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Mardi 28 mai 2024, SMART BOURSE reçoit Didier Borowski (Responsable Recherche Politiques Macroéconomiques, Amundi Institute) , Evelyn Herrmann (Économiste Europe, Bank of America Global Research) et Léa Dunand-Chatellet (Gérante et directrice de l'investissement responsable, DNCA Investments)

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00:00 (Générique)
00:10 Trois invitées avec nous chaque soir pour décrypter les mouvements de la planète marché.
00:13 Léa Dunant-Shatelet est avec nous, la directrice de l'investissement responsable de DNCA.
00:17 Bonsoir Léa. - Bonsoir.
00:18 Merci d'être là. Merci à Evelyne Herrmann de nous accompagner également.
00:21 Bonsoir Evelyne. - Bonsoir.
00:23 Vous êtes économiste Europe chez Bank of America Global Research
00:26 et Didier Borowski à nos côtés également. Bonsoir Didier.
00:28 Je suis ravi de vous retrouver. Vous êtes responsable de la recherche politique macro chez Amundi Institute.
00:34 En route donc vers le 6 juin, une date hautement symbolique pour l'Europe.
00:39 La semaine prochaine, ce sera la réunion de la Banque Centrale Européenne, Evelyne,
00:44 avec ce qui est un acquis déjà, une première baisse de taux.
00:48 Je crois qu'aucun membre au sein du Conseil des Gouverneurs ne s'opposera à cette baisse de taux du mois de juin.
00:54 C'est une question peut-être qu'on peut encore se poser.
00:57 La question principale étant, que peut-il se passer ensuite ?
01:00 Et comment est-ce que le Conseil des Gouverneurs, par la voix de Christine Lagarde,
01:04 va communiquer autour de cette baisse attendue le 6 juin ?
01:07 Donc la baisse, elle va probablement avoir lieu.
01:11 C'est effectivement très difficile de voir un scénario où elle disparaisse.
01:15 Mais la suite, la discussion a commencé.
01:18 Pour la communication donc la semaine prochaine,
01:22 vu qu'aucun membre du Conseil des Gouverneurs pour l'instant semble être prêt à nous donner une trajectoire,
01:28 et vraiment la data dependence, donc on regarde les données, semble régner à la BCE,
01:35 peut-être une communication très similaire à ce qu'on avait eue au mois de mars est probable.
01:40 Donc du coup, effectivement, on avait le chiffre des négociations salariales la semaine dernière.
01:46 Il était plus élevé qu'attendu.
01:48 On savait qu'il y avait la composante allemande qui va jouer un rôle très fort là-dedans.
01:52 Donc du coup, il faut prendre ça avec un peu de recul.
01:56 Ça ne va pas poser un défi pour la semaine prochaine.
02:01 Mais probablement, c'est exactement le genre de données qui va rendre une baisse supplémentaire au mois de juillet impossible.
02:08 Donc on va se retrouver en septembre.
02:10 On va revisiter.
02:11 On aura probablement le même scénario.
02:13 Et donc du coup, nous, on pense qu'on aura une baisse en septembre à nouveau,
02:17 une baisse en décembre à nouveau.
02:19 Mais on fait face à une BCE qui veut vraiment y aller très doucement.
02:22 On veut éviter le scénario de la Fed où on a promis une baisse de taux et après,
02:26 oh, il y a eu une surprise, on doit faire demi-tour.
02:31 Ça, c'est à éviter.
02:33 Et en plus de ça, on fait face à une BCE qui est structurellement quand même beaucoup plus faucon que la Fed.
02:40 Donc du coup, la barre pour vraiment promettre quelque chose est plus élevée.
02:43 Ceci dit, on pense vraiment que la dynamique d'inflation en zone euro est en train de s'affaiblir.
02:48 On voit ça au rythme mensuel quand on regarde les variations de prix ajustées pour la saison en mensuel.
02:57 Et ça va se poursuivre dans la deuxième moitié de l'année.
02:59 Donc du coup, ça sera de plus en plus difficile pour la BCE de ne pas continuer la baisse des taux.
03:04 C'est intéressant parce que François Villeroy de Gallo, il nous dit l'approche meeting by meeting, data dependency.
03:10 Ça marche dans les deux sens.
03:12 C'est-à-dire qu'il essaie de laisser ouvert quand même le meeting du 18 juillet pour la BCE.
03:20 Il imagine peut-être qu'entre le 6 juin et le 18 juillet, il y aurait des données qui pourraient permettre d'ouvrir le meeting de juillet pour la BCE.
03:32 Ou bien il veut juste nous expliquer que meeting by meeting devrait dire meeting by meeting.
03:37 Si on dit meeting by meeting et après on saute une réponse sur deux, ce n'est pas meeting by meeting.
03:43 Mais du coup, il y a vraiment cette approche de la BCE.
03:46 On peut baisser les taux un tout petit peu maintenant parce qu'on est dans des niveaux très restrictifs.
03:50 Donc les premiers 3, 4 baisses de taux au minimum sont faciles parce qu'on restera dans une politique très restrictive.
04:00 Et c'est ça ce qui va vraiment rendre les baisses de taux cette année au moins très faciles.
04:05 Après l'année prochaine, on pense qu'on va devoir accélérer.
04:08 Donc nous on pense que 2025 veura le taux de dépôt retourner à 2% et 2026 au-delà de ça.
04:14 Mais ça pour l'instant c'est un peu difficile pour les marchés à intégrer aujourd'hui.
04:18 Et en plus la BCE de nous promettre ça aujourd'hui.
04:21 Non, mais ça pose quand même la question du degré de divergence qu'on peut imaginer ou qu'il faut imaginer entre la BCE et la réserve fédérale américaine.
04:28 On comprend qu'au démarrage la BCE a tous les feux verts pour démarrer la première.
04:35 Dans quelle mesure ils vont être obligés à un moment d'être accompagnés par la réserve fédérale américaine dans des baisses de taux
04:41 pour envisager de poursuivre le mouvement au-delà des 2, 3 premières baisses de taux de cette année, Évelyne ?
04:48 Il y a peut-être un phénomène de sentiment et de confiance au sein de la BCE.
04:52 C'est-à-dire on peut s'imaginer une BCE qui commence à se sentir un peu peu confortable vis-à-vis d'une Fed qui ne bouge pas.
04:58 Mais après l'économie zone euro est beaucoup plus faible.
05:01 Imaginons un scénario où la Fed ne baisse pas les taux, ni cette année ni l'année prochaine pour être clair.
05:08 Ce n'est pas notre scénario de base.
05:09 Mais imaginons ça, on aurait probablement un effet de contagion avec des conditions de financement en zone euro qui seront nettement plus serrées que ce dont on a besoin.
05:18 Donc qui obligerait presque la BCE à couper encore plus d'une certaine manière.
05:21 Et l'autre phénomène qui pourrait peut-être créer une certaine hésitation de la part de la BCE, c'est le taux de change.
05:27 Mais le taux de change nominal effectif, il est apprécié.
05:32 L'euro/dollar joue certes un rôle très important, mais il y a tout le reste.
05:35 Et vis-à-vis de tout le reste, l'euro s'est en fait renforcé.
05:39 Et le genre de dépréciation de l'euro vis-à-vis du dollar dont on aurait besoin pour vraiment significativement changer la dynamique d'inflation en zone euro
05:49 est tellement grand que ça semble quand même très peu probable de vraiment freiner.
05:54 Donc il y a ce phénomène de peut-être hésitation, ce qui pourrait impliquer que, encore une fois, qu'on aura des conditions de financement beaucoup plus serrées,
06:04 beaucoup plus longtemps, beaucoup trop serrées, beaucoup plus longtemps en zone euro que nécessaire.
06:08 Et en fin de compte, on aura la divergence.
06:11 On en aura peut-être plus tard, mais on en aura besoin.
06:14 Et potentiellement plus loin, le plus long de la BCE ne fait pas ce que l'économie en pense nécessitera.
06:21 Il y a l'euro face au dollar. C'est une composante importante.
06:25 Les prix de l'énergie sont en dollar notamment.
06:27 Mais il y a l'euro face aux devises partenaires, les principaux partenaires commerciaux également de la zone euro.
06:34 Pour être clair, les équipes américaines de Bank of America voient une première baisse de taux de la Fed en décembre, c'est ça ?
06:39 C'est ça en décembre. C'est un scénario.
06:42 Avec un cycle continu sur 2025 ?
06:44 Avec un cycle continu trimestriel jusqu'en 2026.
06:47 Du coup, on a un taux de terminale plus élevé qu'avant, mais on voit quand même une cycle de baisse de la Fed.
06:52 C'est une conversation perpétuelle entre les marchés, les investisseurs, les économistes.
06:57 Didier, qu'est-ce qu'il y a de nouveau dans cette conversation autour des politiques monétaires à l'approche ?
07:02 Des premières baisses de taux pour la BCE, mais sachant que d'autres banques en Europe ont déjà pris les devants,
07:08 la Suède, la Suisse, dans les pays de l'Est également, la Hongrie déjà plusieurs fois, etc.
07:13 Déjà, un écart de cycle de politique monétaire, ce serait normal si on a un écart de cycle économique.
07:18 Donc là, je partage l'idée que l'état de la conjoncture européenne, ce n'est pas la même qu'aux États-Unis.
07:23 Et par conséquent, ça appelle des baisses de taux d'intérêt.
07:25 Deuxième point, c'est le taux d'intérêt en zone euro. Il est très au-dessus du taux d'équilibre.
07:29 Et donc, je suis assez d'accord avec le fait que les trois, quatre premières baisses de taux sont assez faciles à justifier.
07:34 Et on n'a pas besoin d'être à 2% sur le taux d'inflation pour justifier ces premières baisses de taux.
07:38 Il suffit d'être convaincu, on a déjà une tendance des inflationnistes très marquée
07:42 qui permet déjà de commencer à baisser les taux d'intérêt. Donc ça, c'est un élément.
07:45 Le désaccord, il serait probablement sur la Fed. Je pense que la Fed a plus de moyens,
07:49 parce que le même raisonnement prévaut aux États-Unis du côté de la Réserve fédérale.
07:53 Il y a plus de marge de manœuvre qu'on ne le croit pour la baisse des taux d'intérêt, notamment si, comme on le pense...
07:58 - La politique américaine est restrictive aujourd'hui. - Mais oui, la politique...
08:00 - Non mais je... - Les premières baisses de taux...
08:01 - Visiblement, c'est encore un débat aujourd'hui. - Elles sont assez faciles à justifier,
08:04 les baisses de taux d'intérêt aux États-Unis. Et c'est la même chose.
08:06 C'est après, qu'est-ce qui se passe une fois qu'on a baissé de deux ou trois fois les taux d'intérêt ?
08:09 Mais le taux d'intérêt est très au-dessus du taux neutre.
08:11 Et de notre point de vue, il y a quand même des signaux préannonceurs d'un ralentissement économique au deuxième semestre.
08:16 Alors, pas de récession, mais un ralentissement économique aux États-Unis
08:19 qui pourrait nourrir cette idée d'une baisse de taux d'intérêt avant, et pourquoi pas juillet.
08:23 - Ça reste ouvert en juillet pour beaucoup d'Américains. - Oui, ça reste ouvert en juillet.
08:27 De toute façon, de part et d'autre de l'Atlantique, je crois que le message, c'est qu'il n'y a pas de chemin très déterminé aux taux d'intérêt.
08:32 Donc c'est l'approche meeting par meeting qui prévalait bien avant qu'on aille au phénomène de forward guidance,
08:38 de politique de guidage des anticipations. On n'est plus du tout dans un environnement où on a besoin de forward guidance.
08:42 On a besoin d'une banque centrale qui respecte son mandat et qui regarde comité par comité,
08:46 si ce qu'elle fait, la façon dont elle appréhende la croissance et les prix à un horizon prévisible,
08:51 est en ligne avec sa politique monétaire actuelle et ce qu'elle veut faire.
08:54 Donc c'est normal de laisser la porte ouverte. Je comprends tout à fait l'attitude de Villeroy de Gallo, c'est parfaitement naturel.
09:01 Alors, un mot quand même sur les différents communiqués de politique monétaire.
09:05 Ils vont dans un sens et dans l'autre. Du côté de la zone euro, moi ce que j'observe, c'est que quand on regarde de près ce qu'a dit récemment Philippe Leynes,
09:11 en fait, Philippe Leynes laisse quand même très largement la porte ouverte à des baisses de taux d'intérêt.
09:15 Parce que ce qu'il dit, c'est que si on ne baisse pas les taux d'intérêt, si on ne fait pas les premières baisses de taux d'intérêt,
09:19 alors on devrait peut-être se précipiter à les faire un peu plus tard, en raison d'ailleurs du durcissement des conditions monétaires qui pourraient venir des Etats-Unis.
09:26 Donc il faut quand même commencer à baisser le taux d'intérêt. On est très très au-dessus du taux d'intérêt.
09:31 Et comme il dit, deux, trois baisses de taux, c'est juste enlever une partie de la restriction monétaire.
09:36 Ce n'est pas du tout plonger dans une politique monétaire à commodance, un assouplissement de la politique monétaire.
09:40 - Et alors, à cela, il y a quelque chose que personne ne regarde, à mon sens, dans ce débat.
09:44 Tout le monde est focalisé, évidemment, sur croissance, inflation, ce que la Banque Centrale va faire.
09:47 Mais personne ne met vraiment en lien avec ce qui se passe du côté de la politique budgétaire.
09:50 - Ah bah si, bien sûr, oui.
09:52 - Du côté de la politique budgétaire, je veux dire, l'impulsion budgétaire, elle va plutôt être négative.
09:56 Alors c'est vrai qu'en Europe, on a tout ce qui est distribution des fonds au titre du NGEU,
10:01 qui peut venir compenser pour partie ce qui se passe sur le plan fiscal, le fait qu'on retire les mesures de stimulation.
10:07 Au final, le pain blanc, j'ai envie de dire, qu'on a eu avec l'inflation et la croissance forte du PIB nominal, elle est derrière nous.
10:14 Parce que l'inflation, notamment au cours des deux dernières années, a contribué à faire baisser les ratios de dette sur PIB.
10:19 Alors ça ne se voit pas en France, parce qu'on partait d'un niveau de déficit qui était très élevé.
10:23 Mais qu'est-ce que ça veut dire en creux ? C'est que les gouvernements, dans les deux années qui viennent,
10:27 vont devoir probablement baisser la voilure en termes de dépenses publiques, ou alors augmenter les impôts.
10:31 En tout cas, l'orientation budgétaire...
10:33 - Mais on a un limite en termes d'accommodation budgétaire.
10:36 - Bien sûr, et donc en définitive, les gouvernements vont sans doute être obligés, de si de là en zone euro, de durcir un petit peu leur politique budgétaire.
10:47 - Et ça c'est une incitation à la BCE pour y aller ?
10:49 - Oui, le policy mix, il faut regarder le policy mix et l'impact sur la demande.
10:52 Et donc pour contrecarrer ça, il n'est pas du tout impossible que la BCE se dise "mais nos conditions monétaires sont beaucoup trop restrictives".
10:57 Si l'orientation de la politique budgétaire devient un peu restrictive, alors on peut justifier de commencer et de baisser un peu plus les taux que ce qui est anticipé.
11:04 Donc il y a cet équilibre politique monétaire, politique budgétaire, qui à mon avis est un angle mort de la réflexion sur ce que les banques centrales doivent faire,
11:10 et qui va jouer un rôle fondamental à 18 mois.
11:12 - Juste, je pense qu'il y a quand même quelque chose à signaler là-dedans, c'est-à-dire qu'on revient quand même au sujet de la divergence.
11:20 Parce que ce phénomène qu'on a en zone euro, avec des règles budgétaires qui sont plus restrictives,
11:25 maintenant il n'y a rien qui vient en termes budgétaires ici pour nous aider, aux Etats-Unis, ce n'est pas tout à fait la même chose.
11:31 Donc du coup il y a le débat si par rapport à 2019, les taux neutres d'équilibre en zone euro ne sont pas exactement les mêmes qu'en 2019.
11:37 On serait d'accord avec ça, alors qu'aux Etats-Unis, on a peut-être des taux neutres qui sont plus élevés qu'en 2019.
11:42 Ce qui signalerait quand même que même si les banques centrales peuvent envisager les premières baisses de taux, après il y aura une divergence.
11:48 - Entre le taux terminal, le taux d'arrivée de la Fed et le taux d'arrivée de la Banque Centrale Européenne,
11:52 c'est là où la divergence naturelle sera peut-être un peu plus grande que ce qu'on imaginait précédemment, d'une certaine manière.
12:00 Bon, sachant qu'en plus sur la politique fiscale budgétaire aux Etats-Unis, il y a une petite échéance le 5 novembre
12:06 qui peut aussi modifier peut-être la perception, les dynamiques, etc.
12:10 Même si le déficit américain reste quand même substantiellement élevé aujourd'hui.
12:15 Qu'est-ce que ça change cette discussion pour une gérante action comme vous, Léa ?
12:19 Notamment sur des actifs européens ?
12:21 - Bien sûr, il y a plusieurs choses.
12:23 Bon, évidemment on partage une partie de ce qui a été dit sur les hausses de taux, enfin les baisses de taux, pardon.
12:28 - Les hausses, parce qu'on est tellement habitués à ce terme.
12:30 Pour l'Europe, avec effectivement juin qui est assez acté, juillet un peu moins,
12:34 en revanche on est beaucoup plus pessimiste sur la partie américaine.
12:38 Ça c'est vraiment pour, j'allais dire, l'état des lieux.
12:40 En revanche sur l'aspect budgétaire, et pourquoi en fait ce pessimisme en particulier quand on regarde les marchés actions et les entreprises,
12:46 c'est en partie lié à l'inflation dont on pense qu'elle ne va pas être si contenue que ça, et sur des domaines très spécifiques.
12:53 C'est lié en partie aux politiques budgétaires.
12:55 Alors c'est vrai que là on l'entend partout, on l'entend notamment en Angleterre,
12:58 les politiques budgétaires vont être forcément plus contenues,
13:01 on ne pourra pas dépenser comme on a dépensé, mais il y a quand même des thèmes sur lesquels on va devoir dépenser.
13:06 - Donc en relatif il y a des endroits où les prix n'ont pas fini peut-être de monter.
13:10 - Exactement, et je pense à deux thèmes en particulier qui sont assez lourds en fait.
13:13 Quand on les regarde, il y a la transition énergétique qui est un peu mandata,
13:15 mais il y a la défense aussi qui vient d'arriver aussi,
13:17 de manière assez claire dans les politiques, même européennes, de manière globale.
13:21 Et donc on sait qu'on a des points d'inflation très précis qui vont au niveau microéconomique
13:26 continuer à appuyer sur les entreprises.
13:29 Quand je pense à la transition énergétique, je pense aussi au déficit de main d'oeuvre
13:33 de manière globale dans beaucoup de secteurs qui continuent d'appuyer sur l'inflation salariale de manière très forte.
13:38 Et donc de ce point de vue là, en Europe, on ne regarde pas justement l'atterrissage de manière aussi claire sur l'année 2025,
13:45 de sorte à ce qu'on puisse laisser un petit peu de temps d'observation à ces points d'inflation qui peuvent ressurgir de temps à autre.
13:52 On a toujours le nez dans le guidon, on a des chiffres qui tombent quasiment tous les deux, trois jours
13:56 et qui font encore infléchir les marchés dans un sens ou dans l'autre de manière assez erratique.
13:59 Donc on voit bien quand même que le mood, si je puis dire ça, le comportement des investisseurs,
14:03 il est quand même relativement prudent.
14:05 Aux Etats-Unis, je pense que c'est encore pire, on avait déjà eu cette discussion.
14:08 Déjà on est en période électorale, donc en général des changements de politique monétaire en période électorale, c'est assez rare.
14:14 Donc là je pense que l'attentisme va être clair.
14:17 Et là aussi, finalement il va y avoir une élection qui va re-balayer un petit peu les cartes,
14:22 notamment des politiques budgétaires aussi et des angles qui vont être donnés dans certains secteurs,
14:26 à voir quels seront les impacts potentiellement.
14:28 Et effectivement, l'économie américaine se porte extrêmement bien.
14:32 Pas si sûre que finalement la Fed ait besoin d'agir très très rapidement sur ces taux dès le début de l'année prochaine.
14:37 Mais votre point sur l'idée qu'il va y avoir quand même des phénomènes et des segments de marché
14:43 où la tension sur les prix, la tension sur la main d'œuvre va rester encore importante,
14:47 ça veut dire, traduction en termes de compte de résultats pour les entreprises de ces secteurs-là,
14:52 ça veut dire que les effets sur les marges, les pincements de marge sont peut-être forts et à venir encore dans certains domaines ?
14:59 Absolument, et d'ailleurs en témoigne un petit peu finalement les grands chiffres macro sur l'inflation
15:04 sont énormément alimentés par l'énergie et tous ces éléments-là, les transports, la logistique, ont bien atterri, c'est évident.
15:11 En revanche, quand on regarde le compte de résultats d'une entreprise, c'est pas tant ces sujets qui posent problème.
15:16 Aujourd'hui, c'est effectivement les salaires, vous disiez sur l'Allemagne en partie,
15:20 mais finalement on l'a vu aux Etats-Unis, on le voit à peu près partout, la raréfaction de certaines ressources.
15:24 Et on va continuer d'aller dans un monde où finalement on aura une raréfaction de plus en plus forte
15:29 d'un certain nombre de ressources absolument indispensables à toutes les entreprises qui vivent une transition aujourd'hui.
15:35 Donc on sait que ces marges-là, elles ne vont pas être tenables dans la durée et donc ça entraîne la profitabilité.
15:40 Et là, si je devais aller plus loin, on vient sur les niveaux de valorisation des marchés actuels.
15:44 Sorti des résultats du Q1, moi ça m'intéresse de savoir, parce qu'on a des petites révisions à la hausse quand même
15:50 sur le monétum bénéficiaire en Europe aujourd'hui par exemple.
15:53 C'est contre toute attente, c'est une des premières fois...
15:56 L'Europe redécolle !
15:57 C'est assez rare, après des niveaux de marché que l'on a aujourd'hui, il y a un parcours qui est quand même assez impressionnant
16:04 depuis plus de six mois, de voir à nouveau des révisions bénéficiaires à la hausse.
16:08 Habituellement c'est plutôt l'effet inverse qu'on aurait connu.
16:11 Ça, ça surprend et je pense que là il y a un consensus qui s'établit pour dire qu'on a un peu tout dans les prix.
16:15 On ne voit pas trop quel pourrait être l'élément qui permette au marché de continuer à moins d'une baisse des taux qui auraient été significatives.
16:24 Je pense que celle qu'on va avoir en Europe ne l'est pas suffisamment pour faire infléchir les marchés.
16:28 Mais à part ça, nous on est plutôt dans une tendance à la pause sur l'exposition actuelle.
16:33 Oui, ce ne sera pas 50 points de base de baisse de taux la semaine prochaine.
16:36 Non, je pense que ça ne modifiera pas la donne.
16:38 Effectivement.
16:39 Qu'est-ce que ça change du point de vue des économistes, Evelyne ?
16:42 L'idée de quelques baisses de taux en Europe sur le plan macro, sur le plan de la dynamique conjoncturelle,
16:47 au moment où on voit un petit lift-off quand même de l'économie européenne, y compris de l'économie allemande,
16:53 ça met un peu d'huile dans les rouages ?
16:55 Ça change le profil conjoncturel de l'année peut-être en zone euro ?
16:59 Ça peut dégripper des marchés clés lourds comme l'immobilier par exemple ?
17:03 Oui, l'immobilier on le voit déjà dans tout ce qui est distribution de crédit.
17:10 Ça marche plutôt bien côté immobilier, mais ça ne marche pas du tout bien côté entreprise,
17:14 dans le "credit impulse", dans les nouveaux flux de crédit à l'économie,
17:20 et ça, ça reste assez inquiétant.
17:22 Du coup, oui, certes, on a eu un premier trimestre de cette année qui était plus favorable qu'on pensait.
17:28 Il y a certains facteurs qui sont probablement très transitoires.
17:31 On avait un dernier trimestre qui était beaucoup pire qu'attendu.
17:35 Il y avait peut-être un petit phénomène quand même de la géopolitique
17:38 qui a perturbé les chaînes d'approvisionnement.
17:41 Du coup, il y avait peut-être un petit rebond au premier trimestre
17:44 qui a artificiellement élevé la croissance.
17:49 Donc, nous, on a le meilleur acquis.
17:51 Mais pour le contexte de la politique monétaire et de l'inflation, encore une fois,
17:55 on a vu dans la période avant la crise sanitaire qu'on peut avoir beaucoup de croissance même,
18:00 et pas d'inflation, enfin, pas d'inflation incible.
18:04 Donc, ce n'est pas 0,2 % de croissance sur un trimestre qui doit changer la politique monétaire devant nous pour la baisser ?
18:12 Non, surtout parce qu'on s'attendait en Europe quand même depuis 2-3 ans
18:16 à ce qu'à un moment donné, ce choc énergétique va arrêter peser tellement de lourd sur les taux d'inflation.
18:23 Donc, du coup, au moment que l'inflation baisse, les salaires nominaux augmentent,
18:27 on a plus de pouvoir d'achat, l'économie ira un tout petit peu mieux.
18:31 Mais il y a un certain phénomène de retour naturel à la croissance potentielle.
18:36 Donc, du coup, on vit ce naturel.
18:39 Ça nous laisse quand même avec un écart de production dans l'économie au total assez conséquent.
18:45 Et on voit ça, par exemple, dans les heures travaillées par tête.
18:48 Ah oui, bien sûr.
18:50 On peut dire que peut-être il y a un phénomène structurel qu'on a choisi.
18:53 Mais j'ai beaucoup de mal avec cette hypothèse-là, sachant qu'on a quand même un choc de pouvoir d'achat substantiel.
18:58 Pour la moyenne, dans l'économie, c'est très lourd.
19:02 Donc, du coup, on a potentiellement un phénomène de "labour holding".
19:05 Et un des preuves pour laquelle nous, on dirait quand même qu'on a une croissance qui va se normaliser vers le normal,
19:12 mais on pourra quand même avoir une procédure de désinflation...
19:15 D'inflation qui continue, oui.
19:16 ... très prononcée, y compris sur les salaires.
19:18 C'est le phénomène qu'on voit, cette désinflation sur les salaires,
19:21 à un moment où les salaires réels restent bien en dessous de leur niveau de 2021.
19:28 Donc, pourquoi ?
19:29 Pourquoi on ralentit en croissance salariale si on n'a même pas encore récupéré ce qu'on a avant ?
19:34 Ça veut dire que...
19:35 Le rattrapage des salaires par rapport à l'inflation ne fait que commencer.
19:39 Il y a toute la partie...
19:40 Et pourtant, il ralentit déjà.
19:42 Oui, oui, et il ralentit déjà.
19:44 Et donc, du coup, tout ça, ça veut dire qu'il y a un truc qui manque en zone euro.
19:47 Il y a de la dynamique qui manque.
19:49 Donc, on a un écart négatif.
19:51 Et ça fait une grande différence par rapport aux États-Unis.
19:53 Et deux, trois baisses de taux, ça change quelque chose, là ?
19:56 Ça nous approche un peu plus du taux neutre, mais ça nous laisse d'où l'idée que, en zone euro,
20:01 on va vers un "inflation undershoot", donc un taux d'inflation qui retourne en dessous de 2%.
20:08 Ça, c'est un risque pour 2025, mais ce n'est pas la première fois que vous le dites, Evelyne.
20:12 Ça fait un moment que vous le dites, ce risque d'"undershooting" sur l'inflation en zone euro.
20:15 Et dans les prévisions trimestrielles de l'ABCE, il y a des "prints", "headline" ou "core" à 1,9, 1,8 pour 2025.
20:23 Donc, attention, parce qu'en dessous, on dévie quand même un certain stade de la cible.
20:28 Bon, un premier élément, pour les salaires réels, ça va être la productivité qui va compter.
20:32 La productivité, elle est en berne depuis déjà plusieurs années en zone euro.
20:35 Alors, il y a un phénomène de "hoarding", probablement du côté de l'emploi,
20:38 qui fait qu'on peut s'attendre, quand même, légitimement à une petite reprise mécanique...
20:42 Hoarding, c'est en conserve.
20:43 En conservation, c'est de la main d'oeuvre, parce qu'il y a des difficultés de recrutement
20:46 qui font qu'on a probablement eu des pertes de productivité liées à ça dans la phase de croissance nulle.
20:50 Alors, ceci dit, ça voudrait dire aussi que dans la phase de recroissance positive,
20:53 ça ne générera pas forcément de l'emploi, mais ça pourrait générer, au contraire, des gains de productivité qui nourrirait la désinflation.
20:58 Ah, les emplois sont quand même...
20:59 Ça, c'est un premier élément.
21:00 Mais si on avait ces gains de productivité, ça s'accompagnerait peut-être, a contrario, peut-être de nouvelles demandes sur les salaires.
21:07 Donc, je serais un peu plus prudent sur cette pression des inflationnistes.
21:10 Le deuxième élément, du côté de la désinflation, je crois qu'on ne sait pas ce que c'est que ce nouveau régime d'inflation.
21:15 Ce nouveau régime d'inflation, en termes de niveau, personne ne sait à quel niveau.
21:18 En revanche, ce que nous dit la transition énergétique, les dépenses de défense, etc., c'est qu'on va avoir des chocs sectoriels,
21:23 qu'on va probablement avoir des régimes plus volatiles en termes d'inflation, c'est-à-dire plus volatiles potentiellement même en termes de croissance,
21:29 et des chocs de prix relatifs.
21:30 Qu'est-ce que ça donnera au final sur un indice agrégé des prix ?
21:33 Nul ne le sait, mais des chocs de prix relatifs, potentiellement assez violents, ça, c'est peut-être...
21:37 Ça, ça va venir brouiller les cartes du côté des banques centrales et complexifier la donne, et légitimer une approche à postériori, meeting par meeting.
21:44 Mais je pense que le premier effet, si on raisonne à 18 mois, ça va être quand même les gains de productivité.
21:48 Qu'est-ce qu'ils font ? Qu'est-ce qu'ils font sur les salaires ? Qu'est-ce qu'ils font sur l'inflation ?
21:51 Et deux, les banques centrales vont être prudentes quand elles vont baisser leur taux d'intérêt,
21:54 parce qu'elles ne savent pas de quoi est fait le régime structurel, j'ai envie de dire, des années qui viennent,
21:59 de transition énergétique, de supplément de demande dans certains segments de...
22:02 - Est-ce qu'on peut... Quel... J'allais dire... Qu'est-ce qui pourrait accélérer le rythme des baisses de taux, par exemple, du côté américain ?
22:10 Est-ce qu'une dégradation marquée du marché du travail ? Est-ce que des destructions d'emplois mensuels, qu'on n'a pas vu depuis, je ne sais pas, des années maintenant,
22:19 depuis l'époque Covid, est-ce que ça, ça peut enclencher une fonction de réaction un peu différente du côté d'une banque centrale ?
22:25 - Nous, on continue de croire que 3 ou 4 baisses de taux cette année de la réserve fédérale, c'est tout à fait possible.
22:28 - D'accord. - Donc déjà, tout simplement, parce qu'on a un scénario d'affaiblissement quand même de l'amende domestique à l'horizon des 6-9 prochains mois,
22:34 on ne croit pas qu'on va rester sur ces niveaux de croissance élevés. Bon, ça, c'est une hypothèse.
22:38 Et on est très au-dessus du taux d'équilibre, même si le taux neutre a monté, on est très au-dessus du taux d'équilibre.
22:42 Et on ne peut pas dire grand-chose de la politique budgétaire, mais vu la dérive budgétaire et vu le soutien de la politique budgétaire sur la période passée,
22:47 on aura probablement toutes choses égales par ailleurs, une politique budgétaire qui appellera une accommodation monétaire, si on raisonne à l'horizon fin 2025.
22:54 Et donc, fondamentalement, nous, notre sentiment, c'est qu'il y a quand même des marges de manœuvre, dès cette année, pour baisser les taux plus substantiellement
23:00 que ce qui est aujourd'hui anticipé dans les marges. Donc c'est ça le... Et en revanche, pour le cycle d'inflation future et où la Banque Centrale Européenne
23:07 mettra ses taux, la grande question, et aujourd'hui on ne peut pas vraiment le dire, c'est qu'où il y a des gains de productivité dans ce nouveau cycle à l'horizon fin 2025 ?
23:14 - Il y a quand même un petit rattrapage conjoncturel qu'on peut imaginer. - Oui, oui.
23:17 - En Europe, la BCE a toujours surestimé dans ses projections les gains de productivité. - C'est ça.
23:22 - On verra la prochaine mise à jour en juin, mais il y a un moment quand même où on va avoir un petit rattrapage, j'imagine.
23:26 - Oui, oui, on devra avoir un petit rattrapage avec un point d'interrogation, parce qu'on est moins sûr sur la dynamique salariale.
23:31 On a des coûts salariaux unitaires qui ont atteint récemment quand même les plus hauts historiques, parce qu'on n'avait justement pas de productivité
23:35 et des salaires nominaux très élevés. C'est vrai qu'il y a des indications qui manquent indépendamment des salaires négociés, en sous-jacent,
23:40 qui a une tendance au ralentissement des salaires. Si on avait un petit regain de productivité, je ne suis pas certain qu'on poursuivrait en désinflation salariale.
23:47 - Oui, on verra le rapport de force salaire aux entreprises de ce point de vue-là. Léa ?
23:52 - Je vais rebondir sur les gains de productivité. C'est un point extrêmement intéressant, parce que je pense qu'il y a une composante qu'on oublie,
23:57 c'est le choc technologique sur lequel finalement la zone euro n'a jamais réussi à aller.
24:01 C'est-à-dire que les gains de productivité, on ne les a pas aujourd'hui, parce qu'on n'a pas fait le virage qu'ont fait notamment les Etats-Unis,
24:07 et sur lequel, là aussi, on va être dans une logique de dépense.
24:10 - Oui, enfin, chaque GPT, ça date de 2022. - Ah non, mais je parle pas de ça.
24:14 - D'accord, c'est la part des investissements dédiée à la technologie, à l'IT, etc.
24:21 - Un écart d'investissement que l'on rencontre les gens.
24:23 - D'où le point budgétaire à nouveau, c'est-à-dire qu'à un moment, il va y avoir des dépenses obligatoires,
24:27 parce qu'aujourd'hui, la compétitivité, elle passe aussi par la technologie, et pas que l'intelligence artificielle, ou les toutes dernières, on va dire,
24:34 et ça date d'il y a plusieurs années, beaucoup d'études le montrent. C'est ça la grosse différence pour l'Europe.
24:38 - Tiens, à propos de technologie, là, si on reparle un peu du marché, du marché action notamment,
24:43 dans une phase un peu latérale, comme disent les techniciens, c'est vrai qu'il y a eu ce grand mouvement depuis novembre,
24:49 ça se calme un petit peu, il y a un peu plus d'hésitation sur des niveaux de marché peut-être un peu topiche.
24:54 Un point qui vous intéresse sur le marché américain, c'est quand même le rebond de tout ce qui tourne autour du renouvelable, Léa.
25:01 - Oui, alors ça, c'est pas une surprise. On savait qu'effectivement, la baisse des taux, elle était atteinte de rigueur.
25:06 On l'a pas, donc c'est pas la raison en tout cas de ce rebond, qui date d'il y a trois mois à peu près aux Etats-Unis,
25:11 mais qui s'est accéléré là depuis un mois. Je donne quelques chiffres, parce que je pense que c'est important.
25:15 Je pense qu'à part les techno, justement, il y a peu de valeurs qui font des rebonds de ce type-là.
25:19 Je vais commencer par une société comme First Solar, qui est une société américaine qui est spécialisée dans les panneaux solaires.
25:24 Plus 50% sur le dernier mois, plus 90% sur les trois derniers mois, c'est colossal.
25:31 Si on prend une société comme Nextera, qui est plutôt une société équivalente à un EDF, c'est-à-dire un producteur d'énergie,
25:37 transmission d'énergie, essentiellement à base renouvelable, on est sur du +50 et +30 sur le dernier mois.
25:45 - Des boîtes qui avaient été détruites par la hausse des taux.
25:47 - Totalement détruites par la hausse des taux. Si vous prenez un EDPR, c'est le producteur d'énergie renouvelable au Portugal,
25:54 qui a une grosse partie de ses actifs aux Etats-Unis, on est également sur une hausse très significative
26:00 avec une accélération ce dernier mois. En Europe, Voltaria, Solaria, les Pureplayers, ça fait à peine une dizaine de pourcents sur le dernier mois.
26:07 C'est en retard, paradoxalement, alors que la fameuse baisse des taux arrive.
26:10 La question qui est sous-jacente, c'est pourquoi ce rebond ?
26:13 Je pense que d'abord, les investisseurs anglo-saxons sur le marché ont ce réflexe du buffer de valo.
26:18 C'est la première chose. Il y a un moment où il y a des actifs, c'est des sociétés qui sont rentables,
26:22 c'est des sociétés qui ont des bilans sains.
26:25 Donc les valorisations, ça ne compte pas jusqu'au moment où ça veut dire quelque chose ?
26:30 On arrive même à un niveau où on se pose la question de là, si on n'y va pas, soit c'est complètement mort, pour reprendre les termes,
26:34 soit c'est que quelque part, on a raté un tournant.
26:37 Je pense qu'il y a eu ce premier phénomène, ça, ça date d'il y a 2-3 mois.
26:40 Et puis surtout, l'intelligence artificielle et l'accélération de l'intelligence artificielle a fait émerger des besoins en énergie qui sont colossaux.
26:48 Juste pour donner un ordre de grandeur, on a l'équivalent de la consommation d'un pays comme la Suède,
26:53 qui est prévu pour à peu près 2026, à peu près 1000 TWh, c'est colossal.
26:57 Et donc un serveur d'intelligence artificielle aujourd'hui, toujours en Suède, parce que l'étude a été faite comme ça,
27:02 c'est l'équivalent de la consommation annuelle de 16 foyers.
27:05 Donc quand on sait la croissance qui est attendue sur ce domaine, clairement le sujet de l'énergie va en être un.
27:12 Comme ces personnes-là sont quand même assez au fait du sujet de la transition écologique,
27:17 et qu'elles sont en fait ces sociétés en pleine construction de leur capacité,
27:20 et bien c'est assez facile aujourd'hui de mettre des usines, de poser des panneaux solaires au-dessus.
27:26 C'est Greenfield quoi ! On part de rien, donc on peut tout faire !
27:28 Exactement. Et donc, comme elles accélèrent cette croissance très rapidement,
27:31 et bien en fait elles vont devenir les premiers clients de nos sociétés d'énergie renouvelable.
27:37 Et ça c'est presque inattendu, et donc un peu à l'image de Apple et des semi-conducteurs derrière,
27:43 on regarde les résultats d'Apple pour savoir si finalement dans la chaîne de valeur en amont ça va suivre.
27:48 Vous avez ici un catalyste, intelligence artificielle, au sein des énergies renouvelables,
27:52 qui vient d'émerger sur le marché et qui crée ces rebonds très très rapides.
27:56 Et donc le solaire va être un baromètre justement des dépenses d'investissement
28:00 qui sont liées aux serveurs dédiés à la puissance de calcul et à l'intelligence artificielle.
28:05 Absolument. Et alors il y a un double effet, parce qu'il y a ce premier effet-là,
28:08 et ça a été clairement annoncé comme tel, et ce sera le solaire, ce ne sera pas l'éolien,
28:11 donc ça c'est une première chose. Et le deuxième aspect c'est que l'intelligence artificielle
28:14 rentre justement dans les panneaux solaires d'une autre manière, c'est-à-dire pour faciliter
28:18 l'installation des clients, pour faire de la maintenance prédictive, pour aider à tout un tas
28:23 de sujets de suivi en fait, des consommations etc. Et donc là aussi il va faciliter et réduire
28:28 les coûts en fait d'usage et d'installation des panneaux solaires.
28:31 Double effet qui se coule grâce à l'intelligence artificielle.
28:34 Avec des panneaux solaires chinois ?
28:37 Très probablement en partie, avec des composants.
28:39 Et exploités par des entreprises américaines, européennes ou autres.
28:42 Mais c'est très beaucoup un pas de l'IRA qui a été écrit justement dans le sens d'un protectionnisme,
28:47 en tout cas aux Etats-Unis, une grande partie des composants et de l'assemblage va se faire aux Etats-Unis.
28:53 Et il est clair que quand on décompose un panneau solaire, il y a quand même une partie de ces composants
28:56 qui ne sont pas sur le sol américain. Mais soyons clairs là-dessus, ils ont une indépendance,
29:01 y compris vis-à-vis des métaux, qui est bien meilleur que l'Europe, sur certains métaux stratégiques.
29:06 Bon, je ne sais pas, le côté politique macro,
29:11 dans "Politique macro" il y a aussi "Politique", Didier,
29:14 il y a l'échéance politique du 9 juin en Europe.
29:17 Est-ce qu'il y a des raisons d'imaginer que ces élections,
29:21 et ce qui en découlera, soit un "market mover", soit en tout cas quelque chose de suivi par les marchés,
29:26 par les investisseurs, et puis celle encore un peu plus lointaine du 5 novembre côté américain.
29:32 Alors l'élection européenne est une élection fondamentale pour l'Europe.
29:35 La prochaine commission européenne, on ne la suit pas avant le mois de novembre,
29:38 donc il n'y aura pas de décision évidemment par définition immédiate,
29:41 mais en amont, évidemment, sa structure peut faire craindre un peu d'inertie dans la prise de décision.
29:48 Alors ceci dit, moi de façon un peu contrariante, je tiens à dire que certains partis d'obédience très différente
29:53 peuvent avoir des intérêts communs, je pense notamment au financement de la défense.
29:56 On sait qu'il avait émergé cette idée d'émettre de la dette commune,
29:59 on sait que les conservateurs au Parlement européen sont très opposés à la dette commune,
30:03 c'est défendu par la France, par certains pays, et en règle générale, en Europe,
30:07 à l'échelle de l'Europe, les conservateurs sont très opposés.
30:09 Ceci dit, on peut très bien imaginer que des partis très différents se disent finalement,
30:13 pourquoi pas financer un bien commun qui est la sécurité et la défense par de la dette commune.
30:18 Alors on n'y est pas, mais ce que je veux dire c'est qu'il ne faudrait pas conclure immédiatement
30:22 de la très grande fragmentation probable du Parlement à l'issue de ces élections,
30:25 que tout est bloqué, je pense qu'il peut y avoir des lignes de convergence.
30:28 - Mais c'est une nouvelle culture du compromis qui va devoir se trouver, d'une certaine manière.
30:32 - Ça c'est le grand point d'interrogation, c'est dans quelle mesure on peut trouver des compromis politiques
30:36 dans ce type de configuration. Mais par contre, ce qui est clair,
30:38 c'est qu'on ne pourra pas en Europe tout financer par la dette publique à l'échelle nationale.
30:43 Donc c'est la thématique évidemment de l'union des marchés des capitaux,
30:46 donc il y a le rapport noyé, il y a des pistes qui sont très clairement investiguées
30:49 pour éventuellement faire renaître le marché de la titrisation,
30:52 pour aller capter l'épargne très abondante des ménages qui peuvent,
30:57 si elles venaient financer des projets d'investissement en Europe,
30:59 on serait beaucoup plus fort en termes de politique d'investissement,
31:03 on aurait des investissements beaucoup plus importants.
31:05 Et puis, il y a, tôt ou tard, moi de mon point de vue,
31:08 cette thématique de la dette commune qui va ressurgir,
31:10 parce qu'avec le "nein, general, schen, ni, ju", il n'y a plus vraiment des missions de dette commune.
31:14 - Donc ce n'est pas le moment d'arrêter d'y croire, parce que je commence à être suffisamment vieux
31:17 pour avoir déjà entendu ce genre de projet, le rapport des cinq précédents, etc.
31:22 Enfin, tout est écrit, stocké dans des armoires, on le...
31:25 - Non mais je veux dire, le moment politique qui permet ça, il est encore possible devant nous.
31:30 - Non mais on le sait, l'Europe, sur le plan institutionnel, c'est une tortue.
31:33 Comme les tortues, il faut être patient, mais toutes les tortues avancent quand on les regarde.
31:36 Donc simplement, la torture européenne...
31:37 - Draghi nous disait "c'est un bourdon".
31:39 - Voilà, chacun ses images.
31:41 Mais les tortues avancent, et donc je pense que la torture européenne, notamment sur les réformes,
31:45 il y a des consensus qui sont en train de se construire, sur le plan politique en Europe,
31:49 sur l'idée d'approfondir très rapidement l'union des marchés et des capitaux.
31:52 Alors, il y a encore beaucoup de travail à faire,
31:54 mais je pense qu'il y a un consensus sur l'idée qu'il va falloir aller capter l'épargne où elle est.
31:59 Et il y a beaucoup d'épargnes en Europe,
32:01 et on n'arrivera pas à tout financer par les finances publiques nationales.
32:04 Et si les États arrivent à respecter leurs nouvelles règles budgétaires
32:08 qui sont plus adaptées aux situations des uns et des autres,
32:11 on ne peut pas exclure que dans les années qui viennent,
32:13 on revienne avec cette idée, justement pour construire la défense européenne,
32:16 d'émettre de la dette commune. On n'y est pas.
32:18 - Capter l'épargne, ça veut dire quoi ?
32:19 - C'est-à-dire créer les conditions qui permettraient à des épargnants
32:22 de choisir des options allant dans le sens...
32:26 Parce que capter l'épargne, ça peut m'effrayer, quoi.
32:30 - La problématique, c'est l'épargne qui investit sur des titres de dette,
32:32 et notamment des titres de dette à l'étranger.
32:34 Donc, question, est-ce qu'on peut avoir des titres de dette en interne
32:37 qui soient plus attractifs et qui puissent...
32:40 Et puis, surtout, financés par l'équité.
32:42 - Ah ben, en fonds propres.
32:43 - Parce que fondamentalement, c'est en fonds propres.
32:44 Et on se fait financer en fonds propres par les étrangers et les Européens.
32:47 Donc, on marche sur la tête.
32:48 Et les Européens utilisent leur épargne très abondante
32:50 pour acheter des titres de dette à l'étranger,
32:51 et où ils sont moins bien rémunérés, au final,
32:53 qu'on rémunère les investisseurs étrangers pour financer les fonds propres en Europe.
32:56 On marche sur la tête.
32:57 On a beaucoup d'épargne en Europe, il y a des opportunités,
32:59 mais il faut absolument, et c'est ça la priorité des priorités,
33:02 développer l'union des marchés des capitaux.
33:04 On ne s'en sortira pas uniquement en regardant du côté de l'argent public.
33:08 L'argent public, il faudra le mobiliser, il est utile.
33:10 C'est pour ça que les règles budgétaires ont été revues
33:12 pour essayer de préserver les dépenses d'investissement.
33:15 Mais quand on regarde l'ampleur des besoins,
33:18 il va falloir aller beaucoup plus loin.
33:19 Moi, ce que je dis, c'est qu'il faut trois jambes.
33:21 Il faut la jambe finance publique à l'échelle nationale.
33:24 Il faut la jambe épargne privée,
33:26 et je pense épargne privée, pas seulement celle des ménages.
33:29 Il faut aussi que des grands investisseurs institutionnels puissent investir dans des titres.
33:32 Et troisième jambe, probablement,
33:35 aller vers un financement européen de certains types de biens communs.
33:38 Et là, on aurait une Europe beaucoup plus équilibrée.
33:41 Mais la route est longue.
33:43 Et la structure du Parlement européen, dans un premier temps,
33:46 va sans doute inquiéter parce que ça va être extraordinairement fragmenté.
33:49 - Qu'est-ce qui vous intéresse dans ces idées européennes, Évelyne ?
33:52 Sur le plan de ce que ça peut apporter, évidemment, à l'économie européenne.
33:55 Et est-ce que le moment politique, qui va s'étendre,
33:58 puisque, dit Désiré Rappelel, la nouvelle commission,
34:00 ce sera dans plusieurs mois,
34:02 est-ce qu'il y a quand même les germes,
34:04 le terrain possible, ou le terreau possible,
34:07 pour avancer sur des sujets structurels ?
34:10 Est-ce qu'il y a un moment devant nous, de ce point de vue-là,
34:13 notamment autour de l'épargne ?
34:14 Moi, je veux bien savoir, cette épargne qu'on stocke en Allemagne, en France, etc.
34:17 Comment est-ce qu'on peut l'employer peut-être un peu mieux ?
34:20 - Espoir fait vivre, je crois que c'est le cas.
34:23 - Mais ne fait pas une stratégie, c'est toujours ce qu'on m'a appris.
34:25 - Ça ne peut pas être le scénario de base.
34:28 On sait, en Europe, qu'on a une insuffisance de demande.
34:32 On sait qu'il nous faut un stimulus budgétaire,
34:36 mais pas budgétaire pour la consommation, mais pour l'investissement.
34:40 Si on veut attirer l'investissement privé,
34:43 si on veut attirer les entreprises,
34:45 il faut avoir l'infrastructure qui, chez nous, est largement publique.
34:49 Donc, il faut mettre de l'argent à table.
34:51 Là, on n'y est pas.
34:52 Les règles budgétaires, telles qu'elles ont été réécrites avant Noël,
34:56 sont à terme plus restrictives que ce qu'on avait...
34:59 - Que les précédentes ?
35:00 - Oui.
35:01 Ils nécessitent, pour les pays avec un déficit large et une dette assez importante,
35:07 potentiellement un ajustement 3-4 fois plus important que les anciennes règles à terme.
35:12 Donc, du coup, avec cet historique, j'ai beaucoup de mal à dire
35:15 qu'on est en route vers quelque chose de mieux.
35:17 Parce qu'il y a à peine 6 mois, on a décidé tout le contraire.
35:20 Il y a ce scénario d'espoir.
35:23 Comme d'habitude en Europe, on est peut-être la tortue,
35:27 mais la tortue qui, d'habitude, a besoin d'avoir le dos contre le mur pour avancer.
35:33 Donc, il y a le mur qui se...
35:35 Et donc là, potentiellement, en Europe, pour vraiment discuter plus en termes de défense commun, etc.,
35:41 il nous faut un choc externe.
35:43 Est-ce qu'on peut le voir ?
35:46 Oui.
35:47 Est-ce que c'est automatique qu'on aura la bonne solution après ?
35:51 Non.
35:52 En attendant, on sait qu'on a besoin de plus d'investissements,
35:54 on a besoin de plus de dépenses en défense,
35:57 mais pour l'instant, on ne l'a pas fait.
35:59 Donc, du coup, j'ai beaucoup de mal à dire que, juste parce qu'il faut, on va le faire.
36:03 Malheureusement, on sait ça...
36:05 Je n'ai pas dit que c'était un scénario central.
36:07 Non, non, bien sûr.
36:09 On est beaucoup confondus.
36:10 Pour nous, c'est le scénario d'espoir.
36:11 J'aimerais bien avoir tort, ne pas avoir ça comme scénario de base.
36:17 Bon, restons sur cette note d'espoir à défaut d'un scénario central.
36:20 Merci à vous trois d'avoir été les invités de Planète Marché ce soir.
36:23 C'était Thomas Permal, Bank of America Global Research,
36:25 Léa Dulanchetelet, DNCA Investments et Didier Borowski, Amundi Institute.

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