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Nicolas Beytout Directeur de l’Opinion fait le bilan des 10 ans de son quotidien.

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00:00 - Bonjour Nicolas Béthout. - Bonjour Laurent Vallière.
00:02 - Trois cahiers pour ce numéro anniversaire en vente durant dix jours, dont surtout un
00:06 cahier de 16 pages intitulé « La liberté d'entreprendre » avec une soixantaine de
00:10 contributeurs prestigieux.
00:12 C'était évident pour vous que la thématique de votre numéro d'anniversaire c'était
00:17 vous qui vous êtes lancé un journal libéral, pro-business comme vous le dites, pro-européen,
00:21 qu'il fallait parler de ça et faire parler des gens importants sur cette thématique-là ?
00:25 - Oui, la liberté en général et puis la liberté d'entreprendre en particulier. On est une
00:30 rédaction entre guillemets d'entrepreneurs. La plupart de ceux qui sont là aujourd'hui
00:34 étaient déjà là il y a dix ans et ils ont rejoint un projet d'entrepreneurs créé
00:41 avec cette flamme de la liberté d'entreprendre qui est l'opinion. Effectivement, dix ans,
00:47 une expérience assez folle à l'époque. Beaucoup de gens nous avaient dit « mais
00:50 vous rêvez d'abord, il n'y a plus de place pour le print, pour le journal papier, tout
00:55 est digital ». La réalité, c'est que non, on a fait un journal numérique avec
00:59 une extension papier et le papier a été absolument déterminant dans notre existence.
01:04 Beaucoup de gens nous avaient dit « libéral, mais vous n'avez aucun espace, ça n'existe
01:09 pas ». La réalité, c'est que le libéralisme existe et il est porté par un certain nombre
01:14 de gens. Voilà, tous les oiseaux de malheur qui nous avaient dit il y a dix ans « ça
01:17 ne marchera pas », voilà, dix ans après, on est là.
01:19 On va en reparler de la crise du papier. J'allais dire que celui qui est le moins
01:23 langue de bois parmi vos 60 contributeurs, c'est Xavier Niel, le patron de Free. C'est
01:27 titré « son papier, démissionnez et montez votre boîte ». C'est presque un peu vous,
01:31 même si vous n'avez pas démissionné. Mais vous avez monté votre boîte.
01:34 J'ai monté ma boîte, voilà. Et je ne l'ai pas fait seul. On est parti à 40. Aujourd'hui,
01:40 on est à peu près à 150 puisqu'on a fait des acquisitions, entre autres, l'Agefi
01:44 qui est une magnifique marque B2B.
01:46 Mais vous revendiquez ce que dit Xavier Niel. Vous aussi, vous dites à tout le monde « démissionnez
01:51 et montez votre boîte ». Parce qu'il dit quand même que les entrepreneurs sont eux
01:53 qui changent le monde, pas les politiques.
01:55 Oui, c'est vrai. Les entrepreneurs changent le monde au sens où ils amènent concrètement
02:00 ce que l'inventivité peut donner comme progrès. Les politiques sont essentielles.
02:05 Et moi, je n'ai absolument aucun mépris pour les politiques. Mais je pense que tous
02:07 ceux qui regardent l'actualité en général, l'actualité politique en particulier, sont
02:12 fascinés en bien ou en mal, d'ailleurs, par les politiques. Et cela oublie souvent
02:16 de regarder l'apport exceptionnel des chefs d'entreprise, des entrepreneurs, les petits,
02:22 les moyens, les gros, qui, par leur travail, créent de la richesse et permettent à un
02:27 pays comme la France de tenir son rang.
02:28 Alors, vous avez créé votre boîte il y a 10 ans. L'opinion, vous disiez que vous
02:32 vous êtes lancé au mauvais moment. C'est vrai qu'on peut dire que depuis 10 ans, les
02:35 revenus publicitaires ont fondu comme neige au soleil. Je crois que ça a été divisé
02:39 par deux au moins.
02:40 Dans le marché, vous voulez dire.
02:42 Le marché publicitaire. Comment vous tenez ?
02:45 On tient grâce à plusieurs choses. D'abord, parce que les recettes de diffusion sont importantes
02:51 et puis aussi parce que, assez vite, comme d'autres médias, il n'y a pas de recette
02:56 magique pour ça. Assez vite, dès que la marque, l'opinion, a commencé à exister
03:00 un petit peu, on a essayé de l'étendre à d'autres activités, en particulier la
03:04 création de colloques, de conférences, de remises de prix. Toutes ces activités...
03:09 Qui sont plus rentables.
03:10 Événementielles. Qui ne sont pas forcément plus rentables, mais qui, en tout cas, nous
03:13 permettent d'être, comme on dit dans notre jargon, "contracycliques" avec la publicité.
03:18 La publicité tendanciellement baisse, même si ce n'est pas le cas à l'opinion. Elle
03:25 reste une contribution extrêmement importante à notre chiffre d'affaires, mais ça nous
03:31 permet de lisser les à-coups de la publicité.
03:35 Mais est-ce qu'on peut dire, est-ce que vous pouvez nous dire, quelle est la diffusion du
03:38 journal ?
03:39 Oui, bien sûr.
03:40 C'est tiré à cobien. Parce que moi, j'avais lu à peu près 42 000 exemplaires, mais dont
03:45 la moitié est en fait distribuée dans les hôtels, gratuitement, dans les aéroports.
03:50 Alors ça, c'est un point très important et très intéressant, ce que vous soulevez
03:54 là. Parce que lorsqu'on s'est lancé, par définition, le jour d'avant, il y avait zéro
03:59 exemplaire de l'opinion. Ça n'existait pas et personne ne savait qu'on allait être lancé.
04:04 Le lendemain, il y a une petite émulation, une curiosité. Et puis le surlendemain, les
04:11 gens se disent « Ok, très bien, je retourne à mes habitudes, je reprends mon quotidien
04:16 habituel, j'écoute ma radio tous les matins et après tout, je ne bascule pas directement
04:21 à l'opinion ».
04:22 Qu'est-ce qu'on doit faire quand on lance un média comme ça ? On doit le diffuser
04:25 même gratuitement. Tous les journaux de la Terre, quand ils ont à conquérir un nouveau
04:30 territoire, font de la diffusion gratuite en espérant capter un lecteur, l'intéresser
04:37 et l'amener à s'abonner. J'ai le souvenir, quand je dirigeais la rédaction des Échos,
04:43 les Échos étaient propriétaires du Financial Times. Le Financial Times a dépensé des
04:47 sommes faramineuses, complètement disproportionnées par rapport à ce que nous, presse française,
04:52 nous savons faire pour s'implanter aux États-Unis. Le FT est un journal britannique. Il a voulu
04:57 conquérir New York et les États-Unis. Il a fait de la diffusion gratuite dans des proportions
05:01 absolument inimaginables. Nous, à notre échelle, on a essayé de faire la même chose. Et en
05:06 effet, au début, parce que nous n'existions pas et qu'il fallait bien mettre le produit
05:10 dans les mains, un peu comme dans les supermarchés, les démonstrateurs qui vous font goûter
05:15 un petit gâteau et espèrent que vous allez, dans les rayonnages, acheter le paquet entier.
05:20 Et aujourd'hui, alors ? Combien de gens achètent en kiosque ? L'opinion, je me demandais.
05:24 Aujourd'hui, on a, je vais vous dire, on a à peu près 40 000 exemplaires, 38 500 exemplaires
05:29 par jour. 59% sont en des diffusions numériques, abonnés et vente au numéro en numérique,
05:39 par exemple, par les grandes plateformes de diffusion, ce qu'on appelle les kiosques
05:43 numériques. Et le reste, c'est-à-dire 41% pour le print, 59% pour le numérique.
05:48 Alors, en 2013, vous espériez arriver à l'équilibre financier en 2016. Et alors,
05:52 je lis des journaux comme Mediapart, on apprend qu'en fait, vous avez encore fait 5 millions
05:57 d'euros de déficit l'an dernier. Quand est-ce qu'à votre avis, en 2021, pardon,
06:02 pas en 2022, en 2021, c'est quoi les chiffres ? Et quand est-ce que vous arriverez quand
06:07 même à l'équilibre financier ? Parce que ça fait 10 ans, on se dit combien de temps
06:10 vous pouvez tenir en fait ? Et comment vous tenez d'ailleurs ?
06:12 Alors, comment est-ce qu'on tient ? C'est relativement simple. D'abord, il ne vous
06:17 a pas échappé que depuis 10 ans, il s'est passé un certain nombre de choses, comme
06:22 le Covid, le Covid avec des gens qui ne peuvent plus sortir, qui ont peur de toucher du papier,
06:29 qui n'achètent plus les journaux, qui s'informent par la télévision et qui comptent tous les
06:33 jours le nombre de morts. Ce n'était pas une ambiance extraordinaire. Accessoirement,
06:37 pour ce qu'on appelle l'événementiel, les colloques, les salons, tout ça n'existait
06:40 plus du tout. Donc, nos plans, évidemment, ont été bouleversés. La guerre en Ukraine,
06:44 vous le disiez tout à l'heure, il y a eu une baisse tendancielle de la publicité.
06:47 Évidemment, ça a touché tous les médias, dont nous. Donc, on a eu à souffrir de la
06:52 tendance générale qui touche toute la presse, plus des événements particuliers qui ont
06:55 impacté l'ensemble de l'économie, dont la presse. Quand est-ce qu'on va être à
06:59 l'équilibre ? Nous, on pense que c'est le plan qu'on présente à nos actionnaires
07:03 qui nous soutiennent. Et ça répond à l'autre partie de votre question. Comment est-ce qu'on
07:06 tient ? Parce que nos actionnaires nous soutiennent et apportent des capitaux pour nous aider
07:12 à nous développer. On est parti de zéro chiffre d'affaires. Zéro. On est aujourd'hui
07:17 à 25 millions de chiffre d'affaires. C'est gigantesque. Dans l'univers de la presse,
07:21 c'est pas microscopique. Et donc, nos actionnaires nous soutiennent et ils pensent qu'en effet,
07:25 comme nous, à l'horizon de ce qu'on appelle un business plan, c'est-à-dire dans les
07:28 deux ans qui viennent, l'équilibre sera atteint.
07:31 Et sans mauvais esprit, l'aide de l'État à la presse doit beaucoup aider en ce qui
07:35 concerne une entreprise de presse comme la vôtre.
07:37 Oui, l'aide...
07:38 Libérale. C'est ça qui est paradoxal.
07:39 Oui, mais ça, c'est un procès qu'on nous a fait. Non, c'est pas paradoxal. C'est très
07:43 simple. Le libéralisme, c'est l'égalité des conditions de concurrence. Et donc, moi,
07:48 je dis le jour où il n'y a plus d'aide à la presse, je veux bien m'en passer. Mais
07:54 être le seul qui essaye de survivre sans aide à la presse, alors que tous mes petits
07:58 camarades, accessoirement mes concurrents, qui ne se sont pas privés d'essayer de nous
08:02 en empêcher, vivent avec les aides à la presse. Là, je dis non. Le libéralisme, c'est l'égalité
08:07 des conditions de concurrence.
08:08 Alors, la suite de l'opinion, c'est quoi ? Qu'est-ce qui marche ? Qu'est-ce qui pourrait
08:12 mieux fonctionner dans votre journal ?
08:13 Ce qui peut mieux fonctionner, c'est croître plus vite, c'est avoir plus de moyens pour
08:20 investir. Je suis frappé de voir que depuis quelques années, depuis quelques mois même,
08:25 l'accélération et l'intensification des besoins d'investissement dans le digital
08:32 se manifestent vraiment dans tous les domaines de ce qu'est notre activité de presse. L'avenir,
08:36 c'est essayer de domestiquer et d'adapter ce que les robots conversationnels, ChatGPT
08:42 et autres, peuvent nous aider à faire.
08:43 C'est essayer de...
08:45 Quoi, par exemple ? Qu'est-ce que ChatGPT peut faire dans un journal comme l'Opinion ?
08:49 Alors, je vais vous donner un exemple, que ce soit le ChatGPT ou autre chose. L'intelligence
08:52 artificielle, par exemple, nous permet aujourd'hui, vendredi, de mettre en ligne les éditos dans
08:59 la voix de ceux qui les réalisent. Et progressivement, tout le journal va être écoutable en
09:06 audiolisation avec des robots qui prennent la voix des journalistes qui signent ces articles.
09:12 C'est à la fois prodigieux et assez simple. On sait déjà faire la lecture par un robot
09:18 d'un texte. Là, on est les premiers à amener un petit plus, qui est que c'est dans la voix
09:24 de celui qui signe l'édito.
09:25 Mais est-ce qu'un robot pourrait chez vous écrire des articles ou des brèves, par exemple ?
09:30 Écrire des articles, non. Écrire des brèves, non, parce que nous n'avons pas de brèves,
09:33 justement. Nous sommes une exception dans la presse. Nous, on s'est fondé sur l'idée
09:36 qu'il fallait du temps pour développer des analyses, des angles. On est un journal engagé
09:44 et être engagé, ce n'est pas juste cinq lignes pour balancer une information, c'est
09:49 de l'analyse et c'est de la valeur ajoutée. Non, les robots peuvent, par exemple, nous
09:54 aider à créer des résumés qu'on met justement comme produit d'appel pour faire venir les
10:00 gens sur les articles.
10:01 NICOLAS : Merci beaucoup Nicolas Béthou et bon anniversaire à l'Opinion.
10:05 NICOLAS BÉTHOU : Merci.

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