SMART PATRIMOINE - Emission du jeudi 25 mai

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Jeudi 25 mai 2023, SMART PATRIMOINE reçoit Vincent Bodin (Directeur adjoint au développement, Fondation de France) et Baudoin Lebon (vice-président d'Astres et galeriste)
Transcript
00:00 [Musique]
00:08 Bonjour à tous et à toutes et bienvenue dans Smart Patrimoine, votre rendez-vous quotidien sur Bsmart dédié à vos finances personnelles.
00:16 Comme tous les jeudis, nous commençons cette émission par votre rubrique l'art à la une.
00:20 Sybille Aoujane viendra tout nous dire des actualités du marché de l'art.
00:24 Son invité ensuite sera Baudouin Lebon, galeriste et vice-président de l'association ASTRE qui accompagne la restitution des œuvres d'art spoilée.
00:32 C'est le deuxième invité de notre série sur la provenance des œuvres.
00:36 Nous verrons comment lui vérifie cette provenance et trace les œuvres qu'il acquiert.
00:40 La proposition de loi sur les fraudes en matière artistique aidera peut-être à enrayer ce phénomène de copie frauduleuse.
00:47 Et puis dans enjeu patrimoine, le passage de l'ISF à l'IFI, l'impôt sur la fortune immobilière a-t-il modifié le comportement des donateurs ?
00:56 Il semblerait que oui, si l'on en croit les données de l'Institut de politique publique.
01:01 Résultat, la générosité se concentre de plus en plus sur les niveaux de revenus les plus importants.
01:06 Nous reviendrons donc tout à l'heure sur l'impact de cette réforme fiscale.
01:10 Mais d'abord, nous parlons d'art dans Smart Patrimoine. C'est parti !
01:14 *Générique*
01:18 Mais d'abord, on commence par votre rubrique l'art à la une pour tout savoir des dernières actualités du marché de l'art.
01:24 Sibyl Aoujan est avec nous. Bonjour Sibyl.
01:26 Bonjour Eva.
01:27 Comment allez-vous ?
01:28 Très bien, merci.
01:29 C'est le retour, vous allez nous le dire ça aujourd'hui, de la maison de vente Pierre Berger & Associés.
01:34 Oui, car aujourd'hui a lieu la vente inaugurale de la maison de vente aux enchères Pierre Berger & Associés.
01:40 Une vente inaugurale qui propose aux enchères environ 200 lots représentatifs des spécialités de la maison de vente.
01:47 On retrouvera ainsi des dessins anciens du 16e siècle jusqu'au 20e siècle provenant notamment de la collection Pardinelle.
01:55 Des lots aussi provenant de Chine comme une paire de chameaux en terre cuite datant de l'époque Tang.
02:00 Un ensemble de 13 tapis ou encore des artistes modernes se représentent avec des oeuvres de Pompon, Armand, Orlinsky.
02:07 Aussi des objets de design de Jean Prouvé ou Ludwig Mies van der Rohe.
02:12 Les prochaines ventes resteront aussi autour de ces spécialités de la maison.
02:17 Arts asiatiques, haute époque, arts contemporains, bijoux, livres et manuscrits.
02:22 Sibyl, Pierre Berger & Associés a été créé en 2002. Pourquoi on parle de vente inaugurale alors ?
02:27 Après avoir essuyé des difficultés économiques et des ennuis judiciaires liés à des soupçons d'escroquerie,
02:33 la maison de Pierre Berger & Associés a été placée en redressement judiciaire fin 2022.
02:39 Elle a été reprise ensuite en février pour un montant de 7000 euros au tribunal de commerce par le commissaire-priseur Alexandre Landre,
02:47 selon les montants dévoilés par Le Monde.
02:50 C'est une nouvelle équipe qui prend la tête pour les rênes de cette société,
02:54 notamment avec Arnaud Montebourg qui en sera son président et le commissaire-priseur Richard Bédot qui sera aussi associé.
03:01 Sibyl, une nouvelle plateforme d'achat d'art a été créée aussi.
03:04 Oui, c'est la plateforme Your Art. C'est une plateforme numérique dont le but est d'exposer et vendre les œuvres d'artistes amateurs et professionnels sans sélection.
03:14 C'est à peu près là que se situe vraiment la nouveauté. C'est là que se différencie Your Art et différentes plateformes qui sont déjà très présentes sur le marché aujourd'hui.
03:24 Une première levée de fonds de 9 millions d'euros soutient ce lancement.
03:29 Et comment fonctionne le site pour les artistes ?
03:32 Tout d'abord, les artistes doivent s'abonner à cette plateforme pour un montant situé entre 10 et 30 euros par mois.
03:38 Cela lui permet d'exposer dans un espace virtuel assez modulable ses œuvres, soit dans un simple portfolio ou alors dans une galerie virtuelle 3D.
03:48 Artistes et galeristes peuvent aussi proposer leurs œuvres dans un décor 3D et le site prélève ensuite 5 à 10 % de commission.
03:58 Le lancement de cette plateforme se fait tout de même dans un climat d'incertitude du marché de l'art en ligne, ce qui a été souligné par le dernier rapport Iscox qui a été publié en avril dernier.
04:07 Et enfin, le Royaume-Uni qui durcit sa législation face au commerce d'ivoire.
04:12 Oui, l'ivoire ne concerne pas seulement les éléphants mais aussi les hippopotames, les morses, les narvals ou encore les orques.
04:19 C'est un commerce visé par un projet de loi du gouvernement britannique.
04:24 La loi aujourd'hui date de 2018, elle est entrée en vigueur le 6 juin 2022 et elle interdit le commerce d'objets contenant de l'ivoire d'éléphants.
04:33 Et le Royaume-Uni souhaite aujourd'hui étendre cette loi pour le commerce d'ivoire de toutes ses espèces, y compris donc les importations et les exportations.
04:42 Le texte doit encore être voté par le Parlement.
04:45 Concernant l'ivoire d'éléphants, il y a tout de même quelques exceptions qui concernent les objets d'une, je cite, "valeur artistique, culturelle, historique exceptionnellement élevée".
04:55 Mais pour rappel, la loi de 2018 a quand même mis 4 ans pour être entrée en vigueur, critiquée par certains d'Antiquair.
05:01 Merci beaucoup, Sybille. On ne sait pas comment ça se passe en France d'ailleurs, peut-être que vous viendrez nous dire ça la prochaine fois.
05:06 C'est l'heure de l'interview maintenant, je le disais. C'est le deuxième invité de votre série, Sybille, sur la question de la provenance des œuvres d'art.
05:13 La semaine dernière, vous receviez Corinne Erskovitch, une avocate engagée pour leur restitution.
05:17 Votre invité ce jeudi, c'est Baudouin Lebon, vice-président d'Astres et galeriste. Bonjour.
05:23 Bonjour.
05:24 Bienvenue dans ce Parti patrimoine. Merci beaucoup de nous accompagner. L'occasion de revenir, je le disais, sur votre travail en tant que galeriste et pour s'assurer de l'authenticité des œuvres.
05:31 Ma première question, Baudouin Lebon, elle est simple. On va peut-être faire un constat un peu global.
05:36 Les fraudes en matière artistique, est-ce que c'est un phénomène que vous, vous constatez actuellement, qui s'est amplifié, accéléré ?
05:45 Alors disons qu'on en parle plus depuis quelques temps, en particulier suite aux objets, à la vente des objets égyptiens qui ont été cédés de manière frauduleuse.
05:55 Le cas du Louvre, vous voulez dire ?
05:57 Oui, qu'est-ce que j'ai dit ?
05:58 Non, le cas du Louvre.
05:59 Le cas du Louvre, Bouddhabi. Mais sinon, je pense que la proportion d'objets recelés, on peut appeler ça comme ça, n'est pas si importante que ça.
06:11 Simplement, c'est vrai que c'est une règle que tous les marchands et intermédiaires du marché de l'art devraient avoir.
06:17 C'est effectivement de se préoccuper chaque fois de la légitimité des œuvres, qu'elle soit au niveau authenticité ou de leur provenance.
06:25 Là, vous parlez de recel, mais concernant vraiment les fraudes artistiques, dans le sens où ce sont des artistes qui vont copier des œuvres d'art et qui vont ensuite les vendre comme si c'était des vraies œuvres authentiques.
06:35 Ça, est-ce que vous en voyez une hausse ?
06:37 J'en ai déjà vu, mais sinon, si je veux parler en chiffres, aujourd'hui, ça fait 50 ans que j'ai ma galerie.
06:45 J'ai eu entre les mains environ 50 000 œuvres, quels que soient le support, papier, estampes.
06:51 Que ce soit œuvres modernes, anciennes, contemporaines ?
06:54 Et si j'ai eu 100 œuvres fausses entre les mains, c'est le maximum, sachant que souvent, il y a ce que j'appellerais des pépites ou des mines.
07:03 C'est-à-dire qu'en fait, le faussaire, en général, réalise 50, 100, 200 œuvres qui essayent d'écouler à peu près en même temps sur le marché.
07:10 Donc, si on est vigilant et si on fait un petit travail de détective, on arrive à…
07:15 C'est-à-dire qu'il va faire la même œuvre 200 fois et il va…
07:18 Non, pas la même œuvre, mais il va inventer…
07:20 Une série d'œuvres ?
07:21 Une série d'œuvres. Par exemple, j'ai eu entre les mains des œuvres de Michaud. Il avait réalisé 50 œuvres de Michaud qu'il a mises en place sur le marché,
07:28 aussi bien chez des commissaires priseurs en région que dans des galeries…
07:31 Essayé de les vendre dans des galeries à Paris ou par l'intermédiaire de commissaires priseurs aussi parisiens.
07:37 Oui, parce que quel est l'intérêt de faire tout d'un coup un… d'abonder le marché d'une série d'œuvres dont le marché de l'art n'a pas du tout connaissance ?
07:45 Alors, je pense que la première chose, c'est… Ben, le faussaire a comme, disons, proverbe la pâte du gain.
07:53 Et donc, il veut aller vite. Et deuxièmement, je pense qu'effectivement, si vous allez vite, vous avez… les gens n'ont pas le temps de réaliser qu'il y a un système qui est mis en place pour écouler des faux.
08:05 Et donc là, il y a eu… Donc, c'est passé devant le Sénat, ce qui a été adopté, une proposition de loi de Bernard Fialaire.
08:13 Est-ce que… Comment vous réagissez à cette proposition de loi ? Est-ce que c'était une loi qui était attendue de la part des galeristes ?
08:19 Alors, les… Pour être honnête, beaucoup de galeristes ne veulent pas se préoccuper de la provenance.
08:27 Je pense plus pour des raisons de secret professionnel et puis peut-être de nécessité de travail, d'enquête. Mais…
08:36 Parce que ça leur demande tout simplement plus de travail ?
08:38 Ça leur demande plus de travail. Et puis que la plupart du temps, ce qui les intéresse, c'est l'objet même. Je ne veux pas critiquer mes confrères, mais…
08:46 Enfin, si c'est un faux, c'est quand même un problème.
08:48 Alors, en général, les antiquaires font attention à ça. Et puis, vous avez deux phénomènes. Vous avez ce que j'appellerais l'antiquaire au seller qui cherche à placer des faux.
08:59 Et puis vous avez aussi ce que vous faites malgré vous, à l'insu de votre plein gré, c'est de vendre des faux sans le savoir parce que…
09:08 Parce que l'expertise n'a pas été bien…
09:10 Parce que l'expertise n'a pas été bien faite.
09:11 Souvent, il n'y a pas uniquement un problème d'expertise parce que surtout, bon, ce n'est pas mon domaine, mais en art ancien, il peut y avoir…
09:18 Par exemple, au mobilier, on mélange des parties vraies avec des parties plus modernes.
09:23 Mais ça peut être aussi le fait qu'on se fie à la provenance, justement. On ne vérifie pas la provenance.
09:30 Donc on dit, ah, vous savez, ce mobilier vient de la famille de Rothschild, il est appartenu à Madame de Maintenon.
09:35 Et beaucoup de gens ne vérifient pas ces informations. Et ça, aujourd'hui, c'est ce qu'il y a de plus important.
09:41 Surtout que ces documents sont fabriqués en même temps par le faussaire.
09:47 Le faussaire ou…
09:50 Mais là, ce qui est intéressant avec cette loi, c'est tout de même qu'ils prennent en compte plus déjà d'œuvres d'art.
09:57 Par exemple, c'était à l'époque de la première loi qui était en 1895, il me semble.
10:02 A cette époque-là, les photos n'étaient pas concernées par les faux.
10:05 Donc déjà, pour vous, ça peut être plus intéressant vu que vous vendez des photos.
10:10 Même en photographie, il y a eu des faux. Il y a eu une vente aux enchères déjà il y a 10-15 ans en Normandie.
10:18 Ils avaient inventé un photographe qui était en réalité un peintre. On avait soi-disant retrouvé toutes les photos dans le grenier.
10:27 Et on s'est aperçu après que c'était des daguerreotypes fabriqués aujourd'hui.
10:31 – Et deuxième point dans cette loi, c'est qu'il parle aussi que, justement,
10:34 maintenant sera inscrit dans le fait de faire un faux, le faux de créer une provenance, de changer les certificats.
10:41 Ça, ça peut être quelque chose qui vous concerne particulièrement du coup.
10:44 – Oui, c'est ce que j'expliquais tout à l'heure, c'est que le document qui raccompagne le faux est lui-même un faux.
10:50 Donc il faut vérifier la véracité du document qui, en général, permet aux faussaires de vous faire croire à sa véracité.
10:58 – Qu'est-ce que cette proposition de loi, cette loi, voilà, comment, de quelle manière elle peut aider un galeriste aujourd'hui,
11:04 comme vous qui avez l'air de déjà faire ce travail de détective ?
11:08 Peut-être d'autres galeristes le font moins pour des raisons de moyens aussi, c'est ce que vous nous disiez.
11:12 Est-ce qu'elle peut apporter une méthode, une méthode d'authentification pour aller chercher la provenance ?
11:18 Est-ce qu'elle peut accompagner des galeristes déjà convaincus comme vous ?
11:21 Ou peut-être aller chercher ceux qui le sont moins et qui sont un peu moins habitués à aller chercher la provenance des œuvres d'art ?
11:26 – Disons que je pense que c'est une loi qui permet aux marchands et intermédiaires du marché de l'art
11:31 de se rendre plus responsable et d'avoir le réflexe de la même façon qu'on est aujourd'hui chargé de vérifier la provenance des fonds
11:39 quand on vend à un client qu'on ne connaît pas et de le dénoncer à traque fin si on pense que cet argent a été blanchi légalement.
11:47 Donc là, je dirais que c'est la même chose pour les œuvres d'art, mais c'est à nous de faire attention,
11:52 même quand elle est de très bonne qualité, en apparence il faut vérifier si elle n'a pas été volée,
12:01 si c'est pas un faux, très bien fait.
12:04 – Elle peut permettre donc déjà de concerner davantage les marchands d'art.
12:07 – Vous avez dit que c'était quand même arrivé dans votre longue carrière,
12:12 comment ça s'est passé, vos recherches derrière une œuvre d'art qui s'est en fait révélée être une fausse ?
12:18 – Avec les artistes vivants c'est assez facile, on peut aller voir l'artiste, même si parfois il a mauvaise mémoire,
12:25 et il peut vous dire que c'est un faux alors que c'est un vrai, ça peut arriver.
12:30 – C'est vrai que pour l'art contemporain, on ne le mettra pas, parce que c'est peut-être déjà la plus facile.
12:35 – Voilà, en art ancien, la première chose à faire c'est d'abord faire des analyses chimiques,
12:44 scientifiques sur les œuvres d'art, c'est-à-dire la nature du papier, la nature des pigments, du support,
12:51 et de vérifier que si on a des doutes…
12:54 – Mais ça c'est déjà quand il y a eu un doute, parce que vous ne faites pas ça pour toutes les œuvres d'art j'imagine.
13:00 – Heureusement non, parce que justement si on est sûr de la provenance, on a moins besoin de faire des recherches.
13:07 – Parce que vous avez eu tous les papiers et que pour l'instant il y a une traçabilité qui est…
13:11 – Oui mais même la traçabilité quelquefois, il y a des laps de temps où elle est inconnue, très bizarrement.
13:18 J'ai déjà même vendu des œuvres d'art contemporains où on a perdu 10 ans, on ne sait pas où a été le tableau,
13:24 mais en même temps on sait très bien qu'il n'y a aucun problème sur l'authenticité.
13:29 Mais la personne qui a vendu à l'époque est décédée, la deuxième personne entre-temps est également décédée,
13:38 et celle qui a revendu, décédée.
13:40 – D'accord.
13:41 – Et je trouve que ça n'a pas été indiqué dans les archives de la Galerie.
13:44 Et l'autre chose…
13:46 – Du coup si vous avez un doute, vous allez…
13:49 – Si vous avez un doute, il faut regarder déjà la qualité de l'œuvre,
13:52 et puis ensuite vérifier les provenances, surtout quand il y a des documents qui sont…
13:57 à la première lecture paraissent très bien, et puis à la deuxième lecture on s'aperçoit que la provenance
14:02 provient par exemple uniquement des gens décédés mais dont les archives ont disparu,
14:07 des galeries qui ont fermé.
14:10 Donc c'est assez amusant d'ailleurs de voir le brio avec lequel les faussaires ou les recelleurs
14:18 cherchent à fabriquer l'authenticité d'une œuvre et son… comment on appelle ça ?
14:25 – Tout leur recours à l'imaginatif qu'ils auront pour faire tout ça.
14:29 Et c'est vraiment de la responsabilité du galeriste de prouver que cette œuvre-là est une œuvre authentique ?
14:36 – Ah ben ça de toute façon nous sommes responsables, si on vend un faux par erreur,
14:41 ou par manque d'information, on est responsable et on est prié d'une part de la racheter,
14:48 le prix qu'on l'a vendu, et puis deuxièmement de faire le nécessaire par rapport à la justice ou à la police.
14:55 – Et dans cette loi il y a aussi tout un aspect concernant la technologie,
14:59 c'est une loi qui s'inquiète aussi des nouveaux outils numériques
15:02 qui vont permettre de créer des faux plus facilement.
15:06 Est-ce que vous en tant que galeriste d'art contemporain, du coup ça vous inquiète ?
15:09 Parce que ça c'est facile à…
15:11 – Disons qu'à partir du moment où il y a une nouvelle technique,
15:16 il y a toujours son complément, c'est-à-dire quelqu'un peut être un faussaire ou un truand.
15:26 Les NFT dont on a beaucoup parlé, on nous disait que ce n'était pas possible de les voler
15:31 parce qu'il y a les blockchains, il y a quand même une galerie anglaise qui s'est fait voler 60 NFT.
15:35 On vous dit que c'est unique, bon ça se copie.
15:39 Donc il y a toujours des astuces, de la même façon on sait très bien
15:44 quand on fabrique des nouvelles serrures, ça nous permet aux cambrioleurs
15:49 d'augmenter le temps pour pouvoir forcer la porte mais elle est toujours forçable.
15:53 – Est-ce que vous, il y a des caractéristiques sur des œuvres
15:55 qui vous donnent particulièrement du fil à retordre ?
15:59 À authentifier, à certifier ?
16:02 – Parfois oui, parce que j'ai eu entre les mains un De Kooning,
16:06 je l'ai montré à des spécialistes de De Kooning, à des grands amateurs de De Kooning,
16:10 tout le monde m'a dit "ça est formidable, il y a toute l'énergie, c'est l'artiste".
16:13 Et justement il y a le document qui l'accompagnait qui disait "Provenance,
16:17 galerie Intel en Belgique mais qui avait fermé et galerie à New York".
16:21 Là heureusement je connaissais la galerie qui avait également fermé
16:24 mais la secrétaire avait gardé toutes les archives photographiques
16:27 et comme tout était photographié systématiquement,
16:29 elle m'a confirmé, elle m'a dit "d'abord j'ai une très bonne mémoire photographique,
16:32 je n'ai jamais vu cette œuvre mais on va vérifier dans les archives"
16:35 et effectivement elle n'existait pas.
16:37 Mais c'est vrai que c'est aussi une question d'habitude,
16:40 à partir du moment où on commence à avoir des réflexes,
16:43 on a une chance de pouvoir vérifier qu'il y a un problème avec une œuvre.
16:46 – Mais du coup c'était une œuvre qui n'existait pas
16:49 et qu'on ne connaissait pas du marché de l'art et qui était une vraie ou c'était une fausse ?
16:51 – Non c'était une info. – Ah c'était info d'accord.
16:53 – Je me suis mal exprimé mais c'était info.
16:55 – Et concernant, pour finir, la loi, est-ce que vous trouvez qu'elle est complète ?
16:59 Est-ce que vous pensez en tant que galeriste qu'il faudrait rajouter certains aspects ?
17:03 – On peut toujours rajouter certains aspects
17:06 mais je pense qu'à partir du moment où on précise d'une manière large
17:10 que nous sommes responsables de la provenance des œuvres
17:13 et qu'on doit faire les recherches dans la mesure de nos moyens,
17:16 parce que c'est sûr qu'il s'agit d'une antiquité,
17:19 on ne peut pas remonter la provenance jusqu'à moins de mille,
17:23 mais par contre on peut vérifier si elles ont une partie de fouille légale ou illégale,
17:29 mais je pense qu'après il faut montrer qu'on a une bonne foi
17:33 et qu'on a cherché à vouloir vendre un bien qui soit propre.
17:38 – Merci beaucoup Baudouin Lebon d'avoir été avec nous,
17:41 de nous avoir accompagné aujourd'hui dans ce fin de patrimoine.
17:43 Je rappelle que vous êtes le vice-président de l'association ASTRE et galeriste
17:46 donc merci beaucoup de nous avoir accompagné aujourd'hui.
17:49 Merci Sybille, on vous retrouve bien sûr jeudi prochain.
17:52 Pour la suite de cette série sur la provenance des œuvres d'art,
17:55 tout de suite c'est Enjeu Patrimoine.
17:57 [Générique]
18:01 Et c'est parti pour Enjeu Patrimoine,
18:03 aujourd'hui retour sur le passage de l'ISF à l'IFI.
18:06 Comment cette réforme fiscale a-t-elle modifié les comportements des donateurs ?
18:10 Il semblerait qu'il soit moins avantageux de faire des dons caritatifs
18:14 et pourtant les chiffres montrent que le montant global des dons augmente.
18:17 En 2021, paradoxe, nous faisons point aujourd'hui avec notre invité Vincent Baudin,
18:21 directeur adjoint marketing et développement à la Fondation de France.
18:24 Bonjour.
18:25 Bonjour.
18:26 Bienvenue dans Smart Patrimoine, Vincent Baudin, merci beaucoup de nous accompagner.
18:29 Ma première question est simple, grosso modo,
18:32 combien de ménages sont in fine sortis du champ de l'impôt sur la fortune après cette réforme ?
18:37 Eh bien la réforme de l'ISF à l'IFI avait fait que,
18:41 comme il n'y avait plus que le patrimoine immobilier qui était assujetti,
18:44 c'est près de deux tiers des foyers en France qui étaient assujettis à l'ISF,
18:49 qui ne l'étaient plus à l'IFI, et puis pour ceux qui restaient assujettis,
18:52 ils payaient moins d'impôts puisque c'était seulement sur l'immobilier.
18:55 Et c'est vrai que la conséquence que ça a eue pour les dons qui étaient attachés à cet impôt,
19:01 ça a été aussi une baisse significative pour le secteur global.
19:06 Il y a eu une baisse d'environ 58% entre 2017 et 2018
19:12 des dons réalisés au titre de l'ISF puis de l'IFI.
19:16 Quelle est la différence entre les foyers restés imposés sur la fortune vs. IFI,
19:21 le taux appliqué aux dons caritatifs, pour qu'on ait un peu une idée ?
19:25 Alors le taux, il n'y a pas si grande différence que ça,
19:28 puisque quand on donne à une organisation au titre de l'impôt sur le revenu,
19:33 la réduction minimum est de 66%, 75% pour d'autres mêmes organisations,
19:39 et la réduction pour l'IFI ou l'ISF est de 75%.
19:44 Donc il y a au maximum 9 points de différence,
19:47 mais c'est vrai que certains donateurs profitaient de la réduction qu'ils avaient sur l'IFI
19:53 pour à la fois déduire de leur impôt sur le revenu et en plus de leur ISF.
19:57 Voilà ce qui se cachait derrière.
20:00 Comment on explique alors que la générosité, c'est ce qu'on disait tout à l'heure,
20:03 se concentre de plus en plus sur les niveaux de revenus les plus importants ?
20:06 Oui, vous le disiez en introduction, si on regarde l'évolution des dons en France,
20:12 les dons dont on a donné par les Français, c'est en croissance.
20:15 Au global, c'est en croissance ?
20:17 D'environ 3% chaque année.
20:19 Il y a eu une vraie accélération des dons lors de la crise sanitaire
20:22 où les Français ont été très généreux.
20:24 Ça a été le cas aussi en 2022 avec le conflit en Ukraine
20:30 où les Français ont répondu massivement à l'appel à la générosité des organisations.
20:34 Ça a été le cas à la Fondation de France quand on s'est mobilisé pour aider le peuple ukrainien.
20:38 On le voit encore en 2023, malgré la crise du pouvoir d'achat et de l'inflation
20:43 avec les séismes en Turquie ou en Syrie où les Français se sont encore massivement mobilisés.
20:48 Il y a de plus en plus de montants donnés.
20:51 Mais quand on regarde dans le détail et qu'on essaie de voir plus clairement ce qui se passe,
20:57 ça cache une disparité.
20:58 C'est que les ménages qui ont les revenus les plus faibles, eux, donnent de moins en moins.
21:05 On peut le comprendre depuis la crise de 2008 et accéléré depuis quelques mois par l'inflation.
21:10 Ces ménages-là ont un pouvoir d'achat contraint et ne sont plus en capacité de donner.
21:16 Donc, ils arrêtent de donner aux organisations ou donnent vraiment des sommes plus faibles qu'avant.
21:21 Mais c'est compensé largement par les foyers, par des plus riches qui donnent de plus en plus.
21:29 Et alors ça, comment vous l'expliquez ?
21:31 Je pense que les personnes les plus aisées se rendent compte que l'État ne peut plus tout, ne peut pas tout.
21:38 Quand on voit ce qu'il y a à faire dans le système de santé, quand on voit le conflit en Ukraine,
21:44 on se rend bien compte qu'on ne peut pas tout attendre de l'État, qu'on ne peut plus tout attendre
21:49 et que chacun a un rôle à jouer, chacun a sa part d'intérêt général.
21:52 Et chacun, au-delà de ses impôts, peut, avec un don, décider d'agir, d'accélérer,
21:58 d'agir en faveur d'une cause qui lui parle, que ce soit l'environnement, l'aide aux plus démunis ou la recherche médicale.
22:05 Donc vous, vous diriez que cette réforme fiscale sur le don caritatif, elle a eu un effet positif ?
22:10 Alors, positive la réforme de l'ISF en IFI, je n'irai peut-être pas jusque là,
22:15 parce qu'il y a eu quand même un à-coup sur ce dispositif-là, mais globalement, vous avez raison.
22:21 Qu'on se sépare tout de même d'une partie de donateurs, quelque part, qui eux sortent des radars.
22:28 Ils ont dû sortir un peu des radars, mais globalement, les foyers les plus aisés donnent de plus en plus.
22:33 Et ça, la réforme n'a pas ralenti cette tendance de fond, qui est aujourd'hui que les personnes qui en ont les moyens
22:39 ont envie d'être de plus en plus solidaires.
22:41 Vers où, dites-nous, la majorité des dons se dirigent-elles aujourd'hui ?
22:45 Alors, en termes de causes, les causes les plus soutenues, ce sont les causes de la recherche médicale,
22:50 la recherche sur le cancer, la recherche sur les maladies neurodégénératives, notamment.
22:55 Ce sont aussi l'aide aux plus démunis en France, ça s'est accéléré, notamment lors de la crise sanitaire.
23:02 C'était déjà une cause très importante pour les Français, ça l'est encore plus devenu.
23:06 Et puis, la solidarité internationale, comme dans des conflits en Ukraine ou des séismes dont j'ai parlé,
23:13 mais aussi pour lutter contre la faim, aider des projets de développement dans des pays qui en ont besoin.
23:21 Vous, qu'est-ce que vous constatez à la Fondation de France ? Quel est le profil de ces donateurs ?
23:25 Comment, vous, sur le terrain, vous avez constaté cette petite évolution ?
23:31 Alors, à la Fondation de France, on retrouve vraiment cette tendance qu'on voit dans l'ensemble du secteur de la générosité.
23:38 Il y a une vraie corrélation, quand on regarde les études, entre l'âge et le don.
23:43 Plus on est âgé, plus on donne. C'est assez logique, puisqu'on n'a plus d'enfants à charge, plus de prêts à rembourser pour sa maison.
23:52 Et puis, le passage à la retraite, c'est aussi l'occasion d'avoir plus de temps pour des activités bénévoles.
23:57 Et pour toutes ces raisons-là, on se met à plus donner.
24:01 Et donc, il y a une vraie corrélation entre l'âge et le fait de donner, entre le niveau de revenu, on l'a vu, et le fait de donner.
24:09 Ça ne veut pas dire que les tranches d'âge les plus jeunes ne sont pas généreuses.
24:14 Elles le sont pour une partie d'entre eux, vraiment.
24:17 Et les jeunes, d'ailleurs, quand ils sont généreux, ils le sont vraiment, sur des montants importants.
24:22 Mais avec des causes différentes. On va retrouver les causes de l'environnement, de la protection de l'environnement,
24:29 de chez les générations les plus jeunes, sur les questions d'égalité, hommes-femmes, de diversité.
24:36 On va retrouver, ou d'accès aux droits humains, des causes différentes en fonction de l'âge et des profils.
24:42 Pour qu'on ait une idée des montants, c'est vrai qu'on imagine que ceux qui sont assujettis à l'impôt sur la fortune ou à l'IFI sont des gens plutôt aisés.
24:51 En termes de proportion, de montant, vous dites qu'ils sont moins, mais ils donnent plus.
24:58 Qu'est-ce que ça veut dire ? Et quand on a un portefeuille un peu moins important, combien on donne ?
25:04 Est-ce que vous avez quelques chiffres à nous donner pour qu'on se rende compte ?
25:07 Globalement, les gens qui donnent aux organisations, en moyenne, toutes organisations confondues, environ 500 euros par an.
25:15 C'est déjà un montant très significatif. Et le don moyen des personnes qui donnent au titre de l'IFI, c'est plus de 5000 euros.
25:24 On voit qu'on est dans un rapport de 1 à 10, donc très différent.
25:30 On est sur des montants très significatifs, mais au global, le secteur de la générosité, c'est environ 3,5 milliards d'euros de dons faits par les Français tous les ans.
25:40 Et c'est un peu moins de 200 millions au titre de l'IFI. Donc on voit que l'IFI ne pèse qu'une petite part au global de la générosité des Français.
25:48 Comment vous voyez cette tendance évoluer ces prochaines années ?
25:52 Si on a envie de voir les choses positivement, je crois vraiment que les Français vont continuer à être de plus en plus généreux.
25:59 Je pense qu'il y a cette vraie tendance de fond. On en a parlé des foyers les plus aisés qui continueront à donner de plus en plus.
26:07 Et nous, on voit la Fondation de France, on accueille plein d'entrepreneurs qui viennent créer leur fondation abritée à la Fondation de France.
26:13 Et on voit justement ce profil-là vraiment arriver d'entrepreneurs qui ont réussi, qui vendent des parts de leur société à 40, 45 ans, 50 ans après une très belle réussite entrepreneuriale.
26:24 Une nouvelle forme d'engagement, c'est ça que vous nous dites ?
26:27 Et de dire je veux partager la valeur, je veux partager ma réussite avec ceux qui en ont besoin et je crée ma fondation abritée à la Fondation de France.
26:38 Et je vais m'engager pour la cause qui m'intéresse. Et ça, on voit vraiment cette accélération-là qui se dessine.
26:45 Et puis j'espère que les foyers qui ont des revenus plus contraints, que l'impact de l'inflation pour eux va diminuer.
26:54 Ils vont pouvoir renouer avec leur pratique de dons. On est convaincus que c'est aussi quelque chose d'essentiel.
26:59 Parce qu'on rappelle qu'il y a un intérêt en termes de fiscalité notamment à donner.
27:03 Oui, mais au-delà de ça, le don à la base, parce que quand on regarde les études, oui la fiscalité accélère, mais ça n'est jamais la première motivation de donner.
27:10 Et la première motivation de donner, c'est d'être utile à une cause qui nous intéresse. Et c'est aussi un facteur vraiment de lien social.
27:16 Et je pense que dans notre société, on voit ce repli sur soi de chacun, parfois, monter, ces tensions naître.
27:25 Et bien le don, le fait de donner, le fait de s'impliquer bénévolement dans des associations, c'est ça qui fait qu'on arrive tous à vivre ensemble, à faire société.
27:33 Et donc j'espère vraiment que le don va continuer sous toutes ses formes à se développer.
27:37 C'est magnifique. On va terminer là-dessus. Merci beaucoup, Vincent Baudin, d'avoir été avec nous aujourd'hui dans ce matin à Trémignes.
27:42 Je vous rappelle, vous êtes directeur adjoint marketing et développement à la Fondation de France.
27:46 Merci beaucoup de nous avoir accompagnés. Merci à vous de nous avoir suivis.
27:50 On se retrouve très vite pour un nouveau numéro de Smart Patrimoine, à très vite sur Bsmart. Ciao.
27:55 [Musique]

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