L'Invité du 13h (13h - 24 Mai 2023 - Maxime Sorel)
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00:00 de lui que c'est l'Everest des mers, le Vendée Globe, le tour du monde à la voile et en solitaire.
00:06 Ajoutez à cela une ascension de l'Everest des montagnes, celui-là entre Tibet et Népal
00:11 et vous obtenez ce que vous appelez le double Everest.
00:14 Bonjour Maxime Sorel.
00:15 Bonjour à tous.
00:16 Ce double Everest, vous l'avez bouclé la semaine dernière puisque deux ans après
00:20 avoir terminé dixième du Vendée Globe, vous vous êtes hissé sur le toit du monde,
00:24 dans l'Himalaya.
00:25 C'était dans la nuit de mercredi à jeudi, vous êtes le premier à réussir cet exploit
00:31 en mer puis en montagne.
00:33 Vous venez de rentrer ce matin, vous venez d'atterrir pour tout dire.
00:37 Mais est-ce qu'au fond vous avez vraiment atterri ?
00:39 Pas vraiment non.
00:40 J'étais encore à Katmandou il y a moins de 24 heures et c'est vrai que quand on redescend
00:45 de l'Everest, on est un petit peu fatigué.
00:47 Dans quel état physique vous êtes ? Au-delà de la fatigue, quelles sont vos sensations ?
00:51 Je suis encore sur un des nuages qui flottent au-dessus de ce mont.
00:57 C'était assez incroyable, c'est malgré tout assez long, 43 jours d'expédition,
01:03 cinq jours d'ascension où on met vraiment beaucoup d'intensité.
01:08 Et quand on redescend, on est forcément fatigué.
01:12 Est-ce que vous connaissez le point culminant du département de la Mayenne dont vous portez
01:16 les couleurs sur l'eau Maxime Sorel ?
01:18 J'ai pas révisé mes fiches, je dirais à les 60 mètres non ?
01:23 Non, c'est le mont des Avaloires, 416 mètres.
01:27 L'Everest c'est 8800 mètres.
01:30 Qu'est-ce que vous êtes allé faire là-haut ?
01:32 J'ai eu la chance d'être parrain d'une association, vinque la mycoïcidose.
01:36 C'est des patients qui sont atteints d'une maladie génétique qui désagrège les voies
01:43 respiratoires et le système digestif.
01:45 Je faisais déjà du bateau, course large, et je me suis dit si j'arrive à créer un
01:49 projet de Vendée Globe, un projet de tour du monde à la voile, en solitaire, sans escale,
01:54 sans assistance, je vais pas juste faire un tour du monde, je vais faire un double Everest.
01:58 Je l'avais dans ma tête depuis 2017.
02:00 Et pourquoi le double Everest ?
02:01 C'est qu'en haut de l'Everest, il n'y a plus que 30% de capacité respiratoire.
02:06 Même sous oxygène, on n'a plus que 30%.
02:08 D'où le lien avec la maladie.
02:10 C'est ça, tout à fait.
02:11 Le lien symbolique était sur le souffle, le souffle que les patients recherchent.
02:14 Et donc je me suis dit, je vais créer ce projet et on est allé au bout il y a une
02:18 semaine.
02:19 Les auditeurs de France Inter vous interrogent, ils peuvent dialoguer avec vous directement
02:22 évidemment Maxime Sorel, 0145 24 7000 ou via l'application France Inter.
02:28 Mais racontez-nous cette ascension qui a commencé par une préparation courte mais intense en
02:33 France puis au Népal ?
02:34 Oui, tout à fait.
02:35 Moi, ça faisait déjà longtemps que je rêvais de ce projet, sauf qu'il faut s'y préparer.
02:40 J'ai fait le Kilimanjaro en 2021 et puis j'ai fortement axé fin 2022, début 2023 avec
02:47 une préparation dans les Alpes.
02:49 J'ai bossé avec un centre 3Dimperform qui m'a aidé à travailler sous hypoxie, à
02:55 faire des exercices déjà.
02:56 Comme si vous étiez en altitude ?
02:58 Comme si j'étais en altitude.
03:00 On allait jusqu'à 5500 mètres seulement en salle avec des appareils.
03:04 Et ensuite, on est parti au Népal pour faire un long trek de huit jours.
03:08 Puis toute une acclimatation qui a duré un mois avec différents sommets autour des
03:13 6000-7000 mètres avant de tenter de gravir l'Everest.
03:18 Et donc, vous vous lancez à l'assaut dimanche dernier.
03:21 Il y a dix jours, vous êtes sept au départ au camp de base.
03:24 Vous-même, deux collègues français, dont un guide de haute montagne et quatre Sherpas.
03:29 C'est ça ?
03:30 Tout à fait, effectivement.
03:31 Alors, une équipe vidéo-photo et puis quatre Sherpas.
03:35 C'est quoi un Sherpa ?
03:36 Un Sherpa, c'est un peu comme un guide qui nous assiste clairement.
03:41 Il faut bien différencier les Sherpas, qui est une ethnie du Népal, et des porteurs
03:46 qui viennent pour porter tout le matériel à partir du camp de base.
03:49 Et ensuite, c'est les Sherpas qui prennent le relais, qui nous aident à porter des bouteilles
03:53 d'oxygène, tout le matériel nécessaire sur les différents camps, des tentes, des
03:57 bouteilles de gaz, de quoi faire à manger.
03:59 Sept au camp de base et vous êtes arrivés à deux au sommet avec l'un de vos Sherpas.
04:04 Racontez-nous ce qui s'est passé dans cette ascension.
04:06 Eh bien, camp 2, on est déjà à 6400 mètres.
04:10 On sent vraiment les difficultés.
04:12 On n'est toujours pas sous assistance respiratoire.
04:14 On n'a pas d'aide, on n'a pas encore de bouteilles.
04:16 Et à partir du camp 3, on commence à prendre des bouteilles.
04:18 Là, le caméraman ne se sentait pas bien à partir du camp 2.
04:22 Donc, les Sherpas ont préféré le laisser ici.
04:24 Ensuite, on avait nos quatre Sherpas plus Guillaume, le guide qui était avec moi.
04:30 On est allés jusqu'au camp 4.
04:32 Et à partir du camp 4, c'est le guide qui ne s'est pas bien senti.
04:36 Il faut bien s'imaginer que tout est compliqué à partir de 8000 mètres.
04:40 Le corps n'est pas du tout fait pour vivre à cette altitude.
04:43 Le froid est juste extrême.
04:46 La nuit où on est partis...
04:47 Quelles sont les températures ?
04:48 Là-haut, au sommet, il faisait entre -45 et -50.
04:52 Donc, on ne peut pas enlever son gant comme ça.
04:55 La condensation de l'oxygène à travers le masque gèle juste derrière le masque.
05:00 Ce sont vraiment des températures très extrêmes.
05:02 Quel est le paysage au-delà de 8000 mètres d'altitude ?
05:06 C'est assez fou parce qu'on a vécu plusieurs jours au niveau du camp de base
05:12 où on voyait des montagnes qui culminaient à 7000 mètres.
05:15 Donc, c'est vraiment des monstres quand on sait que c'est presque deux fois plus que le Mont-Blanc.
05:23 Et quand on arrive en haut, ces montagnes sont toutes petites.
05:27 Donc, on est vraiment sur le toit du monde, le toit du univers.
05:31 C'est le toit du monde, mais c'est aussi un chemin extrêmement fréquenté.
05:38 Il y a des bouchons au sommet de l'Everest, Maxime Sorel.
05:41 Il faut patienter.
05:43 Il y a des images qui sont diffusées en ce moment sur les réseaux sociaux
05:45 parce qu'il y a de plus en plus de gens qui tentent l'ascension,
05:50 qui montrent des alpinistes qui patientent devant des difficultés.
05:54 C'est une année particulière.
05:56 Il y a deux côtés, le côté népalais et le côté tibétain.
05:59 Le côté tibétain était fermé.
06:00 Donc, personne ne pouvait gravir la montagne de ce côté-là.
06:04 Par les Chinois ?
06:05 Comment ?
06:06 Fermé par les Chinois ?
06:07 Par les Chinois, tout à fait.
06:09 La plupart des Chinois qui voulaient gravir sont quand même venus côté népalais.
06:13 Donc, effectivement, ça a encombré un peu les voies népalaises.
06:16 De mémoire, il y a eu 454 permis autorisés.
06:19 Ce sont des permis de membres, de grimpeurs.
06:22 Ensuite, on multiplie à peu près par deux pour avoir la quantité de personnes présentes sur la montagne.
06:27 Donc oui, il y a des phases où il y a des moments d'attente.
06:31 Nous, on a su y échapper en partant un peu plus tôt, en partant de nuit,
06:34 en partant sur des moments un peu plus optimum.
06:37 Mais parfois, c'est fatal pour certains.
06:39 Racontez-nous, la fin de l'ascension, c'est vraiment mètre par mètre ?
06:44 Oui, il faut imaginer que même sous oxygène,
06:48 souvent les gens ont l'impression que quand on prend de l'oxygène, on est redescendu au niveau zéro.
06:53 Il faut savoir qu'au sommet de l'Everest, sous oxygène,
06:55 on est comme si on était à 8000 mètres sans ox.
06:57 Donc ça redescend de 1000, 1500 mètres environ.
07:02 C'est deux respirations, un pas.
07:05 Et au bout de quelques heures, on se retourne et on se rend compte qu'on n'a pas beaucoup avancé.
07:09 Donc c'est vraiment...
07:10 Il faut combien de temps pour faire 100 mètres, par exemple ?
07:13 Nous, on a mis 8 heures.
07:14 On faisait à peu près entre 100 et 120 mètres de dénivelé par heure,
07:19 ce qui était plutôt rapide.
07:21 Il y a des gens qui mettent entre 12 voire 20 heures pour faire cette même distance.
07:26 Donc il faut patienter aussi que ceux qui sont au sommet redescendent.
07:29 Il n'y a qu'une seule voie, c'est ça ?
07:30 Tout à fait.
07:31 Il y a certaines zones qui permettent de croiser un peu les gens,
07:35 mais c'est très difficile.
07:37 Donc oui, c'est forcément un peu d'attente.
07:41 Vous parvenez au sommet de nuit.
07:44 Qu'est-ce que vous ressentez ?
07:45 Eh bien, là où j'ai vraiment ressenti des choses,
07:49 c'est quand j'ai commencé à voir le dôme, le sommet de l'Everest,
07:53 où il n'y a pas grand-chose.
07:54 C'est un dôme blanc, un petit peu pointu, avec des drapeaux de prière.
07:59 Et à ce moment-là, je me suis mis à regarder le ciel,
08:02 parce que c'était une nuit très étoilée.
08:05 Et je me suis dit que plus jamais je ne reverrai les étoiles d'aussi proche.
08:08 Question, Maxime Sorel, pour vous, d'Emmanuel sur l'application de France Inter.
08:12 Qu'est-ce qui vous a semblé le plus dur des deux Everest ?
08:15 Se sent-on plus seul tout en haut du sommet ou sur l'océan ?
08:20 Ce n'est pas si simple de répondre à cette question.
08:23 C'est encore un peu tôt.
08:24 Mais clairement, l'Everest des mers, le Vendée Globe,
08:27 c'est un peu la course de tous les extrêmes.
08:30 C'est une course où on est plusieurs mois en solitaire.
08:34 On a toute une équipe qui nous aide à préparer.
08:36 C'est une préparation de plusieurs années.
08:39 C'est extrêmement difficile de par la longueur.
08:42 Là, on va dire que la partie la plus intense sur l'Everest des terres,
08:47 c'est la partie ascension.
08:49 Donc, on va dire les trois jours de montée et deux jours de descente.
08:52 Je dirais que l'Everest des mers n'est plus dur.
08:54 Vous avez expliqué que c'était une ascension extrêmement périlleuse,
08:57 que certains ne parviennent pas au sommet,
09:00 meurent avant d'arriver au sommet ou dans la redescente.
09:02 Six morts la semaine passée sur les pentes.
09:04 Deux autres dimanches, depuis le début de la saison, en moins de deux semaines,
09:07 onze personnes sont mortes sur ces pentes.
09:09 Est-ce que vous avez vu des cadavres, Maxime Sorel ?
09:12 Oui, malheureusement, on a vu des cadavres.
09:15 On a dû enjamber, notamment une histoire plutôt triste,
09:20 un sherpa qui a aidé un membre à s'en sortir.
09:25 Et c'est lui qui a péri.
09:27 Est-ce que ça a du sens dans ces conditions ?
09:29 Est-ce que vous vous êtes posé la question ?
09:31 Oui, je me suis posé la question.
09:32 Alors clairement, nous, on avait fait une très grosse préparation.
09:35 C'est à dire que j'avais pris des gens pour m'aider.
09:37 Je m'étais préparé comme pour un athlète de haut niveau dans ce milieu-là.
09:42 On a poussé un peu à l'extrême et clairement, j'ai bien fait
09:46 parce que je me sentais vraiment prêt et à côté de certains que j'ai pu voir.
09:52 Et je me suis posé la question jusqu'où ils étaient prêts à aller,
09:55 ces gens qui n'étaient pas prêts.
09:56 Et c'est vrai que c'est un peu triste d'en finir comme ça.
09:59 Est-ce que vous vous êtes questionné sur votre rapport à la mort ?
10:02 Est-ce que vous-même, vous avez besoin de vous mettre en danger physiquement ?
10:07 Non, clairement, moi, je ne viens pas chercher ça.
10:10 Comme sur un Vendée Globe, je ne suis pas là pour me mettre en situation de danger.
10:15 Le Vendée Globe, je le fais pour la course,
10:16 pour la technologie qu'on embarque à bord des bateaux.
10:20 Sur la montagne, j'ai tout, pour moi, dans le délai que j'avais,
10:24 j'ai tout fait pour être prêt, pour faire ce genre d'aventure.
10:29 En revanche, on en a beaucoup discuté avec les agences et les Sherpas.
10:32 Et oui, c'est important que les gens qui viennent sur ce genre de montagne soient prêts
10:37 et ne le font pas comme ça, juste pour prendre des risques.
10:42 D'où la question de Philippe, quel a été votre plus grand frayeur, terre ou mer ?
10:46 En mer, j'ai l'impression d'être...
10:51 J'ai toujours ma cabane avec moi dans la montagne, je ne l'ai pas forcément.
10:55 Et donc, c'est quand même assez resté.
10:57 Ce n'est pas l'équivalent du bateau sur mer ?
10:59 Pas vraiment, non. Surtout que la tente, elle est plantée à un endroit
11:02 et elle ne peut pas apparaître quand on veut.
11:04 Donc, je pense que j'ai eu des moments de doute un peu plus importants en montagne que sur l'eau.
11:10 On sait que les traces du réchauffement climatique sont particulièrement spectaculaires en montagne.
11:15 Météo imprévisible, moins de glaciers, des crevasses plus larges.
11:18 Est-ce que vous avez constaté tout cela ?
11:21 Et autre question, c'est celle de Christian.
11:22 Avez-vous constaté une certaine pollution du site
11:25 en lien avec la grande fréquentation dont on parlait ?
11:27 Justement, j'étais assez étonné parce que du coup, on était très, très nombreux au camp de base.
11:32 On va dire quasiment 1000 personnes, en fait.
11:34 Et je me suis dit que ça allait très, très polluer.
11:37 Et de plus en plus, les agences font en sorte de vraiment axer sur la dépollution du site après coup.
11:46 Les bouteilles d'oxygène ne sont plus laissées sur place.
11:48 Chaque sherpa est responsable de ses bouteilles.
11:51 Donc, si elles ne sont pas redescendues, c'est son salaire qui est moindre.
11:55 Et il y a eu énormément à la fois de par le gouvernement,
12:00 mais aussi différentes expéditions, des dépollutions de différents sommets.
12:04 Donc, le Makalu était en train de se faire dépolluer cette année et l'Everest il y a très peu de temps.
12:09 Donc, je n'ai pas vu, je n'ai pas constaté.
12:11 Il y a des zones un peu polluées.
12:12 Il y a des déchets sur la route, comme on peut voir ici, mais ce n'est pas si important qu'on l'imagine.
12:17 En quoi cette expérience en très haute montagne, le sommet de l'Everest, peut vous servir
12:22 dans des navigations prochaines, des transatlantiques ou peut-être un nouveau Vendée Globe ?
12:29 Ça a été une nouvelle ouverture d'esprit, déjà dans la mise en place de ce projet,
12:33 dans la préparation avec les gens avec lesquels je l'ai préparé.
12:36 Et puis, il a quand même fallu se mettre un coup de pied au derrière, clairement, pour aller atteindre ce sommet.
12:42 Il y avait beaucoup de monde.
12:43 Il a fallu aller vite pour les doubler, pour ne pas être gêné dans les bouchons.
12:48 C'est toujours le compétiteur qui parle ?
12:49 Un peu, oui.
12:51 Je ne l'ai pas pris comme une course, mais il a fallu quand même mettre énormément d'énergie.
12:56 J'étais plus fatigué à l'arrivée de cette ascension qu'à l'arrivée du Vendée Globe en soi,
13:00 alors que c'était une épreuve assez extrême.
13:02 Qu'est-ce que vous avez envie de faire maintenant, Maxime Sorel ?
13:05 Vous revenez à peine du Népal.
13:06 Vous avez atterri il y a quelques heures.
13:07 Me reposer.
13:09 Mais naviguer ?
13:11 Oui, naviguer.
13:12 Normalement, lundi, je suis au bureau à Concarneau et on va naviguer la semaine prochaine.
13:17 J'ai plein d'autres projets en tête.
13:19 La Transat Jacques Vabre, par exemple, je crois ?
13:20 Tout à fait.
13:21 Puis ensuite, on prépare le prochain Vendée Globe avec le projet V&B Montbana Mayenne.
13:26 Plein de courses de préparation et on va refaire un Everest des mers.
13:29 Merci à vous, Maxime Sorel, d'être venu partager cette expérience.
13:34 Le Tour du Monde à la voile est donc doublé avec cette ascension de l'Everest la semaine dernière.
13:39 Merci d'avoir partagé cette expérience avec les auditeurs du 13/14.