SMART SPACE - SPACE TALK du vendredi 12 mai 2023

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Vendredi 12 mai 2023, SMART SPACE reçoit Cedric O (ancien ministre & membre du HLAG, ESA) et Maxime Puteaux (Spécialiste des lanceurs, Euroconsult)
Transcript
00:00 L'Europe ne peut plus ignorer l'urgence de se munir de capacités autonomes en matière de vol habité.
00:09 Ce n'est plus seulement les experts, journalistes et autres acteurs du secteur qui le disent,
00:13 mais un groupe d'évaluation indépendantement daté par l'Agence Spatiale Européenne elle-même.
00:18 Alors, je ne vous apprends rien, le résultat de cette consultation, c'est un rapport Révolution Space
00:23 présenté fin mars, depuis le sujet du vol habité sur toutes les lèvres,
00:28 alors même que pendant ce temps-là nous regardions passivement décoller, puis exploser, la fusée Starship Outer Atlantique.
00:34 Pour en parler, un membre de ce groupe consultatif est avec nous en plateau,
00:38 Cédric O, ancien secrétaire d'état chargé du numérique et membre du HLAG,
00:44 pour le dire en français, le groupe consultatif de haut niveau de l'ESA.
00:48 Bonjour.
00:48 Bonjour.
00:49 Bienvenue sur le plateau de Smart Space.
00:51 A vos côtés, un spécialiste aussi du sujet, Maxime Putot, spécialiste du sujet des lanceurs chez Euroconsult.
00:57 Bienvenue, Maxime, sur le plateau de Smart Space.
00:58 Alors Cédric O, vous comptez parmi les 12 experts qui ont rédigé Révolution Space.
01:04 A vos côtés, il y avait des acteurs du secteur privé, mais aussi d'institutions.
01:07 On peut citer par exemple Anders Fogh Rasmussen, ancien secrétaire général de l'OTAN.
01:12 Dans ce rapport, vous avez ensemble dressé un constat qui rappelle clairement que si nous en sommes là aujourd'hui,
01:19 c'est-à-dire en déficit de souveraineté, clairement en matière de vol habité,
01:22 c'est parce que l'Europe l'a décisé précisément.
01:25 Alors je peux citer le rapport qui dit "l'Europe a décidé de ne pas investir dans le leadership",
01:29 et les mots sont assez forts, "et l'autonomie en matière de vol habité".
01:32 Comment vous l'expliquez avec ce nouveau regard que vous avez pu acquérir en faisant ce rapport ?
01:37 Alors d'abord, la situation qu'on connaît aujourd'hui dans le spatial est assez différente de, on va dire,
01:41 l'environnement qu'il y avait il y a 10 ou 20 ans au moment où ces décisions étaient prises.
01:45 Donc il ne faut pas juger les décisions d'il y a 20 ans au regard de ce qui se passe aujourd'hui.
01:50 Ce qui est certain, c'est qu'en 20 ans, les choses ont beaucoup changé.
01:53 L'Europe a pris la décision à un moment, il y a quelques années,
01:58 de ne pas être présente dans l'exploration spatiale.
02:00 Alors il y a eu beaucoup de transformations depuis.
02:02 Il y a eu une baisse drastique de combien ça coûte pour aller dans l'espace.
02:07 Pour donner un chiffre, la Station Spatiale Internationale a coûté entre 100 et 150 milliards d'euros.
02:12 Et les projets américains notamment qui sont sur la table pour le succès en 2030,
02:16 c'est autour de 3, même si c'est déraison, 4, 5 milliards d'euros.
02:20 Donc on est vraiment dans une diminution des coûts.
02:22 Ce qui va créer un énorme marché dans le spatial.
02:25 Et il y a aujourd'hui une énorme compétition internationale pour l'accès à l'espace qui change les choses.
02:32 Il y a quelques années, le spatial apparaissait comme quelque chose de très cher et pas forcément indispensable.
02:38 Ce qui a conduit à ces décisions européennes.
02:41 Aujourd'hui, ce que dit le rapport, c'est que le changement du paysage spatial
02:44 doit conduire l'Europe à se reposer la question.
02:46 Qui est un constat pas surprenant, je le disais en introduction, mais pour les experts du sujet,
02:51 on attendait peut-être que ces mots soient posés.
02:53 On sort de la phase de tabou et de déni où le vol habité était un gros mot dans le spatial.
02:58 Et on commence à se rendre compte qu'on ne peut plus ignorer le sujet
03:00 et qu'on a vocation probablement à l'embrasser davantage.
03:02 Alors Cédric, vous en tant qu'ancien secrétaire d'État chargé du numérique,
03:06 quel a été votre regard sur cette décision finalement,
03:10 ce non-choix de l'ESA ou plutôt ce choix assumé de ne pas prendre cette décision,
03:15 cette direction du vol habité ?
03:17 Est-ce que c'est une situation qui a sa comparaison dans le secteur de la tech ou du numérique ?
03:22 Quelle a été votre approche avec ce background-là ?
03:24 Alors, pour parler de mon approche, on en parlait avant d'entrer sur le plateau,
03:30 moi je ne suis pas arrivé dans le groupe en me disant, il faut absolument aller dans l'espace.
03:35 Et d'une certaine manière, c'est vrai quand on est dans les positions de décision au décideur public,
03:40 chaque secteur, que ce soit les biotechnologies, le quantique, le numérique, le nucléaire,
03:46 l'énergie, l'énergie verte, va toujours venir vous dire, il faut absolument investir énormément dans mon secteur,
03:51 c'est décisif. Et donc votre choix en tant que décideur politique,
03:56 ce n'est pas de savoir si vous avez envie d'aller faire du vol habité,
03:58 c'est de savoir si vous choisissiez plutôt d'investir dans l'intelligence artificielle
04:02 ou dans le nucléaire plutôt que dans le vol habité.
04:04 Et si je regarde les décisions qui ont été prises par mes prédécesseurs de manière assez large,
04:10 je pense que je peux les comprendre au regard de ce qui se passait à l'époque.
04:15 L'Europe a moins d'argent de manière générale à investir dans l'innovation que les Etats-Unis
04:20 pour des raisons de choix collectifs, et à l'époque ces choix étaient plutôt rationnels.
04:24 Je pense que ce que je disais tout à l'heure, c'est que les choses ont changé
04:28 et les choix n'ont pas vocation à être définitifs, et il me semble assez urgent qu'on revienne sur ces choix.
04:34 Ce moment charnière, il a une comparaison dans un autre secteur ?
04:38 Ce besoin de souveraineté, ce besoin de prendre le virage parce qu'on est en retard
04:44 et qu'il faut aussi l'aviation ?
04:46 L'aviation, la construction du groupe Airbus est quand même assez intéressante,
04:50 et vient à un moment donné où l'industrie américaine s'est consolidée,
04:54 Boeing devenait de plus en plus gros et les industriels européens ont décidé de se mettre en commun.
04:57 Même l'histoire d'Ariane aussi est une réaction, ce qui est intéressant,
05:01 c'est qu'à chaque fois l'Europe est en réaction, s'organise et décide d'aller de l'avant.
05:07 Moi je voudrais faire un parallèle avec, si on regarde le secteur de l'exploration spatiale et des lanceurs,
05:14 si on regarde ce que les américains ont fait plus tôt,
05:18 il y a 10 ans, Ariane assure plus de la moitié des lancements commerciaux dans le monde,
05:24 le reste c'est largement Soyouz et les américains sont une petite partie.
05:28 Aujourd'hui, SpaceX a pour objectif de faire 100 lancements dans l'année,
05:34 Ariane Espace en programme 4, donc rien n'est pas très bien passé.
05:38 Il y a eu une réaction, d'abord on était dans le jeu,
05:42 et de l'autre côté, on peut regarder que les américains ont tiré des leçons de leur disparition du secteur des lanceurs,
05:48 des leçons plutôt organisationnelles que matière d'investissement.
05:51 Il y a des choses qui existent et je pense qu'il faut se poser les mêmes questions,
05:54 ça prend du temps, 10-15 ans, on ne va pas changer la situation en 2 ans,
05:58 mais il y a la possibilité de revenir dans le jeu.
06:02 Deuxième constat, on manque de budget, c'est un sujet qu'on aborde souvent dans Smart Space,
06:07 il est écrit noir sur blanc là-dedans, vous allez peut-être nous redonner les chiffres,
06:11 mais pour reprendre ce rapport, il dit, je cite, "l'Europe dépense environ 1 milliard pour l'exploration spatiale,
06:16 sur un budget annuel de 7 milliards.
06:18 Quand on a des aides publiques, à la pharmacie par exemple,
06:21 qui atteignent les 40 milliards d'euros, à celle de l'automobile, 60 milliards.
06:25 Oui, mais ce n'est pas la même chose de justifier 40 milliards pour la santé que pour l'exploration spatiale.
06:32 Le spatial a toujours eu besoin de se justifier, avec la caricature d'envoyer de l'argent dans l'espace.
06:38 Le vol habité encore plus, parce qu'autant on peut justifier assez facilement
06:43 les retours et les retombées socio-économiques de l'observation de la Terre, des télécommunications,
06:47 autant le vol habité c'est plus compliqué, on a toujours l'impression qu'on envoie des astronautes
06:50 juste pour aller faire des galipettes en l'air.
06:52 Du coup, on a besoin de justifier davantage ces retombées-là.
06:56 Et je dirais, c'est des justifications auxquelles on ne peut pas échapper.
07:00 Apollo a dû y faire face, au moment des droits civiques, dans les années 60-70,
07:05 quand on s'intéressait à l'opportunité d'aller sur la Lune,
07:08 et si c'était vraiment la nouvelle frontière plutôt que de combattre les inégalités.
07:11 Oui, mais finalement le budget a été colossal.
07:13 Le budget a été colossal, les retombées ont été...
07:15 Apollo a eu la meilleure carte de visite de l'Amérique, et l'un n'a pas empêché l'autre.
07:20 Si en Europe on décide d'aller sur cette activité-là, on aura forcément à affronter ces questions-là.
07:25 Je pense que c'est vraiment la question centrale, c'est pourquoi est-ce qu'on irait dans l'espace
07:29 au moment où on doit affronter l'inflation, où il y a la transition climatique, etc.
07:34 Je pense qu'il y a trois raisons principales pour aller dans l'espace.
07:37 Il y a une raison qui est une raison de projet européen, inspirationnel, qu'on peut contester.
07:42 Il y a deux sujets qui me semblent moins contestables.
07:45 Un, la réduction des coûts que j'évoquais font que l'espace va être un champ économique,
07:50 probablement dans les années à venir, technologique et économique,
07:53 avec un marché qui pourrait être, on dit peut-être d'un trillion,
07:56 donc un mille milliard de dollars à l'horizon 2040.
07:59 Et c'est sûr que si vous n'avez pas la capacité d'y aller,
08:02 vous perdez une partie de l'accès à ce marché.
08:04 Donc en fait c'est de la croissance, ou en tout cas de la valeur en moins pour l'Europe.
08:08 Et le dernier élément, c'est qu'il y a évidemment des interactions et des échos
08:13 entre les aspects économiques et les aspects géostratégiques.
08:16 Si on n'est pas dans l'espace, on laisse notre ciel aux Chinois, aux Russes et aux Américains.
08:21 Et on voit aujourd'hui, d'un aspect très concret, en Ukraine,
08:24 une partie des technologies militaires russes qui sont utilisées
08:26 sont des technologies dérivées de technologies d'accès à l'espace.
08:29 Maîtriser la réentrée dans l'espace, maîtriser l'évolution en orbite,
08:33 ce sont des choses qui sont absolument essentielles.
08:35 Donc pour notre souveraineté, pour notre capacité à rester indépendant
08:38 et à garder l'indépendance de nos choix, on a besoin d'y aller.
08:42 Donc ces différentes raisons font que ça sert à quelque chose
08:46 de maîtriser cet aspect, cet accès à l'espace.
08:49 - Et puis vous l'avez dit, ce marché-là, si on s'y refuse,
08:51 le coût qu'on se refusait à mettre jusqu'alors pour investir dans le vol habité,
08:58 en réalité, sera moindre par rapport à ce qu'on peut perdre
09:01 en n'allant pas sur cette opportunité commerciale, Maxime.
09:04 - Et on deviendra tributaire des partenaires qui possèdent ces capacités d'accès.
09:07 - Donc ça nous coûtera plus cher à la fin.
09:08 - À la fin, ça nous coûtera plus cher, c'est sûr.
09:09 Il y a un truc intéressant dans les chiffres que vous avez cités.
09:13 On parle évidemment de chiffres qui peuvent paraître impressionnants,
09:15 mais quand on dit qu'on met un milliard d'euros dans l'exploration spatiale
09:18 au niveau de toute l'Europe par an,
09:20 si on doublait ce budget, rien que doubler ce budget,
09:25 ça serait un milliard supplémentaire.
09:27 C'est rien au regard du budget de ce que dépense l'Europe dans plein de domaines,
09:31 y compris l'alimentation pour animaux domestiques.
09:35 Et ça changerait tout.
09:36 Et donc, oui, ça coûte facilement un milliard d'euros par an,
09:39 c'est beaucoup d'argent,
09:40 mais au regard de ce qu'on dépense dans d'autres secteurs
09:43 ou au regard de ce qu'on va perdre si on ne l'investit pas,
09:46 ce n'est pas grand-chose.
09:47 - Le problème, c'est que la prochaine fois qu'on vote un budget, c'est en 2025.
09:50 - Oui, mais avant ça, il y a tout un travail, à mon avis,
09:53 de pédagogie, de consensus à trouver autour de ce sujet-là.
09:56 - Les temps sont très longs sur ce sujet en particulier.
09:58 - C'est aussi ce qui joue contre l'Europe.
10:00 Le temps s'est accéléré du côté des concurrents.
10:03 - Et le modèle européen ne convient pas à cette accélération.
10:05 C'est la suite du sujet que je voulais aborder avec vous.
10:08 C'est la question de la méthode.
10:09 Est-ce que c'est ça qui coince aujourd'hui en Europe ?
10:11 - C'est sûr qu'à mon avis, on ne peut pas prendre une décision
10:14 sur le retour en vol habité ou exploration
10:16 sans s'interroger sur la manière dont on veut le faire.
10:18 Les Américains ont eu vraiment une révolution culturelle
10:20 où ils ont repensé la manière dont on développe des contrats.
10:23 Ce ne sont plus des chèques en blanc à leurs industriels.
10:26 Ce sont des co-investissements, ce sont des contrats fixes
10:29 où les marges sont absorbés, les excès sont absorbés par les industriels.
10:33 La mise en concurrence aussi est intéressante.
10:35 Les Américains pouvaient se le permettre
10:37 parce qu'ils ont une base industrielle qui est relativement large.
10:39 Et tout ça, à mon avis... - Mais on a ces éléments aussi.
10:41 - On a ces éléments-là. Il reste ensuite à les mettre en place.
10:44 On a aussi d'autres éléments tels que le retour géographique
10:46 qui joue évidemment dans la balance.
10:48 - Oui, c'est un sujet. La règle du retour géographique,
10:50 vous la connaissez. C'est l'idée que les pays membres
10:53 qui mettent une participation récupèrent un apport technologique.
10:59 On a relocalisé un site de Vernon en Allemagne
11:03 suite à l'avant-dernier conseil ministériel.
11:06 Donc ça a des vraies conséquences sur l'industrie
11:08 dans chaque pays membre.
11:10 Et aujourd'hui, beaucoup d'acteurs font entendre leur voix
11:13 pour dire que c'est contre-productif,
11:15 ça ruine la compétition européenne.
11:18 - Oui, si un lanceur se balade dans la moitié de l'Europe,
11:20 la structure de coût est forcément plus élevée que celle de SpaceX
11:24 où d'un côté, les feuilles d'aluminium rentrent,
11:26 de l'autre côté, ils sortent des lanceurs.
11:27 - C'est la leçon qu'on a apprise avec Hermès, en fait.
11:29 - Alors, juste si je peux revenir sur un élément que vous évoquiez,
11:33 il faut bien regarder ce qui s'est passé,
11:35 ce qui a fait que les Américains sont revenus dans la course
11:37 et sont devenus dominants.
11:39 Sur les 20 dernières années, le budget de la NASA,
11:41 alors c'est pas vraiment vrai sur les 2 dernières ou 3 dernières années,
11:44 mais sur les 20 dernières années, le budget de la NASA
11:46 n'augmente pas significativement, il est stable.
11:48 Et donc les Américains passent d'une absence totale d'un marché
11:51 à une domination totale d'un marché, pas en augmentant leur budget.
11:54 Donc il faut probablement que l'Europe dépense plus,
11:56 mais c'est pas le facteur le plus important.
11:57 Le facteur le plus important, c'est que les Américains,
11:59 comme Maxime le disait, transforment la manière
12:01 dont ils contractualisent leur rapport au secteur privé
12:04 et font émerger une nouvelle génération de SpaceX, Blue Origin,
12:07 qui sont beaucoup, beaucoup plus efficaces
12:10 que les acteurs américains en place et que les acteurs européens en place.
12:13 Donc c'est ça qu'on doit faire pour revenir dans le jeu.
12:16 La question du retour géographique, qui est un peu le sujet chiffon rouge
12:20 dans l'Europe spatiale, alors je vais donner mon avis personnel,
12:24 c'est qu'il est évident que c'est totalement anti-industriel
12:29 d'avoir cette approche de retour géographique
12:31 et on ne peut pas prétendre être compétitif
12:33 en contraignant les industriels sur les gens
12:36 avec qui ils doivent contractualiser et les prix auxquels ils doivent les payer.
12:39 Mais je pense que ce n'est pas l'essentiel du sujet.
12:42 Je pense que si on supprimait le retour géographique du spatial européen,
12:46 on améliorerait les coûts de peut-être 20%, 30%.
12:48 Le sujet, c'est que SpaceX a divisé les coûts par 10
12:51 et va les rediviser par 10 avec Starship.
12:53 Donc ça ne suffit largement pas.
12:55 Oui, il faut le faire, il faut le discuter avec nos partenaires,
12:58 mais c'est vraiment pas le sujet.
13:00 Ça ne suffira largement pas à permettre aux industriels
13:04 de revenir dans la course.
13:06 Il faut plus de compétition, il faut faire émerger de nouveaux acteurs,
13:09 il faut que l'Europe et les agences spatiales se positionnent
13:11 comme des acheteurs et plus comme des développeurs
13:13 ou des chefs de projet.
13:15 Et ça, c'est la vraie révolution culturelle qu'il faut faire.
13:17 Est-ce qu'on est prête à la faire ?
13:19 L'agence spatiale européenne est prête à la faire ?
13:22 Comment a été reçu d'abord ce rapport ?
13:24 Alors, je pense que ce qui est le bon côté
13:28 de la situation compliquée dans laquelle on est,
13:30 on est dans une situation qui, il faut le dire,
13:32 c'est une crise en matière de lanceurs.
13:34 C'est très difficile.
13:36 En plus de la situation européenne, le contexte n'aide pas.
13:38 C'est-à-dire qu'on a le lanceur Ariane 6 qui est en retard.
13:41 Vega qui a raté le coche.
13:44 Ariane 5 qui va arrêter.
13:46 On va avoir un vide de lanceurs.
13:48 Je pense que pour tout le monde, tout le monde reconnaît
13:50 qu'on est en situation de crise.
13:52 Et donc ces situations permettent malheureusement ou heureusement
13:56 d'avoir une prise de conscience qui fait qu'on sait
13:58 qu'on ne peut pas rester et continuer à faire les choses.
14:00 Et là, on a une émergence des États aussi.
14:02 Individuellement, on a la France, par exemple,
14:05 avec France 2030 qui met plus d'argent qu'avant sur ces sujets-là
14:09 pour faire émerger les acteurs dont vous parliez.
14:11 Donc c'est peut-être comme ça que va se jouer cette nouvelle dynamique.
14:14 C'est-à-dire que si on fait la décision de mettre fin au retour géographique,
14:16 il faudra en assumer les conséquences.
14:18 Il va y avoir une réorganisation, il y aura probablement
14:20 de la casse à l'emploi parce qu'on ira plus sur une logique d'efficacité,
14:22 une redistribution et en effet davantage de compétition
14:25 puisqu'on va retourner à un fonctionnement
14:27 où les États vont chacun défendre leur poulain.
14:29 À la fin, se pose la question de la taille du marché européen
14:32 et de la capacité de tous ces acteurs à trouver des clients.
14:36 Je dirais que c'est finalement un peu comme ce qui s'est passé aux États-Unis.
14:39 C'est-à-dire que dans tous ces contextes de compétition,
14:41 il y a eu des gagnants, SpaceX, mais il y a aussi des perdants
14:44 et des gens qui ne sont plus là.
14:45 Mais c'est aussi le prix de la compétition et de l'innovation.
14:48 Je pense que tout le monde est d'accord pour dire qu'il faut changer des choses.
14:52 Ce sera des changements douloureux, il ne faut pas se le cacher.
14:56 Les Français ont beau jeu de critiquer le retour géographique,
14:59 il faudra qu'ils soient aussi prêts à considérer
15:02 qu'ils pourraient être dans les perdants sur certains secteurs de la technologie
15:05 ou des start-up allemandes ou italiennes.
15:07 Ça, je pense qu'il faut l'accepter parce que l'Europe sera plus forte de manière collective.
15:12 Mais il faut pouvoir avoir cette discussion
15:15 entre les différents pays qui sont partie prenante à l'ESA.
15:19 Et à dire vrai, d'abord entre les trois principaux
15:22 que sont l'Allemagne, l'Italie et la France.
15:23 Ce qu'a commencé à faire Bruno Le Maire depuis l'année dernière
15:26 à le sommet du Spatial en signant des accords avec l'Allemagne, avec l'Italie
15:30 pour pousser le sujet des lanceurs.
15:32 Est-ce que ça c'est une voie peut-être encourageante ?
15:35 Comment on va faire ? Parce qu'on parle quand même
15:37 la technologie des lanceurs pour aller mettre des objets en orbite, on l'a, on la connaît.
15:43 La technologie d'un lanceur pour aller mettre des hommes dans l'espace,
15:46 est-ce qu'on est capable d'aboutir ?
15:49 On maîtrise probablement les briques technologiques, ici et là.
15:52 Mais elles gagnent déjà à être, à mon avis, qualifiées pour le vol habité et intégrées.
15:55 Et ça, c'est pas une mince affaire.
15:57 Il y a des initiatives qui sont soutenues par les agences,
15:59 des programmes de recherche, mais il y a aussi des initiatives privées
16:02 de capsules d'envoi et de retour pour le cargo,
16:06 le dernier jour du vol habité.
16:07 Avec des exploration companies, par exemple.
16:09 Et ça peut être des pistes intéressantes, où des nouveaux entrants
16:11 se proposent finalement un peu de changer la donne et de réduire les coûts.
16:14 Et là où les acteurs traditionnels avaient plutôt tendance
16:17 à s'inscrire dans le sillage des programmes des agences.
16:20 Mais il faut que ces nouveaux entrants aient l'air insolides financièrement.
16:23 Mais ils auront l'air insolides financièrement et trouveront des investisseurs.
16:26 The Exploration Company est un très bon exemple.
16:28 On a vu en Allemagne, ils aérospacent, ils ont aussi levé beaucoup d'argent.
16:31 Si les acteurs publics changent leur manière de contractualiser avec eux.
16:35 Et c'est en fait ça qui a été le changement radical du côté américain.
16:40 C'est que le fait que les acheteurs publics deviennent des acheteurs
16:43 a permis aux jeunes entreprises qui étaient des fournisseurs
16:46 de ces acteurs publics de lever de l'argent.
16:48 Et s'ils n'ont pas ces perspectives-là, alors ils auront du mal à trouver de l'argent.
16:51 Mais ce qui est intéressant et ce qui a beaucoup changé dans les dernières années,
16:54 c'est qu'on a maintenant un tissu industriel d'acteurs historiques
16:57 mais aussi de nouveaux acteurs qui est très sérieux.
17:00 Et qui donc pourra, moi j'en suis persuadé, si on met les bonnes procédures en place,
17:04 faire émerger des acteurs majeurs industriels dans les 10 à 15 ans à venir.
17:08 Mais ça prendra 10 à 15 ans, il faut le préparer dès maintenant.
17:10 Est-ce que ce ne sera pas trop tard ?
17:12 Pas forcément. L'Europe vise dans son propre temps.
17:15 Il y a la concurrence évidemment externe.
17:17 Mais je pense qu'il y a une fenêtre d'opportunité qui n'a pas loupé.
17:20 Il faut y aller quand même.
17:21 Exactement.
17:22 Moi je suis persuadé que ce n'est pas trop tard.
17:23 On a largement la capacité technologique et la capacité entrepreneuriale de revenir dans le...
17:27 C'est qu'une question d'organisation.
17:29 SpaceX a mis 10 ans ou même 15 ans, 20 ans à venir dans le jeu.
17:32 On peut le faire.
17:33 On peut sauter des pas technologiques.
17:35 Peut-être qu'il faut essayer d'aller faire des moteurs qui sont réutilisables
17:37 pas 50 fois mais 5 000 fois.
17:39 On a des chercheurs, des ingénieurs, des entrepreneurs extraordinaires.
17:42 Il faut juste leur créer l'environnement qu'ils font qu'ils pourront le faire.
17:45 Avant de conclure, que va devenir ce comité consultatif ?
17:48 Vous faites encore partie aujourd'hui ?
17:50 Alors là maintenant, on a passé le ballon on va dire.
17:54 L'objectif c'est qu'il y ait des décisions, en tout cas de premières décisions
17:57 qui soient prises au sommet de Séville.
17:59 Donc il y a un sommet spatial européen à la fin de l'année.
18:02 Nous notre rôle c'était de dire ce qu'on en pensait
18:05 et d'inviter l'ESA à décliner nos recommandations.
18:09 Maintenant il est plutôt fini.
18:10 On a un rôle pour essayer de faire vivre ce rapport
18:13 et de continuer à pousser à la convergence européenne on va dire.
18:16 Merci à tous les deux d'avoir pris le temps de venir échanger sur ce sujet crucial du vol habité,
18:21 l'autonomie européenne en matière de vol habité.
18:24 Merci Cédric, merci Maxime Putot.
18:26 Merci à tous de nous avoir suivis.
18:28 On se retrouve dès la semaine prochaine sur Les Smart.
18:31 [Musique]

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