Timothy Hannem est l'nvité du 13h

  • il y a 5 mois
Le 13/14 reçoit aujourd'hui, mardi 21 mai 2024, Timothy Hannem, pionnier de l’urbex en France et auteur du livre « Glauque-Land. 25 ans d'Urbex en France », préfacé par Yves Marchand et Romain Meffre, paru aux éditions Albin Michel le 4 octobre 2023.

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Transcription
00:00 * Extrait de France Inter *
00:07 C'est une pratique qui séduit de plus en plus de jeunes en France, sous l'influence notamment des réseaux sociaux
00:11 qui suscitent des inquiétudes car les drames se sont multipliés ces dernières semaines avec la mort de deux adolescents.
00:17 Une pratique que certains défendent pourtant car elle mêle le plaisir de la découverte à la sauvegarde de lieux oubliés.
00:24 On va tenter de mieux comprendre l'urbex dans le 13-14 aujourd'hui.
00:28 Grâce à vous, Timothy Hanem, bonjour.
00:30 - Bonjour.
00:31 - Vous êtes l'un des précurseurs de cette pratique, l'exploration urbaine, puisque c'est ainsi le terme français.
00:37 Le fait d'aller visiter, photographier des lieux abandonnés, des usines, des châteaux, des hôpitaux.
00:43 Vous en avez tiré plusieurs ouvrages, dont le dernier qui s'appelle "Glockland"
00:47 qui raconte l'histoire d'une cinquantaine de lieux que vous avez explorés ces 25 dernières années.
00:52 Je rappelle aux auditeurs, d'ailleurs, si vous voulez poser des questions témoignées,
00:56 aussi peut-être sur votre pratique de l'urbex, qu'il y a notre numéro pour le standard 0145 24 7000.
01:02 Alors avant de parler des risques, racontez-nous d'abord comment ça se passe l'urbex.
01:07 J'imagine que vous ne vous demandez pas d'autorisation avant d'aller visiter un lieu.
01:11 Vous faites ça, on va dire, un petit peu en douce.
01:14 - Oui, ça se fait toujours très majoritairement en douce,
01:17 puisque si on demande à une mairie si on peut visiter un manoir abandonné ou une usine,
01:21 on n'aura pas de réponse avant trois mois ou alors non, au bout de trois mois.
01:25 Donc en fait, par la force des choses, on y va.
01:27 Parce que ce qui nous intéresse, c'est de documenter ces lieux qui sont souvent amenés à disparaître.
01:31 Et c'est très difficile de documenter des lieux de ce genre de façon légale.
01:36 - Alors comment on fait ? On essaie d'être discret par rapport aux voisins ? On y va de nuit ?
01:41 - Pas forcément de nuit, de nuit, oui, forcément, on sera plus discret.
01:44 Mais on peut, généralement, quand c'est des lieux un peu isolés à la campagne,
01:47 on peut très bien les visiter comme ça.
01:49 Tout le monde le fait depuis des années, en fait.
01:52 Mais on passe à travers des trous de grillage où on peut enjamber un muret ou ce genre de choses.
01:56 Mais en tout cas, on ne casse rien.
01:58 Quand on va arriver devant un lieu qui est fermé, on fait marche arrière.
02:01 - C'est respecter le lieu tel qu'il est, même s'il est en ruine ?
02:04 - C'est ça. Il y a deux règles dans l'urbex.
02:06 On ne casse pas, on ne casse rien. On laisse les lieux tels qu'ils sont quand ils sont rentrés.
02:09 Et la deuxième règle, c'est qu'on ne dit pas où ils sont sur Internet,
02:12 pour pas que d'autres personnes y aillent et se blessent, justement, ou meurent.
02:15 Et même par respect vis-à-vis des propriétaires qui verront nos photos.
02:17 - Alors comment on choisit un site ?
02:19 On ne se passe pas trop de tuyaux entre une urbexeur.
02:22 Comment vous savez qu'il y a des endroits qui méritent d'être "visités" ?
02:27 - Déjà en regardant les photos des autres.
02:29 On peut avoir des indices dans les descriptions des photos.
02:32 On peut repérer des briques rouges, par exemple.
02:34 Ce sera plutôt le nord, ce genre de choses.
02:36 Après, certains lieux ne sont pas forcément difficiles à trouver.
02:39 Par exemple, on apprend ça dans l'actualité.
02:42 Une telle usine a fermé.
02:44 Ou alors des gens qui parlent d'un château en ruine.
02:46 Et puis on peut chercher au hasard aussi sur Google Maps.
02:48 Comme un oiseau, on se promène au-dessus.
02:50 Puis on essaie de repérer quelque chose qui a l'air abandonné.
02:52 Et on y va.
02:53 Et puis ça se trouve, ça a été démoli entre-temps,
02:55 parce que la vue n'est pas à jour.
02:56 Ça se trouve, c'est accessible.
02:57 Ça se trouve, ça ne l'est pas.
02:58 Donc c'est toujours un peu une sorte de mystère.
03:00 - Il y a une petite chasse au trésor.
03:02 - C'est vrai, une chasse au trésor.
03:03 - Il n'y a pas de trésor, au final, si ce n'est la découverte d'un endroit.
03:05 Il y a des déceptions aussi, parfois ?
03:07 - Bien sûr, très souvent.
03:09 On peut arriver, le lieu, comme je l'ai dit juste à l'instant,
03:11 il peut être rasé, parce que la vue Google Maps n'est pas à jour.
03:14 Elle date de trois ans.
03:15 Ou alors le lieu est complètement enfermé.
03:17 Ce qui est bien pour le lieu aussi.
03:18 Ou alors on peut rentrer dans un lieu,
03:20 et puis au bout de cinq minutes, les voisins nous ont fait rentrer.
03:23 Ça va être la police.
03:24 Et ils auraient eu raison de le faire.
03:26 Et la police vient, elle nous met dehors.
03:28 Et on s'est contrôlés.
03:29 - Qu'est-ce qu'on risque ?
03:30 - Alors moi, en 25 ans de pratique, je n'ai jamais rien eu.
03:34 Mais d'autres, je connais des amis qui ont eu un rappel à la loi.
03:37 Parce que le propriétaire avait porté plainte.
03:39 - Est-ce que vous avez le sentiment que vous êtes de plus en plus nombreux ?
03:41 Est-ce que ça vous arrive de croiser d'autres explorateurs
03:44 dans les endroits que vous allez découvrir ?
03:47 - Oui, quand c'est des lieux très connus et très accessibles,
03:50 et aussi très photogéniques.
03:51 Si on y va un week-end, on peut tomber sur au moins 4-5 personnes
03:54 qui sont là pour la même raison que nous.
03:56 - Il y a des régions où il y en a davantage, d'ailleurs ?
03:58 Il y a des endroits, il y a des zones un peu riches
04:01 pour les explorateurs urbains ?
04:03 - C'est ça.
04:04 Par la force des choses, les photos qui marchent le mieux sur les réseaux sociaux,
04:07 c'est tout ce qui est château, maison.
04:09 Et forcément, ça sera plutôt en région parisienne ou en Normandie.
04:12 Les grandes bâtisses d'industriel, ce genre de choses.
04:15 Donc c'est vraiment, oui, les châteaux, Paris, la Normandie,
04:18 un peu les pays de la Loire, ce genre de choses.
04:20 - C'est une forme de tourisme peut-être un peu particulière,
04:23 alternatif à travers la France que vous menez.
04:25 - Exactement.
04:26 - Et vous partagez des photos.
04:28 Je suis allée voir votre site, qui s'appelle comme votre ouvrage,
04:31 Glockland.
04:32 Vous avez oublié des photos et à chaque fois, vous précisez
04:34 que vous ne donnerez pas la localisation précise,
04:36 même si les gens vous envoient un message ou tentent de vous contacter.
04:39 - Oui, même en disant que je ne donne pas l'occasion,
04:41 je reçois quand même des mails de gens qui tentent quand même.
04:43 Mais je préfère le préciser parce qu'en fait,
04:45 ça évite de recevoir des mails tout le temps.
04:47 Sinon, je reçois 4-5 par semaine.
04:49 - C'est bien la preuve qu'il y a beaucoup d'explorateurs comme vous
04:52 qui aiment faire ce genre de découvertes.
04:55 Alors, on a entendu beaucoup parler de l'Urbex ces dernières semaines
04:58 avec deux accidents mortels.
05:00 Une fille de 17 ans qui est tombée d'un toit.
05:02 Ça s'est passé dans une usine désaffectée dans la Loire.
05:05 Et puis un adolescent de 14 ans, lui aussi victime d'une chute
05:08 dans une usine située dans le département du Nord.
05:11 Qu'est-ce que vous vous dites quand vous apprenez ce genre d'accident ?
05:15 - C'est toujours triste. C'est un drame.
05:17 Forcément, ça ne devrait pas arriver.
05:20 Et malheureusement, j'ai envie de dire, je vois l'âge des personnes
05:23 à qui ça arrive, c'est des adolescents.
05:25 Et ce n'est pas dit que moi, il y a 25 ans,
05:27 il ne m'aurait pas pu arriver la même chose.
05:30 Parce que quand on est adolescent, on ne fait pas attention.
05:32 On vient en petites chaussures.
05:34 Là, j'ai vu que pour le deuxième, il y est allé très tôt le matin.
05:38 Donc, il n'était peut-être pas bien réveillé.
05:40 Et surtout, le drame, c'est que ces deux personnes apparemment
05:42 sont décédées en marchant sur des toits.
05:44 Un toit de tuile ou un toit en fibre au ciment.
05:46 Quelque chose qu'on ne fait jamais.
05:48 - Ça, c'est le plus dangereux ?
05:49 - C'est le plus dangereux et c'est quelque chose que je ne fais jamais.
05:51 Moi, si je monte sur un toit, ça sera un toit de terrasse en béton.
05:53 Mais jamais on ne s'amusera à monter.
05:55 Jamais on ne montera sur un toit de tuile ou un toit en fibre au ciment
05:57 dans une usine ancienne.
05:59 Tout simplement parce que c'est dangereux.
06:01 Une photo, ça ne vaut pas la vie.
06:03 - On voit se multiplier les vidéos de jeunes urbexers
06:08 qui se filment dans les sites.
06:10 C'est le cas, par exemple, je voudrais vous faire écouter un extrait
06:12 de cette jeune youtubeuse, Jujuurbex.
06:14 Extrait d'une vidéo dans un château abandonné.
06:17 - On est dans un grand couloir bien, bien pété.
06:20 Ça me fait peur.
06:21 Je marche clairement sur des poutres qui sont tombées de là-haut.
06:24 Et regardez le poids de la lumière qu'il y a juste ici.
06:28 C'est en train d'arracher le plafond.
06:30 Je ne veux pas être dessous au moment où ça tombera.
06:32 Donc on va passer ici.
06:34 Waouh, ça pue le moisi.
06:36 On a des plaquettes de médicaments.
06:38 Je ne pense pas qu'ils avaient cette couleur-là au départ.
06:42 Ils sont marrants.
06:44 - Qu'est-ce que vous en dites ?
06:49 Parce que là, on se dit que cette jeune fille,
06:50 elle se met peut-être sans doute en danger.
06:52 Elle marche sur des poutres, elle se filme en même temps.
06:54 Ce n'est quand même pas génial.
06:56 - De toute façon, se filmer déjà dans la rue,
06:58 ce n'est pas forcément indiqué.
07:00 Dans un endroit abandonné,
07:02 souvent de nuit,
07:04 je trouve ça complètement inconscient.
07:06 Mais c'est sa façon de faire.
07:09 Mais c'est vrai que moi, je recommande à chaque fois aux gens
07:12 de ne jamais se filmer quand ils visitent des lieux.
07:14 Parce que c'est le meilleur moyen.
07:15 On est plus concentré sur l'écran de smartphone,
07:17 sur ce qu'on voit au smartphone,
07:18 et pas sur là où on marche.
07:20 Donc évidemment, c'est quelque chose qu'on ne fait jamais.
07:22 - Mais c'est en même temps un peu paradoxal.
07:24 Parce que vous dites qu'il y a des dangers,
07:26 vous déconseillez certaines pratiques.
07:28 Et en même temps, vous avez un site, vous avez un ouvrage
07:30 qui vous montre aussi la beauté de ces lieux.
07:32 Est-ce que vous n'encouragez pas quand même à cette pratique ?
07:34 - Forcément oui.
07:36 Il y a de l'incitation.
07:37 C'est sûr, quand les gens voient ces photos,
07:38 ils ont envie d'y aller.
07:39 Et moi, c'est pareil.
07:40 Quand je vois des photos de lieux que je ne connais pas,
07:41 j'ai envie d'y aller, forcément.
07:43 Mais pour autant, mon site,
07:45 dès le départ, a été conçu comme une galerie.
07:47 Je vous montre des photos,
07:49 mais je ne dis pas où ils sont.
07:51 Et surtout, si vous y allez et qu'il y a quelque chose,
07:53 ça ne sera pas de ma faute.
07:54 Ce sera vous qui aurez pris la responsabilité.
07:56 Mais c'est sûr qu'il y a de l'incitation.
07:58 Et le problème, c'est que moi, comme j'ai un site en 2024,
08:00 c'est beaucoup moins visité que tout ce qui est...
08:02 Même les livres.
08:04 Moi, je ne suis vraiment rien comparé à ce qui se passe sur YouTube ou TikTok.
08:06 Et sur TikTok, je vois que beaucoup de gens font des vidéos.
08:09 Et il y a la compétition avec les likes,
08:11 les vues de volets partagés, le nombre de followers.
08:13 Et malheureusement, beaucoup de gens vont prendre des risques insensés
08:15 pour faire des vidéos de plus en plus spectaculaires
08:17 et générer des likes.
08:18 - Des vidéos qui se mettent en scène ?
08:19 Parce que je vois dans votre ouvrage, il n'y a pas de photo de vous.
08:21 - Oui, il y en a une seule.
08:23 - Vous ne vous montrez pas sur le toit d'un moment.
08:25 - C'est ça. Pour moi, les stars, c'est les lieux.
08:27 Et en fait, les YouTubers, souvent,
08:29 comme dit la géographe Aude Le Gallou,
08:31 ils utilisent les lieux comme un simple décor
08:33 pour se mettre en scène eux, en fait.
08:35 On voit que plus souvent.
08:36 Et je trouve ça, c'est un peu dommage,
08:37 parce qu'on voit qu'en fait,
08:38 ils ne s'intéressent pas du tout à l'histoire des lieux ou patrimoine.
08:40 Ce qu'ils se rendent compte, c'est juste faire du spectacle.
08:42 - Alors, on va aller au standard où nous attend Anne.
08:44 Bonjour Anne.
08:45 - Oui, bonjour.
08:46 - Et bienvenue.
08:47 Je vous laisse témoigner, je crois que vous aviez un point de vue de propriétaire
08:50 à apporter aussi à cette pratique.
08:52 - Dans ma famille, on a une grosse propriété qui est à l'abandon
08:55 parce qu'on a des problèmes de succession depuis très très longtemps.
08:58 Et en fait, la propriété a été visitée
09:01 par quelqu'un qui faisait de l'urbex,
09:03 mais ça fait déjà au moins 15 ans.
09:06 Et par la suite, ça a attiré énormément de squatteurs
09:10 et ce n'est toujours pas terminé.
09:11 Et ça, c'est un gros problème pour nous,
09:13 parce qu'on a été obligés évidemment de mettre des alarmes, gardiens.
09:18 Enfin, c'est l'enfer.
09:20 - Merci Anne pour votre témoignage.
09:23 Que répondez-vous effectivement à ce genre de remarques justifiées
09:27 de propriétaires qui ne sont pas très heureux
09:29 de voir des gens venir dans leur domicile,
09:32 en tout cas dans un lieu qui leur appartient,
09:34 même si vous le disiez au départ,
09:36 votre but, ce n'est pas d'abîmer l'endroit.
09:38 - Bien sûr.
09:39 Alors c'est vrai qu'au tout début, nous on se posait,
09:40 enfin moi je ne me posais pas du tout de questions,
09:42 cette question-là, quand je commençais l'urbex.
09:43 Et avec l'apparition des réseaux sociaux,
09:45 j'ai vu de plus en plus de lieux saccagés et pillés.
09:47 Et en fait, ça fait, on va dire, 7-8 ans maintenant
09:50 que je ne visite plus du tout de lieux qui sont ce genre de maison.
09:53 - D'accord.
09:54 - Où il y a rempli d'objets,
09:55 sauf si elles sont vraiment abandonnées depuis 15-20 ans,
09:57 là je me renseigne vraiment.
09:58 Mais je vois passer beaucoup de photos et de vidéos de lieux,
10:00 de maisons qui sont très propres,
10:02 avec tout mobilier, les chandeliers, voilà,
10:04 avec une fixation sur la valeur financière des choses
10:06 de la part des Youtubers.
10:08 Et ça, je me dis, ça je n'irai pas.
10:10 Et des gens m'envoient l'adresse et je leur dis non,
10:12 je n'irai pas, ce n'est pas ça,
10:13 je n'ai pas envie de contribuer justement à ce que cette dame subit.
10:16 - Parce que derrière urbex, on peut mettre le mot effraction, en fait,
10:18 simplement dans certains endroits.
10:20 - Ça dépend.
10:21 Bah effraction, non, parce qu'en fait,
10:22 on rentre dans un lieu sans autorisation,
10:24 mais pour autant, on passe une porte qui a été ouverte.
10:27 Mais effraction, c'est vraiment fracturer une porte ou un volet,
10:30 ce genre de choses.
10:31 Et ce n'est pas du tout ce qu'on fait.
10:32 Et de la moitié, les trois quarts des lieux que je visite,
10:34 c'est des lieux en béton, tagué, où il n'y a plus rien.
10:36 Comme ça, je me dis, si je vais dans ces lieux et que des gens me retrouvent,
10:39 le lieu est déjà pillé, déjà vide.
10:41 Donc ça n'intéressera pas les voleurs.
10:42 - Alors racontez-nous ce qui vous intéresse, vous, justement.
10:45 Parce qu'on a parlé des risques,
10:47 on a parlé de l'illégalité de cette pratique,
10:50 mais que vous exercez depuis plus de 25 ans maintenant.
10:55 Qu'est-ce qui vous plaît finalement,
10:57 dans l'idée d'aller dans une usine désaffectée, par exemple ?
11:00 - C'est l'inconnu, en fait. C'est le mystère.
11:02 Si on se demande comment c'est à l'intérieur,
11:04 le bec se permet de visiter des lieux qu'on ne pourrait jamais visiter en temps normal.
11:07 Par exemple, une usine, ça ne peut pas être visité en temps normal.
11:09 Une prison abandonnée, même active, on ne peut pas y rentrer comme ça.
11:12 En fait, c'est un moyen de découvrir un peu comment notre monde fonctionne,
11:15 mais aussi son histoire, qui est parfois cachée.
11:18 Parce que moi, ce qui m'intéresse, c'est autant la grande histoire
11:20 que la petite histoire.
11:21 Il y a beaucoup d'usines, il y a beaucoup de châteaux,
11:23 de maisons qui sont en ruine et il n'y a pratiquement aucun ouvrage sur eux.
11:26 Du coup, c'est compliqué de connaître leurs histoires.
11:28 Et à travers le bec, il m'arrive que des gens m'écrivent via mon site,
11:31 ils reconnaissent un lieu et je les vois en vrai après,
11:33 et ils me racontent toute l'histoire.
11:34 Donc, c'est comme une sorte d'enquête.
11:35 Alors, évidemment, je ne peux pas tout raconter,
11:37 parce que si je raconte tout, ça grille le lieu, forcément.
11:39 - Il faut trouver le bon équilibre.
11:40 - C'est difficile de trouver un équilibre.
11:41 Je ne dis pas que le manoir a été construit en 1812.
11:44 Je dis début 19e.
11:45 Ce genre de choses.
11:46 J'essaie un peu de maquiller, puis avant de le publier,
11:48 je l'envoie à des amis qui sont aussi du Urbexer.
11:49 Je leur dis ça va.
11:50 Ils me disent oui, ça va.
11:51 Par contre, là, il y a une photo, on voit le logo de l'hôpital.
11:53 Ce genre de choses.
11:54 Donc, on essaie de faire attention,
11:55 parce que forcément, on a une responsabilité.
11:57 Donc, c'est un peu...
11:59 C'est un jeu d'équilibriste assez dangereux.
12:02 Et forcément, oui, quand je vois les lieux qui sont pillés,
12:06 vandalisés et multi-squattés,
12:08 comme on voit avec les maisons, il y a beaucoup de choses.
12:11 Je me dis, il faut vraiment faire de très attention à ce qu'on poste.
12:14 Et il y a beaucoup de lieux que j'ai visités,
12:15 que je n'ai toujours pas publié.
12:17 Parce que j'attends.
12:18 - Vous attendez.
12:19 - J'attendais.
12:20 - Le bon moment.
12:21 Comment vous en êtes venu à cette pratique ?
12:23 À Mathias, qui sur l'appli France Inter, nous dit
12:27 l'Urbex, c'est finalement une pratique très ancienne.
12:29 Avec les copains, à l'époque, on s'amusait à aller dans des endroits
12:31 dans les années 80, même si on savait que c'était dangereux.
12:33 Est-ce que c'est comme ça qu'on commence, finalement ?
12:35 - Oui, bien sûr.
12:36 Ça existe depuis très longtemps.
12:37 Je pense même depuis toujours,
12:38 les gens aimaient visiter des endroits abandonnés.
12:40 Et moi, dans les années 80,
12:42 j'avais visité avec des amis des maisons abandonnées
12:44 à côté de chez moi, à Frennes.
12:45 Et on faisait l'Urbex sans ce qui s'appelait l'Urbex.
12:47 Et mon site, au tout début, s'appelait "photos d'endroits abandonnés".
12:50 Et il ne s'appelle toujours pas Urbex.
12:52 Mais oui, ça existe depuis très longtemps.
12:55 On va dire que certaines personnes font ça
12:57 juste pour le plaisir de temps en temps.
12:59 Mais c'est vrai que moi, j'ai une sorte d'attirance
13:00 pour le mystère et l'inconnu.
13:02 Je vois une maison en ruine sur Google Maps,
13:03 j'ai envie de savoir comment c'est à l'intérieur
13:05 et c'est quoi son histoire.
13:06 - C'est un jeu d'adolescent qui a duré, en fait, finalement.
13:09 Dans votre livre, vous avez choisi d'écrire un récit pour chaque lieu,
13:12 façon journal intime.
13:14 Vous dites que c'est un récit fictif,
13:16 mais que c'est basé sur des faits réels.
13:17 C'est-à-dire que pour vous, il faut aller plus loin que les photos,
13:20 il faut en profiter pour faire connaître un peu plus
13:22 le patrimoine, l'histoire de l'lieu ?
13:24 - Oui, c'est exactement ça.
13:25 Parce qu'en fait, avec mes deux premiers bouquins,
13:27 je me demandais comment je racontais mes explorations.
13:29 Et je me suis dit, pour le troisième livre,
13:31 on va peut-être faire autre chose.
13:32 À chaque fois, les gens me disent,
13:33 quand ils regardent les photos que je publie,
13:35 ils me disent "on s'imagine l'histoire des gens".
13:36 Je me suis dit, on va faire ça au premier degré.
13:38 J'ai imaginé l'histoire des gens qui ont vécu dans ces lieux,
13:40 de façon fictive, mais en basant sur la réalité.
13:42 Ça permet de renouveler un peu le thème de l'URBEX,
13:45 parce que c'est vrai qu'à force de publier des photos,
13:47 c'est dur de savoir quoi raconter.
13:48 Et là, je me suis dit, je vais prendre les lieux
13:50 qui m'ont le plus marqué pour raconter leur histoire.
13:52 Et ça me fait plaisir que vous en parliez déjà,
13:54 parce que c'était beaucoup de travail.
13:56 Et c'est vraiment agréable d'avoir des retours
13:59 de gens qui voient que je m'intéresse à l'histoire des lieux,
14:01 et pas juste poster une photo, voilà, c'est joli, démontrez-vous.
14:04 Donc oui, ce qui m'intéresse, c'est vraiment retracer l'histoire de ces lieux.
14:07 Et ensuite, d'avoir des retours de gens qui m'écrivent,
14:10 en me disant "par contre, je connais la période de ce château,
14:13 des années 50, 60 par exemple".
14:15 Et plusieurs fois, j'ai vu en vrai des personnes
14:18 qui ont vécu dans ces lieux, et c'est une expérience vraiment
14:20 très enrichissante, et on se rend compte que beaucoup d'histoires
14:22 ne sont pas cachées, parce qu'il y a un complot,
14:25 mais c'est juste qu'elles ne sont pas connues, en fait.
14:27 Et ça me fait plaisir de les partager,
14:29 de montrer que tel lieu, il y a une histoire intéressante,
14:31 ça mérite qu'on s'y intéresse.
14:33 - Vous allez continuer, malgré toutes les réserves qu'on a évoquées ensemble ?
14:36 - Oui, bien sûr, je continue, et toujours en faisant,
14:39 comme je disais tout à l'heure, en faisant une sélection.
14:41 Je ne vais pas n'importe où. Je ne vais pas aller dans une centrale nucléaire,
14:44 je ne vais pas aller dans une maison où la propriétaire habite à 100 mètres.
14:47 Et on a marre de voir les gens téléfilés tous les week-ends.
14:49 Je choisis les lieux que j'hésite pour essayer de faire
14:51 le moins de mal aux propriétaires que possible.
14:54 - En tout cas, on ne vous imite pas, on lit votre livre.
14:56 Les photos, effectivement, sont très belles.
14:58 Ça s'appelle "Glauquelande", et c'est aux éditions Albin Michel.
15:01 Merci beaucoup, Timothée Hanem, d'être venu aujourd'hui dans le studio de France Inter.

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