Lundi 15 mai 2023, SMART BOURSE reçoit Eric Turjeman (Co-directeur de la gestion collective, Ofi Invest Asset Management) , Pierre-Yves Dugua (Correspondant américain) , Raphaël Thuin (Responsable des stratégies de marchés de capitaux, Tikehau Capital) et Gilles Bazy-Sire (Président, Equity GPS)
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00:00 C'est reparti pour Smartbourse, votre double dose quotidienne de marché en direct sur
00:12 Bsmart chaque jour à la mi-journée 12h30-13h et en fin d'après-midi la grande édition
00:16 pendant une heure à partir de 17h, rediffusée à 20h sur Bsmart TV, émission que vous retrouvez
00:22 chaque jour en replay sur bsmart.fr et en podcast sur l'ensemble de vos plateformes.
00:26 Au sommaire de cette édition ce soir, des marchés qui sont un peu épuisés, c'est
00:31 le sentiment qu'on a, avec beaucoup d'hésitation, très peu de prise de risque désormais sur
00:37 les marchés actions notamment, des indices en Europe qui évoluent autour de l'équilibre
00:43 après une séance en danse, sans véritable tendance, au démarrage d'une semaine qui
00:47 sera une semaine à enjeux techniques avec l'échéance mensuelle prévue ce vendredi
00:52 et l'expiration de différents produits dérivés et contrats futurs sur indices.
00:56 Le CAC 40 tourne autour des 7400 points à ce stade avec parmi les craintes immédiates
01:02 pour les investisseurs, la question du plafond de la dette aux Etats-Unis.
01:05 Bien sûr, on n'est pas encore tout à fait dans le money time mais en tout cas on est
01:09 à un moment clé des négociations avec une série de rencontres qui doivent se dérouler
01:13 demain entre la Maison Blanche et les différents leaders du Congrès et notamment le Speaker
01:18 républicain de la Chambre des représentants Kevin McCarthy. Les investisseurs suivent
01:23 également d'un oeil l'entre-deux tours des élections en Turquie avec un second tour
01:27 programmé le 28 mai prochain. On constate que les actifs turcs sont sous pression sans
01:33 toutefois contaminer forcément le reste des marchés. Et puis les investisseurs sont très
01:39 attentifs au thème de la pause qui a été signalée par la réserve fédérale américaine.
01:43 Ainsi, chaque statistique, chaque nouvelle enquête est mesurée, jaugée, évaluée
01:49 à l'aune de l'idée de cette pause du resserrement monétaire de la réserve fédérale américaine.
01:55 De ce point de vue là, on notera l'effondrement brutal de l'enquête d'activité manufacturière
01:59 de la région de New York, l'Empire State qui a été publiée pour le mois de mai.
02:03 Non pas que New York soit le cœur industriel des Etats-Unis mais ça montre bien quand
02:08 même que le sentiment de ce point de vue là est en train de chuter brutalement. Un
02:13 effondrement de plus de 40 points quand même dans cette enquête qui marque les esprits
02:17 aujourd'hui. Voilà donc pour l'ambiance de ce début de
02:20 semaine. Discussion à suivre avec nos invités de Planet
02:22 Marché. Semaine d'échéance je le disais avec l'échéance prévue ce vendredi. Et
02:27 puis dans le dernier quart d'heure, le quart d'heure thématique du lundi qui est consacré
02:30 bien sûr à l'actualité américaine. Nous reviendrons, c'est peu de le dire, sur l'enjeu
02:35 politique autour du plafond de la dette avec Pierre-Yves Dugas, notre correspondant américain
02:40 qui sera avec nous en direct à partir de 17h45.
02:42 Mais d'abord, tendance mon ami, les infos clés de marché. Chaque soir en direct à
02:57 17h avec vous, Alix Senguyen et une séance d'hésitation pour les marchés. La Bourse
03:03 de Paris va terminer cette journée sans tendance. Oui, la nette hausse d'Axa est un vrai soutien
03:07 pour la séance. L'assureur surprend sur sa solvabilité. A fin mars, son ratio de solvabilité
03:13 est ressorti à 217%. Pour cette année, Axa vise un résultat opérationnel supérieur
03:20 à 7,5 milliards d'euros. Bonne performance aussi pour le titre d'Alstom. Il caracole
03:25 en tête du CAC grâce à des notes d'analyste positive. Mais plus globalement, c'est une
03:30 séance calme hormis les incertitudes sur le plafond de la dette américaine. De nouvelles
03:35 discussions entre républicains et démocrates sont prévues demain. Peu de choses viennent
03:39 engendrer de la volatilité. Seules deux statistiques sont venues rythmer la séance. Aux Etats-Unis,
03:45 l'indice Empire State enregistre une forte chute en mai. L'activité manufacturière
03:51 dans la région de New York ressort à -31,8. Avant cela, on n'apprenait qu'en zone euro,
03:57 la production industrielle a reculé davantage que prévu en mars. Elle a baissé de 4,1%,
04:04 notamment du fait de la chute de la production des biens d'investissement. Seule la production
04:08 de biens de consommation durable a augmenté. On retient aussi que la Commission européenne
04:13 rehausse ses estimations de croissance et d'inflation. Et puis, dans une étude publiée
04:18 par la BCE, on lit que l'impact du resserrement monétaire de l'inflation ne se fera pleinement
04:23 sentir qu'en 2024. Et puis dans l'actualité également aujourd'hui, Alex, Elon Musk est
04:29 donc arrivé en Tesla tout à l'heure à l'Elysée pour être reçu par Emmanuel Macron. Et oui,
04:34 sa venue n'avait pourtant pas été annoncée. Le patron de Tesla et Twitter a été reçu
04:38 ce matin en marge du sommet Choose France. A noter que le sommet est marqué par l'annonce
04:44 d'un montant record de 13 milliards d'euros d'investissement. Autre actualité du côté
04:49 des entreprises américaines, General Motors rappelle près d'un million de véhicules
04:54 aux États-Unis. Un rappel dû au risque d'explosion des générateurs de gaz des airbags. Et puis,
05:01 autre fait marquant ce jour sur le plan des devises. Cette fois, on constate que la livre
05:06 turque est délaissée après le résultat des élections. Pour rappel, il n'y a pas
05:11 de vainqueur clair aux élections turques, ni le président sortant Recep Tayyip Erdogan,
05:17 ni son challenger Kemal Kelic Dalalou, non convaincus plus de la moitié des turcs en
05:22 tant que nouveau président. Tendance mon ami. Chaque soir, les infos clés de marché
05:26 à 17h en direct avec Alex Nguyen dans Smartboard sur Bsmart.
05:30 Trois invités avec nous chaque soir pour décrypter les mouvements de la planète marché.
05:44 Raphaël Turin était avec nous ce soir, le responsable des stratégies de marché de
05:47 capitaux chez Tic et O Capital. Bonsoir Raphaël. Merci d'être là. Merci à Gilles
05:51 Bazysir d'être avec nous également en plateau. Bonsoir Gilles. Président d'Equity
05:55 GPS, à vos côtés, Eric Turgeman. Bonsoir Eric.
05:58 Bonsoir Grégoire.
05:59 Ravi de vous retrouver. Vous êtes co-directeur des gestions OPC chez OFI Invest Assets Management.
06:04 Le thème de la pause, c'est le thème qui est à la une depuis la dernière décision
06:09 de la réserve fédérale américaine et la conférence de presse de Jérôme Poel. Beaucoup
06:13 de banquiers centraux vont s'exprimer tout au long de la semaine. On est toujours un
06:16 peu dans la phase de service après-vente des dernières décisions de politique monétaire
06:21 et chaque statistique américaine, en l'occurrence, va être désormais évaluée, jaugée à l'aune
06:26 de l'idée d'une pause en matière de resserrement monétaire aux États-Unis. Est-ce que les
06:31 données qu'on a eues depuis le dernier FOMC valident l'idée de cette pause ? Est-ce
06:35 qu'on est dans une pause qui est solide du point de vue des marchés, installée, Eric
06:41 ou est-ce qu'on est encore dans l'idée d'une pause ou la tentative d'une pause ?
06:44 En tout cas, c'est ce que pensent les marchés, que c'est fini. La hausse des taux est terminée
06:49 aux États-Unis. En Europe, quasiment encore, on attend encore deux hausses mais c'est fini.
06:54 C'est ce que les marchés attendent. Les derniers chiffres laissent penser qu'effectivement
07:00 ça commence à porter ses fruits. Puis c'est remonté du crédit avec ce qui est arrivé
07:04 dans l'univers bancaire américain. Donc normalement, oui. Voilà, c'est-à-dire à 5,25, on a
07:10 fini et les marchés d'ailleurs anticipent des baisses maintenant. On a basculé. Première
07:17 baisse en septembre et puis à coup de 25 à chaque réunion de la Fed. On verra. Il y
07:27 a 200 points de baisse de taux attendus par rapport au pic, donc par rapport à maintenant,
07:33 d'ici fin 2024. Mais ça c'est ce que pensent les marchés. La Fed, elle ne dit pas ça.
07:39 Donc voilà, on verra. Moi, ça me semble un peu optimiste, ces 200 points de baisse.
07:45 Et s'il y a lieu d'avoir 200 points de baisse, c'est que dans ce cas-là, le marché action
07:50 se trompe quelque part. Parce que le marché action ne considère pas qu'on est dans une
07:55 récession. 200 points de baisse aussi rapidement, c'est une récession. Et là, en revanche,
08:00 l'économie mondiale, la croissance, elle n'est pas revue fondamentalement en baisse.
08:04 Donc il y a bien des chiffres d'activité, on vient d'en parler, qui montrent qu'il
08:07 y a moins de surchauffe. Il y a quand même des chiffres un peu inflationnistes. Et les
08:13 organismes de prévision, ils revolent plutôt à la hausse de la croissance.
08:16 Ils sont un peu toujours en retard, il faut le dire. Mais c'est vrai que la commission
08:21 en peine ce matin, la Banque d'Angleterre la semaine dernière, avec toujours le caveat
08:25 sur la fiabilité qu'on peut avoir sur ces projections économiques à 2-3 ans, je vois
08:29 déjà Gilles qui fait le nom de la tête. En tout cas, en termes de signal, l'ABE a
08:35 envoyé un message quand même spectaculaire. C'est-à-dire qu'on était en février
08:38 sur l'idée d'une récession qui allait être la plus dure du G7. Et puis boum, trois
08:42 mois après, plus rien, on repart d'une feuille blanche et c'est une croissance qui est
08:47 revue spectaculairement à la hausse sur trois ans.
08:49 C'est la récession la plus attendue de l'histoire. Après, la croissance, elle
08:52 n'est pas explosive. 2,5, enfin on attendait beaucoup moins. 2,5, on en parle souvent
08:58 à cette antenne, mais 2,5, c'est un niveau qui permet au profit, en Europe en tout cas,
09:04 de se maintenir. C'est pour ça que les marchés actions sont à ce niveau-là. C'est
09:07 ce qui bénéficie de... Les taux, c'est fini, ça ne monte plus et du coup, les taux
09:10 longs se sont ajustés sur cette anticipation de baisse des taux courts. Et puis dans le
09:16 même temps, les entreprises, elles, elles ne la voient pas la récession. Donc, on va
09:20 m'aider quelqu'un ? Quelqu'un qui se trompe.
09:21 Raphaël, qu'est-ce que ça vous inspire le thème de la pause ? Est-ce que sur le plan
09:26 de l'investissement notamment, est-ce que c'est une bonne nouvelle ou est-ce que c'est
09:29 la fin des bonnes nouvelles d'une certaine manière ? Parce qu'on a vu quand même
09:33 un sacré rattrapage des actifs risqués depuis plus de 6 mois maintenant, au fur et à mesure
09:39 que la Fed continuait de monter ses taux.
09:41 Oui. Le thème de la pause déjà, c'est principalement un thème américain. Il reste
09:46 encore du gras à moudre côté BCE. Mais vous avez raison, c'est vraiment une thématique
09:51 centrale du marché aujourd'hui. On a vu des données de l'inflation qui semblaient
09:56 vouloir montrer une photo un petit peu plus encourageante, on va dire, sur ce front. Alors,
10:01 on a l'inflation qui baisse, en particulier grâce à l'énergie, aux États-Unis et
10:06 en Europe, ça c'est vrai. Et sur la partie sous-jacente, cœur, on a une inflation qui
10:11 peut-être monte moins vite. Ça c'est un premier élément. Et donc, de manière anecdotique,
10:17 le marché va aller se rassurer sur certaines de ces publications de chiffres économiques
10:21 qui a justifié qu'on arrive sur un scénario de pause.
10:25 Quand on regarde néanmoins, y compris plus récemment, et vous avez mentionné l'indice
10:30 new-yorkais de ce matin, les tout derniers chiffres ne pointent pas exactement vers ça.
10:34 On a effectivement une certaine robustesse de l'activité, mais qui est incertaine,
10:39 et on sent qu'on pourrait transvaser vers un autre monde et peut-être basculer vers
10:45 un scénario plus récessionniste, d'une part. Ça c'est la première dimension de
10:51 l'équation. Et sur la deuxième dimension, ce qu'on voit lorsqu'on a regardé les demandeurs
10:55 d'emplois la semaine dernière aux États-Unis, l'indice Michigan vendredi, New York ce matin,
11:00 ces trois chiffres indiquent la même chose, à savoir que l'inflation reste très résiliente.
11:05 Peut-être qu'elle se stabilise, peut-être qu'elle s'est légèrement calmée, mais
11:08 globalement elle n'a pas encore complètement pivoté. Pourquoi j'introduis le sujet comme
11:14 ça ? Peut-être que cette pause, ce n'est pas une façon de crier victoire. On fait
11:19 une pause pour attendre, pour attendre de voir un petit peu si on en a fait assez, si
11:23 les politiques ont porté leurs fruits. Et ça ne veut pas nécessairement dire qu'il
11:26 n'y en a pas plus peut-être à venir derrière. On sait que la Fed et la BCE ont vraiment
11:31 des problématiques sur ce marché en termes d'efficacité de leur politique monétaire.
11:35 Elles ont des problèmes, des problématiques autour de leur crédibilité. Les marchés
11:41 n'écoutent plus ce qu'elles racontent. Et on le voit très bien avec les projections
11:45 de la Fed versus les projections du marché qui divergent fortement. Donc un souci de
11:50 crédibilité qui pose problème, un souci de délai. Et là on est au cœur du sujet.
11:55 On a remonté les taux de 500 points de base en 12 mois aux Etats-Unis. C'est du quasi
12:00 jamais vu. On ne sait pas ce que ça fait. Il faut attendre. D'où ce raisonnement
12:04 de pause. Est-ce que ça sera suffisant ou trop ? Peut-être. On verra. D'où l'idée
12:10 de pause. Et puis un souci d'efficacité. Les banques centrales matraquent la demande
12:16 à travers la montée des taux sur un problème qui est principalement un problème d'offre.
12:20 Problème de démondialisation. Problème de prix de l'énergie. Problème de géopolitique.
12:26 Problème de bipolarisation du monde avec les frictions Chine-Etats-Unis. Tout ça n'est
12:32 pas résolu par des politiques de remonter les taux. Donc là on est sur une situation
12:35 où les marchés semblent un petit peu crier victoire. À un moment on est plutôt en mode
12:39 "wait and see" si vous me passez l'expression.
12:40 Qu'est-ce qu'on peut dire justement de la demande qui est matraquée, sur laquelle
12:44 on tape avec ces hausses de taux aux Etats-Unis ? C'est l'enjeu clé évidemment. Alors
12:48 on aura les ventes au détail demain, différents indicateurs, le Michigan sur le moral des
12:52 ménages qui a été publié vendredi. Raphaël, j'ai l'impression que ce que redoute le
12:57 plus le marché c'est finalement d'avoir une rupture macro, un craquement macro, un
13:03 espèce d'arrêt un peu brutal de la dynamique économique, plus que l'idée d'un ralentissement
13:09 qui peut se faire de manière peut-être progressive, graduelle. Tout le monde a en tête la destination
13:14 quand même de ce point de vue-là. La question c'est comment se déroule le voyage entre
13:19 maintenant et la destination d'atterrissage de l'économie américaine. Est-ce qu'on
13:22 peut avoir à un moment une rupture brutale, c'est-à-dire passer d'un marché du travail
13:26 qui semble se porter très bien à quelque chose qui se dégrade beaucoup plus vite que
13:30 ce qu'on attend aujourd'hui ?
13:31 Alors oui. C'est une bonne façon de présenter le sujet. Quand on regarde historiquement
13:35 les phases de récession, elles sont souvent non linéaires. On a des trous d'air dans
13:41 les indicateurs macroéconomiques, sur le marché de l'emploi, sur la consommation,
13:45 sur l'investissement. Quand une récession frappe, on arrête. On arrête tout. On arrête
13:49 d'investir, on arrête d'acheter des appartements. Donc ce scénario il existe et il n'est pas
13:52 très bien anticipé par les marchés aujourd'hui qui finalement sur beaucoup de classes d'actifs
13:57 anticipent quelque chose de linéaire. Donc ça c'est une vraie possibilité. Après,
14:02 on constate que la photo macroéconomique évolue très très vite. Souvenez-vous au
14:06 début d'année, on avait des risques de queue assez extrêmes. A savoir que d'un côté,
14:11 on pouvait imaginer une récession dure qui avait été anticipée fin 2022 avec un sentiment
14:18 que le scénario de trou d'air était vraiment réaliste. Et puis à l'opposé, on parlait
14:23 de réaccélération économique. Vous vous souvenez le no lending ? Vous voyez quelques
14:27 données économiques encourageantes. Et donc les scénarios extrêmes étaient très importants.
14:31 Aujourd'hui ces scénarios extrêmes se sont peut-être raffinés, ils sont peut-être
14:37 moins importants. Concrètement, on est confronté à peut-être deux scénarios. Soit une récession
14:42 assez importante dans la partie gauche de l'équation si les choses tournaient mal,
14:48 soit une décélération et une récession faibles. Mais il n'y a plus de schéma de
14:51 réaccélération économique qu'on a pu... On avait trop de scénarios sur la table.
14:56 À un moment, on a pu en enlever quelques-uns là aujourd'hui. On a pu en enlever quelques-uns
14:59 là. On voit qu'on ralentit. La question c'est, va-t-on ralentir très violemment ?
15:04 Vos commentaires sur l'idée de la pause et puis la très bonne tenue des marchés,
15:10 des actifs risqués également. Alors je ne sais pas si c'est une surprise ou pas. On
15:14 a quand même un run spectaculaire derrière nous de plus de six mois maintenant sur les
15:19 marchés actions. La volatilité des marchés actions est quasi éteinte. Les spread de
15:24 crédit se tiennent très très bien. Bon, à intervalle régulier, on s'interroge sur
15:29 le bien fondé de ce niveau de prix, de tenue de prix sur les marchés d'actifs risqués,
15:33 Gilles. Oui, c'est normal. Alors le scénario de
15:35 pause, il paraît légitime quand même. En effet, on commence à voir... Il y a quand
15:42 même certains éléments qui militent en faveur d'une décélération sur beaucoup
15:52 d'indicateurs, même à partir d'un niveau élevé, bien sûr. Mais le plus sensible,
16:00 me semble-t-il, peut être les claims de chômage aux Etats-Unis.
16:06 Donc les inscriptions hebdomadaires au chômage. Merci. Ce qui n'est pas inintéressant comme
16:12 indicateur. C'est un bon indicateur ?
16:14 Alors le chômage est un indicateur dit retardé, mais les inscriptions au chômage en différentiel,
16:20 par contre, on voit un petit peu un aspect différentiel. Et il y a moins de tension
16:25 sur le marché de l'emploi qui ne pouvait y en avoir préalablement aux Etats-Unis.
16:29 Et puis, en effet, les indices de biens en règle générale ne se portent pas forcément
16:36 très bien. On a la symétrie de la période Covid où on consommait des biens et pas du
16:44 tout de services. Maintenant, c'est l'inverse. Mais la consommation de services et de dépenses
16:48 discrétionnaires, les croisières, les avions, les restaurants, ça c'est quand même très
16:55 sensible à... C'est très court terme.
16:58 On n'a qu'un temps.
16:59 C'est très sensible à la psychologie des consommateurs. Et c'est nécessairement moins
17:05 long en termes d'effet macroéconomique que d'investir dans une usine de batterie électrique
17:12 à Dunkerque ou ailleurs. Et là, on est sur des périodes de trois ans ou quatre ans.
17:20 Et ça nourrit quand même de façon brodélienne le sous-jacent de notre croissance économique
17:27 à très très long terme.
17:28 Donc oui, le scénario de la pause est raisonnable. Et en effet, les marchés attendent beaucoup
17:39 plus qu'une pause, une révision très très forte, très rapide des taux courts. Et ça,
17:47 ça nous paraît pas cohérent avec des niveaux généraux actions et en particulier sur les
17:53 secteurs les plus cycliques de l'économie.
17:58 Donc pour nous, pour résumer, on est au milieu du gué. Et avec des courants croisés assez
18:06 violents et du coup difficiles à manœuvrer.
18:10 Concrètement, comment ça se traduit dans les marchés ? On parle beaucoup de marchés
18:14 à deux vitesses. C'est vrai qu'il y a encore quand même des poches de croissance,
18:19 il y a certains segments qui tiennent plus que bien, qui ont doublé depuis le début
18:24 de l'année. Et puis, il y a une partie immense du marché qui semble être déjà un peu dans
18:31 cette idée de récession, pour dire les choses.
18:33 Oui, alors en termes sectoriels ou pays, on a des ratings médians et globalement assez
18:42 resserrés autour de 5. Par contre, quand on rentre dans les pays, quand on rentre dans
18:47 les secteurs, là on a une dispersion très très intéressante. Mais sinon, en vision
18:53 top down, ce qui me paraît très intéressant encore aujourd'hui, et ce qui a commencé
18:59 à se matérialiser, c'est les sociétés de croissance qui en plus seraient sensibles
19:06 à une pause sur les taux, voire à une baisse des taux. Et vous avez certaines sociétés
19:13 qui sont à la confluence de la croissance, de la sensibilité à la baisse des taux qui
19:20 amènerait une expansion des multiples, et des tensions géopolitiques, et des avancées
19:28 technologiques. Et je pense notamment à beaucoup de valeurs de cybersécurité qui sont très
19:34 très loin de leur plus haut, ou certaines valeurs sensibles au thème intelligence artificielle.
19:42 Et alors que l'activité va très bien, les marges sont très bien, elles sont cash positives
19:48 pour beaucoup, et elles sont très très très loin de leur plus haut, et elles sont assez
19:53 insensibles en réalité au rythme de la croissance économique au global. Donc on a des ratings
19:59 par exemple très très bons sur Palo Alto, ou Zieskeller, ou des boîtes comme ça qui
20:05 ont publié...
20:06 Oui c'est ça, qui sont un peu derrière l'arbre des GAFAM d'une certaine manière, mais qui
20:11 sont branchées aussi directement sur ces thématiques de forte croissance. Sur ce marché
20:17 à plusieurs vitesses, Eric, est-ce qu'une poignée de valeurs, c'est toujours un peu
20:21 le même sujet, aux Etats-Unis, comme je le dis maintenant, il y a le S&P 5 et le S&P
20:26 495. Donc on est habitué à ce phénomène, ça rassure, ça inquiète, est-ce qu'on peut
20:33 imaginer que quelques poids lourds d'une cote comme la cote américaine permettent de tenir
20:37 les indices, et peut-être même d'enjamber un peu l'idée de la récession, de se projeter
20:43 au-delà en attendant qu'une autre partie du marché puisse se libérer un petit peu
20:48 justement de cet horizon de la récession, ou est-ce qu'il faut quand même tenir compte
20:53 de cette situation de fragilité ou de concentration très forte ?
20:56 Déjà, on dit que les marchés ont monté, monté, depuis le... on a le CAC 40 en tête,
21:05 donc on est un peu biaisé par le CAC 40 avec 5-6 valeurs qui n'ont pas arrêté de monter.
21:09 Mais le MSCI World, je l'ai regardé juste avant l'émission, le 1er février, il était
21:15 à 2809. Ce matin, il était à 2809. Il n'a pas bougé.
21:20 Depuis janvier, ça ne fait plus rien.
21:22 Voilà. Donc, février, ça a monté un peu, tout a monté en janvier.
21:24 Mais la hausse de l'année s'est faite en 4-5 semaines en début d'année.
21:27 Elle s'est faite en 4-5. Bon, donc ça veut dire que ça ne fait plus rien. Et alors à
21:30 l'intérieur, effectivement, le marché est assez logique. Il joue finalement... les
21:35 taux ont fini de monter. Alors, les taux, si réellement ils restaient à 3,5 aux États-Unis
21:41 et à 2,30 en Allemagne, ça, c'est idéal pour les marchés à action. Les marchés
21:46 à action, ils n'avaient pas des taux négatifs. Ils avaient ce niveau d'inflation, une inflation
21:49 à 2%. C'est là que les PE sont les plus élevés, quand on a une inflation à 2%.
21:53 C'est ce qu'ils jouent. On verra bien s'ils ont raison, mais ils jouent ça. Et après,
21:57 qu'est-ce qu'ils jouent aussi ? Un très fort ralentissement, parce que les cycliques
22:00 sont massacrés quand même. CAC 40, c'est parce que LVMH a grimpé, mais pas...
22:05 C'est pas Stellantis. Pas les banques, pas l'auto, pas le pétrole.
22:08 Donc, le marché joue. Le cycle va ralentir fortement. Et donc, quand c'est ça, il n'y
22:15 a plus de prix au cyclique. Il y a des valeurs à 3 ou 4 fois les bénéfices, mais il n'y
22:20 a plus de bénéfices. Et de l'autre côté, on joue, les taux sont bas, donc les valeurs
22:25 de croissance qui, en plus, ne déçoivent pas. On les revalorise 25, 26 fois, 50 fois,
22:32 même il y a 2 ans. Je ne suis jamais à l'aise avec ces multiples-là. Mais de l'autre côté,
22:38 effectivement, des taux plutôt bas, des bénéfices qui tiennent, voilà, on est à nouveau confiant.
22:44 Donc, il y a dichotomie entre les marchés. Aux États-Unis, il y a Nasdaq et le reste.
22:50 Dans le Nasdaq, il y a les 5 valeurs et le reste. Ce sont toutes des valeurs de croissance,
22:55 tuant de la croissance et qui bénéficient des taux bas pour les évaluer. Donc, c'est
22:59 les GAFAM aux États-Unis, c'est le luxe en France, notamment. Mais à côté de ça,
23:05 il y a tout un segment small cap, pour peu qu'il soit un peu cyclique, qui est à la
23:09 cave. Donc, voilà, c'est le pari qui est assez logique, finalement. Il accompagne
23:15 ces taux bas. Et quand il y a eu correction sur les valeurs dites chères défensives,
23:21 c'est quand les taux montaient. À un moment donné, ils sont passés de 0 à... Effectivement,
23:24 ça a été dit à 5, en tout cas, taux courts. - Les taux directeurs. - Les taux directeurs.
23:30 Taux négatifs, ils sont passés à près de 4 aux États-Unis. Donc, ça a envoyé à
23:34 la cave toutes les valeurs de croissance. Mais là, à nouveau, c'est les taux. Alors,
23:42 on est à 19 fois les bénéfices aux États-Unis. On est à 13 fois en Europe. Tu me le diras.
23:47 On est à peu près ça, je crois, sous le compte. - Avenir. - Avenir est venu parce
23:52 que de toute façon, il n'y a pas de croissance en 2024. Donc, on est à 13 fois en Europe.
23:59 Ce n'est pas une bulle. Mais à condition, effectivement, qu'il n'y ait pas de remontée
24:04 des taux. Quelque chose qui ne serait pas prévu. Parce que là, plus personne n'anticipe
24:09 une remontée des taux. On parlait de pause, effectivement. Mais s'il y avait la FED qui
24:13 me parle dans le micro en disant « Vous n'avez pas compris ? Non, 5,25, c'est une étape
24:18 et puis ça ralentit pour 3,6. » - Ah oui. Ah ben, si jamais à la rentrée, la FED se
24:21 met à monter les taux, c'est un scénario délétère comme jamais. - Donc, personne
24:25 n'anticipe pas. Mais effectivement, 19 fois aux États-Unis, ce n'est pas donné non plus.
24:30 13 fois en Europe, ce n'est pas donné. Mais 13 fois, c'est la moyenne historique. Il ne
24:35 faut pas qu'il y ait de déception. Soit les taux montent et là, il n'y a plus de
24:37 raison d'avoir cette expansion de multiples. Il y aurait une correction. Soit les bénéfices
24:43 commencent à baisser. Donc, ça, on le verra au cas par cas. Il y a encore maintenant
24:46 3 mois où il ne se passera rien normalement. Parce qu'on va attendre la nouvelle publication
24:51 des semestriels ce coup-ci et puis des guidance des entreprises pour ajuster. Mais ça pourra
24:57 être cas par cas. C'est-à-dire la boîte qui déçoit, elle consolide. Voilà. Donc,
25:05 c'est pour ça qu'on s'ennuie depuis quelques temps. Il ne se passe pas grand-chose.
25:08 - Vous faites bien de le rappeler effectivement quand on enlève un peu les caractéristiques
25:13 spécifiques de quelques indices. - Zéro depuis le 1er février sur le MSCI
25:19 - En attendant la prochaine saison de publication de résultats, on peut quand même encore
25:24 tirer quelques enseignements de la saison de publication des résultats du 1er trimestre
25:28 qui est en train de se terminer. On va avoir d'ailleurs quand même tous les gros retailers
25:30 américains. Donc, en lien avec le pouvoir d'achat, la consommation, ce sera quand même
25:34 intéressant d'avoir les discours de Home Depot, Walmart, etc. À ce stade, qu'est-ce
25:38 que vous retenez de la qualité des résultats publiés en masse ? Bien sûr, Raphaël,
25:45 quelles sont les histoires spécifiques qui ont valeur d'exemple un peu emblématique
25:50 et qui ont retenu votre attention ? En termes de réaction de marché, comme le disait Eric,
25:54 c'est intéressant de voir que sur des résultats qui battent les attentes, des attentes qui
25:57 ont été rabaissées quand même pendant plusieurs mois, la boîte qui fait mieux que les attentes,
26:02 c'est Price Action Nul, c'est intégré. La boîte qui déçoit, par contre, là, c'est
26:08 forte sanction négative sur la déception. - Oui, tout à fait. Il y a eu une belle saison
26:14 des résultats, encore un trimestre de résilience pour les entreprises qui, malgré tous ces
26:19 vents de face, arrivent à croître en termes de chiffre d'affaires et à maintenir une
26:24 profitabilité quasi inchangée. Donc, ça, c'est assez remarquable. Alors, vous l'avez
26:28 bien dit, le marché avait plutôt bien anticipé, mais on peut quand même se réjouir et être
26:33 impressionné par cette résilience. Donc, les chiffres d'affaires augmentent légèrement,
26:37 les bénéfices diminuent légèrement en moyenne en Europe, mais globalement, on est
26:41 mieux que les attentes. Donc, ça, c'est un premier point intéressant. Ces entreprises,
26:48 elles sont portées par ces hausses de prix qui continuent d'être assez systématiques,
26:53 en tout cas sur certains secteurs, qui continuent d'être supportées par les consommateurs
26:56 qui puisent allègrement dans ces réserves Covid. Enfin, un bout de temps qu'ils puisent,
27:00 on se demande jusqu'à quand, on se demande ce qui se passera après, d'ailleurs, mais
27:04 jusqu'à présent, ça a permis de maintenir ces niveaux de profitabilité. Et puis, cette
27:10 dichotomie dont on a parlé tout à l'heure entre biens et services qui est manifeste
27:13 aujourd'hui, effectivement, on a passé tous nos confinements à rénover nos maisons,
27:18 acheter des vélos d'appartement et des télés. Et maintenant, on voyage, on va au stade,
27:23 on va au restaurant et ça se voit dans les résultats d'entreprise. C'est vraiment
27:28 très clairement une thématique forte du marché.
27:30 On est encore dans ce rattrapage, parce que ça fait déjà quelques trimestres qu'on
27:33 en parle de ce rattrapage, mais il est encore à pleine puissance.
27:36 À pleine puissance, avec des impacts très importants sur l'inflation. On peut faire
27:40 le lien avec la conversation précédente, en particulier aux États-Unis. Cette inflation,
27:43 elle est tirée par les prix du service, avec donc effectivement des consommateurs qui consomment
27:48 des services. Les prix du service, c'est plutôt gluant, moins sensible au taux. Donc,
27:53 tout ça va avoir des impacts long terme. Donc, clairement, on est sur une saison de
27:58 résultats qui est plutôt encourageante. Après, on a mentionné les deux éléphants
28:02 dans le couloir. Il y a beaucoup de place dans ce couloir. La tech aux États-Unis,
28:06 qui fait une belle saison aussi, à travers en particulier cette dynamique de réduction
28:10 des coûts. L'année de l'efficience avec 18 quarts Berge, tout le monde a pris le mot.
28:14 Effectivement, ça se ressent en termes de profitabilité. Et puis, en France et en Europe,
28:20 le luxe, un secteur extraordinaire, qui fait une croissance de chiffre d'affaires et des
28:25 bénéfices, qui augmente ses marges, qui arrive à faire passer des hausses de prix
28:29 systématiques, qui bénéficie de la réouverture chinoise. Bref, la quadrature du cercle.
28:35 Tout ça se paye. On est sur des multiples de valorisation qui commencent à être assez
28:40 excessifs. On est à 50% de premium sur les grosses techs américaines, comparé au reste
28:44 du marché. 80% de premium sur le luxe européen. Donc, attention aux trous d'air. Mais, tant
28:51 que la musique joue, on peut continuer à danser. Donc, c'est une saison des résultats
28:56 assez remarquable par sa résilience. Jusqu'à quand ? On verra.
29:00 Est-ce qu'elle a permis d'enrayer un peu les révisions baissières, justement, sur
29:03 les prévisions de bénéfices ? À un moment, on avait eu l'impression que, du fait des
29:08 bons résultats publiés, on pouvait voir peut-être les attentes de bénéfices commencer
29:12 à se stabiliser, voire repartir légèrement à la hausse. Est-ce que ça veut dire que
29:15 le point bas des EPS, des bénéfices par action aux Etats-Unis, est en train d'être
29:19 dépassé, déjà, maintenant ? Avant même que le cycle de l'économie réelle ait
29:25 atteint peut-être son point bas ?
29:26 Alors là, vous nous resservez la réaccélération.
29:29 J'écoute aussi le consensus des analystes.
29:33 Tout à fait. Les analystes restent optimistes, sont encouragés en cela par des résultats
29:38 qui sont robustes. Remettons quand même dans le contexte. On a surpris à la hausse le
29:44 consensus des analystes qui avait été révisé. On est quand même sur des thématiques de
29:48 décroissance de bénéfices, -2% en Europe. Si on exclut les financières, là, pour le
29:54 coup, cette surprise à la hausse est bien moindre parce que les financières ont beaucoup
29:58 surpris les analystes dans leur annonce de résultats. Donc, il y a quand même une tendance
30:02 à la décélération des activités. Et aujourd'hui, le marché ne s'attend à aucune croissance
30:08 des résultats pour l'année 2023, ce qui serait une gageur en temps de récession.
30:13 Si vous regardez les récessions précédentes, pour des récessions faibles, légères, on
30:18 voyait des décroissances des profits, des réductions de profits d'environ 5%. Pour
30:24 des récessions plus fortes, type 2008, on est plutôt à -15, -20, -30%. Là, le marché
30:29 nous sert 0%. Donc, il y a très peu de place pour l'erreur. Aujourd'hui, le marché price
30:34 le meilleur des mondes. Une décélération très modeste qui permettrait néanmoins
30:39 une baisse des taux et donc une reprise de la marche en avant sur les actifs risqués.
30:43 Sur les sujets qui peuvent amener de mauvaises surprises, alors je ne sais pas, c'est le
30:49 stress bancaire, c'est le plafond de la dette aux Etats-Unis. Est-ce qu'il y a des réflexions
30:54 particulières sur ces sujets-là, dont on parle quasiment quotidiennement ? Alors, le
30:57 plafond de la dette régulièrement, tous les ans ou tous les deux ans aux Etats-Unis.
31:03 Le stress bancaire, ça fait deux mois qu'on suit ça comme le lait sur le feu avec une
31:07 série de noms et une série en cours qui n'est pas interrompue à ce stade. Est-ce
31:13 que ces deux craintes restent sous contrôle aujourd'hui ? Est-ce que ça peut encore
31:18 déraper ?
31:19 On est vraiment au milieu du guet sur ces sujets, je trouve, parce qu'on a l'impression
31:26 quand même d'une polarisation politique aux Etats-Unis qui encourage, je dirais, les
31:33 manœuvres de dernière minute. Et pour aller jusqu'au bout du showdown, à aucun choral,
31:41 on n'y arrive pas. Mais donc, plus on va loin, plus il y a des risques de mauvaise
31:47 compréhension.
31:48 Oui, et puis je rappelle, même sans défaut, quand on reprend la séquence de 2011, même
31:51 sans défaut, s'approcher trop trop près du défaut technique, ça coûte quand même
31:56 15% au S&P 500 et puis ça coûte un A au triple A américain dans la foulée. Ça a
32:02 un coût, quoi. Même s'il n'y a pas de défaut.
32:04 C'est quand même le reflet d'une crispation politique, pas seulement aux Etats-Unis,
32:13 mais de façon générale, de la défense d'intérêts particuliers au détriment des intérêts
32:17 collectifs et qui se retrouve peu ou prou dans chaque pays démocratique, mais également
32:25 dans une ascendance des conflits à bas bruit ou à bruit élevé entre une grande puissance
32:35 existante et puis puissance ayant des volontés d'émerger, si j'ose dire. Et il n'y a
32:41 pas que la Chine en la matière. Donc c'est quelque chose qui est assez compliqué et
32:48 qui rend l'environnement sensiblement plus risqué que dans le passé.
33:00 On pointe sur le sujet de la dette américaine, mais c'est un vrai sujet en période de hausse
33:08 des taux. Et ce n'est pas la dette américaine, c'est les pays les plus endettés dans le
33:13 monde. Et nous montrons dans une de nos études qu'il y a une corrélation sur le très long
33:20 terme, pour ceux qui acceptent de regarder le très long terme, mais ce que certains
33:25 très gros investisseurs en action font, et ils ont raison de le faire, il y a un lien
33:32 très intéressant à analyser, observer, entre la migration de la perception du risque
33:39 et la performance boursière. Et ça, bien sûr, dans une période de riscone telle que
33:46 nous avons connue, avec une énorme stimulation de l'activité économique, qui, je vous
33:52 rappelle, dans beaucoup de pays, était entre 5 et 10 fois plus importante, en pourcentage
33:58 du PNB, que la stimulation post-crise de 2008. Donc dans ce sillage-là, la marée fait monter
34:08 la vague. - Oui, la vague est tellement puissante que tout le monde...
34:10 - Mais ensuite, quand la vague se retire, comme dit Warren Buffett, on voit dans quel
34:14 équipement elle est utilisée par les nageurs. Et là, en la matière, les entreprises, mais
34:23 les pays également, ne sont pas tous logés à la même enseigne. Et nous, on remet l'accent
34:33 de façon thématique et générale sur les pays qui sont les plus sains, les plus innovants,
34:40 aux finances publiques les plus équilibrées, qui en même temps sont des pays où le consensus
34:45 social est le plus fort, en fait. Et c'est un environnement pour les entreprises qui
34:53 ont leur racine dans ces pays-là qui est juste exceptionnel, beaucoup plus stable que
34:56 pour d'autres. Et il en paraît que dans ces périodes-là, surtout après le riscone qu'on
35:01 a vécu, il est bon de faire un peu plus attention sur l'allocation d'actifs stratégiques,
35:10 au-delà de l'allocation d'actifs tactiques. - On l'a vu chez Fitch, alors sans que ça
35:14 ait un impact forcément sur les dettes françaises, mais le caractère, la dimension sociale,
35:18 d'acceptation, consensus social, etc. ça a toujours été le cas, mais c'est un argument
35:22 qui revient aujourd'hui en force pour une agence de notation comme Fitch, en l'occurrence.
35:26 Dans les risques qu'on surveille aujourd'hui, Eric, entre le stress bancaire, la serrée
35:31 en cours des banques régionales, on voit bien que la série n'est pas interrompue, on ne
35:34 sera pas surpris de voir encore sans doute quelques défaillances devant nous, et cette
35:39 histoire du plafond de la dette version 2023 qui semble prendre une dimension un peu différente.
35:45 Qu'est-ce qui vous inquiète le plus à ce stade ? Qu'est-ce qui est le plus gênant,
35:49 le plus dérangeant pour les investisseurs ? - Le plafond de la dette, pas du tout. J'ai
35:53 commencé ma carrière, on parlait du plafond de la dette. - Vous terminerez votre carrière,
35:57 on vous parlera encore du plafond de la dette. - Il ne se passera rien du tout, ils nous
36:01 feront le cirque jusqu'au dernier moment, et à la fin, ils se mettront d'accord. - Qu'on
36:07 perde 10 ou 15% sur une mauvaise gestion ? - Je ne me souviens plus, je ne sais pas. - Ah
36:11 si, ça perd. - Mais est-ce que le 15% était du cas ça ? - Alors il y avait tout, 2011,
36:16 il y avait aussi la crise souveraine en Europe, il y avait beaucoup d'événements, je suis
36:19 d'accord, mais en 3-4 semaines, il y a quand même une concentration d'événements négatifs.
36:24 - Ils se mettront d'accord, dans le pire des cas, il se passera un mois sans que les
36:29 fonds de dette soient payés, ils les rembourseront après. - Oui, enfin, dans un monde où la
36:34 défiance viaille du dollar a peut-être monté encore un peu d'un cran... - Oui, mais pour
36:39 faire quoi ? - Non, mais je suis d'accord. - Ce n'est pas l'euro qui va donner des leçons,
36:44 il n'y a pas d'alternative. Après, ils peuvent dégrader tout ce qu'ils veulent, de 2A, les
36:49 taux ne bougeront pas d'un iota, parce que de toute manière, il n'y a pas d'alternative.
36:53 Alors, le bitcoin et tout, on verra plus tard, mais pour l'instant, ça non. Les banques
36:59 régionales, alors, ça aurait pu être un problème s'il n'y avait pas eu 2008, qui
37:08 nous enseignait pas mal de choses, donc ce qui est assez étrange, c'est qu'aucune ne
37:12 sera laissée... elles feront faillite, mais elles seront reprises. Donc à peu près toutes,
37:18 c'est-à-dire que l'aléa morale revient encore plus fort, parce qu'on voit bien que dès
37:21 qu'il y a problème, elles se font absorber en un week-end par une plus grosse, qui va
37:25 en devenir de plus en plus grosse. Donc il va falloir sans doute les réguler un peu
37:28 plus, les banques américaines, elles le sont moins qu'en Europe, ce qui est pas mal pour
37:33 l'Europe d'ailleurs, pour les banques européennes. - Ça rééquilibre l'avantage comparatif,
37:38 compétitif. - Oui, un problème de concurrence. Donc oui, ça va tomber, toutes ces banques
37:43 qui avaient été dérégulées par Trump, il ne faut pas oublier, donc les banques régionales,
37:47 ça ne sera pas la dernière. Mais même s'ils ne le disent pas, il y a quasiment une garantie
37:52 des dépôts aux Etats-Unis. Alors c'est un gros mot, donc on ne le dit pas. C'est un
37:56 pays très libéral, mais c'est un peu ça. Donc non, je ne pense pas que ça viendra
38:03 de là. En revanche, ce qui est sûr, c'est que les conditions de crédit sont de plus
38:08 en plus drastiques. - Bien sûr. - Et c'est pour ça qu'on va avoir un ralentissement
38:12 de données quand même. Tout le monde n'a pas mis 50 milliards de côté avec le Covid.
38:16 Donc voilà, le crédit, on le voit dans l'immobilier. À un moment donné, le crédit, c'était
38:22 à les meilleurs 0,5 peut-être. Là, c'est fini. Enfin, ceux qui empruntent le voient
38:28 bien. Les prix n'ont pas baissé parce que les vendeurs n'ont pas encore compris que
38:31 les prix devaient baisser. Mais à un moment donné, quand on va marquer les premières
38:36 ventes, voilà. Donc bon, mais sur les risques, alors non, plafot de la dette, les risques
38:43 des banques régionales, elles vont être prises par les autres. Voilà. - On voit bien
38:48 le processus désormais. On voit bien sur les quelques exemples qu'on a eus, on voit
38:52 bien la manière dont le système américain, fédéral, réglementaire va accompagner cette
38:59 restructuration du segment des banques régionales qui va peut-être prendre du temps d'ailleurs.
39:03 Ça va peut-être se jouer sur plusieurs mois. - Il y en avait beaucoup trop. - D'accord.
39:07 - Ça va être agrégé. Voilà. Donc le risque, il y aura quelque chose qui va arriver. On
39:13 ne sait pas. C'est toujours pareil. Mais en tout cas, ce n'est pas des risques identifiés
39:17 aujourd'hui. Ce n'est pas ça qui fera basculer, qui provoquerait une conflite. - Oui, on en
39:23 parle tous les jours. Tout le monde a les yeux dessus. Là-dessus, sur le risque financier,
39:26 on en parle depuis deux mois, dès le premier jour quasiment avec vous, Raphaël. Bon, à
39:30 ce stade, encore une fois, série toujours en cours. Les défaillances se succèdent.
39:34 C'est géré en 24 heures. Il y a toujours un acheteur. Alors on verra. J.P. Morgan,
39:38 Banco de l'Amérique, peut-être qu'ils auront 50% des dépôts américains à un moment.
39:41 On verra si ça pose problème ou pas. Mais pour l'instant, il y a de quoi maintenir
39:47 la séquence contrôlée. D'accord avec ça ? - Oui. Alors sur les banques, clairement,
39:51 on a un problème au niveau des banques régionales américaines avec des problématiques qui
39:56 sont très idiosyncratiques, très propres à ces banques régionales américaines qu'on
40:00 ne retrouve pas nécessairement dans les grandes banques américaines et qu'on ne retrouve
40:03 pas dans les banques européennes. Donc ça, c'est une certitude. On parle de problématiques
40:08 de duration avec la duration de l'actif et du passif qui ne sont pas alignés, des problématiques
40:13 de concentration de dépôts, des politiques commerciales trop agressives, un manque de
40:17 régulation. On a bien identifié la liste des problèmes et effectivement, on a du mal
40:22 à répliquer le raisonnement ailleurs. Malheureusement, on le sait, les crises bancaires, c'est lent.
40:28 Ça va de contagion en contagion et on a du mal à les arrêter. Il n'y a pas de bouton,
40:33 en particulier quand c'est des crises de confiance comme celle-ci, qui fait que hop, ça y est,
40:37 on s'arrête et on passe à autre chose. Donc on reste prudent. C'est vrai qu'on est quand
40:40 même plutôt optimiste à regarder les fondamentaux bancaires européens et des grandes banques
40:46 américaines, mais on reste prudent. Je pense qu'on peut peut-être élargir néanmoins
40:49 le spectre sur cette dimension de crise de liquidité. Et si peut-être on doit se réveiller
40:54 la nuit en transpirant, c'est en pensant à cette crise potentielle de liquidité. Cette
41:00 idée que quand on remonte les taux de manière drastique, foudroyante, fulgurante en si peu
41:05 de temps, on risque de casser quelque chose. Et on commence à avoir des tuyaux du système
41:12 financier mondial qui commencent un petit peu à grincer. On a eu des premiers exemples,
41:17 souvenez-vous, l'automne dernier, c'était les fonds de pension britanniques qui avaient
41:21 des problèmes de dérivés, toujours sur cette dimension de duration. On a eu effectivement
41:27 la crise des banques régionales américaines, on a eu la crise du crédit suisse. Ça commence
41:31 un petit peu à faire une sacrée liste. Maintenant, on parle beaucoup de l'immobilier qui est
41:35 dans la quadrature du cercle, des besoins de refinancement, des baisses de valo, des
41:40 taux d'occupation en baisse. Comment tout ça va se résoudre ? On est assez inquiet
41:44 sur l'immobilier.
41:45 Pourtant, il n'y a pas de défaut aujourd'hui.
41:47 Aujourd'hui, il n'y a pas de défaut. Mais par exemple, on entend sur les SCPI qu'il
41:51 y a des poches liquides, des poches illiquides. Que font les gérants de vent, les sorties
41:56 dans les SCPI ? Ils vendent des poches liquides. Jusqu'à présent, tout va bien. Le problème,
42:00 c'est qu'à un moment, il n'y a plus de poche liquide, il va falloir vendre autre
42:03 chose. On n'en est pas là. Et peut-être qu'on n'ira pas là. Mais c'est vrai que
42:07 ce scénario d'engrenage, il guette. Et là, on a parlé de quelques marchés. Il y en
42:12 a d'autres. Il y a beaucoup de segments de l'économie qui ont profité de taux dramatiquement
42:17 bas pendant trop longtemps et qui souffrent dramatiquement aussi d'une remontée des
42:21 taux figurants. Donc là, cette crise de liquidité, c'est celle-là qui nous inquiète davantage
42:28 qu'une récession dure, un trou d'air en massif qui est possible aussi, mais qui aujourd'hui
42:35 ne s'affiche pas très clairement dans les signes.
42:37 - Oui, non mais il ne faut pas oublier cet aspect financier quand même dans l'engrenage
42:42 ou la séquence encore devant nous. Je voulais qu'on puisse dire un petit mot de la Turquie
42:45 peut-être avec vous, Gilles, avec les outils d'Equity GPS. Pour dire un mot de ce qu'on
42:52 en a régulièrement parlé de la Turquie, qu'est-ce que ça pèse ? Comment ça joue
42:58 dans le jeu des marchés globaux aujourd'hui ?
43:00 - Ce n'est pas très important. La population turque est importante en croissance. Leur
43:09 volonté de puissance est importante et en croissance. Mais par contre, sur les marchés,
43:19 les entreprises turques sont efficaces technologiquement relativement avancées et travaillent durs
43:26 et bien. Ils sont des concurrences très sérieuses pour les entreprises occidentales dans les
43:32 marchés tiers. Mais par contre, en termes macroéconomiques, les enjeux sont très faibles
43:38 pour les investisseurs. Moi, je ne connais très peu qui sont investis sur ce segment
43:44 de l'actualité.
43:45 - Il y a un moment, parce qu'il y a des crises turques depuis 5-10 ans, il y en a quand même
43:48 eu... Souvent, à un moment, ça faisait baisser les banques européennes. Il y avait une exposition
43:51 quand même. On a l'impression là, aujourd'hui, qu'il y a un peu d'incertitude, mais le stress
43:55 reste très limité à des activités spécifiques.
43:58 - Oui, les banques occidentales ont largement coupé les liens avec les banques locales.
44:03 Par contre, les entreprises industrielles... Je rappelle qu'il y a une une en douanière
44:08 entre la Sommet européenne et la Turquie. Et à chaque dévaluation ou baisse, plus exactement,
44:16 de la livre turque, on peut voir qu'il y a beaucoup de segments industriels, mais du
44:21 type PME, pas de très grande société cotée, qui sont affectés par une concurrence de
44:26 prix très...
44:27 - Féroce.
44:28 - Très féroce, en provenance de concurrents turcs. Oui, sans doute.
44:34 - Rapide tour de table, un mot sur la politique d'investissement, lignes de conduite, aujourd'hui,
44:39 idées ?
44:40 - Structurellement, le boule case sur les marchés et actions à long terme est quelque
44:47 chose qui nous paraît toujours valable, via la croissance démographique, la croissance
44:54 technologique, le progrès technologique. Mais les marges des entreprises au global
45:01 nous paraissent quand même assez, historiquement assez élevées. On ne peut pas oublier que
45:04 la séquence actuelle de bonne tenue des marchés et actions est coïncidente avec une baisse
45:13 des prix de l'énergie. Et il ne faudrait pas que les prix de l'énergie remontent,
45:18 ça enlèverait beaucoup de marges aux entreprises. Et nous, on a tendance à toujours regarder
45:24 avec des yeux de chimène un sous-ensemble de pays et d'entreprises qui ont leurs racines
45:30 économiques dans des pays de meilleure qualité au monde, que nous appelons AAA+, et qui sont
45:37 particulièrement bien préparés pour un éventuel retournement de cycle.
45:41 - Oui, c'est ça. Dans une période comme ça, d'incertitude importante.
45:44 - On vient d'avoir un bullrun viscon depuis les plus bas du Covid. Et donc, je pense qu'il
45:54 est temps de faire attention à son allocation d'actifs stratégiques.
45:56 - Éric Turgeman, politique d'investissement chez Ofi Invest AM, à ce stade.
46:00 - Alors nous, fin janvier justement, on avait été un peu plus prudent sur les actions.
46:04 C'est pour ça que je connais bien le niveau du Messier Award de 1809. À ce niveau, on
46:09 avait été légèrement négatif tactiquement. Ça n'a rien fait depuis, donc on n'a ni
46:13 gagné ni perdu. Bon, encore une fois, il peut y avoir de la volatilité. On pense qu'on
46:21 peut rentrer sur les marchés peut-être un peu plus bas qu'aujourd'hui. Quant au marché
46:26 obligataire, en fait, nos gérants, ils sont alternes avec la duration plus ou moins longue
46:36 en fonction... C'est très volatil, le marché obligataire est plus volatil que le marché
46:39... - Ah ben, beaucoup plus, bien sûr.
46:40 - Là, on a l'Allemagne qui va entre 2,20 et 2,50 régulièrement.
46:44 - C'est une gestion active. - Une gestion assez active, plus que sur
46:48 les actions où on attend éventuellement une porte pour revenir plus positif.
46:52 - Raphaël, pour conclure avec vous sur la stratégie, la politique d'investissement
46:56 du moment. - Donc, de la prudence avec des liquidités
47:00 sur le côté. Les liquidités sont rémunérées aujourd'hui, donc on est quand même aussi
47:03 payé pour attendre. La caisse d'actifs, liquidité est une caisse d'actifs en tant que telle,
47:08 enfin. Donc ça, c'est une certitude avec globalement l'idée qu'on va probablement
47:12 avoir de meilleurs points d'entrée dans le cours d'année. Aujourd'hui, les marchés
47:15 sont assez chers, on a beaucoup performé depuis le début d'année. Donc prudence,
47:19 patience, un rééquilibrage, c'est assez consensus, désolé, vers l'obligataire.
47:24 L'obligataire a beaucoup sous-performé, il a des rendements embarquistes qui sont
47:28 redevenus attractifs, il est pertinent dans une allocation. Et au sein de cet obligataire,
47:33 les poches de meilleure qualité, Investment Grade, donc les meilleures notations, qui
47:38 elles, ont encore plus sous-performé que le reste, nous semblent indiquer dans un scénario
47:43 de récession et de stress de marché qui reste exigeant.
47:46 Merci beaucoup messieurs, merci pour vos analyses du moment sur la planète marché. Eric Turgeman,
47:53 Offi, Invest, AM, Raphaël Thuyn, TKO Capital et Gilles Bazissier. Écouti GPS était avec
47:58 nous en plateau ce soir.
47:59 Le dernier quart d'heure de Smartbourg, chaque lundi soir à 17h45 en direct, c'est le quart
48:08 d'heure américain qui nous permet de retrouver en visioconférence Pierre-Yves Dugas, notre
48:12 correspondant américain. Bonsoir et bienvenue Pierre-Yves. Ravi de vous retrouver avec un
48:16 mois de mai qui a un peu moins de lundi que les autres mois d'habitude. Donc c'est vrai
48:21 que c'est un rendez-vous qui a pu être suspendu pendant ces quelques lundis off. Pierre-Yves,
48:27 néanmoins, on se retrouve toujours avec le même sujet, le plafond de la dette qui approche,
48:33 la date X autour du 1er juin. Pourquoi est-ce que c'est aussi compliqué en 2023 cette
48:39 question du plafond de la dette Pierre-Yves ?
48:42 Alors d'abord sur la détermination de la date X, il faut quand même signaler que le
48:49 Trésor américain est très surpris de voir que les recettes fiscales ne sont pas aussi
48:54 élevées que prévu. Il manque en gros par rapport à l'année dernière, de janvier
48:59 à avril, 250 milliards de dollars sur lesquels on comptait plus ou moins et qui ne sont pas
49:03 là. Ce qui explique en partie que les tractations sur le relèvement du plafond de la dette
49:10 se sont engagées très tard parce que le Trésor américain ne se rendait pas compte
49:13 que la date X, c'est-à-dire la date du défaut catastrophique qui pourrait intervenir pour
49:19 le Trésor américain si le plafond de la dette n'était pas relevé, on ne pensait
49:23 pas que cette date interviendrait début juin, on pensait qu'elle serait plutôt en juillet
49:26 ou en août. Comment se fait-il qu'il manque 250 milliards de dollars, by the way ? Toutes
49:32 sortes d'explications. D'abord un rattrapage par rapport à l'année précédente. Les recettes
49:37 fiscales s'étaient envolées post-Covid et maintenant qu'on a digéré cette explosion
49:43 de l'activité, les choses reviennent un petit peu à la normale. Et puis le système
49:47 fédéral fiscal américain semble-t-il être en train de ressembler un petit peu à ce
49:52 qu'il est devenu en Californie, c'est-à-dire qu'il s'appuie de plus en plus sur la taxation
49:58 des plus riches. Et quand il n'y a pas de plus-value, et c'est le cas puisque l'an
50:04 dernier, ce n'est pas moi qui vais vous l'apprendre, les marchés se sont effondrés,
50:08 eh bien il y a beaucoup moins de recettes fiscales que d'ordinaire. Et puis il y a
50:12 aussi la répercussion de l'inflation sur le paiement des impôts. En gros, beaucoup
50:17 d'entreprises ont tout de suite profité de l'inflation en termes de recettes, mais
50:26 leurs coûts nouveaux déclarés ne sont intervenus que cette année. Donc ce qu'elles
50:32 avaient payé en supplément de taxes l'an dernier ne se reproduit pas cette année.
50:37 Un point important depuis, je dirais, 24 heures, les Républicains et les Démocrates
50:42 ont cessé de s'insulter. Ils semblent en train de discuter sérieusement d'un moyen
50:50 de déterminer dans quelles conditions le plafond de la dette pourrait être réévalué.
50:54 Deuxième point stupéfiant qui nous a tous choqués, journalistes, c'est que le président
51:00 Biden, probablement délibérément, encore qu'il puisse se tromper, a employé à deux
51:07 reprises le mot « négociation ». Lui qui, depuis six mois, nous dit « je ne négocierai
51:12 jamais le relèvement du plafond de la dette ». Le plafond de la dette doit être relevé,
51:16 nous pouvons négocier sur les questions budgétaires, mais pas sur le relèvement du plafond de
51:20 la dette, pas question de lier les deux. Il a admis que la négociation était engagée.
51:25 Cette négociation se fait dans le secret, au niveau des conseillers et des leaders du
51:29 Congrès et des conseillers du président Biden. Une réunion au sommet devait avoir
51:35 lieu vendredi, elle n'aura lieu que demain mardi. On verra si les choses progressent.
51:40 Pour le moment, en tout cas, le ton et la discrétion sont relativement encourageants,
51:46 encore qu'il est clair que les deux parties sont très éloignées l'une de l'autre.
51:49 Je ne sais pas à son combien tième plafond de la dette Joe Biden en est dans sa carrière,
51:54 mais on commence, comme beaucoup d'autres, à avoir un peu l'habitude de ce genre de
51:59 phénomène et de séquence. Pierre, est-ce qu'on arrive à retrouver un schéma, quelque
52:04 chose qui ressemblerait à une paterne d'une certaine manière et qui permettrait de se
52:07 rassurer en disant « voilà, il y a quelques semaines on s'insultait, quelques semaines
52:11 après on ne s'insulte plus, même on est capable de mener des négociations » et donc
52:16 tout ça permettant d'arriver au compromis que tout le monde attend autour du 1er juin.
52:22 Alors, il faut bien regarder les calendriers, c'est compliqué le calendrier législatif
52:28 américain. À supposer que les staffers s'entendent et qu'on fasse un compromis de dernière
52:37 minute entre leader démocrate et républicain, il va falloir faire avaler ça aux deux chambres
52:42 du concret. Ça n'est pas évident parce que la fenêtre où les deux chambres sont
52:47 en session plénière jusqu'au mois de juin n'est que d'une semaine. Donc ce petit
52:52 détail du calendrier est important. Alors naturellement les choses peuvent changer.
52:56 Une chose qui serait vraiment utile, ce serait de donner du temps un peu plus à tout le
53:03 monde et d'acter le fait que la négociation s'est engagée de manière suffisamment
53:10 constructive pour que l'on repousse, ne serait-ce que d'un mois, voire moins, cette
53:16 date X, autrement dit procéder à un relèvement bref et temporaire du plafond de la dette,
53:21 le temps de dégager un compromis plus substantiel. Traditionnellement, Mitch McConnell, le leader
53:31 républicain du Sénat, joue un rôle important parce que c'est parmi les républicains
53:37 le plus pragmatique et il n'a pas, à la différence de son homologue républicain
53:45 à la Chambre des représentants, il n'a pas à subir une pression aussi forte de la
53:49 part de l'extrême droite du parti républicain. Mitch McConnell est connu pour, dans les dernières
53:53 heures qui interviennent avant l'ultimatum, pour être l'homme qui arrive à ficeler
54:00 des compromis. Tous les regards s'étaient portés sur lui il y a quelques jours. Il
54:04 a dit "vous savez, moi je n'ai aucune solution particulière" et sa stratégie
54:08 est clairement de laisser se disputer démocrates et républicains au niveau de la Chambre
54:14 de la Maison-Blanche pour voir ensuite comment lui pourrait recoller les morceaux. La mauvaise
54:19 nouvelle, outre la détérioration de la situation fiscale des États-Unis, dans un pays où
54:23 la récession n'a toujours pas commencé mais où les recettes fiscales reculent,
54:28 c'est quand même pas une bonne chose. L'autre mauvaise nouvelle, c'est que les
54:32 deux parties sont très éloignées l'une de l'autre et que Donald Trump a voulu mettre
54:39 son grame-sel dans ces négociations au cours des soixante dernières heures en disant "mais
54:44 oui, bien sûr il faut menacer les démocrates du défaut et d'ailleurs un défaut serait
54:50 mieux aujourd'hui que demain". Cette manière de vouloir annoncer la politique du pire est
54:57 de nature à renforcer dans leur extrémisme la frange droite du parti républicain à
55:04 la Chambre des représentants dont dépend malheureusement beaucoup le leader républicain
55:09 Kevin McCarthy et ça ne facilite pas les choses à Kevin McCarthy d'avoir Donald Trump
55:14 qui jette de l'huile sur le feu. Un autre sujet qui a retenu votre attention
55:17 Pierre-Yves, c'est cette campagne lancée par la droite religieuse contre la banque
55:21 JP Morgan. Et oui, il y a eu une vingtaine de procureurs
55:27 généraux d'États républicains auxquels se sont associés une grosse douzaine de trésoriers
55:33 ont envoyé une lettre à Jamie Dimon en lui disant "mais qu'est-ce que c'est que la politique
55:39 de JP Morgan en matière de fermeture de comptes ? Vous avez fermé les comptes de plusieurs
55:46 organisations républicaines, religieuses, vous êtes en train de vous rendre coupable
55:53 de politiques de discrimination". Et ça va plus loin parce qu'une proposition a été
55:59 préparée et va être soumise à un vote lors de l'Assemblée Générale de JP Morgan
56:03 demain où on demande à JP Morgan de lancer une enquête sur la manière dont elle fermerait
56:10 les comptes de gens qui sont trop à droite. Alors JP Morgan se défend d'avoir une politique
56:16 de discrimination à l'égard de la droite républicaine, se défend encore plus de faire
56:20 la moindre discrimination en matière de convictions religieuses. Néanmoins, cela nous montre
56:28 que les républicains ont employé les méthodes de la gauche démocrate pour faire valoir
56:37 leur point de vue et ils ont préparé eux-mêmes un système de scoring. Là c'est de voir
56:44 la gauche établir des scores en matière de performances sur la promotion des homosexuels,
56:53 sur la lutte contre le carbone, sur la préservation de l'environnement, sur le financement des
56:59 armes à feu, tous ces sujets qui sont des sujets éminemment politiques et culturels
57:03 sur lesquels les entreprises américaines prennent des positions qui ne plaisent pas
57:07 à la droite républicaine. Et bien la droite républicaine, elle, lance son propre système
57:11 de scoring et on va voir un petit peu ce qu'il en sort. Le système s'appelle, je l'ai
57:17 dit, "diversity score business". On demande en particulier aux entreprises américaines
57:22 d'expliquer un petit peu leur position sur divers sujets culturels de manière à leur
57:26 attribuer un score pour savoir s'ils sont, je n'invente rien, bibliquement corrects.
57:31 C'est bien. En pleine crise des dépôts bancaires aux Etats-Unis, on va politiser
57:36 encore un peu plus la question des dépôts et des ouvertures de comptes. Ça me paraît
57:41 tout à fait aller dans le sens de l'histoire, en tout cas de ce qu'on peut observer depuis
57:45 quelques temps. Merci beaucoup Pierre-Yves. Pierre-Yves Dugas, correspondant américain
57:49 avec nous chaque lundi en direct à 17h45 dans le quart d'heure américain de Smart
57:54 Bourse, rediffusé à 20h45 sur Bismarck TV et que vous retrouvez surtout en replay et
57:59 en podcast sur bismarck.fr et sur l'ensemble de vos plateformes. Voilà pour cette édition
58:03 ce soir, on se retrouve demain à 12h30 en direct sur Bismarck.
58:07 [Musique]