Jacques Attali : "Nous créons les conditions d'un suicide de l'humanité"

  • l’année dernière
Avec Jacques Attali, économiste, chef d’entreprise, essayiste publie chez Flammarion son livre « Le Monde, modes d'emploi Comprendre, prévoir, agir, protéger »

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##LE_FACE_A_FACE-2023-05-22##

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Transcription
00:00 Sud Radio Bercoff dans tous ses états, le face à face.
00:06 Le face à face d'André Bercoff avec Jacques Attali qui publie chez Flammarion son livre
00:11 "Le monde, mode d'emploi, comprendre, prévoir, agir, protéger".
00:15 Bonjour Jacques Attali.
00:16 Bonjour Mathieu.
00:17 Alors Jacques Attali, on sait, on va pas se...
00:20 On sait, on se connait depuis très longtemps, presque un demi-siècle.
00:23 On a des idées communes mais on a aussi des idées tout à fait différentes.
00:29 On est là parce que vous, "Le monde, mode d'emploi", vous avez beaucoup parlé et vous avez beaucoup écrit sur les modes d'emploi.
00:36 Pas seulement sur le monde, sur les philosophes, sur la manière dont effectivement vous avez écrit sur la musique,
00:42 vous avez écrit sur la finance, vous avez écrit sur les mécaniques du monde.
00:46 Et justement, on ne va pas parler sur le problème du faiseur de roi ou de politique ou de président, etc.
00:53 Le livre que vous venez de publier est quand même très intéressant.
00:59 Je dirais que c'est une... j'allais dire une feuille de température, c'est un volume de température.
01:03 C'est-à-dire que vous essayez de décrire d'abord en remontant aux dix cents histoires avec un grand H.
01:09 On le prend rien à rien, ça on le sait, mais il est toujours bon de le rappeler.
01:12 Et voilà, c'est sur ces dizaines de milliers d'histoires d'humanité, vous faites des lignes de force.
01:18 Des lignes rouges, des lignes... voilà, d'abord je ne vais pas raconter le livre, lisez-le.
01:25 Parce qu'il est encore une fois, et on parlera des choses qui prêtent à discussion,
01:31 mais il est fondamental en rappelant l'ordre rituel, l'ordre impérial, le marché, les dieux, les prêtres, les guerriers, le capital, etc.
01:43 Surtout, vous donnez un nombre impressionnant de chiffres qui montrent bien justement que à la fois les collapsologues et les déclinistes se trompent.
01:52 C'est-à-dire qu'il y a ou les gens qui vous disent "oui, oui, on va vers un avenir adieu",
01:56 ou les gens qui disent "non, c'est foutu, vraiment, on va vers l'apocalypse, si c'est pas now, c'est demain".
02:02 Et vous, vous retracez effectivement tout ce qui s'est passé pour montrer que justement,
02:07 et vous dites "l'aléatoire est là, on ne peut pas prédire", et comme disait Alphonse Allais "les poubelles sont remplies de tendances prolongées".
02:14 Mais je voudrais simplement que vous disiez ce que vous appelez, vous en parlez "le coeur et la forme".
02:19 Vous dites qu'au fond, ce qui est constant, il y a dans l'histoire de l'humanité, dans l'histoire des villes, des régimes, des empires,
02:26 il y a le coeur et il y a la forme. C'est quoi le coeur, c'est quoi la forme ?
02:30 - Alors quand on prend, merci de cette introduction qui est tout à fait exacte, et merci des compliments,
02:35 ce que j'essaie de faire, c'est faire la synthèse de dizaines d'années de travail pour présenter à un grand public
02:41 ce qu'on peut comprendre des trente années qui viennent.
02:45 Et je pense qu'on ne peut rien comprendre des trente années qui viennent sans comprendre très bien ce qui s'est passé depuis mille ans.
02:53 Parce que c'est bien le diable que les tendances qu'on voit depuis mille ans ne se prolongent pas au moins pendant trente ans.
03:00 Donc ces tendances depuis mille ans, c'est-à-dire depuis le début du capitalisme, vraiment sérieusement...
03:06 - L'ordre marchand c'est mille ans, quoi, on peut dire.
03:08 - L'ordre marchand, oui, il n'est pas dominant à ce moment-là, mais c'est à ce moment-là qu'il commence.
03:13 La grande puissance à l'époque était encore la Chine et va le rester, mais elle est totalement isolée,
03:18 elle n'est pas dans l'ordre marchand, mais elle est alors totalement isolée.
03:21 Avant l'ordre marchand, il y a en effet l'ordre impérial, les empires, et l'ordre rituel, les prêtres.
03:27 Là aussi, il y a des grandes constantes de l'espèce humaine.
03:31 Depuis mille ans, on est passé d'étape en étape, et dans chaque étape, il y a une forme,
03:38 c'est-à-dire l'espace qu'occupe le capitalisme, qui grandit à chaque étape,
03:42 et une ville qui est le cœur, qui domine, qui véritablement est le centre...
03:46 - Une ville qui joue le rôle dominant, quoi, c'est ça ?
03:49 - Qui joue le rôle du cœur au sens propre biologique, c'est-à-dire c'est là où tout bat,
03:53 la technologie, la culture, la finance, le pouvoir, les innovations.
03:59 Et on a pu identifier ces cœurs, Ferdinand Braudel y a beaucoup travaillé, et puis d'autres aussi,
04:05 et voici, dans l'ordre, 11-12ème siècle, Bruges, puis Venise, puis Anvers, puis Gênes,
04:12 puis Amsterdam, puis Londres, puis Boston, puis New York,
04:16 et aujourd'hui encore, depuis 25 ans, Los Angeles.
04:20 - Pas encore Pékin.
04:22 - Et sans doute jamais. C'est sans doute une des théories de mon livre.
04:27 - Et pas Paris ?
04:29 - Jamais. Au moment de Louis XIV, par exemple,
04:33 que dans nos livres d'histoire on nous dit être la grande puissance française,
04:38 le niveau de vie des Parisiens, c'est le quart du niveau de vie des habitants d'Amsterdam,
04:42 qui est le New York de l'époque.
04:44 Une des raisons d'ailleurs, parmi beaucoup d'autres, pour lesquelles la France n'a jamais été au cœur,
04:48 c'est qu'elle a choisi d'être un grand pays rural,
04:52 et les paysans, et c'est leur grandeur, ont besoin du retour du même.
04:56 Ils ont besoin du retour des saisons, ils ont besoin de la stabilité.
05:00 Ils n'ont pas besoin d'innovation.
05:03 L'innovation qui va être la clé du progrès passe surtout par les ports.
05:08 Et vous avez noté que dans toutes les villes-cœurs, il n'y en a aucune qui ne soit pas un port.
05:12 Toutes sont des ports.
05:13 Et comme nous, au moment où on aurait pu mettre notre capitale au bord de la mer,
05:17 c'est-à-dire au moment où François 1er crée le Havre,
05:20 mais lui décide d'installer sa capitale au bord de la Loire,
05:24 c'est là où on a fait l'erreur, en tout cas au sens de la dynamique de croissance.
05:29 Ensuite, la France a fait une magnifique ville qui s'appelle Paris.
05:32 Mais en termes de puissance de croissance, on a eu tort de Versailles.
05:36 - Oui d'accord. C'est pour ça que Paris n'a jamais été vraiment un cœur.
05:40 Il y a eu l'Empire français, mais pas...
05:42 - Paris n'a jamais été un cœur.
05:44 Je fais le point, c'est un livre sur l'économie mondiale et sur le monde de façon générale,
05:48 mais je montre qu'à chaque époque, pour chaque ville,
05:51 le niveau de la France est toujours 40 à 50%, sinon moins,
05:56 en termes de revenus par habitant, de pouvoir d'achat des habitants,
05:59 que les villes principales.
06:00 - Alors le cœur, c'est là où bat effectivement le rythme de la croissance, et alors la forme ?
06:04 - La forme, c'est l'espace qui est autour, qui se divise en trois parties.
06:07 Le cœur, proprement dit.
06:09 Le milieu, c'est-à-dire les autres pays qui sont joints
06:12 et qui souvent rêvent de devenir cœur ou ont été cœur.
06:16 Et la périphérie, c'est tous les pays qui sont exploités, qui sont à l'extérieur.
06:20 Et progressivement, la taille du cœur grandit,
06:24 la taille du milieu grandit,
06:26 et peu à peu, la périphérie est avalée dans l'ordre marchand, dans le milieu.
06:32 - Oui, c'est une phagocité, en quelque sorte.
06:35 - Oui, phagocité, parce que progressivement,
06:38 les autres ordres, c'est-à-dire l'ordre religieux et l'ordre impérial,
06:42 laissent la place à l'ordre marchand.
06:44 Progressivement, l'ordre marchand, parce qu'on le voit aujourd'hui,
06:47 il y a mise à part... - Il domine aujourd'hui !
06:49 - Il est partout, sauf peut-être en Corée du Nord, mais il est partout.
06:54 Il est partout, pas toujours, évidemment, loin de l'associer à la démocratie,
06:58 mais le marché est déjà partout.
07:01 Et il y a des tendances longues, des recettes,
07:05 qui montrent qu'une ville peut devenir le cœur,
07:07 si elle attire les innovateurs, si elle attire la finance,
07:10 si elle donne sa place aux créateurs,
07:12 si elle a un projet long,
07:15 si elle est démographiquement pleine de vitalité,
07:20 si elle a une certaine forme de stabilité,
07:22 et si elle a une élite dirigeante et une élite financière
07:26 qui ont une vraie vision.
07:28 - Et ça a toujours été le cas, ça a toujours été le même schéma, pratiquement.
07:31 - Le même schéma, à chaque fois, il y a une grande innovation
07:35 qu'on peut identifier à chaque cœur,
07:37 et je montre quelles innovations,
07:39 il y a des grands artistes qu'on peut identifier à chaque cœur,
07:42 il y a une monnaie, chaque cœur a sa monnaie,
07:44 et c'est la monnaie dominante,
07:46 c'est pour ça que parfois le cœur change, mais la monnaie reste la même.
07:49 Quand la Grande-Bretagne est au cœur, c'est l'Ipscherning,
07:52 quand le cœur passe à Boston, puis à New York, puis en Los Angeles,
07:55 ça reste le dollar. Et aujourd'hui, la question est
07:58 est-ce qu'il y aura un cœur autre après...
08:02 - C'est la grande question du moment.
08:04 - C'est une des questions, parce qu'il y a évidemment, on en parlera peut-être tout à l'heure,
08:07 beaucoup d'autres questions, la présence du Sud,
08:10 les questions climatiques, les questions militaires,
08:15 il y a beaucoup d'autres questions qui se nous rejettent d'ici à 30 ans,
08:18 et on voit aussi des tendances longues sur qui fait la guerre,
08:22 en général la guerre est faite par quelqu'un qui veut devenir le cœur,
08:27 contre celui qui est le cœur, mais en général, presque toujours,
08:30 le cœur suivant n'est pas celui qui a fait la guerre,
08:33 mais c'est celui qui attendait dans un coin,
08:35 et qui a profité de l'épuisement des deux.
08:37 C'est pratiquement toujours comme ça. Par exemple,
08:40 Louis XIV et Louis XV ont fait la guerre contre les Pays-Bas,
08:43 et c'est la Grande-Bretagne qui en a profité.
08:46 L'Allemagne a fait la guerre contre la Grande-Bretagne,
08:48 et c'est les États-Unis qui en ont profité.
08:50 On peut penser aujourd'hui que la guerre entre la Russie
08:54 et le camp occidental profitera à la Chine,
08:56 qui se tient à l'écart, si on poursuit le raisonnement.
09:00 Aujourd'hui, il y a aussi beaucoup de choses qui sont passionnantes,
09:06 c'est quelles sont les technologies qui dominent.
09:08 C'est toujours un progrès dans la technologie de manipulation de l'information,
09:11 de maîtrise de l'information, manipulation par au sens...
09:15 - Par au sens déformant du terme, oui.
09:17 - Au sens d'utilisation de l'information,
09:20 télécommunications, bateaux, trains, avions, etc.
09:24 Et l'énergie, une nouvelle source d'énergie donne un pouvoir.
09:27 Et souvent quand c'est les deux, par exemple l'imprimerie,
09:30 le téléphone, l'automobile, tout ça, c'est les ruptures qui vont changer.
09:34 Et ça donne des nouveaux moyens, des nouvelles consommations.
09:38 - Parce que le marché aussi, l'ordre du marché, incapte ça, et l'utilise.
09:41 - De plus en plus, voilà.
09:42 Alors de plus en plus, on a développé des objets de consommation
09:45 pour les besoins de transport,
09:48 puis pour les besoins domestiques, la machine à laver, le...
09:51 - Oui, bien sûr, tout ça.
09:53 - Puis pour les besoins des jeunes,
09:56 c'est tout ce qui s'est développé depuis peu,
09:58 et Los Angeles c'est tout autour des besoins des jeunes,
10:00 et il y a d'autres besoins qui vont apparaître maintenant
10:02 et qui seront au cœur de la forme suivante.
10:06 Il y a neuf formes, on est en attente de la dixième.
10:09 - Ah oui, actuellement on est en attente de la dixième.
10:11 On va en parler parce que c'est là où le bas blesse, effectivement, entre autres.
10:14 Un des bas qui blesse, tout de suite après cette petite pause,
10:17 à tout de suite.
10:18 - Et vous avez la parole sur Sud Radio,
10:20 vous nous appelez au 0826 300 300,
10:23 on attend vos appels, 0826 300 300,
10:25 à tout de suite sur Sud Radio.
10:26 - Les Français parlent au français.
10:30 Je n'aime pas la blanquette de veau.
10:33 Je n'aime pas la blanquette de veau.
10:36 - Sud Radio Bercov dans tous ses états.
10:39 - Et je ne suis pas le seul, Jacques Attali aussi,
10:42 qui décrit un monde, d'ailleurs dans tous ses états,
10:44 mais quel monde n'a-t-il pas été, à un moment donné,
10:48 dans tous ses états ?
10:49 Et c'est ça qui est intéressant.
10:51 Et vous parlez de cette forme,
10:54 l'ordre marchand, et effectivement on va en parler.
10:57 D'ailleurs vous dites à un moment donné, Jacques Attali,
10:59 une forme marchande peut fonctionner durablement sans cœur.
11:03 Et c'est peut-être ce qu'on a aujourd'hui.
11:05 - Voilà, alors, il y a chaque cœur.
11:07 J'essaie dans ce livre de donner le mode d'emploi
11:10 et de donner tous les moyens à tout le monde,
11:13 tout est carré sur la table pour que chacun se fasse un avis,
11:15 peut-être un avis différent du mien.
11:17 Mon avis est que nous avons devant nous
11:21 la question de savoir qui sera le cœur suivant,
11:23 c'est-à-dire d'un point de vue géopolitique,
11:24 d'un point de vue technologique, culturel, politique...
11:26 - Après la Californie.
11:27 - Après la Californie.
11:28 Alors il y a deux candidats qui peuvent apparaître.
11:31 Le premier, c'est encore les Etats-Unis,
11:33 après tout ils l'ont été trois fois,
11:34 Boston, New York, Los Angeles,
11:36 et beaucoup aux Etats-Unis pensent que le prochain cœur
11:38 sera entre le Texas et la Floride.
11:40 Et en effet c'est une région qui se développe formidablement,
11:42 beaucoup de très grandes entreprises de Californie
11:44 se déplacent en Floride ou au Texas,
11:46 on peut penser que ça sera soi.
11:48 Je n'y crois pas,
11:49 parce que je pense que la part des Etats-Unis
11:51 dans l'économie mondiale va beaucoup baisser
11:53 dans les 30 ans qui viennent,
11:55 ne serait-ce que pour des raisons de croissance des autres,
11:57 même si...
11:58 - Et puis de dette, etc.
12:00 - Plus leurs grandes difficultés financières,
12:02 plus l'extraordinaire rupture entre les côtes et le centre,
12:06 qui ne pensent pas du tout la même chose,
12:07 d'un point de vue politique,
12:09 plus beaucoup, beaucoup de causes de rupture
12:10 qui fait que je pense que les Etats-Unis
12:12 vont avoir beaucoup à s'occuper d'eux-mêmes
12:14 plus qu'à s'occuper des autres.
12:16 Le dollar va encore jouer un rôle important,
12:17 il ne sera pas remplacé par une autre monnaie,
12:19 mais il ne sera plus la monnaie dominante.
12:21 La Chine, dont beaucoup pensent qu'elle sera le pays dominant,
12:24 je n'y crois pas non plus,
12:26 même si la Chine va devenir un très grand puissant,
12:28 si l'armée chinoise va devenir la deuxième du monde,
12:31 si la Chine jouera un rôle important dans le monde,
12:34 comme elle commençait à le jouer.
12:36 Mais d'abord, la Chine, comme je l'ai dit,
12:38 a toujours été une superpuissance à part.
12:39 Elle n'a jamais souhaité se mêler du monde.
12:41 Elle était...
12:42 - C'est plus le cas maintenant.
12:43 - Alors, c'est plus le cas maintenant.
12:44 C'est pour ça que maintenant, elle veut s'en mêler.
12:46 Elle veut s'en mêler pour des raisons très intéressées.
12:48 Par exemple, pourquoi la Chine,
12:50 à l'heure où nous parlons, s'intéresse à l'Ukraine ?
12:52 Parce que 80% du soja dont elle a besoin
12:55 pour nourrir ses porcs vient d'Ukraine.
12:57 Et donc, pour la Chine, c'est vital
12:59 d'avoir une stabilité en Ukraine.
13:01 Donc, la Chine veut absolument stabiliser pour ses intérêts.
13:07 Mais elle n'a jamais été, je ne pense pas qu'elle sera,
13:10 porteuse d'un modèle de civilisation.
13:12 - L'Europe non plus, franchement.
13:13 - L'Europe non plus.
13:14 L'Europe pourrait, parce qu'elle est encore une superpuissance
13:17 en termes de qualité de vie.
13:18 Si vous regardez le monde entier,
13:20 tout le monde rêve d'être européen.
13:22 Alors, qu'est-ce qui va se passer, pour moi,
13:24 entre les deux scénarios, Chine-États-Unis, aucun.
13:27 Je crois que c'est le troisième qui va l'emporter,
13:29 c'est-à-dire un monde sans cœur,
13:31 dans lequel...
13:32 Sans cœur à tous les sens,
13:33 parce qu'il n'y aura pas de cœur géographique,
13:35 il sera sans cœur, parce qu'il sera impitoyable
13:37 par ceux qui domineront, ce seront les entreprises.
13:39 C'est le marché.
13:40 C'est-à-dire une société totalement inégale,
13:44 sans état de droit,
13:46 dans lequel la règle sera fixée par les patrons de la finance
13:50 et des grands ordonnances.
13:51 - C'est déjà le cas, franchement.
13:53 C'est déjà.
13:54 - Tout existe déjà, bien sûr.
13:57 - Je vous cite, Jacques Attali, vous dites "sera".
14:00 Moi je dis "et".
14:01 De fait, je vous cite,
14:03 de fait, à la différence de ce qui s'est passé depuis mille ans,
14:06 l'ordre marchand sera devenu si puissant
14:08 et la technologie si nomade,
14:10 qu'aucune puissance politique géographiquement déterminée
14:13 n'aura plus la capacité de le contrôler,
14:16 ni de l'orienter, ni de le réguler.
14:18 Aucune armée ne pourra faire à elle seule la police
14:20 de tous les océans, de toutes les terres,
14:22 de tous les espaces, de tous les réseaux numériques,
14:24 de tous les esprits, de toutes les révoltes.
14:27 Aucun centre financier, aucune monnaie nationale
14:30 ne pourront contrôler les marchés du monde.
14:32 Nul ne pourra entraver la puissance du capital
14:35 dont la part dans la valeur ajoutée sera encore plus élevée
14:38 qu'elle ne l'est aujourd'hui.
14:39 C'est aujourd'hui.
14:40 - Non, c'est pas tout à fait aujourd'hui,
14:42 parce que vous regardez, il y a encore une très grande puissance américaine
14:44 qui a un rôle énorme,
14:46 il y a une puissance russe qui a un rôle énorme, une puissance chinoise.
14:48 Vous avez eu le G7 qui a montré l'importance des nations qui se rassemblent.
14:52 Non, on ne peut pas dire que ça sera le cas.
14:53 - Mais est-ce que ce ne sont pas les mêmes à peu près ?
14:55 - Ça se réduit maintenant,
14:57 parce que les entreprises prennent un pouvoir.
14:59 Moi je prends souvent un exemple qui me fascine.
15:01 De voir l'importance de ce qui n'est pas l'État.
15:04 Devinette, au G20,
15:08 qui réunissait les 20 plus grandes puissances du monde en Argentine il y a 3 ans.
15:11 Séance de clôture, tous les chefs d'État ont 5 minutes pour conclure.
15:15 Ensuite, le président argentin donne la parole à une personne
15:18 et lui donne 20 minutes.
15:20 Tout le monde l'a écoutée religieusement.
15:22 Savez-vous qui c'est ?
15:24 - Dites.
15:25 - Non seulement tout le monde l'a écoutée religieusement.
15:27 - Vous voulez dire les autres ont eu 5 minutes, pas plus ?
15:29 - Oui.
15:30 - Et ensuite les autres ont fait la queue pour faire dédicacer quelque chose à cette personne.
15:34 Savez-vous qui c'était ?
15:35 - Ne me dit pas que les Klaus Wabb ?
15:37 - Non, ça aurait été conforme à votre théorie.
15:40 - Mais je vous en crois.
15:42 - C'était bien plus amusant que ça, c'était le président de la FIFA.
15:45 Parce que la FIFA, d'Argentine, Argentin, tout ça...
15:50 - Un président de la FIFA, oui mais ça c'est un gag.
15:52 - Ce n'est pas vraiment un gag.
15:54 Si on veut voir quelle est une puissance mondiale,
15:56 quelqu'un qui est capable de changer les règles
15:59 à l'échelle du moindre village de la planète dans son domaine,
16:03 c'est la FIFA.
16:05 Donc c'est une vraie puissance mondiale.
16:07 Et donc il existe des puissances mondiales.
16:09 - Mais pardon, c'est intéressant ce que vous dites.
16:10 Est-ce que BlackRock, il aurait pu aussi avancer 20 minutes ?
16:13 - Alors BlackRock...
16:14 - Le grand centre de fonds de pension.
16:16 - J'en parle aussi dans ce livre.
16:17 Les grands fonds d'investissement ont un rôle très important.
16:21 Pour l'instant, surtout aux Etats-Unis,
16:23 où, j'en parle à l'heure où nous parlons,
16:26 aujourd'hui, ils influent beaucoup sur les élections américaines
16:29 parce que leur financement est essentiel pour
16:31 fixer les programmes des sénateurs, des congressmen, etc.
16:35 Donc ils ont un rôle très important aux Etats-Unis.
16:38 Je ne pense pas qu'ils aient un rôle encore planétaire.
16:42 Aujourd'hui, il y a des rôles, des gens qui ont des rôles.
16:44 - Vous ne pensez pas que franchement, ils ont la...
16:46 - Pas encore, ça va venir.
16:48 Ce n'est pas encore le cas.
16:50 Si vous prenez Méta, Facebook,
16:52 - Facebook, oui. - Google, oui.
16:54 Si vous prenez TikTok,
16:56 entreprise chinoise, explicitement chinoise,
16:59 c'est d'ailleurs très révélateur.
17:01 - C'est amusant d'ailleurs, oui.
17:03 - À la fin du XIXe siècle,
17:06 pour tuer la puissance chinoise,
17:08 les Anglais ont fait cultiver l'opium en Chine,
17:11 pour détruire la Chine.
17:12 C'est ce qu'on a appelé les deux guerres de l'opium.
17:14 - Absolument, oui.
17:15 - Aujourd'hui, on peut se demander si la Chine n'est pas en train de se venger,
17:17 en nous envoyant un autre opium,
17:19 - TikTok, oui.
17:20 - TikTok, un opium extrêmement...
17:22 - Il n'est pas le seul, mais il est pas mal.
17:23 - ...extrêmement mortel, très dangereux.
17:25 Donc, il y a des puissances planétaires.
17:27 Alors, pour l'instant,
17:29 les Chinois ont très bien compris le danger,
17:31 pour le parti communiste,
17:33 d'être dominé par des entreprises,
17:34 et ils les ont matées.
17:35 Toutes les entreprises chinoises sont maintenant sous...
17:37 rangées derrière la bannière du parti communiste.
17:39 - Oui, on l'a vu, Ali Baba a fait pas le bien-bien carré.
17:41 - Mais pas seulement, pas seulement.
17:42 Ali Baba a fait un exemple iconique.
17:44 Mais aux Etats-Unis, ce n'est pas le cas.
17:46 Les grandes entreprises américaines,
17:48 comme vous l'avez parlé, ne sont pas dominées par l'Etat.
17:50 Et d'une certaine façon, le dominent.
17:52 C'était d'ailleurs quelque chose dont on a oublié,
17:55 mais le président Eisenhower,
17:57 il y a très longtemps,
17:58 quand il a quitté le pouvoir,
18:00 en 1962, je crois,
18:02 - Oui.
18:04 - ...son dernier discours, c'était...
18:06 - 61, oui.
18:07 - 61. "Méfiez-vous du complexe militaro-industriel."
18:10 - Absolument.
18:11 - Et il a dit "Méfiez-vous de l'industrie."
18:14 Il y a aujourd'hui...
18:16 Et la tendance est naturellement planétaire.
18:18 Pourquoi ? Parce que l'intelligence artificielle,
18:20 c'est planétaire.
18:21 La génétique, c'est planétaire.
18:23 Tout ce qui vient avec les nanotechnologies,
18:27 c'est planétaire.
18:28 On ne peut pas empêcher un petit chercheur dans un coin,
18:30 parce qu'il est génial,
18:31 de faire une innovation qui va avoir un impact planétaire.
18:33 Donc, soit on sera capable,
18:35 pour l'IA, par exemple,
18:37 qui est vraiment la première chose qui nous concerne,
18:39 de faire une régulation
18:41 qui permettra d'en utiliser le meilleur,
18:43 et c'est extraordinaire ce que ça peut apporter de positif.
18:45 Soit on ne le fera pas,
18:47 et on va être débordé par elle.
18:48 - Oui, parce que ce sera l'artificialisation,
18:50 vous en parlez d'ailleurs.
18:51 - Alors, je dis il y a trois dangers.
18:52 Il y a trois scénarios.
18:53 Scénario américain, ça ne marchera pas.
18:55 Scénario chinois, ça ne marchera pas.
18:56 Scénario domination par les centraux,
18:58 ça va marcher, c'est le chaos.
18:59 Après ça, il y a trois menaces de suicide de l'humanité.
19:02 Celle du climat, qui est beaucoup plus grave qu'on le croit, à mon avis.
19:05 - Je suis plus sceptique que vous.
19:07 - Je sais que vous l'êtes, mais...
19:08 Je pense que, principe de précaution,
19:10 on a intérêt à prendre des mesures de précaution.
19:12 Et aujourd'hui, on est plutôt à 5 degrés qu'à 1,5 degré.
19:15 Deuxième scénario, la guerre.
19:17 Et les armements mondiaux sont absolument immenses.
19:20 Et les menaces qui viennent, Taïwan, Corée du Nord,
19:23 et beaucoup d'autres,
19:25 peuvent entraîner une guerre planétaire vraiment suicidaire.
19:29 Et le dernier danger,
19:30 qui est le plus difficile à percevoir...
19:32 - Et qui, pour moi, est le plus grave.
19:33 - C'est l'artificialisation.
19:34 - L'artificialisation, d'accord.
19:35 - Nous sommes progressivement transformés en artefacts.
19:37 D'abord, la nature est artificialisée,
19:39 les sols sont artificialisés,
19:41 ce qui a des conséquences sur le climat.
19:43 Chacun d'entre nous, on a de plus en plus de prothèses.
19:45 On devient des prothèses,
19:47 parce que, pour de bonnes raisons,
19:49 on est équipé de prothèses.
19:52 Mais progressivement,
19:53 les mutations sont gigantesques.
19:55 Par exemple, il y a une expérience qui a été faite récemment,
19:58 par des chercheurs,
20:00 qui ont vu qu'une des différences entre...
20:03 Je caricature, je simplifie à l'extrême.
20:06 Une des différences majeures
20:08 entre le cerveau d'un singe et le cerveau d'un homme,
20:11 c'est une certaine partie de la cellule
20:14 qui se développe différemment
20:16 chez l'homme que chez le singe.
20:17 Ils ont greffé cette partie,
20:19 encore une fois, je simplifie à l'extrême,
20:21 sur une cellule débutante de formation d'un symphanthé.
20:24 Ils ont constaté, d'un singe,
20:26 ils ont constaté que,
20:27 eh bien, ça se développait très bien,
20:29 et ils ont cru, imaginé,
20:31 que s'ils laissaient se développer jusqu'au bout,
20:34 on allait avoir un singe...
20:35 - Les singes deviendraient humains.
20:36 - Ils ont arrêté l'expérience.
20:38 Mais qui prouve qu'ils ont vraiment arrêté l'expérience ?
20:40 Qui prouve que ce genre de chimère
20:42 n'est pas en train de se développer ?
20:43 Par exemple,
20:45 on est en train de voir, de plus en plus,
20:47 pour des bonnes raisons,
20:49 la possibilité de faire naître des enfants
20:51 hors de la matrice maternelle,
20:54 dans les premiers mois,
20:55 et dans les derniers mois.
20:56 Et la durée dans laquelle l'utérus,
20:58 sous la matrice maternelle,
20:59 se réduit.
21:01 On peut imaginer...
21:02 - Oui, mais est-ce que c'est pas extrêmement dangereux ?
21:05 - C'est vraiment...
21:07 - C'est dramatique !
21:08 - C'est la fin de l'espèce humaine telle qu'elle est.
21:11 Mais, pour l'arrêter,
21:13 pour orienter vers le meilleur,
21:15 c'est pour ça qu'il est très important de dire que
21:17 l'artificialisation est un suicide,
21:19 il faut prendre des mesures
21:20 qui ne peuvent être que planétaires.
21:22 - Eh bien, on va en parler, justement,
21:23 des mesures à prendre,
21:25 et du grand virage dont vous parlez.
21:27 - Et vous avez la parole sur Sud Radio.
21:29 On se retrouve tout de suite au 0826 300 300.
21:33 A tout de suite sur Sud Radio.
21:35 - Ici Sud Radio.
21:38 Les Français parlent au français.
21:43 Les carottes sont cuites.
21:45 Les carottes sont cuites.
21:48 - Sud Radio Bercov dans tous ses états.
21:51 - Et justement, on parlait avec Jacques Atteli,
21:53 Le Monde, votre emploi.
21:54 Alors, toute la dernière partie est consacrée à 2050.
21:58 Le Monde en 2050.
21:59 2050 à l'échelle du Monde, c'est un clin d'œil,
22:02 puisque c'est dans 26 ans, 27 ans, si on veut.
22:08 Et Jacques Atteli dit, effectivement,
22:10 si on suit un certain nombre de pentes,
22:13 eh bien, ça peut très très très très mal tourner.
22:17 Et c'est intéressant, parce qu'à un moment donné,
22:20 vous arrivez, effectivement,
22:21 et non pas à la contradiction,
22:23 mais vous dites, et on parlera des détails
22:26 sur la mixité sociale, sur le CO2, sur...
22:29 Mais vous dites, à un moment donné,
22:31 et à mon avis, assez justement,
22:33 et personne ne le souhaite, moi non plus,
22:36 vous dites, à première vue,
22:38 seule une dictature planétaire pour résoudre ces problèmes
22:40 de façon efficace,
22:41 et mettre en oeuvre le grand virage,
22:44 pour combattre, comme vous disiez,
22:46 les dérives climatiques, l'artificialisation,
22:50 la guerre et la violence.
22:52 Simplement là, Jacques Atteli,
22:54 est-ce que vous n'êtes pas, non pas en contradiction,
22:57 mais peut-être votre optimisme peut-il tourner
22:59 à une certaine naïveté ?
23:01 - Non, j'essaie de poser le problème
23:03 et que chacun se fasse un avis.
23:05 Évidemment, je suis contre les dictatures,
23:08 et je ne pense pas qu'une dictature planétaire,
23:10 même si certains pouvaient la souhaiter, arrivera.
23:13 - Oui, attendez, juste, vous auriez aimé
23:14 un gouvernement mondial, rappelez-vous.
23:16 - Non, il ne faut pas confondre ce que je prévois
23:18 avec ce que je veux.
23:19 - D'accord.
23:20 - J'ai toujours pensé que, d'ici un siècle,
23:23 on aura des règles planétaires
23:25 dans un grand nombre de domaines.
23:26 Et je dis d'ailleurs, dès ce livre...
23:27 - Et vous le pensez toujours, ça ?
23:28 - Je le dis dans ce livre, qu'il y a déjà
23:30 beaucoup de domaines dans lesquels
23:31 on a des règles planétaires.
23:32 J'ai cité l'exemple de la FIFA.
23:34 C'est anecdotique, le football,
23:36 c'est très important dans la vie des gens.
23:37 Mais pourquoi est-ce que ce qu'on fait pour le foot,
23:39 on ne le ferait pas pour la santé ?
23:41 C'est quand même important le foot,
23:42 mais la santé aussi.
23:43 Pourquoi ? On ne le fait pas sur l'éducation,
23:45 sur les revenus des plus pauvres,
23:46 sur la maîtrise de l'intelligence artificielle.
23:48 Le foot, c'est plus important
23:49 que la maîtrise de l'intelligence ?
23:50 Non ! On pourrait l'avoir aussi.
23:52 - Sauf que c'est plus facile pour le foot.
23:54 - Plus facile pour le foot.
23:55 On le fait quand c'est facile.
23:56 Mais on voit apparaître, et je montre dans le livre,
23:59 qu'on voit apparaître dans certains secteurs
24:01 une sorte de corporatisme,
24:05 où les entreprises se mettent entre elles
24:07 pour remplacer les États
24:08 et faire des règles planétaires.
24:09 Par exemple, dans le domaine de l'assurance,
24:11 il y a des règles planétaires,
24:12 plus ou moins suivies,
24:13 mais plutôt suivies en matière de risque.
24:15 Dans le domaine de la publicité,
24:17 vous avez une organisation planétaire
24:19 qui regroupe les agences de publicité,
24:20 qui décide quelle publication on a le droit de faire et pas,
24:23 et qui est plutôt bien suivie.
24:24 - Mais ça c'est l'ordre marchand.
24:25 - Oui, mais exactement comme les corporations
24:28 sont apparues dans l'ordre marchand.
24:30 Puis à un moment, en France, on a supprimé les corporations,
24:32 on a confié ses pouvoirs à l'État.
24:33 Donc on voit apparaître progressivement,
24:35 puisque c'est l'ordre marchand qui va dominer,
24:37 et qu'il n'y aura pas de cœur politique,
24:38 on voit apparaître la volonté de l'ordre marchand de se régler.
24:41 Parce que l'ordre marchand, il a besoin d'un État de droit.
24:44 Sans État de droit, la propriété n'est pas préservée,
24:48 elle n'est pas protégée.
24:49 Donc l'ordre marchand a besoin d'un État.
24:51 Et si l'ordre marchand devient planétaire,
24:53 l'ordre marchand, il aura besoin d'un État.
24:55 Parce que sinon, les propriétés seront arbitrairement reprises.
24:59 - Oui, chacun pour son profit, etc.
25:01 - On n'aura pas la globalisation,
25:04 mais on aura ce que j'appelle la somalisation.
25:06 La Somalie a été pendant très longtemps un pays sans État,
25:09 c'est ça qui est en train d'arriver.
25:11 Et le marché ne peut pas tolérer ça,
25:13 il a besoin d'un État de droit.
25:15 Et si vous dites État de droit, vous poussez le raisonnement.
25:17 État de droit, protection de la propriété.
25:20 Je veux dire, il faut des juges, il faut des policiers,
25:22 il faut des prisons, il faut des tribunaux pour décider.
25:26 Idéalement, il faut quand même un pouvoir politique
25:28 plutôt démocratique pour décider selon quelle loi...
25:31 - Il faudrait mieux, oui.
25:32 - Et donc, c'est là où je crois que les dictatures sont condamnées à l'échec.
25:37 C'est que le marché a besoin d'une protection contre l'arbitraire de la propriété.
25:42 Et la dictature ne peut pas le donner.
25:44 Donc je crois qu'à terme, les dictatures sont condamnées.
25:46 Je ne dis pas que le système démocratique sera plus efficace,
25:49 mais je le dis, c'est pour ça que je crois que la dictature chinoise
25:52 comme la dictature russe à terme sont condamnées,
25:55 parce que toutes les forces de marché dans ces pays,
25:58 comme on l'a vu avec le Chili ou avec l'Espagne ou avec d'autres pays,
26:01 ils ont voulu un État de droit pour éviter l'arbitraire.
26:05 Seule la démocratie garantit contre l'arbitraire.
26:08 - Parce qu'il y a le contre-pouvoir, parce qu'il y a des contre-pouvoirs.
26:10 - Voilà. Parce qu'il y a vous, les journalistes, parce qu'il y a les juges,
26:14 parce qu'il y a des façons de vérifier que les choses se font pas,
26:18 parce qu'il y a des ONG, la possibilité de crier sans être envoyé en prison à la première protestation.
26:23 Voilà, c'est ça qui établit la possibilité de respecter l'État de droit.
26:29 - Oui, mais alors Jacques Attali, juste un mot là-dessus,
26:31 et c'est intéressant parce que, est-ce que là,
26:33 vous ne passez pas un peu vite le monde réel par pertes et profits ?
26:36 Je m'explique. Aujourd'hui, vous savez très bien, on en parlait,
26:41 il y a tout ce qui s'est passé.
26:43 L'invasion, enfin, Russie-Ukraine n'est que le cristallisateur de ça.
26:48 On parle d'un monde multipolaire à nouveau,
26:50 on parle de la délégalisation du monde à temps et à raison,
26:53 et on parle aussi, surtout, voyez, ce qui se passe,
26:55 les problèmes de violence, d'incivilité,
26:57 des choses que beaucoup de gens ne supportent plus.
27:00 - C'est clair que nous sommes dans un État, dans un monde...
27:02 - C'est quand même très dur, ce monde.
27:04 - Oui, dans un monde où la violence monte, monte de toute nature.
27:06 Vous l'avez dit tout à l'heure, la violence inter-étatique,
27:10 et la violence inter-personnelle, d'ailleurs.
27:12 - La violence du capital, enfin, du marché.
27:14 - La violence du capital, la violence est partout.
27:16 Et sans État de droit, la violence est encore pire,
27:18 parce qu'elle est libre.
27:20 Il y a beaucoup de choses, dans ce que vous avez dit,
27:22 comme bataille. Il y a d'abord une bataille
27:24 entre le Nord et le Sud, parce que le Nord est riche,
27:27 cyniquement profite de ses richesses.
27:29 Dans le Nord, il est plus riche, je rappelle,
27:31 qu'un pour cent des plus riches possèdent plus de 50%.
27:34 Et ça est en train de s'aggraver.
27:36 Si le marché domine, comme il n'y a pas d'impôt mondial,
27:39 la concentration des richesses va être de plus en plus grande.
27:42 - Vous dites, je rappelle simplement, c'est important,
27:44 10% des hommes possèdent trois quarts du capital financier mondial,
27:48 et 80% des pauvres, 5%.
27:50 - Oui, et ça va être pire dans les 30 ans qui viennent.
27:53 Sauf s'il y a un impôt planétaire,
27:55 qui commence à être un embryon.
27:57 L'OCDE vient d'obtenir un accord,
27:59 qui n'est pas encore appliqué,
28:01 sur un impôt minimal de 15% pour les entreprises.
28:03 C'est énorme comme progrès si ça se fait.
28:05 Mais c'est pas toute la planète,
28:07 et c'est loin d'être fait.
28:09 Mais il faut voir que la violence, elle est partout.
28:13 Alors ça c'est un premier conflit,
28:15 le conflit entre les riches et les pauvres.
28:17 Deuxième conflit, c'est le conflit entre les peuples
28:19 qui veulent le respect des droits de l'homme,
28:21 le respect de la propriété,
28:23 le respect des libertés fondamentales,
28:25 et les dictatures.
28:27 Et pour moi, ce qui se passe en Ukraine,
28:29 comme ce qui se passe entre Taïwan et la Chine,
28:32 qui pour l'instant n'est encore qu'un fleuret maucheté...
28:35 - C'est là, oui.
28:37 - C'est le conflit entre un peuple qui veut,
28:41 qui est une démocratie en construction,
28:43 je n'idalise pas la démocratie ukrainienne,
28:45 une démocratie en construction,
28:47 et un peuple russe,
28:49 qui lui-même,
28:51 sans doute, en son fort profond,
28:53 rêverait d'être démocratie,
28:55 mais qui n'en est empêché.
28:57 Et le pouvoir russe,
28:59 comme le pouvoir chinois,
29:01 doit absolument empêcher
29:03 l'émergence d'une volonté de liberté chez lui,
29:05 non pour ça, tuer la liberté chez ses voisins.
29:08 Donc c'est un combat entre
29:10 le désir de liberté individuelle
29:12 et un pouvoir qui ne veut pas,
29:15 non pas de la liberté chez son voisin,
29:17 pour les pouvoirs russes,
29:19 c'est pas l'Ukraine qui la concerne, c'est les russes.
29:21 - Oui, mais simplement,
29:23 est-ce que vous n'éliminez pas tout de suite
29:25 toutes les nuances, dans la mesure où vous savez très bien
29:27 ce qui s'est passé au Donbass,
29:29 les russophones, Maïdan, Minsk,
29:31 vous le savez tout ça,
29:33 est-ce que ça ne fait pas un peu caricatural ?
29:35 - Non, non, nous sommes très courts là-dessus,
29:37 et j'ai dit moi-même publiquement
29:39 que l'Ukraine avait fait beaucoup d'erreurs,
29:42 et la seule chose que je pense utile,
29:44 c'est que l'Ukraine récupère ses territoires,
29:47 et qu'ensuite des votes démocratiques,
29:49 libres et contrôlés internationalement,
29:51 décident ce que veulent être les habitants du Donbass
29:53 et les habitants de la Crimée.
29:55 Et je ne sais pas s'ils vouleront être
29:57 ukrainiens ou russes.
29:59 Mais ça ne peut pas être tout.
30:01 Ils ne peuvent pas le décider en étant écrasés par les bourgeois.
30:04 - Mais est-ce que justement, juste sur la violence,
30:06 il y a la violence des deux côtés,
30:09 par exemple, les Etats-Unis c'est une vraie démocratie,
30:11 on le sait, on l'admet,
30:13 vous vous admettez vous-même,
30:15 vous le savez, vous l'avez dit, que dans certains pays,
30:17 que ce soit quand il y a eu la guerre d'Irak,
30:19 que ce soit la Libye, etc.,
30:21 on ne peut pas dire qu'ils se sont comportés comme des démocrates.
30:23 - Absolument. - Et le bombardement de la Yougoslavie en 99.
30:25 - Mais évidemment, il y a eu énormément,
30:27 on sait très bien que la toute puissance impériale,
30:29 c'était le cas de la Grande-Bretagne en son temps,
30:31 de la France dans de nombreuses périodes,
30:33 et des Etats-Unis dans de nombreuses périodes,
30:35 se sont conduits, tout pouvoir va au bout de son pouvoir.
30:37 Donc quand vous êtes une super puissance,
30:39 vous faites beaucoup d'erreurs, vous croyez défendre la démocratie,
30:41 puis vous faites une erreur,
30:43 ce qui était fait en Irak était du tout...
30:45 - Qu'est-ce que c'est erreur ou intention, Jacques Attali ?
30:47 Franchement.
30:49 - J'ai été assez mêlé au pouvoir pendant longtemps,
30:51 - Justement, c'est pour ça que je vous propose cette question.
30:53 - Pour pouvoir dire qu'il y a parfois des gens de bonne intention
30:55 qui font d'énormes erreurs.
30:57 Et puis, naturellement, je sais que le pouvoir américain
31:01 est très dépendant du pouvoir pétrolier,
31:03 je le dis dans le livre,
31:05 mais on peut raconter beaucoup de l'histoire du monde depuis un siècle
31:07 à partir des besoins pétroliers.
31:09 Si les nazis attaquent la Russie,
31:11 c'est parce qu'ils ont besoin du pétrole,
31:15 si les japonais attaquent les américains,
31:17 c'est parce qu'ils ont peur d'être privés du pétrole,
31:19 on peut raconter beaucoup de guerres.
31:21 - À partir de... - Beaucoup de guerres.
31:23 - Alors, le contrôle de l'énergie est absolument déterminant
31:27 sur ce qui se joue dans beaucoup de choses,
31:31 et qui se jouera dans l'avenir, même si
31:33 il est clair qu'il y a un grand mouvement qui est en marche
31:35 pour se débarrasser du pétrole.
31:37 C'est une course de vitesse. Est-ce qu'on ira assez vite
31:39 pour s'en débarrasser ?
31:41 - Vous appelez les énergies fossiles.
31:43 - Oui, ce que tout le monde appelle ainsi.
31:45 Moi, je fais la distinction.
31:47 Vous avez dit "c'est trop difficile à titre collectif d'y arriver",
31:49 c'est possible.
31:51 Mais chacun d'entre nous, nous sommes responsables.
31:53 C'est pour ça que j'incite chacun d'entre nous
31:55 à faire la distinction entre ce que j'appelle
31:57 l'économie de la vie et l'économie de la mort.
31:59 L'économie de la mort, c'est tout ce qui détruit la planète,
32:02 c'est-à-dire tout ce qui est lié aux énergies fossiles.
32:04 Le pétrole, mais aussi l'utilisation du pétrole
32:07 dans des tas de choses,
32:09 l'automobile utilisant l'énergie fossile,
32:12 le plastique, l'alimentation malsaine,
32:16 les vêtements de fast fashion, etc.
32:20 On peut... L'économie de la vie,
32:23 c'est santé, éducation, culture, énergie renouvelable,
32:26 recyclage, etc.
32:28 L'énergie, l'économie de la vie,
32:30 ça ne représente pas 30% ou 35% du PIB de chaque pays.
32:35 Et j'aimerais que chacun d'entre nous,
32:37 on se pose vraiment la question,
32:39 regardons mon budget.
32:41 Qu'est-ce que je consacre à l'économie de la vie ?
32:43 Qu'est-ce que je consacre à l'économie de la mort ?
32:45 Ça voudrait dire, si on change,
32:47 de consacrer beaucoup plus d'argent à se nourrir sainement,
32:49 beaucoup moins d'argent à des tas de choses
32:51 qui utilisent de l'énergie fossile,
32:53 la fast fashion par exemple.
32:55 Est-ce qu'on a besoin d'acheter tellement de vêtements
32:57 qui sont fabriqués dans des conditions épouvantables ?
32:59 - Non mais vous posez un problème métaphysique fondamental,
33:01 c'est que vous, vous avez évidemment,
33:03 par votre réponse, une expérience de,
33:05 je dirais de quelqu'un qui vous dit, voilà, il faut faire ça.
33:07 Mais moi, si j'ai envie de fast fashion,
33:09 moi, si j'ai envie de fumer,
33:11 où est la liberté individuelle que vous me laissez ?
33:13 - Je ne vous la laisse pas parce que,
33:15 je ne souhaite pas vous la laisser parce que,
33:18 en agissant ainsi,
33:20 vous tuez vos petits-enfants.
33:22 Vous tuez vos petits-enfants.
33:24 Vous créez les conditions...
33:26 - C'est intéressant, qu'est-ce que vous en savez, franchement ?
33:28 - C'est évident.
33:30 - Attendez, l'humanité s'est toujours développée jusqu'ici,
33:32 en ayant justement,
33:34 et ça a été la part de liberté qui a été la plus importante
33:36 qui nous a été donnée.
33:38 - L'humanité a, en effet,
33:40 s'est développée ainsi,
33:42 mais nous sommes,
33:44 nous sommes dans un moment
33:46 où tout le démontre,
33:48 et je donne des chiffres irréfutables,
33:50 que nous créons les conditions d'un suicide de l'humanité.
33:53 Parce que nous sommes dans une obsession narcissique de l'instant,
33:57 moi, maintenant, tout de suite,
33:59 et je me fous des autres.
34:01 Je me fous de mes voisins, je me fous de mes parents,
34:03 je me fous des autres, mais surtout,
34:05 je m'affiche de ceux qui sont...
34:07 Je cite souvent Marx,
34:09 je veux dire, gros show Marx,
34:11 qui disait... - Le seul qui vous intéresse.
34:13 - Voilà, je ne vois pas pourquoi je m'occuperais des générations suivantes,
34:15 qu'est-ce qu'elles ont fait pour moi ?
34:17 Ça peut paraître vrai, mais c'est totalement faux.
34:19 Parce que supposer qu'à partir du moment
34:21 où nous parlons aujourd'hui,
34:23 eh bien, il n'y a plus de générations suivantes.
34:25 Qu'est-ce qui se passerait ?
34:27 On n'aurait plus besoin de maternité, puis d'école primaire,
34:29 puis d'école secondaire, et puis il n'y aurait bientôt plus de plombiers,
34:31 d'électriciens, de médecins, et tous ceux qui sont vivants
34:33 vivraient un enfer.
34:35 Nous avons intérêt au bonheur de ceux
34:37 qui ne sont pas encore nés.
34:39 Et pour ça, dans notre vie quotidienne,
34:41 nous devrions être contraints par cette question
34:43 "Qu'est-ce que je fais qui nuit aux générations futures ?"
34:45 - Oui, mais alors le vrai problème métaphysique,
34:47 mais c'est passionnant,
34:49 qui fixe les règles ?
34:51 Regardez ce qui s'est passé, par exemple,
34:53 dans la gestion du Covid, où il y a eu des choses très bien
34:55 et des choses moins bien.
34:57 Qui fixe les règles ? Par exemple, quand on disait
34:59 "N'embrassez pas, vous avez 3 ans,
35:01 l'enfant de 3 ans ne doit pas embrasser sa grand-mère,
35:03 elle va être intubée, etc."
35:05 Qui va fixer les règles, Jacques ?
35:07 C'est ça le problème.
35:09 - Qui va fixer les règles ?
35:11 - On peut se tromper en fixant les règles.
35:13 Mais on se trompe toujours quand on n'essaye pas
35:15 d'y réfléchir.
35:17 Moi, je pense qu'il faut réfléchir à ce qui va se passer
35:19 dans 30 ans, fixer les règles en fonction de ça,
35:21 mais là où on est sûr de se tromper,
35:23 c'est si on n'y pense pas.
35:25 Si on n'y réfléchit pas.
35:27 Après, c'est comme quelqu'un qui est dans un bateau
35:29 et qui se fout de savoir
35:31 s'il y a une tempête,
35:33 et fonce, il va aller dans la tempête,
35:35 et le bateau va couler.
35:37 Mais si quelqu'un est dans ce bateau, il réfléchit où va aller la tempête,
35:39 il fait les bons choix, peut-être qu'il va se tromper.
35:41 Mais au moins, il a moins de chances de se tromper que celui qui
35:43 se fout de la météo et qui ne l'aura pas regardée.
35:45 - C'est tout à fait vrai.
35:47 Mais Carles Heisberg est dans le Titanic.
35:49 Je m'explique. Quand vous avez des gens qui,
35:51 vous le savez, ça revient à votre livre,
35:53 qui décident, eux, et qui ont
35:55 le pouvoir de décider, en disant
35:57 "Moi, pour un certain nombre d'intérêts,
35:59 je pense que les gens devraient se comporter comme ça et ça et ça."
36:01 Au nom de la dépollution,
36:03 au nom de la vie,
36:05 au nom de ce terrain.
36:07 Vous savez très bien que leur versitème intérêt,
36:09 ce n'est pas la vie, ce n'est pas la pollution,
36:11 c'est la transmission. C'est un conflit
36:13 d'intérêts total. Vous le savez.
36:15 - Je ne sais pas si ce que vous dites
36:17 qui renvoie à la théorie du complot
36:19 permanent... - C'est pas complot.
36:21 - ... me paraît pas exact. J'essaye de donner
36:23 dans ce livre tous les chiffres qui permettent d'établir
36:25 un avis honnête. - Oui, mais vous parlez de complot.
36:27 C'est rien de complot.
36:29 Regardez, par exemple, quand vous nous avez dit "Non mais attendez,
36:31 on va en parler, c'est bien. Le confinement,
36:33 on l'a dit, si vous n'êtes pas
36:35 tous vaccinés, tous protégés, je suis vacciné.
36:37 Moi, je ne suis pas anti-vax, donc vraiment, il n'y a pas de problème.
36:39 Mais je veux dire, à partir du moment où vous disiez
36:41 "Le vaccin est interdit", ni la transmission,
36:43 ni la contamination.
36:45 Je prends un exemple, c'est très bien.
36:47 On vous donnait du matin au soir les médecins de plateau
36:49 comme les géants de plateau qui vous parlaient de ça.
36:51 Donc, qui décide Jacques Attali ? C'est ça le problème.
36:53 - Il y a un moment,
36:55 sur tous les sujets, où se crée
36:57 un consensus honnête
36:59 des scientifiques. On le suit ou on le suit pas.
37:01 Vous avez été libre de vous faire vacciner ou pas vacciner.
37:03 Tout le monde a été fait. J'ai des gens très proches de moi
37:05 qui ont décidé de ne pas l'être et je les respecte.
37:07 Moi, je compensez à ces vulnérables, mais eux,
37:09 je le respecte. Dans les sociétés
37:11 démocratiques, on fait ce qu'on veut.
37:13 Sauf si vous êtes misibles aux autres.
37:15 Et c'est là où c'est important.
37:17 Donc, je pense que nous sommes
37:19 victimes d'une influence extrême
37:21 d'intérêts particuliers.
37:23 C'est le cas des compagnies pétrolières,
37:25 c'est le cas d'un certain nombre de gens qui
37:27 essaient de bouger en chambre. - Des compagnies financières aussi.
37:29 - C'est le cas de tous ceux qui tentent d'influer
37:31 en fonction de leur intérêt.
37:33 C'est pourquoi il est si important d'être en démocratie.
37:35 Parce que c'est là où on crée des contrepoids.
37:37 C'est pour ça qu'il est très important de développer l'esprit critique,
37:39 l'éducation,
37:41 et de se faire un avis.
37:43 Et pour se faire un avis, il faut connaître les faits.
37:45 C'est pour ça que j'ai essayé de rassembler dans ce livre
37:47 les faits, seulement les faits,
37:49 à chacun de se faire un avis. Pour moi,
37:51 les dangers sont extrêmes et nous avons
37:53 dans chacun de nous, à l'échelle,
37:55 comme citoyen, comme consommateur,
37:57 comme épargnant, comme
37:59 père de ou mère de famille,
38:01 les moyens de prendre au moins à notre
38:03 modeste niveau des décisions utiles.
38:05 Si je décide
38:07 en permanence de savoir si je
38:09 consomme des choses qui sont dans l'économie
38:11 d'avis ou l'économie à mort, ça c'est très précieux.
38:13 Si j'interroge ma banque,
38:15 en disant "Dites-moi, j'ai un petit peu d'épargne chez vous, mais qu'est-ce que vous en faites ?
38:17 Qu'est-ce que vous financez avec ?
38:19 Et si, progressivement, si tout le monde le fait,
38:21 ça va changer les banques.
38:23 - Vous voulez dire que les gens
38:25 prennent en main, quand ils peuvent...
38:27 - Dans toutes leurs dimensions de leur vie,
38:29 et si vous dites "Oh mais ça coûte
38:31 trop cher de
38:33 s'alimenter très bien, j'ai le plus grand respect,
38:35 je suis scandalisé de l'écart de richesse
38:37 et de la pauvreté d'un grand nombre de gens.
38:39 Je le sais, en France, il y a quand même
38:41 une pauvreté intolérable dans un pays aussi riche.
38:43 Mais, pour les gens
38:45 qui ont des moyens relatifs,
38:47 on consacre beaucoup trop peu
38:49 de nos moyens à se nourrir
38:51 décemment.
38:53 On devrait dépenser beaucoup plus
38:55 pour se nourrir. Ça donnerait
38:57 beaucoup plus de moyens aux paysans,
38:59 ça donnerait de la créature beaucoup plus saine,
39:01 et on serait en meilleure santé. Et on dépenserait moins en matière de santé
39:03 et dans d'autres dangers.
39:05 Il y a aussi un équilibre du budget, plus dans l'économie
39:07 de la vie, dont la santé, moins en économie
39:09 de la mort. - Alors justement, il faudra
39:11 redéfinir, mais vous l'avez fait à votre avis,
39:13 et que chacun voit si ça lui convient
39:15 cette économie de la vie ou de l'économie de la mort
39:17 telle que vous l'avez défini. On va pas prendre
39:19 un ou deux auditeurs, parce qu'on a eu
39:21 une discussion forte, mais c'est bien.
39:23 On se retrouve tout de suite et on se revoit
39:25 au 0826 300 300.
39:27 Ici Sud Radio.
39:29 Les français parlent au français.
39:33 Je n'aime pas la blanquette de veau.
39:37 Je n'aime pas la blanquette de veau.
39:39 Sud Radio
39:41 Bercov dans tous ses états.
39:43 Vous êtes bien dans le face-à-face d'André Bercov
39:45 avec Jacques Attali pour son livre "Le monde,
39:47 mode d'emploi, comprendre, prévoir, agir,
39:49 protéger", et vous avez la parole au 0826
39:51 300 300. On accueille Jean-Claude
39:53 de Lessonne. Bonjour Jean-Claude. - Bonjour Jean-Claude.
39:55 - Bonjour monsieur Bercov.
39:57 Félicitations pour la qualité de vos invités.
39:59 - Merci. - Monsieur Attali,
40:01 bonjour. Je vais essayer d'être assez court.
40:03 Je vous connais, j'ai 68 ans.
40:05 Enfin, je vous connais.
40:07 Je vous connais, Nora. Mais j'ai 68 ans.
40:09 Je me rappelle de vous, monsieur Attali,
40:11 comme conseiller d'un président
40:13 de la République, et non pas des moindres.
40:15 J'ai essayé de vous suivre à travers vos livres
40:17 et je vous avoue que vous êtes un esprit
40:19 trop, à mon avis, supérieur
40:21 à beaucoup. Mais, excusez-moi,
40:23 j'ai lu le dernier, c'était "L'homme nomade",
40:25 qui n'est pas facile à lire, mais c'est
40:27 très intéressant. Mais la question rapide,
40:29 vous avez été dans les
40:31 arcades du pouvoir, quand même,
40:33 des pouvoirs, et je voulais
40:35 vous poser la question, monsieur Attali, en fait
40:37 il y en a une en deux. La première, c'est
40:39 est-ce que vous ne pensez pas qu'en tant que conseiller
40:41 d'un président, quel qu'il soit,
40:43 je ne rentre pas dans le côté politique,
40:45 est-ce que le rôle d'un conseiller
40:47 en fait, auprès d'un président,
40:49 n'est pas plus important
40:51 qu'un premier ministre et que son gouvernement ?
40:53 Et deuxième question qui en découle,
40:55 pourquoi, monsieur Attali,
40:57 ça c'est presque un regret, n'avez-vous pas
40:59 voulu, ne voulez-vous pas vous engager
41:01 quand je vous entends, quand je
41:03 vous lis, et
41:05 peut-être que beaucoup de Français auraient du mal à vous suivre
41:07 intellectuellement, mais pourquoi
41:09 ne vous engagez-vous pas politiquement, monsieur Attali ?
41:11 C'est extraordinaire.
41:13 - Je vous remercie, monsieur.
41:15 J'ai choisi de mener une vie, et André me connaît
41:17 depuis si longtemps qu'il sait pourquoi,
41:19 j'ai choisi de mener une vie d'indépendance,
41:21 d'intellectuel,
41:23 j'ai choisi de pouvoir être ami de gens
41:25 qui ne pensent pas comme moi, j'ai choisi de pouvoir
41:27 changer d'avis si je suis
41:29 convaincu par un autre, j'ai choisi
41:31 de m'intéresser au monde et pas seulement
41:33 à mon pays que j'adore, c'est-à-dire la France,
41:35 donc j'ai choisi de ne pas mener une carrière
41:37 d'homme politique, qui est un métier à plein temps,
41:39 que je respecte beaucoup, mais qui suppose
41:41 une obligation que je n'ai pas.
41:43 J'ai d'ailleurs toujours pensé que l'avenir
41:45 d'un ministre,
41:47 c'est d'être ancien ministre, tandis que
41:49 l'avenir d'un écrivain, c'est d'être écrivain.
41:51 Et pardonnez-moi, je préfère ne pas
41:53 résumer à être ancien quelque chose.
41:55 Le conseiller,
41:57 est-ce qu'il a un pouvoir
41:59 supérieur à l'homme politique ?
42:01 Ça dépend. En principe,
42:03 il n'en a aucun, puisqu'il ne fait que conseiller,
42:05 et la responsabilité
42:07 et la grandeur comme
42:09 l'opprobre appartient aux politiques
42:11 qui prend la décision, c'est lui qui décide.
42:13 Le conseiller, s'il est très proche du président,
42:15 ce qui m'est arrivé à moi, puisque j'ai eu le privilège
42:17 d'être pendant 10 ans très proche d'un président
42:19 de la République, et ensuite les autres présidents,
42:21 je les ai connus, mais je n'ai eu aucune
42:23 proximité particulière de travail
42:25 avec eux, même si
42:27 certains étaient des amis.
42:29 Le conseiller,
42:31 s'il est loin, dans les bureaux lointains,
42:33 il n'a aucune influence, il fait des notes,
42:35 et ces notes sont
42:37 un élément de jugement parmi d'autres.
42:39 S'il est très proche, il peut avoir
42:41 une influence considérable, c'est d'arriver à quelques personnes.
42:43 Permettez-moi de penser que
42:45 la personnalité de François Mitterrand était
42:47 si forte qu'il n'était pas
42:49 influençable. Il prenait
42:51 ses conseillers, et même les plus proches
42:53 dont j'ai eu l'honneur de faire partie,
42:55 comme des sources d'informations, des
42:57 pouching-balls pour tenter des idées,
42:59 des moments de contradictions,
43:01 et il aimait beaucoup qu'on le contredit,
43:03 mais il faisait son avis,
43:05 librement. Et ensuite,
43:07 la valeur de la décision était la sienne,
43:11 et l'erreur, si elle y avait, c'était la sienne.
43:13 - Merci,
43:15 merci, je crois,
43:17 merci à Jean-Claude, et puis merci
43:19 à Jacques Attali, mais je vous renvoie vraiment,
43:21 je vous renvoie au livre, faites-vous votre opinion,
43:23 et lisez "Le Monde, mode d'emploi".
43:25 - Merci beaucoup,
43:27 chers auditeurs, d'être toujours aussi nombreux
43:29 à nous écouter, et merci à Jacques Attali pour son livre
43:31 "Le Monde, mode d'emploi, comprendre,
43:33 prévoir, agir, protéger",
43:35 à éditer chez Flammarion.
43:36 Tout de suite, l'émission de Brigitte Lahaye, à tout de suite sur Sud Radio.

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