Les Vraies Voix avec Philippe Bilger, Françoise Degois, Christophe Madrolle et Arnaud Chiche, médecin hospitalier et président du collectif “Santé en danger”.
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00:00 Les vraies voix Sud Radio, le code projecteur des vraies voix.
00:03 Et on va revenir sur l'attaque au couteau qui a coûté cette nuit la vie à cette infirmière du CHU de Reims
00:08 qui relance la question des violences physiques et verbales faites à l'encontre du personnel hospitalier.
00:13 Des cas de violences qui auraient touché 37% des personnels de santé rien que l'an dernier
00:19 selon la Fédération des hospitalisations privées.
00:22 Écoutez ce qu'elle a dit justement, la réaction justement du ministre de la Santé.
00:27 Pour autant l'agression d'un soignant est quelque chose d'inqualifiable, d'inadmissible.
00:32 Je réunirai dans la semaine l'ensemble des représentants des soignants
00:37 pour qu'au-delà de cette période nécessaire, je le redis, de recueillement,
00:42 nous mettions en œuvre très rapidement l'ensemble des mesures qui seront utiles
00:47 pour préserver la sécurité encore mieux et préserver la vie de nos soignants.
00:53 Les agressions mortelles de soignants sont, Dieu merci, rares
00:56 mais souvent le fait de patients souffrant de troubles psychiatriques.
00:59 Dans les autres cas, l'attente, la douleur ou l'alcool sont à l'origine des insultes, menaces et coups.
01:04 Alors est-ce que pour vous, c'est devenu un métier à risque de travailler à l'hôpital ?
01:09 Faut renforcer la sécurité ? Qu'est-ce qu'il faut faire ?
01:11 Vous êtes soignant ? Venez témoigner au 0826 300 300.
01:14 - Et notre invitée pour en parler, Arnaud Chiche, est avec nous.
01:17 Bonsoir, merci d'être en direct sur Sud Radio.
01:20 Vous êtes mestère hospitalier et président du collectif Santé en danger.
01:25 Philippe, il y a eu une réaction forcément sur l'état de nos hôpitaux et la violence grandissante.
01:31 - Alors encore une fois, Cécile, avec Philippe, vous avez très bien fait de choisir ce thème.
01:37 C'est tout de même un défi horrible, très particulier
01:41 qui a été porté à cet hôpital de Reims et à cette malheureuse infirmière qui est morte.
01:47 On a un irresponsable qui circule dans cet hôpital, qui va dans le vestiaire sans aucun but, sinon probablement celui de tuer.
01:59 Il n'a aucun lien avec l'hôpital, il n'a aucun rendez-vous et il tue.
02:04 Par conséquent, il faut bien voir que c'est une situation dramatique,
02:09 mais qui est peu ordinaire par rapport aux atteintes quotidiennes
02:14 que subissent les personnes qui travaillent dans les hôpitaux.
02:17 Et j'en ai un peu assez de ces ministres.
02:20 Un brave homme, au demeurant, je le dis pas de manière méprisante, que ce ministre bronne,
02:26 mais j'ai l'impression qu'il n'est pas à la hauteur de l'immense défi qui lui est porté.
02:31 Et je pense tout le temps, lorsque je vois ces ministres, à une phrase de quelqu'un qui a servi de modèle
02:37 au feu folet de Rio-La-Rochelle, Jacques Rigaud, qui disait
02:41 "Pourquoi on attend que les gens soient au fond du trou pour se demander comment ils sont arrivés au bord ?"
02:48 Et c'est fondamental dans toutes les crises de la France.
02:51 - François De Gaulle. - Alors oui, il y a la crise de l'hôpital, mais il y a la crise de la psychiatrie,
02:55 qui sont des domaines que nous connaissons parfaitement bien,
02:57 pour des raisons tout à fait familiales et personnelles.
03:00 Et je vois très bien, tu parlais tout à l'heure, Christophe, et tu as raison, de la baisse.
03:05 C'est à pleurer. Je ne sais pas si vous avez déjà visité un hôpital psychiatrique,
03:08 où vous avez envie de pleurer de la surcharge du personnel, du manque de moyens,
03:14 de la façon dont les choses se nouent, du mépris collectif dans lequel sont tenues ces malades.
03:20 Donc il y a plusieurs choses. C'est pour ça que tout à l'heure, je secouais un peu mon ami Philippe David
03:25 sur le mode "il ne faut pas tout mélanger". Aujourd'hui, ce n'est pas une agression sécuritaire.
03:30 Est-ce qu'on peut poser une question générale ? Est-ce que c'est de plus en plus dangereux ?
03:33 Oui, si on prend ce cas, si on prend, il y a quelques années, l'infirmière qui a été décapitée
03:39 à l'hôpital Saint-Luc à Pau, bien sûr que c'est effrayant. Je pense qu'il y a des agressions
03:43 quand vous travaillez aux urgences, que les gens arrivent la nuit, qu'ils sont complètement déphasés,
03:48 disjonctés. Je le comprends. Mais là, on parle d'un domaine, c'est la première fois de ma vie
03:53 que je suis d'accord avec Éric Ciotti, qui demande un grand plan psychiatrie pour le pays.
03:58 Écoutez, je ne pensais pas que ça arriverait un jour. Je suis d'accord avec Éric Ciotti.
04:02 Il faut donner de l'argent à la psychiatrie parce que les gens pètent les plans de plus en plus.
04:06 J'allais en parler. Dans cette société qui est de plus en plus violente, où les cadres sont,
04:09 et on en parle régulièrement sur nos antennes, aujourd'hui, il faut une réponse qui ne soit pas
04:13 simplement une réponse qui soit la police qui va, qui descend dans les cités et qui arrête.
04:18 Parce qu'on sait très bien que ce n'est pas simplement une solution, même s'il en faut.
04:20 Il faut effectivement une vraie politique. Il faut former des psychiatres, il faut les payer.
04:23 Il faut une vraie politique qui est la politique de la ville. Je vous rappelle qu'il n'y a plus
04:26 de ministère de la politique de la ville. Et pourtant, la question de la politique de la ville,
04:30 l'urbanisation, les centres sociaux, les MJC, tout ce qui accompagnait le secteur de prévention
04:34 était nécessaire, comme la police de proximité, je vous l'ai déjà dit sur cette antenne.
04:39 Ensuite, il y a la question de la psychiatrie. Aujourd'hui, pour former des infirmières
04:43 et des infirmiers psychiatriques, il faut des moyens. Pour pouvoir emmener des encadrants,
04:47 il faut des moyens. Et cette question-là est complète. Et on parle aujourd'hui de l'hôpital.
04:51 Mais imaginez dans les pôles emploi. J'ai beaucoup de mes amis qui travaillent au pôle emploi.
04:56 Les agressions sont permanentes. Ils font faire mal. Parce qu'ils pètent un câble, les gens,
05:01 parce qu'ils se retrouvent devant une administration de proximité. Et c'est souvent la dernière
05:05 administration de proximité avec la Sécu. Et moi, je pense à tous ces gens qui, aujourd'hui,
05:11 ne font pas de la démagogie, qui se retrouvent en phase avec des personnes en grande difficulté.
05:16 Et leurs outils de défense n'existent pas. Dernier mot. Par rapport aux ministres, moi,
05:21 j'en ai assez de ces ministres qui viennent pleurnicher, même si c'est leur boulot. Mais à un moment
05:25 donné, tu as raison de rappeler cette phrase. Excuse-moi, je l'ai dit à un moment donné par
05:29 rapport à Peppendia et par rapport à l'Éducation nationale. En amont, les signaux existent.
05:35 Écoutez, messieurs les ministres, vos syndicats. Écoutez les corps intermédiaires qui vous font
05:40 remonter des informations. On va avoir encore des problèmes dans les lycées. Et pourtant,
05:46 nos collègues dans l'Éducation nationale le disent régulièrement. Attention, ce n'est pas en mettant
05:51 des caméras qu'on règle des problèmes dans les lycées. C'est en mettant de l'humain.
05:55 Pardon mon coup de gueule par rapport à ça.
05:57 Alors Arnaud, Chiche, forcément on parle du passage à l'acte, mais il y a aussi une violence,
06:03 et vous l'avez dit, Christophe Madrol, des insultes des personnels qui se font pousser
06:07 parce que ça prend trop de temps, parce qu'on ne s'occupe pas assez bien des patients, parce qu'on
06:10 attend dans les couloirs pendant des heures parfois sur des brancards. Et ça, comment,
06:16 c'est quoi la solution en fait ?
06:19 Bonjour à tous. Vous avez déjà dit beaucoup, beaucoup de choses. Je vais essayer de faire le tri.
06:25 Ce que je voudrais vous dire, c'est qu'aujourd'hui, on doit surtout être dans le recueillement.
06:30 Et on doit aussi être très prudent. On est tous à vif. Les soignants sont extrêmement tristes
06:37 que l'une d'entre eux ait été assassinée. Et donc, vous voyez, là il y a un contexte absolument
06:43 terrible. Et pour la mémoire de cette collègue et sa famille, on doit tous être assez apaisés,
06:48 essayer de prendre un petit peu de hauteur. Je voudrais commencer par vous dire ça.
06:52 L'insécurité des soignants, vous l'avez bien dit, elle existe depuis longtemps. Elle a tendance un peu
06:57 à augmenter ces derniers mois. Et j'ai envie de vous dire, depuis la crise Covid, il y a quand même
07:02 un climat assez malsain vis-à-vis du corps des professionnels de santé depuis la crise Covid,
07:07 à cause de plein, plein de choses. Mais il y a un contexte qui est là. Il est certain que
07:12 l'agressivité et les agressions, ça commence par les incivilités. Alors peut-être qu'il y a une
07:17 première piste, c'est qu'il ne faut probablement rien tolérer. Parce que c'est vrai que l'agression
07:23 prend beaucoup de formes. On a bien compris qu'on avait à faire là un déséquilibré. Et je pense
07:29 que des fouilles, il y en aura toujours. Des gens complètement fous, au point de prendre un couteau
07:33 pour aller dans un hôpital, pour tuer des gens. Vous voyez de quoi on parle. Donc c'est assez
07:37 difficile de rationaliser ce qui s'est passé là, cet événement dramatique. Mais oui, il y a un contexte
07:43 où les soignants sont de plus en plus souvent victimes d'agressions. Il faut en parler et essayer
07:48 de trouver des solutions pour que ça n'arrive plus. Et enfin, vos invités l'ont bien dit, sans du
07:53 tout vouloir récupérer ce fait-divers absolument terrible. On est un peu obligés de parler de la
08:00 santé mentale et du monde de la psychiatrie en France, parce qu'on a envie de penser quand même
08:05 que le suivi d'un patient déséquilibré et instable, son parcours de soins, sa surveillance, tout cela
08:12 est le soin de la psychiatrie. Et comme l'ont très bien dit vos invités, la psychiatrie, comme
08:17 d'autres domaines de la santé en France, vous savez, mais la psychiatrie est un parent-traître
08:22 époque de la santé publique en France. C'est un peu triste de devoir le redire à l'occasion d'un
08:28 fait-divers catastrophique, mais c'est quand même la réalité. Et donc là, il y a une temporalité
08:32 qui sera plus longue, mais il faut absolument plus de psychiatres en France, plus d'infirmières formées.
08:38 Je vais juste vous donner un chiffre. En France, on a 65% de lits de psychiatrie de moins par rapport
08:44 aux Allemands. Bon, bah écoutez, à partir de là... 65% c'est intéressant. 65% on avait pas entendu le chiffre.
08:54 Philippe Ilgère peut-être. Docteur, pardon pour la comparaison et je perçois qu'elle est choquante,
09:00 mais j'ai parfois l'impression, quand je vois la manière dont l'hôpital est traité...
09:05 On a perdu visiblement pour l'instant. J'écoutais ce matin, si vous permettez, je vous laisse reposer
09:12 votre question quand on récupérera nos chiffres. J'écoutais ce matin un médecin qui disait "bah oui,
09:16 en fait, nous, on n'ose pas porter plainte contre nos patients qui nous agressent et il faudrait peut-être
09:23 qu'on porte plainte parce qu'on pense toujours qu'on va trouver des solutions et que les choses vont
09:27 s'apaiser et voilà." Peut-être, mais revenons quand même sur la psychiatrie. Là, nous sommes dans
09:32 quelque chose que Philippe Ilgère a très bien décrit, l'erment de ce malade mental, véritablement.
09:38 Je sais pas s'il a une bouffée schizophrène, une bouffée délirante, je n'en sais rien. Il est là pour tuer,
09:43 il est là pour faire mal en tout cas. Voilà pourquoi il faut poser les bonnes questions, pourquoi cet homme
09:48 n'est pas en hôpital de jour, pourquoi il n'est pas suivi. Vous savez, la folie permanente d'investir
09:55 dans les sciences froides, c'est-à-dire vraiment l'informatique, les ingénieurs, etc. Moi, je crois
10:00 qu'on rentre dans un moment, ce 21e siècle, ce 22e siècle, de charnière où il faut vraiment réinvestir
10:06 dans les sciences humaines, vraiment dans l'humanité. - On a retrouvé Arnaud Chiche, Philippe Ilgère,
10:10 entre autres questions. - Docteur, j'ai une comparaison dans la tête et je la perçois choquante.
10:17 Je me demande parfois quand je vois la manière dont on néglige, dont on relègue au fond l'hôpital
10:24 dans les préoccupations politiques et avec la surabondance des gens qui vont dans les urgences,
10:31 j'ai donc parfois l'impression que l'hôpital devient une version noble d'une population presque pénitentiaire.
10:39 Je veux dire par là qu'il y a de plus en plus de fragiles, de déséquilibrés, de malades,
10:47 de gens qui posent des problèmes et je me demande si on ne s'en désintéresse pas un peu, précisément,
10:56 malgré la soliditude formidable des médecins à l'égard de ces clients, parce qu'ils représentent
11:03 une forme de société avec laquelle on n'a plus la compassion nécessaire ou utile.
11:10 Est-ce que j'exagère peut-être sûrement un peu, docteur ?
11:15 - Non, non, mais vous savez, on a l'occasion souvent d'échanger tous les deux sur le sujet santé
11:20 dans d'autres contextes moins dramatiques que celui-là, celui d'aujourd'hui.
11:24 Vous avez raison, vous savez, moi je suis très impliqué dans ces questions-là depuis trois ans,
11:29 en étant à la tête du collectif Santé en danger. Il y a quelque chose qui m'échappe, moi, dans ce pays,
11:34 c'est qu'au-delà de ce fédélaire catastrophique, quand on parle un petit peu de santé,
11:38 ce que vous avez décrit, c'est quand même la réalité. On ne fait plus de santé publique en France.
11:43 On ne fait plus de santé publique. La santé publique, c'est allouer les moyens nécessaires
11:49 aux besoins d'une population, en ce qui concerne le soin. On ne fait plus de santé publique.
11:54 On fait du racistolage depuis des années. Donc la crise aujourd'hui, c'est les médecins généralistes
12:00 qui ne sont pas écoutés par l'ACNAM, c'est les infirmières libérales qu'on n'écoute pas,
12:05 c'est les médecins hospitaliers qui travaillent jour et nuit qu'on n'écoute pas,
12:08 et on a l'impression qu'on va passer cette crise-là, et que c'est une énième crise.
12:12 Moi, je pense qu'il y a un vrai chantier sur les questions santé à ouvrir.
12:17 Le ministre fait tout ce qu'il peut. J'ai de l'amitié pour lui parce que je le connaissais
12:22 avant qu'il ne soit ministre, et je pense que tout ne dépend pas de lui.
12:26 Il faut aussi comprendre que quand on est ministre de la Santé, on est dépendant d'arbitrages
12:31 qui vont au-delà du ministère de la Santé. Donc c'est un vrai sujet.
12:35 Vous avez parlé des corps intermédiaires. Moi, je pense qu'il y a beaucoup d'intelligence collective en France.
12:39 Il y a effectivement des syndicats, il y a des associations. Je crois vraiment qu'il y avait un espace
12:44 pour tout remettre à plat, et quand je dis tout remettre à plat, c'est la psychiatrie.
12:48 La psychiatrie est une place très importante.
12:49 - Arnaud Chiche, notre auditrice du jour, notre vraie voix du jour, c'est Marie-Alice, qui est infirmière.
12:54 Alors Marie-Alice, est-ce que vous pensez que travailler à l'hôpital, vous avez travaillé en secteur hospitalier,
12:58 est devenu un métier à risque ?
13:00 - Oui, ça l'était déjà. À l'heure d'aujourd'hui, ça le devient de plus en plus.
13:06 Moi, j'exerce actuellement en libéral, et le libéral n'est pas forcément plus sécuritaire.
13:12 Du fait de la désertification, des fermetures, des urgences, les gens sont excédés,
13:19 et la première personne, enfin le premier soignant en ligne, c'est l'infirmier,
13:26 ou en structure, ou en libéral. C'est tel qu'on va aller voir.
13:30 Et je voulais rebondir sur le côté humain. On n'a plus cette bienveillance, on n'a plus cette écoute.
13:38 Il y a un tel stress par rapport à cette désertification et à ce manque de professionnels,
13:45 que même l'écoute est difficile. Moi, j'ai des horaires pharaoniques.
13:52 - Décrivez-nous une journée classique, lambda de Marie-Alice. C'est quoi votre journée ?
13:58 - Alors moi, je pars, mon réveil sonne à 5h. À 5h30, je suis dans ma voiture.
14:04 J'arrive chez le premier patient, il est 6h moins le quart.
14:07 - C'est où à peu près ?
14:09 - C'est à 30 km de mon domicile, donc c'est vers Agen.
14:14 Et là, c'est la course au timing. C'est-à-dire que vous avez X patients,
14:20 et il faut faire au mieux avec ce que vous avez comme matériel.
14:26 Vous arrivez, le patient a une sonde urinaire bouchée, il faut vous débrouiller
14:30 parce que personne ne peut vous venir en aide. Le médecin, il n'y en a pas sur le secteur.
14:36 Vous avez une personne au sol, vous appelez le 15.
14:40 Quand vous arrivez à rejoindre quelqu'un, on vous oriente.
14:44 C'est quand même, honnêtement, c'est très très lourd.
14:48 - Et vous rentrez à quelle heure chez vous, par exemple, une journée type ?
14:51 - 21h.
14:52 - 5h du matin, 21h, ça c'est une longueur d'honneur.
14:55 - Et entre midi et 2h, vous arrivez à vous poser un petit peu ?
14:57 - Entre midi et 2h, il m'arrive de prendre un quart d'heure, une demi-heure.
15:02 Et là, ça vale ce que je trouve. Un sandwich, une barre Mars.
15:07 Après, je reconnais que certains patients nous offrent un petit café pour nous stimuler.
15:13 Mais c'est vrai que c'est quand même, on est dans une période où même sur le terrain, ça devient très très compliqué.
15:22 Et je m'inquiète pour l'avenir de mes collègues.
15:27 Moi, j'ai plus de 50 ans, donc je pense que j'irai au bout.
15:31 Mais nos jeunes infirmières ne sont pas prêtes à affronter ça.
15:35 - Marie-Alice, je peux vous poser une question ?
15:38 - Oui.
15:39 - Est-ce qu'aujourd'hui, vous seriez élève étudiante ? Est-ce que vous quitteriez le métier ?
15:45 - Alors, oui. Je ne sais pas si j'irai au bout.
15:51 Parce que l'agression ne vient pas forcément que des patients.
15:54 Elle peut venir des familles qui veulent des réponses.
15:57 Quand on a un enfant malade, quand on a un parent malade...
16:01 Et je reconnais, le fait qu'on manque de médecins, c'est une grosse...
16:08 C'est une grande catastrophe.
16:10 Mais moi, honnêtement, j'aime ce que je fais.
16:14 Je m'investis dans beaucoup de choses, comme beaucoup de mes collègues.
16:18 Syndicales...
16:20 Je travaille sur des projets, CPTS, etc.
16:25 Parce que j'ai besoin...
16:27 Moi, on m'a demandé dernièrement pourquoi je faisais une formation.
16:30 C'était sur une formation cadre.
16:33 Et là, je leur ai dit que j'avais besoin de garder la flamme.
16:37 Et tous les matins, quand je me lève, je cours après cette flamme.
16:40 - Absolument.
16:41 Le mot de la fin peut-être avec Arnaud Chiche.
16:47 Est-ce qu'on peut rester quand même légèrement optimiste ?
16:51 - Oui, parce que...
16:54 Enfin, je suis aussi...
16:56 Enfin bon, c'est difficile d'être optimiste quand même.
16:59 Mais je crois quand même que tout le monde est assez d'accord pour se rendre compte
17:04 que s'il y avait plus de médecins psychiatres, ça irait mieux.
17:08 - Ah, je suis sûr.
17:09 - Si il y avait plus d'infirmières en psychiatrie, tout irait mieux.
17:13 Si les CMP n'avaient pas tant d'attente...
17:16 - Le centre médico-pédagogique.
17:18 - Et des infirmières dans les écoles, Arnaud, aussi.
17:20 - Bien sûr.
17:21 - Aujourd'hui, il n'y a plus d'infirmières et de psychologues dans les écoles, Arnaud.
17:25 - Je suis d'accord avec toi.
17:26 - En fait, on manque de ressources.
17:28 - Et des soins humains.
17:29 - Et des soins humains.
17:30 - Et en fait, c'est simple à résoudre, ça.
17:32 À un moment donné, c'est de dire "Bon ben voilà, on a décidé qu'il fallait plus de psychiatres
17:36 pour pouvoir hospitaliser des adolescents".
17:38 Dans certains départements, ce n'est plus possible aujourd'hui.
17:40 Plus de psychiatres, plus d'infirmières.
17:42 Et à titre personnel, je pense que la sécurité dans les établissements de santé,
17:45 elle passe aussi par la densité des personnes soignantes.
17:48 Plus vous aurez de soignants dans les hôpitaux, ce qu'on réclame depuis longtemps,
17:51 eh bien, ça nous mettra probablement peut-être un peu à l'abri de ça.
17:54 Mais vous savez, des déséquilibrés, des fous, il y en aura toujours.
17:57 Il faut être très prudent avec l'analyse d'un fait divers comme ça.
18:03 Et peut-être ne pas attendre de réponse dans l'immédiateté.
18:06 Il faut prendre un peu de hauteur, je crois.
18:08 Et surtout, les proches de cette victime le méritent.
18:10 - En tout cas, on partage forcément votre émotion.
18:13 Et avec, bien entendu, tous les personnels de santé.
18:16 Merci beaucoup, Arnaud Chiche, médecin hospitalier et président du collectif Santé en danger.
18:21 0826 300 300, vous voulez réagir ? Eh bien, on vous attend.
18:24 On fait une petite pause. On revient dans un instant.