unis, ce qui n'est pas ce que j'attendais l'année dernière.
14:40 J'attendais qu'on rebaisse.
14:41 Après, on va voir le chiffre d'aujourd'hui.
14:44 Mais le problème, c'est qu'avec une inflation à 5%, la Fed se retrouve avec deux mandats,
14:49 d'un côté l'emploi, de l'autre côté l'inflation et l'incapacité de faire
14:55 repartir la croissance.
14:56 Donc, si la récession arrive en 2024, on aura moins d'inflation et naturellement,
15:01 la récession sera plus soft.
15:02 Si elle arrive maintenant, ce sera plus hard.
15:05 Comment vous préparez vos clients à ce scénario ? Qu'est-ce que vous leur recommandez
15:09 aujourd'hui, Juliette ?
15:10 Alors moi, je suis toujours plutôt contre le risque.
15:16 J'ai un short equity sur les US, qui sont de loin l'asset le moins bien pricé.
15:27 Je pense qu'on peut avoir 10-15% de retraite là-dessus.
15:32 Et toujours, j'aime le Yen, l'or et les treasuries aussi, que ce soit aux Etats-Unis
15:41 ou en Europe.
15:42 Pour moi, je pense qu'il faut le loquer à 5%.
15:46 Oui, sur du court !
15:48 Ou 4% sur le plus long, il faut le loquer aussi.
15:52 Merci beaucoup Juliette.
15:53 Merci pour cet éclairage Global Macro.
15:55 Juliette De Clercq, fondatrice de JDI Research, qui était avec nous en plateau pour cette
16:00 émission de la mi-journée de SmartBank.
16:03 Nous poursuivons la discussion sur le terrain des marchés, toujours avec Delphine Arnault,
16:17 qui est avec nous également en plateau, gérante multi-asset et overlay chez Edmond de Rothschild
16:20 Asset Management.
16:21 Bonjour et bienvenue Delphine.
16:22 Merci beaucoup d'être avec nous dans le sillage de la discussion qu'on avait avec
16:26 Juliette.
16:27 C'est vrai qu'on a l'impression que les investisseurs sont un peu entre deux eaux.
16:30 Il y a ces inquiétudes, cette pause de la fête qui reflète effectivement une situation
16:34 sans doute dégradée ou en voie de dégradation devant nous.
16:38 Il y a cette partie-là.
16:39 Et puis, il y a aussi le reste.
16:41 J'aimerais bien qu'on se focalise un peu sur ce que nous disent les entreprises, les
16:45 résultats d'entreprises, notamment au terme ou quasi-terme de la saison de publication
16:50 des résultats du premier trimestre.
16:52 C'est un acquis, ce n'est pas prédictif bien sûr, mais c'est un acquis important.
16:57 Qu'est-ce qu'on peut dire de ce point de vue-là Delphine ?
16:59 Quels ont été les messages importants envoyés par les entreprises ?
17:01 Effectivement, au niveau macroéconomique, on était très pessimiste.
17:08 On l'était aussi au niveau microéconomique.
17:10 Les analystes avaient fortement révisé à la baisse leurs prévisions de résultats
17:14 en amont de cette saison de publication, qui n'a pas été si mauvaise que ça, même
17:21 plutôt bonne.
17:22 Ce qui ressort, c'est qu'aux Etats-Unis, on a passé le pic des marges.
17:28 C'était très attendu et c'était un gros point de pessimisme le pic des marges à peu
17:34 près l'an dernier à l'automne.
17:36 On devrait le passer également en début d'année en Europe.
17:42 Ce, à cause d'un ralentissement des volumes.
17:46 On voit qu'après 2022, une année extrêmement forte en termes de volume et de chiffre d'affaires,
17:55 2023, même que l'inflation est toujours très élevée, on devrait avoir des chiffres d'affaires
18:00 en baisse en Europe.
18:02 C'est ce qui est attendu pour 2023.
18:04 Donc, une année pour rien en chiffre d'affaires.
18:07 Aux Etats-Unis, on attendait des chiffres d'affaires autour de zéro.
18:11 Finalement, ce serait peut-être un peu mieux.
18:14 Donc, surprise un peu plus positive.
18:16 Pour ce qui est des EPS, là encore, une année pour rien.
18:22 Même si on révise à la hausse, si les publications ont été plutôt bonnes, elles ont surpris
18:29 positivement le message, les guidance ont été plutôt bonnes et notamment en Europe,
18:36 ça permet de reprendre les révisions à la hausse pour les trimestres suivants.
18:41 Légèrement, on parle de moins de 1%.
18:44 Pour autant, sur les EPS, ça va être une année 2023 sans croissance d'EPS de part
18:50 et d'autre de l'Atlantique.
18:52 Je comprends, effectivement, même si on pouvait s'attendre à pire.
18:55 Oui, on s'attendait à bien pire et pour autant...
19:00 Il y a eu le choc de revenus.
19:02 Oui, la demande, bien sûr, c'est un point fondamental.
19:07 Moi, ce qui me fascine, c'est la dispersion de la demande finale.
19:09 C'est-à-dire qu'on a des segments où on voit des volumes en très nette baisse,
19:13 des entreprises, des compagnies qui alertent sur des comportements d'achat qui sont en train de changer.
19:19 Et puis, dans un grand nombre d'industries, le voyage, le tourisme, l'hôtellerie,
19:26 même l'immobilier de luxe, je peux citer l'automobile aussi.
19:31 On voit une demande finale pour des produits de plus en plus haut de gamme
19:36 qui ne cessent de grandir d'une certaine manière, Delphine.
19:40 Oui, alors sur les derniers trimestres, effectivement, comme l'a dit Juliette,
19:44 on a eu un rattrapage des salaires qui ont été révisés à la hausse, mais avec un certain lag,
19:50 ce qui a permis de nourrir des marges importantes pour les entreprises en 2022
19:54 et qui explique une partie de la compression des marges légères.
19:57 On est toujours sur des marges très confortables et très appréciées des entreprises.
20:02 Donc, on a ces salaires qui sont en train de faire du rattrapage et peser sur les marges.
20:10 Et par contre, ce qu'on voit, c'est que la demande, et notamment quand on regarde les excès d'épargne,
20:17 et c'est très bien documenté aux Etats-Unis, c'est la Fed de San Francisco qui a sorti un papier dans ce sens,
20:24 toute l'épargne qui avait été constituée avec le Covid, avec la période des stimulus pour faire face au Covid,
20:30 elle n'a toujours pas été résorbée.
20:32 Donc, il resterait environ 500 milliards d'épargne aux Etats-Unis
20:37 qui sont essentiellement dans les mains des populations les plus aisées, le quatrième quartile.
20:44 Et si on regarde, bien sûr, cet excès d'épargne est en train d'être utilisé à l'aune de plus d'inflation
20:55 et puis de la consommation de revanche post-Covid, vous parliez des voitures, des voyages,
21:03 essentiellement par des personnes les plus aisées.
21:07 Et quand on prolonge les courbes à combien vont être grignotées cet excès d'épargne,
21:12 la Fed de San Francisco nous divertira sans vablement jusqu'à la fin du quatrième trimestre de cette année.
21:18 Donc on en a encore sous le pied en termes d'excès d'épargne et de réservoirs de demande,
21:25 essentiellement pour les biens discrétionnaires de luxe.
21:29 Ce qui est fascinant, c'est que dans une industrie comme l'industrie aérienne,
21:33 je lisais, alors c'était rapporté dans le Financial Times ce matin, les derniers chiffres de IATA,
21:37 l'association internationale du secteur, avec un certain nombre de commentaires de patrons d'entreprises aériennes,
21:44 Lufthansa, Air France KLM, Delta Airlines, ils n'en croient pas leurs yeux.
21:49 C'est-à-dire que là où la croissance est la plus forte, là où le trafic est revenu le plus vite sur les niveaux pré-Covid,
21:54 c'est à travers les classes business, les classes first.
21:59 Ils sont en train d'imaginer qu'il y a des changements profonds à l'œuvre dans leur industrie,
22:04 qui étaient quand même toujours plus tirés vers le low cost,
22:08 et ils sont en train de s'apercevoir que non, c'est peut-être en train de tourner, et pour longtemps.
22:12 C'est ça qui est incroyable, c'est que le discours de ces patrons est de dire,
22:16 ce qu'on observe là, c'est peut-être une tendance qui va durer pour plusieurs années.
22:22 Oui, alors pour moi...
22:23 Non mais c'est un secteur, mais je trouve que c'est tellement emblématique.
22:26 Pour moi, on n'a toujours pas épongé les effets du Covid.
22:30 Ce qui s'est passé avec le Covid, c'est qu'à l'aune des réouvertures, et on est encore en train de réouvrir,
22:35 le Japon a réouvert en avril par exemple.
22:38 L'alerte mondiale maximale a été levée ces derniers jours, juste pour l'avoir en tête.
22:43 3 ans, ça a été très très long.
22:45 Et donc résorber les effets du Covid met énormément de temps.
22:49 La tendance des management a été de penser que cette situation qui était exceptionnelle,
22:56 allait se prolonger dans le futur.
22:59 On voit effectivement des discours de management sur le secteur du loisir et du tourisme, très optimistes.
23:10 Si on regarde d'autres secteurs qui ont profité de cet effet Covid,
23:14 par exemple, l'effet Covid a été aussi un report vers le commerce internet.
23:21 On regarde les résultats d'Amazon, ils ont eu des résultats exceptionnels en 2021 post-Covid.
23:31 Ça s'est complètement résorbé et ils sont revenus sur une croissance d'EPS qui est le trend...
23:37 On est revenus à la normalité antérieure.
23:41 Donc, ma vision c'est quand même qu'il y a encore un effet d'épargne,
23:48 il va être résorbé, il est utilisé de cette façon par certaines catégories.
23:52 Je ne prolongerai pas le...
23:54 Oui, bien sûr.
23:55 Il y a des leçons à retirer de ces boîtes qui ont déjà profité de leur moment Covid.
24:00 Exactement.
24:01 Ça c'est le premier point structurant de l'effet Covid,
24:04 qui est quand on regarde toutes les courbes, c'est assez marquant.
24:08 Il y a un vrai pivot entre avant et après Covid.
24:13 Et le deuxième point marquant qu'on n'a toujours pas résorbé post-Covid,
24:16 c'est cette histoire d'inflation.
24:18 Et cette histoire d'inflation, donc on avait de l'inflation de l'énergie,
24:23 de l'inflation des matières premières, ça c'était l'histoire de 2020, 2021, 2022.
24:29 Là, aujourd'hui, les résultats des entreprises énergie, matières premières,
24:33 celles qui sont le plus au début de cycle de production, sont en baisse.
24:39 C'était fortement attendu, donc on parle de chiffres de -20% sur les materials et l'énergie.
24:47 Et en fait, ça a surpris négativement.
24:49 C'est-à-dire que pourtant, on a tous les courbes Bloomberg avec le prix des matières premières et on peut suivre.
24:55 Pourtant, ça a surpris négativement de deux points moins bons que précipités.
25:01 Et au fur et à mesure, c'est cette désinflation qui a commencé avec les matières premières
25:06 qui va se répercuter sur tous les secteurs et les chaînes de production.
25:12 C'est pour ça que je pense qu'il va y avoir une normalisation de ces phénomènes
25:18 de hausse de marge qu'ont pu connaître certaines entreprises.
25:20 Avec un séquençage dans cette phase de normalisation.
25:23 Certaines industries sont déjà "normalisées",
25:27 d'autres sont encore en train de vivre leur "boom covid" et la normalisation est encore devant elles de ce point de vue-là.
25:33 En matière de positionnement de stratégie d'investissement, notamment sur la partie action Delfin,
25:39 comment on gère cette période un peu entre deux eaux ?
25:44 On sait que la destination sera peut-être un peu mouvementée,
25:48 mais en même temps, les résultats sont encore bons.
25:51 On ne l'a pas évoqué, mais il y a quand même des rachats d'actions qui restent massifs aux Etats-Unis,
25:55 sur un train peut-être de 1000 milliards de dollars pour l'année 2023.
25:59 Donc il y a ces logiques fondamentales, de flux également, qui empêchent de sortir complètement de ce marché.
26:06 Oui, les primes de risque sur les actions ne sont pas très élevées.
26:12 Néanmoins, on sait qu'il va y avoir des acteurs qui vont sortir leur épingle du jeu.
26:16 Des acteurs qui, soit parce que ce sont sur des secteurs qui sont moins cycliques
26:21 et qui ont moins besoin d'une demande dynamique, d'une croissance dynamique.
26:25 Donc on va aller chercher des acteurs de qualité, des bonnes structures financières,
26:31 une croissance de la demande qui dépend assez peu du cycle.
26:36 Et soit, également, on va aller diversifier vers d'autres classes d'actifs,
26:43 en attendant que cette récession dont vous avez parlé se fasse,
26:47 et des classes d'actifs pour lesquelles on est rémunérés pour attendre.
26:52 Et les classes d'actifs sur lesquelles on est rémunérés,
26:54 donc il y a les actions de qualité, pour lesquelles on ne pense pas qu'il va y avoir de risques, de défauts.
27:04 En Europe, les actions de qualité tournent vers l'international avec une bonne diversification géographique.
27:13 On a la même chose aux Etats-Unis.
27:15 On sait qu'on va être payé avec du dividende.
27:19 Et puis, forcément, le crédit, le "credit investment grade",
27:24 où là on ne pense pas qu'on va aller vers une récession dure avec une hausse de taux de défaut élevé.
27:32 Puisque ce que nous a enseigné, en fait, cet épisode SVB et consorts,
27:38 c'est quand même que les banques centrales ont été promptes à réagir.
27:42 - Ah bah oui, une défaillance, une résolution, c'est à peu près dans la même journée aujourd'hui.
27:47 - Exactement, c'est allé assez vite.
27:50 Et d'ailleurs, notre sentiment, c'est quand même que la Fed aurait voulu en faire plus.
27:55 Elle va se limiter pour ne pas créer des désordres.
27:59 Donc ça nous rend assez sereins.
28:03 - Ça rassure.
28:03 - Ça rassure.
28:04 Et la BCE voudrait en faire plus.
28:07 Elle dit qu'elle va en faire plus parce que l'inflation est encore toujours un sujet en Europe,
28:12 ce qui est bon pour les chiffres d'affaires d'entreprise,
28:16 mais moins bon pour la politique monétaire en Europe.
28:19 Mais elle pourrait s'arrêter s'il y avait un sujet.
28:23 Donc on va chercher soit des thématiques porteuses qui s'affranchiront du cycle,
28:31 soit des actifs d'attente.
28:34 - Merci beaucoup Delphine.
28:35 Merci pour votre éclairage sur la partie actions, résultats d'entreprise et stratégie d'investissement.
28:40 Delphine Arnault, gérante multi-assets et overlay chez Edmond de Rothschild Asset Management
28:44 qui était avec nous également au plateau pendant cette demi-heure d'émission.
28:47 Voilà pour Smart Bourse.
28:48 On se retrouve à 17h en direct sur Bsmart.
28:50 [Musique]

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